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Full text of "La musique à l'académie de Lyon au dix-huitième siècle"

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HAROLD  B.  LEE  LIBRARY 

BRIGHAM  YOUNG  UNIVKflSITY 

PROVO,  UT  AH 


NOV  1  6  1W 


: 


LA     MUSIQUE      A 

L'ACADÉMIE    DE    LYON 

AU     DIX-HUITIÈME    SIÈCLE 

PAR 

LÉON     VALLAS 


ÉDITIONS     DE     LA 
REVUE     MUSICALE     DE     LYON 

NOVEMBRE 
I908 


IL   A    ETE    TIRE  : 

10  exemplaires  sur  papier  de  Hollande  numérotés  de  i  à  10 
390  exemplaires  sur  papier  ordinaire  numérotés  de  1 1  à  400 
110  exemplaires    pour  l'Université,   non  numérotés. 

Exemplaire  No. 


TABLE  DES  MATIERES 


Pages 

Avertissement xi 

Introduction xiii 

Bibliographie xvii 

IMPARTIE. 

Les  Concerts  de  l'Académie  des  Beaux-Arts 
(1713-1774). 

I.  Fondation  et  débuts  de  l'Académie  des  Beaux-Arts  (17 13-17 18). — - 

Les  fondateurs  :  Christin  et  Bergiron  du  Fort-Michon.  —  Organisation  de 
la  société  :  recrutement,  administration,  choix  du  titre,  composition  de 
l'orchestre,  Bergiron  batteur  de  mesure.  —  Le  répertoire.  —  U  Impromptu 
en  l'honneur  du  Maréchal  de  Villeroy.  —  Bergiron  compositeur.  — 
L'Académie  reconnue  officiellement.  —  Mgr  de  Villeroy,  archevêque  de 
Lyon,  compositeur  et  chef  d'orchestre.  —  Le  clergé  et  l'Académie.  — 
Les  motets 3 

II.  Rameau  a  Lyon;  l'Académie  de   1718A1724.  —  Rameau,  organiste  à 

Lyon  en  17 14:  quelques  unes  de  ses  œuvres,  motets  et  cantates,  auraient 
été  composées  pour  l'Académie.  —  Le  Retour  de  'Pyrrhus  Nèopto/ème.  — 
Villesavoye  et  David,  maîtres  de  musique  de  l'Académie.  —  Le  répertoire 
et  les  "  divertissements  "  de  Bergiron.  —  L'Académie  des  Jacobins.  — 
Fête  pour  la  convalescence  du  Roi 35 

III.  L'Académie  de  1724  a  1736.  —  L'Académie  obtient  des  Lettres- 
Patentes,  et  se  constitue  officiellement.  —  Construction  de  l'Hôtel  du 
Concert.  —  Villesavoye,  maître  de  musique,  et  les  musiciens  de  profession: 
Jean-Marie  Leclair  le  second.  —  Difficultés  financières.  —  Quelques 
cérémonies 53 


viii  TABLE  DES  MATIERES 

IV.  L'Académie  de  1736  a  1759.  —  Transformation  de  l'Académie  :  les 
instrumentistes  amateurs  cèdent  la  place  à  des  gagistes.  —  La  débâcle 
financière  :  la  Ville  de  Lyon  devient  propriétaire  du  Concert.  —  Grenet, 
maître  de  musique  de  l'Académie;  la  cantatrice  Selim.  —  Mondonville  et 
Guignon  à  Lyon  en  1744  ;  Jean-Marie  Leclair  l'aîné  ;  les  artistes  de 
passage.  —  Les  maîtres  de  musique  de  l'Académie  après  Grenet  :  Mathieu 
Bellouard,   Mangot,   Le   Goux   l'aîné.   —   Le    personnel    de    l'Académie 

en  1757.  Le  répertoire 73 

V.  Bollioud-Mermet   et   la  "  Corruption    du   goût   dans   la   musique 

FRANÇAISE  " 99 

VI.  Le  Concert  de  1759  a  1768.  —  Les  Tetites  Affiches  de  Lyon  publient 
presque  chaque  semaine  le  programme  des  concerts.  —  Le  répertoire  latin 
et  français  :  abondance  des  œuvres  nouvelles.  —  Œuvres  de  Gluck  et 
de  Haendel  à  Lyon.  —  Les  virtuoses.  —  Concurrence  d'une  société 
d'amateurs.  —  Vogue  des  ariettes  et  autres  petits  morceaux.  —  Les 
"  symphonies  ".  —  Les  clarinettes.  —  Brijon,  violoniste.  —  Installation 
d'un  orgue.  —  Budget  du  Concert  en  1765.  —  Etat  des  pensionnaires  en 
1765  et  1766.  —  Le  premier  organiste:  Beauvarlet-Charpentier.  — 
Mozart  à  Lyon  en  1766. —  Difficultés  financières  et  expédients     .     .     .   105 

VII.  Dernières  années  de  l'Académie:  i 769-1 773.  —  Mort  de  Bergiron 
du  Fort-Michon.  —  Le  répertoire  et  les  artistes  pendant  les  dernières 
années.  —  Charpentier  et  le  répertoire  de  l'orgue.  —  Rousseau  à  Lyon  : 
il  fait  exécuter  un  de  ses  motets  au  Concert.  —  Les  successeurs  de 
Charpentier  :  Broche,  Belmard,  Colesse  jeune.  —  Débuts  du  piano.  — 
Derniers  expédients  administratifs.  —  Mlle  Fel  à  Lyon.  —  La  fin  de 
l'Académie  des  Beaux-Arts  et  du  Concert.  —  L'hôtel  du  Concert 
après   1773 131 

VIII.  La  bibliothèque  du  Concert.  —  Note  des  Almanachs  de  Lyon.  — 
Les  partitions  formant  la  bibliothèque  ;  leur  origine.  —  Une  partie  de  ce 
fonds  conservé  dans  la  bibliothèque  du  Palais  des  Arts.  —  Les  bibliothé- 
caires de  l'Académie.  —  Les  dons  de  Christin  et  de  Hedelin.  —  Coignet, 
garde  de  la  bibliothèque.  —  La  bibliothèque  de  Bergiron.  —  Inventaire  de 
la  bibliothèque  du  Concert,  avec  indications  bibliographiques  des  ouvrages 
conservés 149 


TABLE    DES   MATIÈRES  ix 


2e  PARTIE. 

Les  discussions  musicales  a  l'Académie  des  Beaux-Arts,  et 

a  l'Académie  des  Sciences  et  Belles-Lettres 

(1700-1793). 

I.  La  Musique  dans  les  deux  Académies.  —  La  Musique,  poëme  du  Père 

Fellon.  —  Une  leçon  de  musique,  de  Brossette  à  Boileau.  —  Liste  par 
ordre  chronologique  des  mémoires  sur  la  musique  lus  dans  les  deux 
Académies.  —  Les  Académiciens  musiciens  :  Bordes,  Cheinet,  Clapasson, 
le  Père  Dumas,  Joannon,  Mathon  de  la  Cour,  le  Père  Tolomas,  Thorel 
de  Campigneulles,  etc 171 

II.  L'actualité  musicale  et    l'histoire    de    la    musique.  —  L'Académie 

néglige  l'actualité  musicale,  peut-être  par  esprit  rétrograde  :  les  idées  de 
Bollioud-Mermet  approuvées  par  ses  collègues  ;  une  lettre  concernant  la 
Guerre  des  Bouffons.  —  Opinions  sur  la  critique.  —  Bordes  et  l'opéra 
italien.  —  L'histoire  de  la  musique  :  la  musique  des  Anciens  et  leur 
déclamation  dramatique 179 

III.  L'harmonie.  —  Tous  les  mémoires  sur  l'harmonie  présentent  des  idées 
empruntées  à  Rameau.  —  Mémoires  de  Joannon,  de  Mathon,  de  Bollioud- 
Mermet.  —  Eloge  de  Rameau  par  Cheinet  :  la  génération  de  la  tierce 
mineure.  —  Le  traité  d'harmonie  du  Père  Dumas 193 

IV.  Le  tempérament.  —  Un  mémoire  de  Bollioud-Mermet  sur  l'accord  des 
instruments  à  clavier,  cause  l'intervention  de  Rameau.  —  Lettre  de 
Rameau.  —  Bollioud-Mermet  devient  un  adversaire  du  tempérament 
égal.  —  Les  travaux  du  Père  Dumas  et  ses  Entretiens  en  réponse  aux 
objections  de  Bollioud 207 

V.  Divers  mémoires.  Inventions  et  travaux  soumis  a  l'approbation  de 

l'Académie.  —  Mémoires  consacrés  à  la  théorie  musicale  et  à  l'esthétique. 

—  Inventions  et  travaux  soumis  par  des  Académiciens  et  par  des  Etrangers. 

—  Le  dernier  travail  présenté  à  l'Académie,  en  179 1,  est  dû  à  Brijon.  — 
Dispersion  de  l'Académie  au  mois  d'août  1793 219 

Table  Alphabétique  des  Noms  Cités 229 

» 


Z' 'UNIVERSITÉ  de  Lyon  nous  a  fait  ï1  honneur  d'accepter  ce  volume 
d'histoire  musicale  comme  thèse  pour  son  doctorat  es-lettres.  Nous  lui  en 
sommes  profondément  reconnaissant,  et  nous  exprimons  nos  remerciements  respec- 
tueux à  M.  le  Doyen  Léon  Clédat,  et  à  M.  le  Professeur  Fernand  Baldensperger, 
chargé  du  rapport  sur  notre  thèse.  La  musique,  généralement  exclue,  pour 
I enseignement,  de  la  catégorie  des  "  Beaux-Arts  " ,  n'avait  pas  fait  encore  son 
entrée  officielle  à  V  Université  de  Lyon.  Ce  n'est  pas  une  petite  satisfaction  pour 
nous  que  d'avoir,  grâce  à  l'indulgence  de  nos  maîtres  de  la  Faculté,  le  grand 
honneur  d'être  le  premier  à  y  représenter  la  musique. 

Nos  recherches  ont  été  facilitées  par  la  complaisance  de  diverses  personnes, 
et,  principalement,  par  :  M.  Georges  Tricou,  qui  se  dépouilla  en  notre  faveur 
des  nombreux  documents  qu'il  avait  amassés  concernant  la  musique  à  Lyon  ; 
M.  M.  Michel  Brenet  et  Lionel  de  la  Laurencie,  de  Paris,  dont  le  dévouement 
pour  leurs  confrères  égale  la  haute  érudition  en  matière  d'histoire  musicale  ;  les 
divers  dépositaires  des  fonds  publics  de  Lyon,  auprès  de  qui  nous  avons  toujours 
trouvé  le  meilleur  accueil,  et  spécialement  M.  Georges  Guigue,  archiviste  en  chef 
du  département  du  Rhône,  M.  Richard  Cantinelli,  bibliothécaire  en  chef  de  la 
ville  de  Lyon,  M.  Marc  Brisac,  bibliothécaire  du  Palais  des  Arts,  M.M.  Rochex 
et  Boulieu,  chef  de  bureau  et  rédacteur  aux  Archives  communales. 


INTRODUCTION 


Nous  réunissons  dans  ce  volume  l'historique  de  Y  Académie 
des  Beaux-Arts  et  du  Concert,  société  de  concerts  hebdo- 
madaires, et  l'examen  rapide  des  discussions  concernant 
la  musique,  qui  eurent  lieu  dans  deux  compagnies  savantes  de 
Lyon  :  Y  Académie  des  Sciences  et  Belles-Lettres  et  Y  Académie  des 
Beaux-Arts  ou  Société  Royale,  dont  la  fusion  donna  naissance,  en 
17585  a  l'actuelle  Académie  des  Sciences,  Belles-Lettres  et  Arts  de  Lyon. 

L'histoire  de  Y  Académie  des  Beaux-Arts  et  du  Concert  n'a 
jamais  été  écrite  ou  même  esquissée.  Quant  à  l'histoire  de  Y  Aca- 
démie des  Sciences,  Belles-Lettres  et  Arts,  elle  a  été  racontée  de  la 
façon  la  plus  incomplète  par  J.  B.  Dumas  dans  deux  volumes 
publiés  sous  le  titre  :  Histoire  de  l'Académie  royale  des  Sciences, 
Belles-Lettres  et  Arts  de  Lyon  (Lyon,  chez  Giberton  et  Brun,  1839). 
Nous  donnons  ci-dessous  une  sorte  de  tableau  chronologique  qui, 
en  indiquant  les  dates  essentielles  des  différentes  Académies  de 
Lyon,  nous  montrera  aussi  les  rapports  de  ces  sociétés  entre  elles, 
et  nous  justifiera  d'avoir  réuni  leur  histoire  musicale  en  un  seul 
volume  : 

Mai  1700  :  Fondation,  sous  le  titre  à' Académie  des  Sciences  et 
Belles-Lettres,  d'une  société  de  beaux  esprits  se  réunissant  en  con- 
férences irrégulières. 

Année  171 3  :  Fondation,  sous  le  titre  à' Académie  des  Beaux- 
Arts,  d'un  "  concert  de  musique  composé  de  plusieurs  citoyens 
de  cette  ville,  amateurs  de  cet  art  ". 


xiv  LA    MUSIQUE    A    LYON 

introduc-  Août    17 14  :   U  Académie  des    Beaux-Arts   est   officiellement 

tion  constituée  sous  la  protection  du  Maréchal  Duc  de  Villeroy,  gou- 

verneur de  Lyon. 

Août  1724  :  Lettres-Patentes  portant  établissement  d'une 
Académie  des  Sciences,  des  Belles-Lettres  et  des  Beaux-Arts,  divisée 
en  deux  compagnies  :  l'une  sous  le  nom  à' Académie  des  Sciences  et 
Belles-Lettres,  l'autre  sous  celui  d' Académie  des  Beaux-Arts.  Cette 
double  compagnie,  formée  d'éléments  réellement  indépendants, 
était  placée  sous  la  protection  du  Maréchal  Duc  de  Villeroy. 
L'Académie  des  Beaux-Arts  fit  alors  construire  une  salle  de  concert: 
sa  seule  occupation  consistait  à  cette  époque  en  l'organisation  de 
séances  musicales  hebdomadaires  ;  pourtant  ses  statuts,  dès  1724, 
faisaient  mention  de  conférences  consacrées  aux  Beaux-Arts,  en 
général.  Ces  conférences  n'eurent  lieu  qu'exceptionnellement. 

Avril  1736  :  Les  conférences  de  l'Académie  des  Beaux-Arts 
s'organisent  régulièrement  ;  en  même  temps,  l'exécution  des  con- 
certs est  entièrement  confiée  à  des  musiciens  professionnels,  gagistes. 

30  décembre  1741  :  A  la  suite  d'une  délibération  prise  à 
cette  date,  la  ville  de  Lyon  acquiert  la  propriété  de  l'immeuble  et 
du  mobilier  de  l'Académie  des  Beaux- Arts  (section  des  Concerts). 
En  conséquence  de  cette  situation  nouvelle,  le  titre  d3 Académie  des 
Beaux-Arts  désigne  à  la  fois  deux  compagnies  entièrement  dif- 
férentes :  une  compagnie  savante,  et  une  entreprise  de  concerts. 
Cette  dernière  société  est  parfois  plus  spécialement  désignée  sous  le 
nom  &  Académie  des  Beaux-Arts  et  du  Concert. 

Ier  juin  1748:  Lettres-Patentes  (modifiées  par  de  nouvelles 
Lettres  du  Ier  novembre  1750)  portant  désunion  de  la  Société  des 
Concerts,  qui  garde  le  nom  à! Académie  des  Beaux-Arts,  et  de  la 
Société  des  Conférences,  qui  reçoit  le  titre  de  Société  Royale  des 
Beaux- Arts. 

Novembre  1752  :  Lettres-Patentes  portant  confirmation  de 
l'établissement  de  Y  Académie  des  Sciences  et  des  Belles-Lettres. 

Juin  1758  :  Lettres-Patentes  portant  réunion  de  Y  Académie 
des  Sciences  et  Belles-Lettres  et  de  la  Société  Royale  des  Beaux-Arts, 
en    une    seule   compagnie    appelée   Académie  des   Sciences,   Belles- 


AU    DIX-HUITIÈME    SIÈCLE  xv 

Lettres  et  Arts  de  Lyon.  Cette  Académie  fonctionna  régulièrement  introduc- 
jusqu'au  mois  d'août  1793.  A  cette  époque,  elle  fut  dispersée.   Sa  TION 
reconstitution  date  de  l'année  1800. 

YS  Académie  des  Beaux-Arts  et  du  Concert  donna  des  concerts 
hebdomadaires,  presque  sans  interruption,  jusqu'en  1773  ou  1774. 
Elle  disparut  alors,  et  ne  fut  jamais  rétablie. 

Il  est  difficile,  comme  le  montre  ce  tableau,  d'imaginer  une 
plus  grande  confusion  historique,  aggravée  encore  par  l'indécision 
d'une  nomenclature  un  peu  fantaisiste.  Ainsi,  X Académie  des  Sciences 
et  Belles-Lettres,  fondée  en  1700,  devint  X Académie  des  Sciences, 
Belles-Lettres  et  aArts  à  la  suite  de  sa  fusion  avec  la  Société  Royale 
des  Beaux-nArts .  Cette  Société  Royale  tirait  son  origine  de  XzAcadémie 
des  Beaux-aArts  qui,  d'abord,  avait  été  exclusivement  une  société 
de  concerts,  puis  s'était  divisée  en  deux  sections,  s'occupant  l'une  de 
musique,  l'autre  de  conférences  scientifiques.  UaAcadémie  des 
Sciences  et  Belles-Lettres,  dans  ses  séances,  traitait  surtout  des  sujets 
littéraires  ;  la  Société  Royale  des  Beaux-tArts  (ancienne  section  des 
conférences  de  X Académie  des  Beaux-zArts)  discutait  des  questions 
scientifiques;  et  XiAcadémie  des  Beaux-zArts  proprement  dite  orga- 
nisait des  concerts. 

J.  B.  Dumas,  dans  son  histoire,  ne  s'est  pas  inquiété  de  ces 
distinctions  un  peu  subtiles  :  il  a  laissé  complètement  de  côté,  non 
seulement  les  concerts  de  XzAcadémie  des  Beaux-zArts  —  ce  qui  était 
excusable  —  mais  encore  X  ^Académie  des  Beaux-zArts  en  tant  que 
société  savante,  et  la  Société  Royale.  Les  trois  compagnies  lyonnaises, 
dont  nous  avons  indiqué  les  avatars,  eurent  pourtant  assez  de  points 
communs,  soit  dans  leur  origine,  soit  dans  leurs  transformations 
successives,  pour  mériter  d'être  étudiées  ensemble.  (1) 

(1)  Références  concernant  l'historique  des  origines  des  académies  :  Divers 
manuscrits  académiques:  n°  157  (p.  96  et  130-133),  n°  269  tout  entier;  n°  270  ; 
registres  des  procès-verbaux  des  deux  académies.  Archives  municipales  :  dossiers  spé- 
ciaux. Archives  départementales  :  dossier  D.  448.  Manuscrit  n°  1.032  du  Fonds  Coste 
(bibliothèque  de  Lyon),  etc. 


BIBLIOGRAPHIE 


Les  principales  sources  de  notre  histoire  musicale  de  l'Aca- 
démie sont  : 

A.  —  Manuscrits. 

i.  Les  Archives  de  l'Académie  de  Lyon  conservées  dans  la 
bibliothèque  du  Palais  des  Arts,  et  comprenant  :  les  registres  des 
procès-verbaux  de  l'Académie  des  Sciences,  Belles-Lettres  et  Arts 
de  Lyon,  de  1724  à  1793  (vingt  et  un  volumes  in-40)  ;  —  les 
registres  des  procès-verbaux  de  l'Académie  des  Beaux-Arts  ou 
Société  Royale  de  Lyon,  de  1736  à  1758  (quatre  volumes  in-f°)  ; — 
la  collection  très  incomplète  des  mémoires  présentés  aux  deux 
Académies  de  1724  à  1793  ;  —  la  correspondance  académique 
(quatre  volumes). 

2.  Les  Archives  de  la  Ville  de  Lyon,  et  spécialement  les 
registres  des  délibérations  du  Consulat  (série  BB),  et  les  dossiers 
de  l'Académie  et  du  Concert  (Inventaire  Chappe,  XX,  p.  3  3  3- 
355,  séries  DD  et  GG). 

3.  Les  Archives  départementales  du  Rhône. 

4.  Les  Archives  hospitalières  de  la  Charité. 

5.  Divers  manuscrits  de  la  Grande  bibliothèque  de  Lyon. 

B.  —  Imprimés. 

1.  Collection  des  Almanachs  de  Lyon  au  XVIIIe  siècle. 

2.  Affiches,  Annonces  et  Avis  divers  de  Lyon,  ou  Petites 
Affiches,    publication    hebdomadaire,    puis    bi-hebdomaire,    dont, 


xviij  LA    MUSIQUE    A    LYON 

bibliogra-   malgré   nos   recherches  à   Lyon   et   Paris,  nous   n'avons  pu   nous 
phie  procurer  que  quinze  années  (1750,  et  1759  à  1772). 

3.   Le  Mercure  de  France  et  le  "Journal  de  Trévoux. 

C.  —  Fonds  musical  de  la  bibliothèque  du  Palais  des 
Arts,  qui  renferme  une  partie  de  la  bibliothèque  de  l'Académie 
des  Beaux-Arts  et  du  Concert,  et  auquel  nous  consacrons  un 
chapitre  spécial. 

Nos  recherches  ne  nous  ont  pas  permis  de  découvrir  les 
registres  du  Concert  de  l'Académie  des  Beaux-Arts,  disparus 
peut-être  lors  de  la  vente  de  l'Hôtel  du  Concert  en  1792.  Nous 
n'avons  pas  non  plus  retrouvé  un  mémoire  écrit  vers  1750  par 
Bollioud-Mermet  sous  le  titre  :  Observations  sur  rétablissement,  le 
progrès  et  la  décadence  du  Concert  de  Lyon.  Ces  registres  et  ce 
mémoire,  ainsi  que  quelques-unes  de  ces  correspondances  particu- 
lières du  xvme  siècle,  qu'il  est  de  tradition  dans  les  familles 
lyonnaises  de  ne  jamais  communiquer,  nous  auraient  permis  d'écrire 
une  histoire  vraiment  musicale  de  l'Académie,  tandis  que  nous 
avons  été  réduit  à  faire  l'historique  pour  ainsi  dire  extérieur  de 
cette  Compagnie  dans  ses  rapports  avec  la  musique. 

Nul  travail  d'ensemble  —  ouvrage  ou  simple  article  —  n'a 
été  jusqu'à  présent  consacré  à  la  musique  à  Lyon  au  xvnie  siècle. 
Aussi  n'existe-t-il  pas  à  proprement  parler  de  bibliographie  sur  ce 
sujet.  Nous  n'avons  pas  à  citer  les  différents  travaux  concernant, 
en  général,  l'Académie  des  Sciences,  Belles-Lettres  et  Arts  de 
Lyon,  ni  les  ouvrages  d'histoire  de  Lyon  qui  se  sont  contenté 
le  plus  souvent  de  signaler  l'existence  de  l'Académie  musicale 
du  Concert  en  reproduisant  les  quelques  lignes  officielles  com- 
muniquées par  cette  société  aux  Almanachs,  ou  celles  publiées 
par  le  Père  de  Colonia  dans  son  Histoire  littéraire  de  la  Ville 
de  Lyon. 

Cinq  ouvrages  généraux  seulement,  croyons-nous,  doivent 
être  indiqués  dans  une  bibliographie  musicale  lyonnaise  du 
xvme  siècle.  Ce  sont  les  suivants  : 


AU    DIX-HUITIÈME    SIÈCLE  xix 

Ant.-Fr.  Delandine  :  Manuscrits  de  la  bibliothèque  de  Lyon...  bibliogra- 
(Paris,   Renouard,    1812,   3   vol.   in-8°).   On  y  trouve   une   brève  PHIE 
indication  des  manuscrits  académiques  relatifs  à  la  musique,  dont 
l'examen  constitue  la  seconde  partie  de  notre  étude.  L'ouvrage  de 
Delandine,  comme  nous  le  signalerons,  a  été  utilisé  par  Fétis  dans 
la  Biographie  des  Musiciens. 

F.-George  Hainl  :  De  la  musique  à  Lyon  depuis  171 3 
jusqu'à  1852  (Lyon,  Vingtrinier,  1852,  in-8°  de  32  p.).  Discours 
de  réception  à  l'Académie  de  Lyon  prononcé  en  1852  par  George 
Hainl,  alors  chef  d'orchestre  du  Grand-Théâtre.  La  première  partie 
est  une  notice  historique  de  la  musique  à  Lyon  ;  la  seconde  partie 
expose  quelques  considérations  sur  "  la  nécessité  d'un  enseignement 
musical  organisé  sur  de  larges  bases  ".  Cet  intéressant  discours  n'a 
pas  de  valeur  historique  ou  documentaire.  La  première  partie  en  a 
été  plagiée  par  M.  Reuchsel  dans  l'ouvrage  cité  plus  loin. 

Emmanuel  Vingtrinier  :  Le  Théâtre  à  Lyon  au  XVIIF  siècle, 
article  de  la  Reloue  du  Lyonnais  publié  en  tirage  à  part  (Lyon, 
Meton,  1879,  in-8°  de  130  p.).  Cette  étude  sérieuse  mentionne 
les  séances  musicales  de  l'Académie  des  Beaux-Arts. 

Prosper  Holstein  :  Le  Conservatoire  de  musique  et  les  salles  de 
concert  à  Lyon,  article  de  la  Reloue  d'Histoire  de  Lyon,  également 
publié  en  tirage  à  part  (Lyon,  Rey,  1904,  in  8°  de  52  p.).  Etude 
consciencieuse  qui  n'a  que  le  défaut  de  s'en  remettre  parfois, 
comme  référence,  à  l'ouvrage  suivant. 

Maurice  Reuchsel  :  La  Musique  à  Lyon,  article  publié 
d'abord  dans  YExpress  musical,  puis  en  tirage  à  part  (Lyon,  Le- 
gendre,  1903,  petit  in-8°  de  107  p.).  Dans  cette  plaquette, 
dépourvue  de  tout  intérêt  et  de  toute  documentation,  M.  Maurice 
Reuchsel  consacre  aux  xvne  et  xviif  siècles  réunis  une  dizaine 
de  petites  pages,  au  cours  desquelles  il  est  plus  facile  de  relever  dix 
erreurs  grossières  doublées  d'ingénus  plagiats,  qu'une  seule  in- 
dication exacte. 

A  ces  ouvrages  lyonnais,  il  est  impossible  de  ne  pas  ajouter  la 
si  complète  étude  publiée  par  M.  Michel  Brenet,  Les  Concerts  en 


PHIE 


xx  LA    MUSIQUE    A    LYON 

bibliogra-  France  sous  l'ancien  régime  (Paris,  Fischbacher,  1900,  in-12  de 
407  p.),  et  parue  d'abord  dans  le  Guide  musical  de  Bruxelles.  C'est 
une  œuvre  définitive,  véritable  livre  de  chevet  pour  les  érudits  et 
les  amateurs  s'intéressant  au  xvme  siècle  musical,  et  qui  doit  servir 
de  modèle  à  tous  les  ouvrages  du  même  genre.  Nous  nous  y 
sommes  reporté  sans  cesse  au  cours  de  la  préparation  et  de  la 
rédaction  de  notre  étude.  (1) 

Quant  aux  quelques  articles  spéciaux  concernant  divers  points 
de  l'histoire  musicale  lyonnaise,  et  publiés  pour  la  plupart  dans 
notre  Reloue  musicale  de  Lyon,  nous  ne  croyons  pas  utile  d'en 
établir  la  liste  ici.  Leur  référence  exacte,  ainsi  que  celle  des 
nombreux  ouvrages  que  nous  citons  dans  notre  étude,  est  indiquée 
en  note  à  chaque  page  ;  on  la  retrouvera  facilement  grâce  à 
l'index  alphabétique  des  noms  cités. 

(1)  L'histoire  musicale  des  provinces  françaises,  si  longtemps  négligée,  semble 
prendre  son  essor.  C'est  sans  doute  à  l'influence  indirecte  de  M.  Michel  Brenet  que 
nous  devons  le  remarquable  ouvrage  de  M.L.  de  la  Laurencie  sur  Y  Académie  de  musique 
et  le  Concert  de  Nantes  (Paris,  Ste  Fse  d'imprimerie,  1906,  in  8°  de  21 1  p.),  et 
l'intéressante  plaquette  de  M.  Léon  Lefebvre  sur  le  Concert  de  Lille  (Lille,  Lefebvre- 
Durocq,  1908,  in  8°  de  66  p.).  A  ces  deux  ouvrages,  nous  ne  saurions  joindre  le 
volume  récent  de  M.  André  Gouirand  sur  la  Musique  en  Provence  et  le  Conservatoire 
de  Marseille  (Marseille,  Ruât,  1908,  in-12  de  484  p.)  dont  la  première  partie  est  écrite 
presque  entièrement  d'après  Fétis  ! 


PREMIERE       PARTIE 

LES    CONCERTS    DE    L'ACADÉMIE 

DES     BEAUX-ARTS 

(1713-1774) 


I 

Fondation   et   Débuts 

de  l'Académie   des  Beaux-Arts 

(1713-1718). 


La  fondation  de  la  société  musicale  qui,  sous  le  titre  d'Aca- 
démie des  Beaux- Arts  ou  d'Académie  du  Concert,  devait 
vivre  pendant  plus  de  soixante  années,  fut  l'œuvre  presque 
exclusive  de  deux  jeunes  gens  :  Jean-Pierre  Christin,  et  Nicolas 
Bergiron  du   Fort  Michon. 

Le  premier  n'est  pas  un  inconnu  :  ses  travaux  scientifiques,  et 
surtout  ses  recherches  sur  les  thermomètres  à  mercure  ou  "thermo- 
mètres de  Lyon  "  ont  répandu  son  nom  dès  le  milieu  du 
xvme  siècle;  un  legs  fait  par  lui  à  l'Académie  pour  la  création 
d'un  prix  annuel  l'a  même  rendu  populaire  dans  les  milieux 
intellectuels  lyonnais;  J.  B.  Dumas,  dans  son  Histoire  de  l'Académie, 
n'a  pas  oublié  de  le  mentionner.  Mais,  comme  musicien,  Christin 
est  resté  presque  ignoré. 

Fils  d'un  négociant  de  notre  ville,  il  était  né  à  Lyon  le 
31  mai  1683.  A  l'âge  de  dix  neuf  ans,  il  se  rendit  à  Paris  où  il  se 
livra  surtout  à  la  musique  pour  laquelle,  rapporte  un  de  ses 
contemporains,  il  semblait  être  né.  "  L'aptitude  à  toucher  des 
instruments,  la  propreté  du  chant  secondé  par  les  accents  d'une 
voix  mélodieuse,  faisaient  une  partie  de  ses  talents,  et  le  firent 
admettre  dans  une  société  musicale  parisienne,  celle  des  Mélophiletes, 
qui  donnait  des  concerts  chaque  semaine  chez  le  P*  Lubert  (1)". 

(1)  Histoire  manuscrite  de  l'Académie  par  Louis  Bollioud-Mermet  (Mss  du 
Palais  des  Arts,  n°  270),  et  Mémoire  lu  par  Pernetti  à  la  Société  Royale  de  Lyon  le 
16  mai  1755  (id.n0  124). 


4  LA     MUSIQUE     A     LYON  Première 

fondation    H  resta  dix  années  à  Paris,  puis  revint  dans  sa  ville  natale  qu'il  ne 

et    débuts   deVait  plus  quitter  (i). 

1713-1718  gon  coiiaborat:eur  est?  par  contre,  totalement  inconnu.  On  ne 

trouve,  croyons-nous,  le  nom  de  Bergiron  du  Fort-Michon  que 
dans  un  ouvrage  du  XVIIIe  siècle  consacré  au  commerce  des  vins 
dans  le  Beaujolais  (2),  et  dans  une  récente  étude  de  la  Revue 
d'Histoire  de  Lyon  (3).  Encore,  dans  cette  dernière  étude,  n'est-il 
question  que  du  père  de  notre  musicien,  et,  dans  l'ouvrage  ancien, 
Bergiron  n'est-il  cité  que  comme  propriétaire  et  viticulteur, 
l'année  même  de  sa  mort  (1768). 

Nicolas-Antoine  Bergiron  du  Fort-Michon  était  né  à  Lyon 
le  12  décembre  1690  (4).  Son  père,  Antoine  Bergiron,  avocat  au 
Parlement  de  Paris,  s'occupait  principalement  de  ses  propriétés  et 
de  ses  vignes  beaujolaises  situées  à  Saint-Lager,  Belleville,  Morgon, 
Dracé,  Saint-Jean  d'Ardières,  et  dont  l'exploitation  lui  fournit 
matière  à  d'interminables  procès  dont  on  retrouve  la  trace  dans  de 
curieux  et  originaux  manuscrits  multicolores  laissés  par  lui  (5). 

(1)  Il  y  mourut  le  19  Janvier  1755,  en  laissant  tous  ses  recueils  de  musique  à 
la  Société  qu'il  avait  contribué  à  fonder.  (V.  plus  loin  :  Bibliothèque  du  Concert). 
Lors  de  l'établissement  des  Conférences  régulières  à  l'Académie  des  Beaux-Arts  en 
1736,  il  fut  nommé  secrétaire  perpétuel  de  cette  Compagnie.  Comme  nous  le  verrons 
dans  la  seconde  partie  de  ce  volume,  il  s'occupa  presque  exclusivement  de  physique 
au  cours  des  séances. 

(2)  Le  commerce  des  vins  reformé,  rectifié  et  épuré...  par  M.  C***  S***  [Brac  de 
la  Perrière].  Amsterdam  1769. 

(3)  J*  Fayard,  Un  précurseur  beaujolais  de  la  Révolution  française  (Reyue  d'histoire 
de  Lyon,  1906,  3e  fascicule). 

(4)  Registres  paroissiaux  de  St-Pierre  et  St-Saturnin,  année  1690,  page  275: 
"  Nicolas  Antoine,  fils  de  Monsr  Antoine  Bergiron,  ad*  au  Parlement  de  Paris  et  de 
Dame  Renée  Françoy,  sa  femme,  né  hier,  au  quartier  des  Feuillans,  a  esté  baptisé  par 
moy  curé  soussigné,  ce  treize  décembre  mil  six  cent  quatre  vingt  dix,  et  ont  été 
parrain  Sr  Nicolas  Bergiron,  bourgeois  de  Lyon,  et  marraine  dame  Anne  des  Brosses, 
femme  de  Léonard  Bathéon,  ancien  échevin  de  Lyon..."  Son  père,  Antoine  Bergiron 
était  né  en  1654  de  Nicolas  Bergiron,  marchand,  rue  Longue,  et  de  Christine  des 
Brosses,  et  mourut  en  mai  1 73 1.  Il  avait  alors  le  titre  de  "gentilhomme  de  la 
Vénerie  du  Roy  ".  Bergiron  père  et  fils  habitaient  rue  de  la  Vieille-Monnaie,  vis  à 
vis  de  la  Croix-Paquet  (Registres  de  S1  Pierre  et  S1  Saturnin). 

(5)  Archives  départementales,  E.  125  et  126.  —  Mss  de  la  Bibliothèque  de 
Lyon:  Fonds  général,  n°  1749. 


Partie      AU    DIX-HUITIÉME    SIECLE  5 

Un  de  ces  volumes,  sorte  de  livre  de  raison,  nous  renseigne  inopi-   fondation 
nément    sur    le   jeune    Nicolas   Bergiron    et    sur   ses   dispositions   ET   DEBUTS 
intellectuelles.    En    effet,    le    Ier  janvier    1705,   Bergiron   le    père    I7I3_I7I 
interrompt  la  rédaction   de  son  manuscrit,  pourtant  exclusivement 
réservé  à  des    questions   d'administration    terrienne,    et   écrit   ces 
quelques  lignes  inattendues  : 

"  Pendant  cinq  ans  de  mes  basses  classes,  mon  régent  le  P.  de 
Vaucluse  m'a  toujours  fait  monter  le  Ier,  2  e  ou  3e  inter  eximios,  et  m'a 
toujours  donné  en  me  nommant  acri  et  acerbo  puer  ingenio,  pour  me 
caractériser,  ou  me  donner  un  éloge  comme  on  a  coutume  de  faire  aux 
3  ou  4  premiers  inter  eximios.  Le  mot  &  Acerbus  n'est  guère  obligeant,  et 
il  marquoit  la  haine  et  l'inimitié  que  j'avois  contre  2  ou  3  de  mes  camarades 
qui  vouloient  me  surpasser  et  que  je  croyois  au-dessous  de  moy  ;  mais 
pour  le  mot  d'Acer,  il  signifie  dans  nos  meilleures  autheurs  de  latinité, 
pénétrant,  vif,  subtil,  prompt  à  concevoir,  etc.  Mon  fils  a  le  même  caractère, 
et  par  dessus  cela,  il  me  surpasse  memoriâ  facili  et  tenaci.  Il  y  a  un  an  qu'il 
apprit  cent  vers  latins  d'Ovide  en  une  heure,  et  tous  les  jours  il  apprend 
10  à  12  cartes  écrites  de  ma  main  sur  toute  sorte  de  littérature,  où  j'espère 
le  rendre  universel,  et  le  plus  distingué  de  tous  ses  parents,  amis  et 
compatriotes.  Dieu  le  conserve  et  à  la  fin  lui  donne  le  Ciel.  Ier  janvier  1705  (1)". 

Le  jeune  Bergiron  semble  donc  avoir  fait  dans  sa  famille  ses 
études  classiques.  Il  dut  ensuite  étudier  le  droit,  à  Lyon,  avec 
l'unique  professeur  J.  B.  d'Antoine  (2),  et,  malgré  "  un  fatal  et 
violent  entêtement  de  la  musique  "  qui,  à  cette  époque,  le 
détourna  un  peu  de  l'étude,  il  était,  au  mois  de  juillet  171 5, 
en  état  de  se  présenter  à  la  licence  devant  l'Université  de  Paris, 
et  d'obtenir  "  sa  matricule  "  au  Parlement.  Sa  conduite  était 
régulière,  et,  lors  de  ses  débuts  musicaux,  "  il  passait  dans  Lyon 
pour  un  homme  fort  sage  (3). 

(1)  Archives  départementales,  E.  125  p.  39. 

(2)  Brouchoud,  Recherches  sur  l 'enseignement public  du  droit  h  Lyon  ;  Lyon,  1865. 

(3)  Archives  hospitalières  de  la  Charité,  E.  11 74  :  Lettre  de  Bergiron  le  père 
à  un  de  ses  amis  de  Paris  pour  lui  recommander  son  fils.  (Le  rédacteur  de  V Inventaire- 
Sommaire  de  ces  Archives,  pour  avoir  mal  lu  les  documents  qu'il  avait  à  analyser, 
attribue  à  notre  Bergiron  "  une  jeunesse  orageuse  ".  Profiterons-nous  de  cette  occasion 
pour  protester  une  fois  de  plus  contre  la  rédaction  imbécile  des  Inventaires- 
Sommaires  des  Archives  françaises,  qui  constituent  une  collection  considérable,  fort 
coûteuse,  complètement  inutile  et  souvent  dangereuse  ?) 


6  LA     MUSIQUE     A     LYON  Première 

fondation  Christin  et  Bergiron  étaient  âgés,  l'un  de  trente  ans  à  peine, 

et  débuts  l'autre  de  vingt-deux  ans,  quand  ils  provoquèrent  la  fondation 
I7I3~I7l8  de  la  société  musicale  qui  devait  grouper  de  nombreux  amateurs 
et  quelques  professionnels  bénévoles  en  vue  d'exécuter  dans  une 
sorte  d'intimité  des  œuvres  musicales  de  toute  espèce.  Malgré  des 
affirmations  intéressées  émises  plus  tard,  comme  nous  le  verrons 
au  début  du  second  chapitre  de  cette  histoire,  les  séances  de 
la  future  société  n'avaient  d'abord  d'autre  but  que  des  exécutions 
musicales.  Il  n'était  pas  question  en  171 3  de  conférences  sur  les 
sciences  plus  ou  moins  voisines  de  la  musique.  Tout  au  plus, 
fit-on  quelques  rares  assemblées  pour  examiner  des  poésies, 
œuvres  d'Académiciens,  destinées  à  être  mises  en  musique.  Il 
est  vraisemblable  que  les  jeunes  fondateurs  se  proposaient  sim- 
plement d'imiter  les  institutions  musicales  parisiennes,  comme 
la  Société  des  Mélophiletes  dont  Christin  avait  fait  partie,  et 
où  Bergiron  avait  sans  doute  fréquenté  lors  de  quelque  voyage 
à  Paris.  Au  concert  des  Mélophiletes ■,  rapporte  Mathieu  Marais  (1), 
tout  le  monde  entrait,  personne  ne  payait,  et  nul  musicien  de 
profession  n'était  admis.  Les  sociétaires  se  réunissaient  pour 
exécuter  eux-mêmes;  ils  faisaient  rimer  et  composer  spécialement 
pour  leurs  séances  de  grands  divertissements  (2).  L'ambition  de 
nos  musiciens  lyonnais  n'allait  pas  plus  haut,  et  l'un  et  l'autre 
ne  prévoyaient  guère  que  leur  compagnie  mondaine  deviendrait 
plus  tard  une  grande  société  de  concerts,  solidement  établie, 
et  donnerait  du  même  coup  naissance  à  une  grave  académie 
scientifique. 

Leur  premier  souci  fut  probablement  de  n'accueillir  que 
"  des  personnes  choisies  de  l'un  et  l'autre  sexe  (3)  ",  et  Bergiron, 
qui  devait  prendre  la  direction  effective  des  concerts,  usa-t-il 
aussitôt  de  son  titre  "du  Fort-Michon",  médiocre  noblesse  qu'on 
ne  retrouve  pas  toujours  dans  son  état-civil.  La  société  naissante 

(1)  Journal  de  Mathieu  Marais,  t.  III,  p.  92. 

(2)  Sur  le  Concert  de  Mélophiletes,  v.  Michel  Brenet  :   Les  Concerts  en  France 
sous  l'ancien  régime,  p.  165. 

(3)  Mercure  de  France,  septembre  1721,  p.  197. 


Partie      AU    DIX-HUITIÈME    SIÈCLE  7 

se  réjouissait  du  concours  de  "  plusieurs  Mrs  et  Dames  de  la  Cour  fondation 
des  Monnoyes  ",  et  tenait  à  "  exercer  la  musique  d'une  manière  ET  D^BUTS 
également  noble  et   agréable   (i)  ".  ï?^-1?1» 

Une  autre  grave  préoccupation  eut  pour  cause  le  choix 
du  titre  de  la  Société.  Autour  de  ce  baptême,  longues  furent  les 
discussions  dont  l'écho  nous  est  parvenu  grâce  à  un  manuscrit 
conservé  dans  les  papiers  de  l'Académie  de  Lyon  (2).  Aujourd'hui, 
simplement,  nous  appellerions  une  organisation  analogue  "  Société 
de  Concerts  ".  A  nos  ancêtres  du  XVIIIe  siècle,  il  fallait  un 
titre  plus  noble.  On  n'imaginait  guère  une  réunion  d'honnêtes 
gens  sous  un  nom  qui  ne  rappelât  pas  les  attiques  jardins  d'Aca- 
demus.  Le  nom  pompeux  d'Académie  s'imposait,  et  tous  les 
membres,  exécutants  ou  honoraires,  tenaient  à  porter  le  titre 
d'Académicien.  Du  reste,  que  de  bonnes  raisons  ne  trouva-t-on  pas 
pour  éliminer  le  nom  commun  de  Concert,  et  justifier  le  choix 
d'académie  !  Concert  en  effet  "  ne  peut  s'attribuer  à  des  personnes 
qui  ne  concertent  pas  ;  plusieurs  académiciens  ne  savent  même  pas 
la  musique,  et  ne  se  sont  associés  que  pour  partager  le  plaisir  des 
exercices  académiques...  Si  le  terme  de  Concert  pouvait  être  pris 
pour  une  compagnie,  chaque  membre  s'appellerait  concertant;  on 
appelle  honoraire  celui  qui  n'exerce  pas  la  musique  ;  son  nom  serait 
donc  Concertant  honoraire  ;  c'est  comme  si  l'on  disait  un  Concertant 
qui  ne  concerte  pas.  Pour  les  Dames,  qui  sont  une  des  plus  belles 
parties  de  l'Académie,  dirait-on  :  Madame  est  une  Concertante  de 
notre  Concert? ...  Ce  terme  blesserait  les  oreilles  délicates  si  on  osait 
s'en  servir..."  Il  ne  semblait  guère  possible  d'employer  le  titre  de 
Mrs  du  Concert,  car  on  serait  obligé  de  dire  un  M1  de  Messieurs  du 
Concert,  ou  une  dame  de  Messieurs  du  Concert...'"  Tandis  que  le  nom 
d'académie  convient  parfaitement,  "  puisqu'il  signifie  assemblée  de 
gens  qui  cultivent  un  ou  plusieurs  des  beaux-arts  ou  les  sciences.  " 

Le  nom  d'Académie  fut  définitivement  arrêté,  et  il  n'y  eut 
plus  qu'un   peu  d'hésitation  pour  éliminer  le  titre  d'Académie  de 

(1)  Mercure  de  France,  septembre  1721,  p.  197. 

(2)  Réflexions  en  forme  de  dissertation  sur  le  titre  d'académie  des  Beaux-Jtrts  et  sur 
le  nom  de  Concert  (Mss  acad.  n°  263,  f°  1 1 1  et  suiv.). 


8  LA     MUSIQUE     A     LYON  Première 

fondation  Lyon,  trop  général,  et,  du  reste,  utilisé  officieusement  depuis 
et  débuts  l'année  1700;  celui  à' Académie  du  Concert,  "impropre  parce  que 
I7I3-I7I y  ces  deux  noms  collectifs  signifient  chacun  une  assemblée";  et 
celui  &  Académie  de  musique,  réservé  à  l'Opéra.  On  s'arrêta  enfin  au 
nom  à' Académie  des  Beaux-Arts  puisque,  parmi  les  concertants 
ou  les  membres  honoraires,  "  il  y  avait  des  personnes  capables  de 
s'en  tirer  avec  succès  dans  divers  genres  ".  Argument  qui  n'était 
guère  péremptoire,  mais  que  devaient  fortifier  ensuite  d'une 
manière  imprévue  les  destinées  de  l'Académie  naissante. 

Ce  résumé  des  discussions  autour  d'un  titre  nous  a  entraîné 
trop  loin,  et  a  révélé  déjà  une  partie  de  la  constitution  de  la 
Société.  Sur  les  débuts  de  l'Académie  des  Beaux-Arts,  nous  ne 
possédons  comme  renseignements  que  peu  de  mots,  lambeaux  de 
phrases  incidentes  dans  quelque  discours  académique.  Et  il  ne  faut 
guère  s'étonner  du  silence  des  archives  là-dessus,  puisque  cette 
pompeuse  Académie  n'était  qu'une  petite  société  d'amateurs  "  qui 
avaient  du  goût  pour  la  musique  ",  "  un  concert  où  plusieurs 
personnes  de  la  ville  exécutaient  elles-mêmes  et  s'assemblaient  pour 
se  perfectionner  dans  la  musique  ",  en  somme,  "  de  simples 
amusements  (1)  ".  Ses  règlements  étaient  vraisemblablement  analo- 
gues aux  statuts  publiés  en  1724,  et  que  nous  reproduisons  au 
début  du  chapitre  III.  L'administration  était  confiée  à  un  groupe 
à! Officiers  portant  les  titres  de  Directeur,  Inspecteur,  Bibliothé- 
caire,  Trésorier,    Syndics  et    Secrétaires  (2).    Les   membres   de  la 

(i)  Notice  sur  P origine  de  P  Académie  de  Lyon  (Mss  acad.  N°  157,  f°  130).  — 
Mémoire  pour  Mgr  le  Procureur  général  du  Parlement  (Id.  f°  96).  —  Mémoire  pour 
F  enregistrement  des  Lettres-patentes  de  la  Société  Royale  de  Lyon  (Archives  départementales, 
D.  448). 

(2)  A  partir  de  l'année  1742,  et  jusqu'en  1774,  les  Almanachs  de  Lyon  con- 
tiennent la  liste  des  Officiers  du  Concert;  nous  y  renvoyons  ceux  de  nos  lecteurs  que 
pourrait  intéresser  cette  nomenclature.  Certaines  pièces  d'archives  nous  donnent  le 
nom  des  Officiers  pendant  quelques  années  avant  1742.  En  17 18  :  Connelere,  trésorier  ; 
et  Bergiron  du  Fort  Michon,  bibliothécaire.  En  1724:  de  la  Frasse  de  Seynas,  direc- 
teur; Girard,  inspecteur;  Doûet  l'aîné,  trésorier.  En  1726:  de  la  Frasse  de  Seynas, 
directeur  ;  Michon  et  Girard,  secrétaires  ;  Michel,  Palerne,  Barailhon,  Christin, 
Boesse,  officiers.  En  1727:  de  la  Frasse  de  Seynas,  directeur;  Quinson,  trésorier; 
Michel,  Christin,  Roch,  Boesse  de  la  Choule,  de  Parvilly,  Massara,  Michon,  Bol- 


Partie      AU    DIX-HUITIÈME    SIÈCLE  9 

Société  se  divisaient  en  Académiciens  honoraires  ou  ordinaires  et   fondation 
associés.  Les  Académiciens  associés  étaient  "  ceux  qui,  ayant  des   ET   D^BUTS 
talents  pour  la   musique,   ne  contribuaient   pas  à   la  dépense  du    l7iyi7l° 
Concert  et  n'en  recevaient  pas  de  rétribution  (i)  ".  Les  Acadé- 
miciens ordinaires  payaient  une  cotisation  annuelle  pour  l'entretien 
de  la  Compagnie.   Un  bon  nombre,  du  reste,  des  Académiciens 
ordinaires  —  Bergiron  lui-même  portait  ce  titre  —  prenaient  part 
à  l'exécution  de  la  musique. 

La  salle  des  réunions  était  sur  le  quai  S*  Clair,  qui  ne  res- 
semblait nullement  à  la  belle  promenade  ombragée  d'aujourd'hui  (2). 
Les  réunions  n'étaient  pas  quotidiennes  en  dépit  de  la  poétique 
description  de  l'académicien  Bordes,  que  Bergiron,  en  1714,  devait 
mettre  en  musique  (3),  et  que  nous  reproduisons  ci-dessous  : 

Cest  ici  *  qua  Tenvy  les  filles  de  Mémoire  t  *  La  sa.1Ie  de 

Rassemblent  chaque  jour  leurs  plus  chers  favoris  ;  Beaux-Aru  ** 
Des  sons  les  plus  touchans  ils  disputent  le  prix 

Et  leur  plaisir  sert  à  leur  gloire.  *  La  salIe  est 

Que  ces  lieux  *  désormais  soient  le  sacré  Vallon^  Clair6  lur^  les 

Ces  bords  les  rives  du  Permesse...  bords'du Rhône 

La  réalité  devait  être  assez  différente  de  ce  gracieux  tableau. 
Il  est  permis  de  supposer  que  "  les  plus  chers  favoris  des  filles  de 
Mémoire  "  ne  devaient  pas  toujours  réaliser  les  "  sons  les  plus 
touchants  ",   et,   en   l'absence   de   tout   document   contemporain, 

lioud  de  Fétan,  Terrasse,  Maindestre,  officiers  ;  En  1748  :  Girard,  Mayeuvre  père  et 
fils,  Chanorier,  Christin,  Posuel  de  Verneaux,  Massart,  Cannac  fils,  Pernon  fils,  Chalut 
de  la  Croisette,  Claret  de  la  Tourette,  Dutrieu,  Siran,  Chappe,  Rousset  de  Saint-Eloy. 

(1)  Changement  proposé  du  nom  d'académicien  honoraire...  Mémoire  lu  par  Christin 
à  l'Académie  des  Beaux-Arts,  le  4  septembre  1743.  (Mss  acad.  n°  263,  f°  148). 

(2)  Nous  n'avons  pu  déterminer  l'emplacement  de  cette  salle  de  concert.  Dans 
son  Histoire  du  Quai  S1  Clair  (Lyon,  1883),  Th.  Aynard  n'en  parle  pas. 

(3)  V.  plus  loin  :  Impromptu  pour  Mgr  le  Maréchal  de  Villeroy.  —  Dans  son 
Histoire  Littéraire  de  la  ville  de  Lyon  ;  Lyon,  1 728-1 730,  Tome  II,  p.  837,  le  Père 
de  Colonia  dit  simplement  que  les  Académiciens  "  s'assemblaient  plusieurs  fois  la 
semaine  "  (L'article  concernant  l'Académie  des  Beaux-Arts  avait  été  rédigé  par 
Christin  lui-même  qui  en  donna  lecture  à  ses  collègues  dans  la  séance  du  1 1  juillet 
1736).  Les  Académiciens  devaient  donc,  aux  débuts  de  leur  Société  comme  plus  tard, 
donner  un  seul  concert  par  semaine  préparé  par  une  ou  deux  répétitions. 


IO  LA     MUSIQUE     A     LYON  Première 

fondation  nous  ne  pouvons  que  nous  représenter  les  premiers  concerts  de 
et  débuts  l' Académie  d'après  ceux  que  nous  offrent,  au  XXe  siècle,  les  sociétés 
1713-171»  symphoniques  d'amateurs,  plus  soucieuses  de  "  leur  plaisir  "  que 
de  "  leur  gloire  ".  Dès  le  début,  à  vrai  dire,  quelques  musiciens 
de  profession  s'étaient  joints  aux  nobles  académiciens  ;  ils  n'étaient 
du  reste  pas  des  gagistes,  et  ils  ne  se  distinguaient  pas  en  principe 
des  académiciens  "  associés  ".  A  ces  professionnels  devaient  être 
confiés  les  soli  et  les  parties  essentielles  des  symphonies,  tandis  que 
la  masse  des  amateurs  se  chargeait  surtout  des  parties  de  remplis- 
sage, appelées  aussi  parties  médiantes,  moyennes,  ou  fiches,  et  dont 
l'importance  semblait  si  minime  qu'elles  n'étaient  pas  portées  sur 
les  partitions,  et  que  leur  réalisation  était  laissée  au  goût  des 
copistes.  Ainsi  était  certainement  justifiée  d'avance  la  remarque 
piquante  et  d'apparence  naïve  de  Rousseau  :  "  Ceux  qui  sont  aux 
parties  de  remplissage  peuvent  s'arrêter  quand  ils  veulent,  et  la 
musique  n'en  va  pas  moins  ". 

Il  n'est  pas  impossible,  malgré  l'absence  de  documents  précis, 
de  se  représenter  la  composition  de  cet  orchestre  d'amateurs.  Si 
les  parties  séparées  d'orchestre  de  la  bibliothèque  du  Concert,  sauf 
pour  deux  ou  trois  œuvres,  ont  complètement  disparu,  de  leur 
dépouillement  nous  n'aurions  pu  rien  conclure  concernant  cette 
composition,  car  les  arrangements  des  diverses  parties  devaient  se 
faire  aux  répétitions  mêmes  et  d'une  manière  très  libre  :  les  violes 
les  plus  diverses  et  les  plus  désuètes  pouvaient  trouver  leur  place 
dans  le  cadre  des  violons  et  des  violoncelles  ;  les  guitares  et  les 
luths  pouvaient  doubler  lourdement  la  partie  de  basse  du  clavecin 
ou  des  théorbes,  d'autant  plus  que  la  contrebasse  n'était  pas  encore 
d'un  usage  courant.  Les  aigres  mandolines  elles-mêmes  que  les 
nombreux  Italiens  de  Lyon  avaient  dû  importer  bien  avant  la 
grande  faveur  du  laid  instrument  vers  1760,  pouvaient  à  l'occasion 
renforcer  les  "  dessus  ".  Tout  porte  à  croire  que  les  violons 
étaient  très  peu  nombreux.  Lecerf  de  la  Viéville  écrivait,  au 
début  du  xviif  siècle  (1),  à  propos  du  violon  :  "  Cet  instrument 
n'est  pas  noble  en  France....  On  voit  peu  de  gens  de  condition  qui 

(1)  Comparaison  de  la  musique  italienne  et  de  la  musique  française  (1705). 


Partie      AU     DIX-HUITIÈME     SIECLE  II 

en  jouent   et   beaucoup   de  bas    Musiciens   qui   en   vivent.    Mais   fondation 
enfin  un  homme  de  condition  qui  s'avise  d'en  jouer  ne  déroge  pas...."   ET    débuts 
Un  autre  musicien,  en  1740,  estimait  aussi  que  "  le  ton  élevé  et    IVI3~I7iy 
le  son  éclatant  du  violon  ne  sentent  point  du   tout   sa  personne  de 
qualité,  ni   une  éducation  noble  "  (1).   Une  lettre  trouvée  dans  les 
archives   académiques   nous  apprend  d'ailleurs  que,  aux  débuts  de 
l'Académie  de  Bordeaux,  fondée   sur  le   modèle  de  celle  de  Lyon, 
on  ne  trouvait  pas  un  seul  violoniste  capable  de  jouer  de  la  musique 
italienne  ;    à   Lyon,    n'en   était-il   pas   ainsi  ?    Cette  même  lettre, 
écrite   par   Sarrau,    secrétaire   de   l'Académie   de  Bordeaux   (2)    à 
Christin,  nous  révèle  aussi  que  ce  dernier  jouait  du  pardessus  de 
viole.  Voici   d'ailleurs  ce  document  dont  l'intérêt  est  assez  grand 
pour  la  comparaison  du  violon  et  du  pardessus  de  viole  : 

"  Monsieur,  je  n'ai  pas  oublié  votre  nom  parmi  ceux  de  Mrs  vos  con- 
frères qui  me  firent  l'honneur  de  m'écrire  en  17 13.  J'appris  alors  avec  grand 
plaisir  l'établissement  de  votre  académie  qui  servit  d'exemple  à  celles 
qui  furent  établies  bientôt  après,  dans  presque  toutes  les  villes  du  royaume. 

"L'inclinaison  que  j'ai  toujours  eu  pour  la  musique  italienne  m'a  fait 
jouer  du  dessus  de  violle  dans  un  temps  où  nous  n'avions  pas  à  Bordx 
un  seul  joueur  de  viollon  en  état  de  l'exécuter.  J'ai  regretté  la  perte  de  ce 
temps-là  où  j'étois  encore  assez  jeune  pour  me  former  au  viollon,  in- 
strument supérieur  à  tous  égards  à  celui  que  vous  et  moi  exerçons.  Mais 
son  rapport  avec  la  basse  de  violle  dont  j'avois  appris  à  jouer  de  feu 
Mr  Marais  dès  l'année  1701  me  donnant  quelque  facilité,  je  m'y  engageai 
insensiblement.  Je  n'ai  jamais  eu  d'autre  vue  que  celle  d'imiter  l'effet  du 
viollon.  C'est,  je  crois,  le  seul  guide  qu'on  puisse  prendre  pour  porter 
notre  pauvre  instrument  au-delà  de  ses  étroites  bornes.  Vous  me  paraissez 
bien  au  fait  de  ce  qui  concerne  ces  deux  instruments  et  j'adopte  toutes  vos 

(1)  Hubert  Le  Blanc,  Défense  de  la  basse  de  viole  contre  les  entreprises  du  violon  et 
les  prétentions  du  violoncel.  —  Cette  distinction  de  caste  entre  les  violes  et  les  violons 
est  signalée  dès  le  xvie  siècle  par  le  musicien  lyonnais  Philibert  Jambe-de-fer  dans 
son  Epitome  musical  (Lyon,  Dubois,  1556)  :  "  Les  violes,  dit  Jambe-de-fer,  sont  celles 
desquelles  les  gentilhommes,  marchants  et  autres  gens  de  vertu  passent  leur  temps, 
tandis  que  le  violon  sert  à  la  dancerie  commune.  "  Cf.  Georges  Tricou,  Philibert 
yambe-de-fer^  dans  la  Revue  Musicale  de  Lyon  du  15  mai  1908. 

(2)  Mss  acad.  n°  267,  I,  p.  280.  Lettre  datée  de  Bordeaux,  12  août  1738.  —  La 
bibliothèque  de  Bordeaux  possède  plusieurs  dissertations  et  discours  manuscrits  de 
Sarrau  sur  la  musique,  1713-1720  (Mss  n°  828,  I  et  XVI). 


12  LA     MUSIQUE     A     LYON  Première 

fondation    idées.  En  voulant  vous  instruire,  Monsieur,  je  vous  dois  l'obligation  de 

et    débuts    m'avoir  instruit. 

1713-1713  "Je  suis  seulement  d'un  avis  différent  du  vôtre  pour  la  position  de  la 
main.  Puisque  l'on  joue  avec  facilité  à  double  corde  sur  le  viollon, 
pourquoi  ne  pas  nous  servir  du  même  ordre  des  doigts  sur  le  manche  de 
notre  dessus  de  violle,  ce  qui  nous  donne  un  doigt  de  plus.  Il  semble 
même  que  le  peu  d'intervalle  des  touches  doit  l'exiger  pour  ne  pas  tout 
ramasser  la  main.  Mon  instrument  est  un  dessus  de  violle  monté  en 
pardessus.  11  est  de  Paris  par  Bongard  en  1665.  La  distance  du  chevalet 
au  sillet  est  de  douze  pouces  une  ligne  */2.  Il  a  un  son  assez  fort  et 
gracieux.  Il  peut  se  détendre  comme  un  viollon  ordinaire " 

Le  pardessus  de  viole,  instrument  noble,  était  certainement 
plus  en  faveur  que  le  violon  "  de  basse  condition  (1);  il  ne  céda 
la  place  à  ce  dernier  qu'à  la  fin  du  xviif  siècle.  Vers  1760,  la 
plupart  des  professeurs  de  violon  de  notre  ville  enseignaient  en 
même  temps  le  quinton,  et,  en  1780,  on  trouve  encore  des 
professeurs  de  cet  instrument.  (2)  Les  violes  d'amour  et  les  violes 
de  gambe  étaient  peut-être  plus  nombreuses  que  les  instruments 
modernes  correspondants  ;  toute  la  famille  des  violes  ne  devait-elle 
pas  avoir  la  préférence  d'amateurs  peu  entraînés,  à  qui  des 
"  touches  "  fixes  permettaient  de  jouer  juste  ?  La  vielle,  enseignée 
aussi  jusqu'à  la  fin  du  xvnf  siècle,  et  dont  la  vogue  causa  la 
transformation  ou  plutôt  la  destruction  de  tant  de  luths,  pouvait- 
elle  aussi  renforcer  quelque  partie  d'orchestre  ?  Les  flûtes  étaient 
en  grand  nombre  (3)  :  flûtes  à  bec,  d'un  jeu  aisé,  (4)  ces  "  flûtes 

(1)  H.  Le  Blanc,  Défense  de  la  basse  de  viole. 

(2)  Almanachs  de  Lyon  au  xviuc  siècle. 

(3)  La  partition  d'une  des  œuvres  écrites  pour  l'Académie  vers  1 7 1 8  (motet  Notus 
in  Judœa  de  l'archevêque  de  Villeroy),  comporte  deux  parties  de  flûtes  écrites  chacune 
pour  plusieurs  instruments,  plus  une  partie  pour  violons  et  flûtes  ;  il  y  avait  donc  alors 
au  moins  trois  "  pupitres  "  de  flûtes. 

(4)  J.  J.  Rousseau,  en  1769,  jouait  encore  de  la  flûte  à  bec.  Il  le  déclare  dans  une 
lettre  du  19  septembre  1769,  adressée  à  son  amie  Mme  Boy  de  la  Tour,  alors  à  Lyon. 
Il  la  prie  de  lui  procurer  soit  un  clavecin  en  location  pour  six  mois,  soit  un  violoncelle, 
soit  un  cistre,  soit,  comme  pis-aller,  une  flûte  à  bec  [Lettres  inédites  de  J.  J.  Rousseau 
publiées  par  H.  de  Rostchild,  Paris  1892).  Les  Petites  Jffiches  de  Lyon,  par  les  offres 
d'instruments,  à  vendre  "  de  rencontre,"  nous  montrent  qu'au  milieu  du  xvmc  siècle, 
les  flûtes  à  bec  étaient  encore  d'un  usage  courant. 


Partie     AU    D IX- H U ITI È M E    SIÈCLE  13 

douces  "  de  l'orchestre  de  Lully,  et  flûtes  traversières,  plus  récentes,  fondation 
se  disputant  la  première  place.  A  côté  des  hautbois,  des  bassons  et  ET  DEBUTS 
des  cors  de  chasse,  on  voyait,  si  nous  nous  en  rapportons  au  fron-  I/I3-I7I 
tispice  d'une  des  publications  de  Y  Académie  (1),  le  serpent  dont, 
cinquante  ans  plus  tard,  Y 'Encyclopédie  vantera  encore  le  bel  effet 
et  les  sons  singuliers  qui  tiennent  à  la  fois  du  cor  et  du  basson.  La 
musette  certainement  complétait  le  groupe  des  instruments  à  vent, 
la  musette  dont  les  partisans  étaient  nombreux  dans  la  ville  où  fut 
publié  l'intéressant  Traité  de  l'avocat  Borjon  de  Scellery  (2).  Cet 
auteur  n'écrivait-il  pas  en  1672  :  "  Le  sieur  Lissieux  qui,  depuis 
quelques  années  s'est  étably  à  Lyon,  en  construit  [des  musettes] 
avec  beaucoup  de  propreté  et  de  justesse,  aussi  bien  que  de  toutes 
sortes  d'instruments  à  vent.  Je  n'en  connois  point  qui  approche 
davantage  de  l'adresse  des  sieurs  Hotteterre.  Les  sieurs  François  et 
Lambert  fils  font  tous  les  jours  dans  la  même  ville  de  bons 
Escoliers  ".  (3)  .Quelques-uns  des  "  Escoliers  "  de  1672  faisaient 
peut-être  partie  de  l'Académie  ;  du  reste,  au  xviir3  siècle,  la 
musette,  comme  toutes  les  bergeries,  jouissait  partout  d'une  grande 
vogue.  (4) 

Un  autre  instrument  oublié  apparaissait  dans  les  concerts  de 
l'Académie.  C'est  la  légendaire  trompette  marine,  chère  à  Mon- 
sieur Jourdain,  chère  aussi  à  un  musicien  inconnu,  Jean-Baptiste 
Prin.  Grâce  à  un  précieux  manuscrit  que  nous  avons  eu  la  bonne 
fortune  de  retrouver  et  que  nous  avons  publié  tout  récemment  (5), 
nous  savons  de  façon  certaine  que  la  trompette  marine  était  très 
répandue  à  Lyon  à  la  fin  du  xvne  siècle  et  au  commencement  du 

(1)  La  Chasse  (V.  page  45). 

(2)  [Borjon  de  Scellery],  Traité  de  la  Musette  ;  Lyon,  Jean  Girin  et  Barthé- 
lémy Rivierre,  1672. 

(3)  ière  partie,  p.  39. 

(4)  Borjon,  dans  son  traité,  cite  des  facteurs  de  musettes  à  Mâcon  et  à  Bourg- 
en-Bresse.  Sur  la  vogue  de  la  musette,  v.  M.  Brenet,  Les  Concerts  en  France....  p.  211. 
—  H.  Lavoix,   Histoire  de  l'instrumentation  ;  Paris,  Firmin-Didot,  1878,  p.  118. 

(5)  Mémoire  sur  la  Trompette  Marine....  par  J.  B.  Prin,  Maître  à  dancer  de  Paris 
et  Musicien  de  la  Ville  de  Strasbourg....  (Strasbourg,  Janvier  1742,  Ms.  in-f°  obi.) 
publié  dans  le  Bulletin  français  de  la  Société  internationale  de  Musique  (n°  du  1 5  Novem- 
bre 1908). 


I4  LA     MUSIQUE     A     LYON  Première 

fondation  xviii6.  Dès  le  xve  siècle  même,  ce  vieux  instrument  servait  à  la 
et  débuts  distraction  des  châtelaines  du  Lyonnais  et  de  la  Bresse.  Prin,  qui 
I7I3_I7I  était  venu  à  Lyon  comme  danseur  lors  de  la  fondation  de  l'Opéra 
en  1688,  avait,  comme  tant  d'autres,  inventé  un  chevalet  mer- 
veilleux qui  donnait  au  fameux  monocorde  "  la  force  d'une 
trompette  de  bouche,  la  douceur  d'une  flûte  et  l'harmonie  d'un 
clavecin."  Selon  sa  méthode,  les  luthiers  Goutenoire,  Seraillac  et 
Imbert  en  avaient  construit  un  grand  nombre,  et  la  trompette 
s'était  ainsi  répandue.  Elle  remplaçait  parfois  la  trompette  de 
cuivre,  et,  lorsque  Prin,  en  1742,  fit  don  à  "  Messieurs  les  Acadé- 
miciens du  Célèbre  Concert  de  la  Ville  de  Lyon  "  de  son  traité  et 
de  son  instrument,  il  joignit  à  l'envoi  plusieurs  recueils  d'airs  de 
trompette  extraits  des  opéras  de  Lully  pour  servir  aux  concerts 
lyonnais.  Lui-même  fit  entendre  sa  "  trompette  aimée  "  à  l'Acadé- 
mie, où  bien  d'autres  fois  les  "  bruits  de  guerre  '  furent  réalisés 
par  des  mains  de  femmes  sur  le  grand  monocorde,  si  peu  guerrier. 
L'orchestre  était  complété  par  quelques  instruments  à  per- 
cussion ;  peut-être  une  timbale  ;  peut-être  aussi  un  tambour,  ainsi 
que  le  montrent  deux  œuvres  de  Bergiron  où  la  musette  doit 
alterner,  selon  le  poème,  avec  les  hautbois,  les  tambours,  les 
trompettes  (1). 

Quant  aux  chœurs,  ils  ne  devaient  être  que  très  médiocres. 
Un  auteur  du  dernier  siècle  prétendait,  il  est  vrai,  que  "  Lyon  est 
une  des  villes  de  France  qui  a  produit  dans  tous  les  temps  le  plus 
de  personnes  de  l'un  et  l'autre  sexe,  douées  de  l'avantage  d'une 
belle  voix  "  (2).  Il  nous  est  bien  difficile  de  partager  une  telle 
opinion  :  tout  le  monde  sait  que  les  belles  voix  sont  rares  à  Lyon, 
et  que  notre  climat  leur  est  très  défavorable.  Que  d'artistes  ne 
purent  le  supporter  !  On  verra  plus  loin  l'histoire  de  la  célèbre  Fel 
qui,  engagée  au  Concert  pendant  l'hiver  1771-72,  dut  résilier 
aussitôt  son  engagement  à  cause  d'un  "  rhume  opiniâtre  "  provoqué 
par  les  brouillards.  Tout  le  monde  sait  aussi  quelle  difficulté 
éprouvent  les  sociétés  chorales  lyonnaises  à  recruter  leur  personnel. 

(1)  V.  plus  loin  V Impromptu  et  la  Chasse. 

(2)  Fortis  :  Voyage  pittoresque  et  historique  à  Lyon...  Paris,  1821. 


Partie     AU    DIX-HUITIÈME    SIÈCLE  15 

Du  moins,  les  choristes  amateurs   du   xvnie  siècle  connaissaient-ils   fondation 

mieux  la  musique  ? ET    °ebuts 

A  la  tête  de  ces  troupes  bien  disparates  et  recrutées  tant  bien  I7I3-I7I 
que  mal  dans  la  haute  bourgeoisie,  la  noblesse  et  le  clergé,  se 
plaça,  dès  le  début,  le  jeune  et  ardent  Bergiron  du  Fort-Michon. 
C'est  du  moins  ce  qui  résulte  d'une  note  parue  dans  le  Mercure  de 
France  au  mois  de  février  1730.  En  1729,  il  fut  publié  à  Lyon 
un  recueil  de  cantates  françaises  sous  le  nom  de  M.  B***  de 
Briou  (1)  ;  en  annonçant  l'édition  de  cet  ouvrage,  le  Mercure 
écrivait  : 

"  M.  Bergiron  de  Briou,  l'un  de  ceux  qui  ont  le  plus  contribué  à 
l'établissement  de  l'Académie  des  Beaux-Arts  de  Lyon,  et  qui  a  conduit 
les  Concerts  pendant  six  années  entières,  avec  autant  de  succès  que  s  il  ètoit 
musicien  de  profession,  vient  de  donner  au  public  un  Recueil  de  Cantates 
françaises  de   sa   composition   qu'il   a  fait   graver Les    paroles    de  cet 

(1)  Un  exemplaire  de  ce  recueil  de  cantates  existait  dans  la  bibliothèque  de 
l'Académie  des  Beaux-Arts  ;  nous  ne  l'avons  pas  retrouvé.  Mais  M.  Michel  Brenet 
a  bien  voulu  relever  pour  nous  le  titre  exact  sur  l'exemplaire  de  la  Bibliothèque 
Nationale  (Vm  7,261).  Le  voici  : 

"  Cantates  françoises  à  voix  seule  avec  symphonie  et  sans  symphonie  mises  en 
musique  par  M.  B***  de  Briou.  Prix  sept  livres  dix  sols  en  blanc.  Gravées  par 
J.  L'Hoste.  Se  vendent  à  Lion  chez  le  Sr  Thomas  Marchand  épicier  à  la  grand  rtie 
Mercière  près  de  S1  Antoine  Et  à  Paris  chez  le  Sr  Boivin,  md  rue  S1  Honoré  à  la 
Règle  d'Or.  Avec  Privilège  du  Roy.  "  (In  f°  92  p.  et  2  ff.  n.  ch.) 

Ce  recueil  comprend  :  Les  Sirènes,  le  Supplice  de  Cupidon,  le  Songe  d' Anacrèon, 
Narcisse,  le  livre  d'Orphie  en  Astre,  et  une  ariette  détachée  :  Bacchus  et  l'Amour.  Un 
exemplaire  manuscrit  du  Supplice  de  Cupidon  avait  été  fait  par  Christin,  et  est  conservé 
dans  la  bibliothèque  (Christin  l'avait  porté  simplement  sous  le  nom  de  "  M.  Bergiron.") 

Le  privilège  porte  :  "  Par  grâce  et  privilège  du  Roi,  donné  à  Versailles  le 
il  Aoust  1729,  signé  Sainson,  Il  est  permis  au  sieur  B***  de  Briou  de  faire  graver 
et  imprimer  ses  pièces  de  musique  tant  vocales  qu'instrumentales  avec  une  ou  plusieurs 
parties,  de  les  vendre  et  débiter  au  public  et  ce  durant  le  tems  et  espace  de  six 
années.  " 

Eitner  mentionne  ce  livre  de  cantates  sous  le  nom  de  Briou.  C'est  également 
sous  ce  nom  qu'est  enregistré  le  privilège  de  librairie:  "17  août  1729.  Privilège 
général  pour  six  ans,  du  11  août  1729,  au  sr  de  Briou  pour  plusieurs  cantates  de  sa 
composition.  "  (Cf.  Brenet  La  Librairie  musicale  etc....  dans  le  Recueil  trimestriel  de 
V Internationale  Musikgesellschaft,  tome  VII,  p.  432). 


l6  LA     MUSIQUE     A     LYON  Première 

fondation    ouvrage  sont  de  différents  auteurs.  Il  y  a  plusieurs  sujets  qui  n'ont  jamais 
it    débuts   été  traités  en  Poésie  de  ce  genre-là  (i)  ". 

T*7T  O  —  t'?  t  ô 

161  Bergiron    de   Briou    et    Bergiron    du  Fort-Michon    ne   font 

qu'une  personne,  ainsi  que  le  montrent  quelques-uns  des  états- 
civils  de  la  famille  Bergiron  (2).  Ce  nom  de  de  'Briou,  rarement 
employé  et  dont  nous  ignorons  l'origine,  était  presque  un  pseu- 
donyme pour  l'avocat  mélomane  à  qui  sa  grave  profession  ne 
permettait  guère  de  publier  sous  son  nom  ordinaire  des  composi- 
tions musicales. 

Ainsi,  l'Académie  des  Beaux-Arts  était  tout  à  fait  une  société 
d'amateurs  ;  d'ailleurs  elle  n'était  pas  assez  riche,  à  son  début,  pour 
rétribuer  des  musiciens  de  profession  et  surtout  un  batteur  de 
mesure.  Les  concerts  se  donnaient  donc,  comme  nous  l'avons  dit, 
dans  une  sorte  d'intimité.  L'Académie  était  un  salon  musical 
où  l'on  n'admettait  que  "  quelques  Etrangers  en  petit  nombre  et 
la  compagnie  d'une  seule  personne  de  la  Ville  avec  chaque  Dame 
de  l'Académie  "  (3).  Les  séances  devaient  réunir  moins  de  cent 
amateurs,  y  compris  les  symphonistes  et  les  chanteurs. 

La  tâche  de  Bergiron  n'était  pas  facile  ;  ces  instrumentistes 
très  médiocres,  parfois  très  ignorants,  manquaient  certainement  et 
de  docilité  et  de  souplesse  ;  avec  quelle  violence  leur  chef  n'était-il 
pas  obligé  de  frapper  du  pied  le  sol  et  de  marquer,  à  l'aide  d'un 
rouleau  de  musique  tenant  lieu  de  baguette,  les  temps  d'une 
mesure  dont  certains  exécutants  se  souciaient  peu  !  Et  que  de 
temps  perdu  avant  de  commencer  le  concert  ou  les  répétitions, 
dans  les  conversations  particulières  commentant  les  événements  du 
jour,  les  faillites  successives  des  directeurs  de  l'Opéra  de  Lyon,  les 

(1)  Mercure,  février  1730,  p.  335. 

(2)  Acte  de  décès  de  Bergiron  père  (2  mai  1731):  "  Sr  Antoine  Bergiron, 
seigneur  du  Fort  Michon  et  de  Brioux,  gentilhomme  de  la  vénerie  du  Roy  ".  —  Acte 
de  baptême  du  fils  de  Nicolas  Bergiron  (20  Août  1732)  :  "  Jean-Marie,  fils  de  noble 
Nicolas-Antoine  Bergiron,  Seigneur  du  fort  Michon  et  Debrioux.  "  (Registres  parois- 
siaux de  St  Pierre  et  S1  Saturnin).  —  Bergiron  épousa,  en  1722,  Jeanne  de  Thibault 
de  Pierreux  (famille  beaujolaise)  et  n'eut  d'elle  que  le  fils  indiqué  ci-dessus,  qui 
mourut  le  8  avril  1741.  (Id.) 

(3)  Mercure,  Septembre  1721,  p.  197. 


Partie     AU    D I X  -  H  U IT IÈ  M  E    SIÈCLE  17 

liaisons  des  belles  artistes  avec  les  plus  graves  magistrats  de  la  cité,  fondation 
la  crise  monétaire,  la  banqueroute  du  Consulat,  la  misère  du  ET  DEBUTS 
peuple  et  les  défaites  des  armées  du  Grand  Roi  :  toute  la  brûlante  I7I3~1/1 
actualité.  Le  salon  artistique  de  l'Académie,  en  réunissant  une 
société  nombreuse  et  désœuvrée,  ne  favorisait-il  pas  aussi  les  ga- 
lantes causeries,  les  ébauches  de  romans  ;  si  les  chœurs  "  partaient  " 
mal,  c'est  que  quelques  choristes  oubliaient  la  musique  en  contant 
fleurette  à  leurs  voisines,  ou  traduisaient  en  simple  prose  les  amou- 
reuses fadeurs  d'un  livret  de  Quinault.  Les  concerts  n'étaient  pas 
alors,  comme  ils  le  sont  devenus,  des  offices  artistiques,  quasi 
religieux.  On  ne  considérait  pas  la  musique  comme  une  chose 
grave  ou  comme  "  une  matière  bien  relevée  (1)  ".  Elle  n'était 
qu'un  passe-temps  élégant  et  honnête,  un  art  et  un  plaisir  galant. 
Il  convenait  donc  de  ne  pas  apporter  à  son  exécution  une  gravité 
excessive,  une  attention  trop  minutieuse.  La  symphonie,  "  partie 
la  moins  essentielle  de  la  musique  ",  était  surtout  négligée,  car 
le  chant  était  tout,  "  l'orchestre  n'existant  que  par  accident  (2)  ". 
Et  quelle  cacophonie  prolongée  dans  l'accord  des  instruments 
prenant  le  ton  du  "  choriste  "  !  "  Que  dire,  écrivait  trente  années 
plus  tard  un  amateur  lyonnais,  que  dire  de  la  longueur  excessive 
du  temps  employé  à  l'accord  ?  de  ces  préludes  sans  fin  où  les 
symphonistes,  chacun  sur  un  mode  différent,  fatiguent  l'auditoire 
par  leurs  essais,  et  lui  font  acheter  bien  chèrement  le  plaisir  qu'il 
attend  ?  (3)  "  Peut-être  l'exécution  d'une  œuvre  nouvelle  était-elle 
parfois  interrompue  parce  que  des  Lullystes  intransigeants,  cham- 
pions de  la  simple  et  claire  musique  française,  se  refusaient  — 
et  pour  cause  !  —  à  exécuter  une  partie  difficile,  sous  le  prétexte 
honorable  qu'ils  ne  sauraient  prendre  part  à  l'interprétation  de 
musiques  laides,  bizarres  et  triviales,  que  le  bon  goût  désapprouve, 
de  musiques,  pour  tout  dire,  italiennes.  Et  c'étaient  vraisemblable- 
ment alors  des  discussions  sans  fin  dans  le  genre  de  celles  dont 

(1)  Mercure,  août  1726. 

(2)  Lecerf  de  la  ViÉville  :  Comparaison 

(3)  L.  Bollioud-Mermet  :  De  la  corruption  du  goust  dans  la  musique  françoise  ; 
Lyon,  de  la  Roche,  1746. 


l8  LA     MUSIQUE     A     LYON  Première 

fondation  Lecerf  de  la  Viéville  de  Fresneuse  nous  a  laissé  un  intéressant 
et  débuts  spécimen  dans  sa  Comparaison  de  la  musique  italienne  et  de  la  musique 
l/î3~ïlI  française,  et  dont  l'écho  nous  est  aussi  parvenu  dans  l'ouvrage  de 
notre  compatriote  Louis  Bollioud-Mermet,  cité  ci-dessus.  Ne  peut- 
on  imaginer  même  l'Académie  divisée,  dès  ses  débuts,  en  deux 
clans  irréductibles  :  d'une  part  lullystes  exclusifs,  d'autre  part 
modernistes,  partisans  des  Italiens  ou  de  Campra,  qui  s'efforçait 
"  de  mêler  avec  la  délicatesse  de  la  musique  française  la  vivacité 
de  la  musique  italienne  "  (i).  Ces  musiciens  avancés  devaient  se 
transformer  bientôt  en  ramistes  ou  "  ramoneurs  ".  Lutte  éternelle 
qui  se  reproduit  à  chaque  époque  entre  les  partisans  de  l'art  d'hier 
et  ceux  de  l'art  du  jour  ou  du  lendemain,  et  au  cours  de  laquelle 
sont  sans  cesse  reproduits  les  mêmes  arguments  ;  lutte  qui  ne  dut 
pas  être  moins  vive  à  Lyon  qu'à  Paris,  si  nous  nous  en  rapportons 
à  la  violence  des  combats  artistiques  récents  qui  mettaient  et 
mettent  encore  aux  prisés  wagnériens  et  défenseurs  de  l'ancien 
répertoire,  et  qui  vont  se  renouveler  entre  les  wagnériens,  novateurs 
d'hier  devenus  réactionnaires,  et  les  debussystes.  Lutte  certaine  en 
raison  de  l'esprit  conservateur  de  nos  concitoyens  que  devaient 
effaroucher  les  audaces  d'un  répertoire  ne  se  réduisant  pas  aux 
nobles  opéras  de  Lully,  et  l'initiative  intelligente  du  jeune  directeur 
de  l'Académie. 

En  ce  qui  concerne  le  répertoire  musical  de  l'Académie  à  ses 
débuts,  nous  n'en  sommes  pas  en  effet  réduit  à  de  simples  hypo- 
thèses, car  nous  possédons  le  catalogue  de  la  bibliothèque  de  la 
Société,  heureusement  conservé  dans  les  Archives  municipales,  et 
ce  catalogue  semble  présenter  la  liste  des  œuvres  à  peu  près  dans 
l'ordre  de  leur  entrée  et  de  leur  exécution.  A  côté  de  quelques 
motets,  dont  nous  parlerons  plus  tard,  et  de  quelques  œuvres  de 
chambre,  telles  que  les  "  concerts  "  de  Corelli,  d'Alberti,  ou  de 
Rosenmuller,  de  Senaillé,  l'Académie  jouait  surtout  de  la  musique 
française,  soit  que  les  directeurs  de  l'Opéra  de  Lyon  ne  se  crussent 
pas  gênés  par  la  faible  concurrence  de  cette  réunion  d'amateurs, 

(i)  Campra.   "  Avertissement  "  du  Ier  livre  de  ses   Cantates  françaises  (Paris, 
Ballard,  1708). 


Partie      AU    DIX-HUITIÈME    SIÈCLE  19 

soit  qu'ils  eussent  cédé  le  droit  de  jouer  les  œuvres  contemporaines   fondation 

en  vertu  d'un  traité  régulier  (1).   La  première  œuvre  entrée  dans   ET    débuts 

la  bibliothèque  est  le  ballet  les  Fêtes   Vénitiennes.  On  sait  que  ce    x7 I3~I7I 

ballet   de   Campra  avait  été  créé,  avec  un  énorme  succès,  à  Paris, 

le  17  juin  17 10.  Dès  l'année  suivante,  il   paraissait   sur  le   théâtre 

de  Lyon  avec  un  succès  non  moins  éclatant  (2).   En   même  temps 

pour  compenser  sa  relative  audace,  et  peut-être  pour  ménager  des 

susceptibilités  redoutables,  l'Académie  faisait  exécuter  deux  œuvres 

"  classiques  ",   Phaéton  et   zAtys    de    Lully.    Phaéton   avait    été   le 

premier  opéra  joué  à  Lyon,  et  il  avait  tenu  la  scène  à  lui  tout  seul 

pendant  six  mois  (janvier-juin  1688)  ;  aAtys,  créé  en  1689,  n'avait 

pas  eu  une  carrière  moins  longue  (3).  Puis  ce  fut   une  nouveauté, 

les  <*Amours   déguisés   de   Bourgeois,    qui    venait   de   paraître   chez 

Ballard  ;  puis   deux  autres  œuvres   de   Lully,  zAcis  et   Galathêe  et 

ïAmadis  des  Gaules  ;  le  ballet  des  Saisons  de  Colasse  et  Louis  Lully; 

la  Musette  de  Suresnes  de  Gillier  ;  la  Sérénade  de  Campra.  Puisque, 

en  raison  de  leur  extrême  rareté,  aucun  des  documents  concernant 

le   Concert  ne  peut  nous  être  indifférent,  nous  noterons  le  nombre 

des  parties  d'orchestre  et  de  chœurs  copiées  pour  l'exécution  de 

ces  premières  œuvres,  ce  qui  nous  permettra  du  reste  de  constater 

que  les  académiciens  ordinaires  étaient  déjà  fort  nombreux.  aAcis  et 

Galathêe,  les  zAmours  déguisés,  la  Musette  de  Suresnes,  la  Sérénade,  ne 

nécessitaient  que  de  quinze  à  vingt-cinq  parties  séparées,  mais  les 

autres  œuvres  en  exigeaient  jusqu'à  soixante-trois,  ce  qui  suppose 

un  chiffre  énorme  d'exécutants,  pour  le  xvme  siècle  surtout. 

A  ces  grandes  œuvres,  chantées  évidemment  "  en  extraits  " 

(1)  Le  livret  de  Phaéton,  publié  à  Lyon  chez  Amaury,  éditeur  du  Mercure  galant, 
en  1688,  porte  des  extraits  du  privilège  de  Lully  pour  la  représentation  et  l'édition,  et 
indique  la  cession  de  ce  privilège  par  la  veuve  Lully  à  Le  Gay,  directeur  de  l'Opéra 
Lyonnais. 

(2)  Nous  en  avons  pour  preuve  le  chiffre  de  la  recette  produite  par  la  représentation 
de  cet  opéra,  donnée  en  faveur  des  pauvres  le  9  mars  171 1  :  1.100  livres  (Archives 
de  la  Charité,  E.  312,  p.  42). 

(3)  Archives  municipales  :  Inventaire  Chappe,  GG,XVI,  p.  469,  n°  I.  V.  Fer- 
nand  Baldensperger:  Notes  sur  les  débuts  de  l  Opéra  à  Lyon  {Revue  Musicale  de  Lyon 
du  14  Octobre  1906). 


20  LA     MUSIQUE     A     LYON  Première 

fondation  suivant  l'habitude  du  temps,  se  joignaient  de  nombreuses  cantates 
et  débuts  gUj  étaient  parfois  de  véritables  opéras  en  miniature.  Les  premières 
'  J  '  acquises  furent  celles,  récemment  parues,  de  Batistin,  de  Bernier, 
de  Morin  ou  de  Clérambaut.  Ces  diverses  compositions,  grandes  et 
petites,  permettaient  d'utiliser  toutes  les  bonnes  volontés  dans  les 
chœurs  et  l'orchestre,  et  de  mettre  en  vedette  de  nombreux  solistes. 
Malheureusement  nous  avons  vainement  recherché,  dans  les  par- 
titions conservées,  l'indication  du  nom  de  quelques-uns  des 
chanteurs  :  les  gens  du  monde  qui  composaient  l'Académie  n'avaient 
pas  la  sotte  habitude  d'inscrire  leur  nom  sur  les  partitions  dont  ils 
usaient,  et  c'est  grand  dommage  pour  l'historien  (i). 

L'œuvre  qui  porte  le  numéro  io  dans  l'inventaire  des  pièces 
françaises  à  grand  chœur  et  symphonie,  mérite  une  particulière 
attention.  Elle  est  la  première  composition  de  Bergiron  du  Fort- 
Michon,  alors  âgé  de  vingt-trois  ans  et  demi  ;  elle  est  la  première 
aussi  des  œuvres  originales  lyonnaises,  et  elle  marque  enfin  une 
date  dans  l'histoire  de  l'Académie  des  Beaux-Arts. 

Le  Maréchal  de  Villeroy,  le  grand  favori  de  Louis  XIV,  le 
protégé  de  Mme  de  Maintenon,  venait  de  se  rappeler  subitement, 
au  cours  de  sa  vie  à  Versailles,  qu'il  était  gouverneur  de  notre  ville, 
ou  selon  le  mot  très  juste  de  Saint-Simon,  qu'il  était  le  "  roi  de 
Lyon  ".  Une  émeute  suscitée  par  des  bouchers  venait  d'éclater.  Le 
Maréchal  jugea  sa  présence   indispensable  au  salut  de  la  ville.  Il 

arriva,   à  vrai  dire,  quand  tout  était  fini On  ne  lui   en   fit   pas 

moins  une  admirable  réception  (2). 

L'Académie  devait  se  distinguer  au  milieu  des  fêtes  organisées 
à  l'occasion  de  cet  heureux  voyage  ;   par  ses  brillantes  relations  et 

(1)  Cependant,  dans  une  partition  manuscrite  d'Idas  et  Dorisy  datée  de  17 15,  et 
écrite  par  un  nommé  du  Breuil  sur  un  poème  de  Fessard,  avocat  au  Parlement,  nous 
avons  trouvé  les  noms  de  Mme  Borne,  de  Mrae  Perrodon  et  de  M'"6  Verdier.  Cette 
partition,  évidemment  composée  pour  mettre  en  vedette  de  nombreux  chanteurs, 
nécessite,  outre  les  chœurs,  dix  solistes  :  une  haute-contre  (ténor),  deux  basses,  et  sept 
dessus  (soprani). 

(2)  Cf.  H.  Morin-Pons,  les  Villeroy  (discours  de  réception  à  l'Académie  de 
Lyon,  21  décembre  1861).  Dans  ce  discours,  Morin-Pons  signale  l'Impromptu,  mais 
sans  parler  de  la  musique. 


Partie       AU     DIX-HUITIÈME     SIÈCLE  21 

son  noble  recrutement,  elle  mérita  l'insigne  faveur  et  la  grâce  fondation 
d'être  placée  sous  la  protection  du  tout-puissant  Maréchal,  Duc  et  ET  D^BUTS 
Gouverneur.  7  3"  71 

C'est  pour  cet  éminent  protecteur  qu'un  divertissement  fut 
rimé  par  Bordes  (qui  n'a  rien  de  commun  avec  le  prosateur  et 
poète  Charles  Borde,  ami,  puis  adversaire  de  J.  J.  Rousseau,  dont 
nous  parlerons  dans  la  seconde  partie  de  cet  ouvrage).  C'est  aussi  à 
cette  occasion  qu'eut  lieu  la  première  peut-être  de  ces  rares  con- 
férences littéraires  qui,  dix  ans  plus  tard,  devaient  servir  d'argu- 
ment pour  l'obtention  de  Lettres-patentes.  Dans  les  différents 
mémoires  rédigés  à  l'occasion  de  ces  Lettres-patentes,  revient  sans 
cesse,  en  effet,  cette  affirmation  :  "  L'Académie  des  Beaux-Arts, 
dès  171  3,  fut  formée  par  des  amateurs  de  la  poésie,  de  la  musique 
et  des  beaux-arts  qui  tinrent  des  assemblées  et  des  conférences.  Ils 
composaient  des  paroles,  les  examinaient,  les  mettaient  en  musique, 
et  exécutaient  eux-mêmes.  Il  subsiste  un  cahier,  imprimé  en  17 14, 
des  paroles  et  de  la  musique  d'un  divertissement  que  cette  com- 
pagnie donna  à  M.  le  Maréchal  de  Villeroy  "  (1).  L'œuvre 
poétique  de  Bordes  fut  donc  examinée  et  approuvée  par  les 
académiciens,  puis  confiée  à  Nicolas  Bergiron  du  Fort-Michon 
pour  être  mise  en  musique.  Poème  et  partition  ont  été  conservés. 
Nous  avons  vu  plusieurs  exemplaires  du  livret,  notamment  aux 
Archives  municipales,  dans  le  dossier  de  l'Académie,  et  dans  le 
fonds  Coste  de  la  grande  Bibliothèque.  En  voici  le  titre  : 

"  Impromptu  divertissement  en  musique,  pour  Mgr  le  Maréchal 
duc  de  Villeroy,  gouverneur  de  la  Ville  de  Lyon,  et  des  Provinces  du 
Lyonnois,  Forests,  et  Beaujollois,  Protecteur  et  Chef  de  l'Académie  des 
Beaux-Arts  établie  à  Lyon.  Chanté  en  sa  présence  dans  la  même  Académie 
le  Ier  août  17 14.  La  musique  est  de  la  composition  de  M.  B****  du 
F*  M**,  académicien  ordinaire,  et  les  paroles  sont  de  M.  B**,  académicien 
associé  "  (2). 

La  partition  autographe  de   Bergiron   porte  le  même  titre, 

(1)  V.  Série  de  pièces  aux  Archives  départementales,  D.  448. 

(2)  Lyon,   André    Laurens,  seul    imprimeur    ordinaire    de  la    Ville,  mdccxiv. 
(in-40  de  1 1  p.) 


22  LA     MUSIQUE     A     LYON  Première 

fondation  mais  avec  une  indication  plus  explicite  des  auteurs  :  "  La  musique 
et  débuts  est  ^e  ]yj  Bergiron  du  Fort-Michon,  et  les  paroles  sont  de 
1713-171      jyj    Bordes,  tous  deux  académiciens  ". 

Le  poème  de  Bordes  ne  sort  pas  de  la  banalité  et  de  la  platitude 
courtisanesque  des  pièces  de  circonstance.  Il  met  en  scène  le  Génie 
•  de  la  musique  et  un  de  ses  suivants,  le  Rhône,  Bellone,  une 
Nymphe,  et  utilise  pour  le  développement  de  son  action  des 
allusions  aux  événements  contemporains.  Nous  avons  déjà  cité  le 
début  de  la  première  scène,  présentant  l'Académie  composée  des 
plus  chers  favoris  des  Muses  ;  la  strophe  que  nous  avons  reproduite 
s'achève  par  un  compliment  au  Maréchal  : 

Un  héros  pour  eux  s'intéresse 
Quil  soit  toujours  leur  Apollon. 

Puis  "  les  symphonies  sont  interrompues  par  un  bruit  de 
guerre  ",  et  une  note  nous  indique  l'allusion  au  "  camp  sous  Lyon 
sur  les  bords  du  Rhône  ".  C'est  ensuite  l'apparition  du  Rhône, 
puis  des  nymphes  du  fleuve,  représentant  "  les  Dames  de  Lyon  qui 
ont  été  visiter  le  camp  ".  Enfin  le  concert  troublé  reprend,  sur 
l'invitation  du  génie  de  la  musique,  pour  célébrer  le  Maréchal 
"  héros  redoutable  ".  Nos  ancêtres  trouvaient  ainsi,  dans  les  plus 
tristes  situations,  matière  à  de  galants  poèmes. 

La  musique  de  Bergiron  —  œuvre  d'un  amateur  de  vingt- 
trois  ans  —  est  fort  intéressante.  L'écriture  en  est  généralement 
correcte  ;  l'instrumentation,  très  simple,  comme  celle  des  œuvres 
de  la  même  époque.  L'orchestre  comprend  le  quatuor  avec, 
naturellement,  le  clavecin  pour  la  basse  continue,  et  des  flûtes, 
hautbois,  bassons.  De  plus  les  trompettes  interviennent  dans  les 
"  bruits  de  guerre  ".  Les  bois  se  joignent  le  plus  souvent  à  la 
masse  de  l'orchestre  ;  les  hautbois  et  les  bassons  dialoguent  aussi 
avec  le  quatuor  ;  les  flûtes,  écrites  à  deux  parties,  sont  soutenues 
tantôt  par  la  basse  continue,  tantôt  par  les  violons  seuls  en  guise 
de  basse.  Les  chœurs  sonnent  bien.  L'ensemble,  malgré  la  mono- 
tonie des  rythmes,  est  assez  varié  et  fort  agréable. 

Dans  la  composition  de  sa  partition,  qui  semble  être  originale, 


Partie     AU    DIX-HUITIÈME    SIÈCLE  23 

et  non  composée  de  "fragments  assemblés"  (1)  le  jeune  musicien    fondation 
a  suivi  de  très  près  certains  maîtres.  L'ouverture  est  écrite  d'après   ET    débuts 
les  modèles  de  Lully  ;  c'est  une  ouverture  française  :  thème  lent,    I7I3~I7l8 
puis  mouvement  vif  et  fugué,  et  conclusion   de   quelques   mesures 
lentes.   L'ensemble  de   l'œuvre   est   fortement   imité    de    Campra. 
On  y  remarque  même   une   adroite   utilisation   de   thèmes   de   ce 
dernier  maître,   thèmes  transformés  et  développés.  Nous  citerons 
deux  exemples  du  procédé  pratiqué  par  Bergiron. 

Pour  une  ariette  chantée  par  la  nymphe  du  Rhône,  il  em- 
prunte presque  textuellement  le  début  d'un  air  de  Campra,  et  le 
développe  d'une  façon  personnelle. 

I.   Campra  :  Festes  vénitiennes  (2).  Ariette  de  la  Bohémienne. 


-   U    sumoô   fra  -  ces. 
II.  Bergiron  :  Ariette  de  la  Nymphe  du  Rhône  (p.  59). 


-  sur  ut  henrciçc  ri  •  va  -  <to . . . 


Pour  écrire  deux  de  ses  danses,  Sarabande  et  Deuxième  Menuet, 
Bergiron  emprunte  encore  aux  Festes  vénitiennes  (Entrée  de  l'Opéra, 
Scène  II,  air  de  Léontine)  la  "  cellule  "  suivante,  comme  nous 
dirions  aujourd'hui  : 


WH 


^EE 


:? 


£ 


(3) 


(1)  Nous  n'écrivons  pas  sans  hésitation  cette  phrase,  car,  pour  affirmer  l'origina- 
lité d'une  telle  partition,  il  faudrait  connaître  tout  le  répertoire  musical  ancien... 

(2)  L'ariette  de   la   Bohémienne   fait   partie  de  X Entrée  des  Devins  de  la  place 
S1  Marc,  qui  avait  été  ajoutée  à  la  pièce  en  septembre  17 10. 

(3)  Le  thème  qui  débute  ainsi  est  écrit  en  ré  mineur. 


24  LA     MUSIQUE     A     LYON  Première 

fondation   il   en    modifie    le    rythme,   et    en    tire   les    deux    jolis   morceaux 

ET     DEBUTS     gue    V0ici  (i)  : 

1713-1718 

SARABANDE. 


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(1)  Nous  avons  transcrit  sur  deux  portées  ces  danses  écrites  à  quatre  parties. 
Nous  n'avons  pas  cru  excessif  de  donner  une  place  si  grande  à  des  fragments  qui 
servent  en  quelque  sorte  à  présenter  musicalement  le  fondateur  et  premier  chef  d'or- 
chestre de  l'Académie  des  Beaux-Arts. 


Part.e     AU   DIX-HUITIÈME    SIÈCLE  25 


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La  cérémonie  musicale  faite  en  présence  du  Maréchal 
Gouverneur  fut  une  véritable  consécration  pour  la  jeune  Académie, 
qui  songea  aussitôt  à  s'organiser  d'une  façon  plus  officielle.  Elle 
s'adressa  à  l'Académie  des  Sciences  et  Belles-Lettres  qui,  au  cours 
du  xvnie  siècle,  eut  en  quelque  sorte  le  monopole  des  devises 
pour  les  monuments,  des  inscriptions  pour  les  feux  d'artifices,  de 
la  rédaction  des  statuts  pour  les  sociétés  diverses. 

Le  6  août,  une  séance  ordinaire  de  l'Académie  se  tint  chez 
de  la  Valette,  directeur  de  la  Compagnie.  Sept  membres  seulement 
y  assistaient,  parmi  lesquels  le  Père  de  Colonia,  et  Brossette,  le 
correspondant  de  Boileau  et  de  J.  B.  Rousseau.  Le  procès-verbal 
de  cette  séance  nous  apprend  ceci  : 

"  Brossette  a  dit  que  depuis  peu  il  s'est  formé  en  cette  ville  une 
compagnie  de  personnes  qui  aiment  la  musique,  et  qui  font  des  concerts 
réglez  tous  les  Mècredis.  Monseigneur  le  Maréchal  de  Villeroy,  Gouver- 
neur de  cette  Province,  ayant  honoré  cette  assemblée  de  sa  présence,  et 
même  ayant  marqué  qu'il  voulait  y  être  agrégé,  ces  Messieurs  ont  voulu 
marquer  combien  ils  étoient  sensibles  à  cet  honneur,  en  donnant  à  leur 
compagnie  une  forme  certaine  et  régulière.  Pour  cet  effet,  ils  ont  pris  le 
dessein  de  se  donner  des  statuts  qu'ils  m'ont  prié  de  rédiger.  Ils  m'ont 
aussi  prié  de  demander  à  notre  assemblée  un  nom  pour  la  leur  et  une 
devise.  La  Compagnie  a  résolu  d'y  réfléchir,  et  chacun  apportera  ses 
pensées  Lundi  prochain  ". 


FONDATION 
ET  DÉBUTS 
I7I3-I7I8 


28  LA     MUSIQUE     A     LYON  Première 

fondation  Le  lundi  suivant,    1 3    août,    deux    Académiciens   seulement 

et  débuts  «  apportèrent  leurs  pensées  ".  Le  Père  de  Colonia  souhaitait  que  le 
17 13-17 18   corpS  de  ja  devise  représentât  "un  essaim  d'abeilles  qui   vole  dans 

une  ruche  au  bruit  des  cymbales  ",  et  soumettait  au  choix   de   ses 

collègues  les  épigraphes  suivantes  : 

1 .  Concen*u  ciet  harmonico. 

2.  Harmonise  sic  urget  amor. 

3.  Sonitum  vocemque  sequuntur. 

4.  Du/ces  invitant  undique  cantus. 

5.  Sonitus  ciet  undique  dulces. 

6.  Dulci  concurrunt  uudique  cantu. 

Un  autre  académicien,  Laisné,  proposait  de  conserver  le 
corps  de  l'emblème  proposé  par  l'Académie  de  musique  elle-même: 
un  Orphée  jouant  de  la  lyre  devant  un  lion  qui  l'écoute.  Autour 
du  dessin,  ces  mots  d'Horace  :  "  Voce  feros  cultus  format  ",  ou 
ceux-ci  tirés  d'Ovide  :  "  Cogitur  dulcedine  cantus  (ou  vocis)  ". 

Dans  la  séance  du  20  août  enfin,  Brosette  lut  les  statuts  et  les 
règlements  dont  le  Maréchal  de  Villeroy  lui  avait,  dans  l'intervalle, 
confié  la  rédaction.  Qu'étaient  ces  statuts  ?  Ils  n'ont  pas  été  con- 
servés. Nous  savons  seulement  que  le  Maréchal  tint  à  les  signer 
lui-même  (1).  Quant  à  sa  devise,  l'Académie  des 
Beaux-Arts  eut  le  bon  goût  de  laisser  de  côté  les 
emblèmes  et  les  épigraphes  proposés  par  l'Acadé- 
mie des  Sciences  et  Belles-Lettres,  et  de  se  con- 
tenter d'un  cachet  assez  simple  :  une  lyre  et  un 
caducée  avec  les  mots  :  Et  voce  et  arte.  <iAcad.  hugd. 
Nob.  aArt.  171 3  (2).  Nous  le  reproduisons  ci- 
contre. 

Cette  protection  officielle,  cette  sorte  de  déclaration  d'utilité 
publique,  ne  pouvait  que  donner  un  nouvel  essor  à  l'Académie. 

(1)  Mercure,  Septembre  1721,  p.  197  ;  et  Mss  acad.  n°  263,  f°  III   et  suivant. 

(2)  Ce  cachet,  ainsi  que  des  médailles  frappées  pour  l'Académie  des  Beaux-Arts, 
a  été  reproduit  par  H.  Morin-Pons  dans  sa  Numismatique  de  l'Académie  (Lyon  1900). 


Partie     AU    DIX-HUITIÈME    SIÈCLE  29 

L'année  suivante,  en  171  5,  elle  allait  trouver  un  autre  protecteur  fondation 
en  la  personne  du  fils  du  Maréchal  de  Villeroy,  l'abbé  Paul-  ET  débuts 
François  de  Neufville  de  Villeroy,  qui,  à  la  surprise  générale,  fut  I7I3_I7I 
nommé  archevêque  de  Lyon.  Il  n'est  pas  très  facile  de  se  faire  une 
opinion  précise  sur  le  prélat  lyonnais  (1).  La  basse  courtisanerie  de 
ses  contemporains  de  la  haute  société  a  fait  de  lui,  comme  de  tous 
les  membres  de  sa  famille,  une  manière  de  héros  doué  de  toutes 
les  vertus.  "  Il  se  faisait  aimer  par  son  affabilité  et  la  douceur  de 
son  caractère,  il  possédait  l'art  de  parler  facilement  et  avec  grâce, 
se  plaisait  à  obliger  les  citoyens  et  à  appuyer  de  son  crédit  les 
intérêts  de  la  ville"  (2).  L'impartialité  d'historiens  modernes  le 
pare  au  contraire  de  bien  des  vices  ;  son  père  lui-même,  le  Maré- 
chal de  Villeroy,  le  jugeait  parfois  avec  la  plus  grande  sévérité  (3). 
Peu  nous  importe.  Il  était  en  tout  cas  un  esprit  cultivé  :  il  se  montra 
le  protecteur  éclairé  et  de  l'Académie  des  Sciences  et  Belles-Lettres 
qu'il  recevait  dans  son  palais  archiépiscopal,  et  de  l'Académie  des 
Beaux-Arts  aux  exercices  de  laquelle  il  prenait  part  très  souvent. 
Son  entrée  solennelle  à  Lyon,  qu'il  ne  fit  que  longtemps 
après  sa  nomination,  au  mois  de  mars  171  5,  fut  marquée  par  une 
fête  musicale  vraisembablement  donnée  avec  le  concours  des 
Académiciens.  Un  document  contemporain  nous  rapporte  que,  le 
17  mars,  "  Messieurs  du  Consulat  sont  allés  en  corps  inviter 
l'archevêque  à  se  transporter  à  l'Hôtel  de  Ville  où,  après  la  visite 
des  salles,  on  lui  a  offert  une  collation,  accompagnée  d'un  concert 
de  musique  des  mieux  entendus"  (4).  Le  Mercure  de  France,  dans  une 
correspondance  de  Lyon  que  nous  avons  déjà  citée  (5),  nous 
apprend  que  "  M.  l'Archevêque  a  honoré  l'Assemblée,  dès  qu'il  a 

(1)  V.  L£on  V  allas,  Un  archevêque  de  Lyon  compositeur  et  chef  d'orchestre  (Reyue 
musicale  de  Lyon,  18  octobre  1908). 

(2)  Bollioud-Mermet,  Histoire  de  l'Académie  (Mss  acad.  n°  270,  p.  37). 

(3)  Archives  municipales,  série  A.  Lettre  du  Maréchal  de  Villeroy  au  secrétaire 
Perrichon  (9  décembre  17 15). 

(4)  Morel  de  Voleine,  Petite  chronique  lyonnaise  d'après  une  correspondance  du 
XVIIIe  siècle  (Revue  du  Lyonnais  1852,  p.  360). 

(5)  Mercure,  Septembre  1721,  p.  197. 


30  LA     MUSIQUE     A     LYON  Première 

fondation  été  Archevêque  de  Lyon,  des  mêmes  faveurs  que  M.  le  Maréchal 
et  débuts  son  père  lui  avait  faites".  Monseigneur  de  Villeroy  devait  plus 
1718-1718  tar(j  manifester  avec  éclat  sa  sympathie  pour  l'Académie  musicale 
en  prenant  part  de  la  façon  la  plus  active  à  ses  exercices.  La 
bibliothèque  du  concert  contenait  en  effet  deux  motets  à  grand 
chœur  et  orchestre  composés  par  le  prélat  (1)  qui,  très  probable- 
ment, en  dirigea  lui-même  l'exécution  (2). 

Nous  avons  indiqué,  au  début  de  ce  chapitre,  que  des  ecclé- 
siastiques assistaient  aux  concerts,  au  même  titre  que  les  laïcs. 
Nous  avons  en  effet  trouvé  plusieurs  noms  de  prêtres  dans  les 
documents  :  un  abbé  Falais,  académicien,  donna  en  1725  à  la 
bibliothèque  du  Concert  une  partition  de  la  Grotte  de  Versailles  de 
Lully  ;  l'abbé  de  la  Croix,  obéancier  de  Saint  Just,  était  académi- 
cien en  1721  (3)  ;  enfin,  un  motet,  joué  au  Concert  à  une  date 
indéterminée,  était  dû  à  la  collaboration  de  deux  membres  du  clergé, 
les  abbés  Garon  et  Bouzon  (4).  La  présence  et  l'assiduité  de 
l'Archevêque  aux  exercices  académiques  dut  engager  les  clercs  à 
faire  partie  d'une  société  mondaine  protégée  par  leur  supérieur, 
généralement  très  sévère  (5). 

Peut-être  faut-il  attribuer  aussi — mais  ceci  n'est  qu'une  hypo- 

(1)  Un  seul,  Notus  in  Judœa  Deus,  a  été  conservé.  Nous  l'avons  analysé  dans  la 
Revue  Musicale  de  Lyon  du  18  octobre  1908  (article  cité  sur  Mgr  de  Villeroy). 

(2)  Témoignage  de  Lantin  de  Damerey  dans  V Académie  de  musique  de  'Dijon 
en  1728,  (tome  VIII  de  la  Revue  Les  T)eux  Bourgognes,  Dijon,  1838,  p.  55)  :  "  Lyon, 
qui  va  de  pair  avec  la  capitale  du  Royaume,  eut  aussi  son  concert  où  Y  Archevêque  de 
Villeroy  battait,  à  ce  qu'on  dit,  quelquefois  la  musique.  " 

(3)  L'abbé  Léonard  de  la  Croix,  prédicateur  du  roi,  officiai  métropolitain,  et  chef 
du  chapitre  de  St  Just,  céda,  en  1734,  sa  dignité  à  son  neveu  qui  fît  partie  de  l'Aca- 
démie des  Sciences  et  Belles  Lettres.  {Journal  de  Lyon,  11  octobre  1786).  Il  mourut 
avant  1740.  Il  n'a  rien  de  commun  avec  l'abbé  de  la  Croix,  chapelain  et  maître  de 
musique  de  la  Sainte  Chapelle  du  Palais  à  Paris,  cité  par  M.  Brenet  (Les  Concerts  en 
France...) 

(4)  "  Laudemus  viras  fortes,  motet  à  grand  chœur  par  M.  l'abbé  Garon,  mis  en 
symphonie  par  M.  l'abbé  Bouzon.  "  (Ms.). 

(5)  Par  des  ordonnances,  en  17 16  et  en  1727,  Mgr  de  Villeroy  avait  interdit 
aux  prêtres  de  son  diocèse  la  chasse  avec  une  arme  à  feu,  la  fréquentation  des  cabarets 
et  tavernes,  le  port  de  la  cravate  et  des  justaucorps  de  couleur.  (Mandements). 

Dans  d'autres  académies  provinciales,   les  clercs  et  les  prêtres  eux-mêmes  étaient 


Partie     AU    DIX-HUITIÈME    SIÈCLE  31 

thèse — à  l'influence  personnelle  de  l'archevêque-musicien  la  très  fondation 
grande  importance  accordée  aux  motets — à  la  "  musique  latine  " —  ET  débuts 
dans  le  répertoire  de  l'Académie.  Pendant  presque  toute  la  durée  I7I3-I7I° 
de  la  Société  des  Concerts  académiques,  l'exécution  d'un  motet  fut 
de  rigueur  à  chaque  séance  ;  ce  qui  fit  croire  à  un  rédacteur  du 
Dictionnaire  encyclopédique  du  xvin*  siècle  que,  "  par  un  statut, 
chaque  concert  devait  finir  par  un  motet  à  grand  chœur  "  (1). 
Le  prélat-académicien  partageait-il  l'opinion  émise  vingt  ans 
auparavant  dans  un  livre  édité  à  Lyon  :  "  Chantez  si  vous  avez  de 
la  disposition,  écrivait  l'abbé  Bourdelon  ;  mais  ne  chantez  jamais 
rien  qui  puisse  blesser  et  embarrasser  la  pudeur  de  ceux  qui  vous 
écoutent,  et  vous  gâter  l'imagination....  Ne  pourrait-on  point 
trouver  le  moyen  de  plaire  à  tout  le  monde  en  chantant,  sans  être 
obligé  de  ne  chanter  comme  on  fait  que  les  triomphes  de  la  passion 
la  plus  dangereuse,  je  veux  dire  de  l'amour  ?  que  le  public  serait 
redevable  aux  musiciens  et  aux  poètes,  s'ils  trouvaient  le  moyen  "(2). 
Le  motet,  à  vrai  dire,  tel  qu'on  le  concevait  au  xvine  siècle, 
n'avait  guère  de  religieux  que  son  texte  latin  ;  le  style  musical  de 
ces  compositions,  essentiellement  profane,  ne  différait  pas  du  style 
de  l'opéra.  Les  modèles  en  étaient  les  célèbres  pièces  de  La  Lande, 
écrites  pour  la  chapelle  de  Louis  XIV.  Ce  qu'étaient  ces  motets, 
M.  Michel  Brenet  l'a  parfaitement  indiqué  : 

"  De  l'ancien  motet  liturgique,  ces  œuvres  n'avaient  plus  guère 
conservé  que  le  titre  et  le  langage  ;  c'étaient  de  grandes  cantates  dont  les 
textes  —  psaumes,  hymnes  ou  proses  —  étaient  divisés,  raccourcis  ou 
répétés,  selon  les  exigences  de  la  facture  musicale,  en  fragments  successifs 
et  variés,  pouvant  se  détacher,  se  supprimer,  se  remplacer  à  volonté.  Une 
ouverture  ou  du  moins  une  ritournelle  instrumentale  précédait  un  premier 
grand  chœur  avec  orchestre  ;  des  récits  et  des  duos,  accompagnés  de  solos 

parfois  engagés  comme  musiciens  appointés  :  ainsi  à  Pau  et  à  Moulins,  comme  l'indi- 
quent certaines  pièces  d'archives.  Cf.  L.  de  la  Laurencie,  U Académie  de  Musique  et 
le  Concert  de  Nantes,  pp.  60-6 1,  et  139. 

(1)  Un  statut  de  ce  genre  existait  au  Concert  de  Lille  (1733).  V*.  Léon 
Lefebvre,  Le  Concert  de  Lille. 

(2)  Abbé  Bourdelon,  La  belle  éducation;  Lyon,  V"  Guillemin,  1694  (pages 
162-163). 


32  LA     MUSIQUE     A     LYON  Première 

fondation  de  flûte,  de  violon  ou  de  basse  de  viole,  alternaient  avec  d'autres  ensembles 
et  débuts  d'allures  et  de  dispositions  soigneusement  contrastées  ;  la  conclusion  était 
1 7 13-17 1 8  formée  de  nouveau  par  quelque  imposante  réunion  de  toutes  les  voix,  de 
tous  les  instruments.  Dans  tout  le  cours  de  l'ouvrage,  la  recherche  de  la 
variété  et  celle  de  la  symétrie  l'emportaient  sur  le  souci  de  l'expression, 
qui  se  trouvait  tantôt  solennelle  et  vaguement  religieuse,  tantôt  délibéré- 
ment indifférente  ;  dès  que  le  texte  prêtait  à  un  commentaire  descriptif, 
apparaissaient  les  formules  d'usage  pour  peindre  l'image  indiquée  ;  des 
rythmes  de  pastorale  et  des  murmures  de  flûte  inclinaient  un  verset  du 
côté  de  la  bergerie  ;  ou  bien  les  timbales  et  les  trompettes  faisant  bande  à 
part  et  dialoguant  avec  l'orchestre  et  les  voix,  amenaient  dans  le  psaume 
l'éclat  d'une  musique  guerrière.  Les  broderies,  les  agréments,  les  "  pretin- 
tailles",  se  pressaient  dans  les  récits  destinés  à  d'habiles  chanteurs.  La  variation 
mélodique  ornementale  remplaçait  l'art  oublié  de  développer  un  thème  (1)..." 

Ce  caractère  profane  et  très  extérieur  des  motets  ne  frappait  pas 
les  amateurs  d'autrefois;  bien  au  contraire.  C'est  ainsi  que  le  Lyonnais 
Bollioud-Mermet  écrivait,  en  1746,  au  sujet  des  motets  de  Lalande: 

"  ...Tantôt  on  entend  le  pécheur  demander  grâce  :  les  accents  qu'il 
porte  vers  le  Ciel  sont  si  touchans  que  le  musicien  semble  pour  lors 
disputer  de  zèle  et  de  force  avec  le  plus  pathétique  prédicateur  :  tantôt 
l'âme  juste  répand  dans  le  sein  de  son  Créateur  la  joie  qu'elle  a  de  le 

connaître,  de  le  servir Le  musicien  réussit  si   heureusement  dans  les 

divers  sentiments  qu'il  peint  qu'on  l'oublie  pour  ne  plus  penser  qu'à  se 
livrer  aux  mouvements  qu'il  exprime. 

"  Un  récit  affectueux  pénètre  de  dévotion  ;  un  chœur  également 
spécieux  par  la  noblesse  de  son  sujet  et  par  l'art  avec  lequel  il  est  traité, 
inspire  de  grandes  idées  des  merveilles  du  Très  Haut,  de  la  gloire  des 
saints,  des  délices  du  Ciel.  Ici  une  symphonie  hardie  et  travaillée  annonce 
la  colère  de  Dieu,  la  terreur  de  ses  menaces,  les  effets  de  sa  vengeance  ; 
on  se  sent  ébranlé,  saisi  d'effroi  ;  là,  tout  est  employé  à  exalter  ses 
miséricordes  ;  on  est  attendri,  touché,  consolé (2)  ". 

Les  motets  de  La  Lande  ne  devaient  pourtant  pas  être  les 
premiers  chantés  au  Concert  de  Lyon  ;  deux  ou  trois  furent 
introduits  de  bonne  heure,  mais  leur  entrée  en  masse  dans  la 
bibliothèque  de  l'Académie,  qui  n'en  posséda  pas  moins  de 
quarante-trois,  ne  date  que  de  leur  publication  en  vingt  volumes, 

(1)  Les  Concerts  en  France  sous  F  ancien  régime,  p.  1 20-121. 

(2)  1)e  la  Corruption  du  goust  dans  la  musique  françoise. 


Partie       AU     DIX-HUITIÈME     SIÈCLE 


33 


après  la  fondation   du  Concert  spirituel  de  Paris.  Le  premier  motet  fondation 
chanté   à   Lyon   fut   In  conlpertendo  de   Campra,   pour  l'exécution  ET    débuts 
duquel  on  fit  copier  quarante-cinq  parties  ;   ce  fut  ensuite  In  te  I7I3~I7l8 
Domine  speravi  de  Bergiron,  que  nous  n'avons  pas  retrouvé,  Judica 
Domine  de  Valette  de  Montigny.   Ce  Valette  de  Montigny  était-il 
un  compositeur  de  profession,  ou  un  amateur  ?  Nous  l'ignorons,  et 
nous  ne  connaissons  son  nom  que  par  les  œuvres  manuscrites  qu'il 
dédia   à  "  Messieurs  de  l'illustre  Académie  de  Lyon  "  :  la  biblio- 
thèque du  Concert  possédait  de  cet   auteur  trois  motets  à  grand 
chœur  et  un   "  motet  à  voix  seule  accompagné   d'une  flûte  alle- 
mande et  de  deux  basses  en  plusieurs  endroits  ". 

Outres  ses  motets  "  à  grand  chœur  et  symphonie  ",  on  ins- 
crivit au  répertoire  de  nombreux  motets  à  une  et  à  plusieurs  voix 
avec  ou  sans  symphonie,  anciens  ou  nouveaux,  de  Chelleri,  Lotti, 
Brossard,  Morin,  Polavoli,  Ziani,  Clerici,  La  Touche,  Scarlatti, 
œuvres  des  styles  les  plus  divers,  ignorées  aujourd'hui,  et  dont  le 
nom  même  de  quelques-uns  des  auteurs  est  totalement  oublié  : 
Peut-être  faudrait-il  rechercher  l'origine  de  l'introduction  de  telle 
œuvre  transalpine  inconnue,  dans  les  anciennes  et  incessantes 
relations  des  Lyonnais  avec  les  Italiens 

Comme  intermèdes  aux  motets,  aux  extraits  d'opéra,  aux 
cantates,  étaient  choisies  des  "symphonies",  c'est-à-dire  des  pièces 
quelconques  d'orchestre,  empruntées  à  des  compositeurs  Italiens 
tels  que  Vivaldi,  Alberti,  Albinoni,  mais  cueillies  surtout  à  travers 
les  opéras  de  Lully.  Un  "  Recueil  de  Symphonies  de  Lully  ", 
faisant  partie  de  la  bibliothèque  de  l'Académie,  nous  indique 
nettement  ce  qu'étaient  ces  "  symphonies  "  ;  ce  volume  manuscrit 
contient  en  effet  les  ouvertures  et  les  gigues  de  T'roserpine,  de  Ro/and, 
de  ^Psyché,  le  rondeau  de  Pkaè'ton,  la  passacaille  de  Ga/at/iée,  etc. 

La  musique  de  chambre  proprement  dite,  comme  nous  la 
concevons  aujourd'hui,  était  représentée  par  quelques  pièces  in- 
strumentales de  Corelli,  types  des  audaces  italiennes,  de  Michel 
Mascitti   (i),   violoniste  napolitain  qui  publia  à  partir  de    1708 

(1)  Sur  Michel  Mascitti,   v.   L.  de  la  Laurencie,  PtAcadêmie  de  Musique  et   le 
Concert  de  Nantes,  p.  40  et  suiv. 


34  LA    MUSIQUE    A    LYON 

fondation  huit  livres  de  sonates,  "dans  le  goût  français  "  disait  Daquin  (i), 
et  débuts  et  qUj?  selon  un  poème  publié  à  Lyon,  avait  su  allier  le  goût 
1713-1718    français  et  le  goût  italien  ; 

Des  deux  Muses,  Michel  allia  les  douceurs  (2). 

Quelques  sonates  pour  violon  et  basse  de  Senaillé,  des  pièces  pour 
viole  de  Marais,  des  morceaux  de  Chambon,  d'Aubert  complétaient 
ce  répertoire  de  chambre.  Il  ne  faut  pas  s'étonner  de  voir  si  réduite 
la  part  de  la  musique  de  chambre  et  de  la  musique  symphonique. 
La  musique  pure  comptait  pour  si  peu  au  xvme  siècle  !  La 
fameuse  boutade  de  Fontenelle  :  "  Sonate,  que  me  veux-tu  " 
traduit  bien  l'incompréhension  de  nos  ancêtres  pour  une  forme 
d'art  qui  nous  semble,  au  xxe  siècle,  si  essentielle  à  notre  vie 
musicale.  Les  sonates  n'étaient  guère  alors  qu'un  prétexte  à  l'exhi- 
bition de  virtuoses,  et  disparaissaient  derrière  l'interprète.  Elles 
étaient  "  une  musique  comme  le  papier  marbré  est  une  peinture... 
La  musique  pure,  c'est  une  marionnette  qui  voltige  inutilement  : 
c'est  moins  que  cela...  (3)  "  La  musique  alors,  n'était-elle  pas 
presque  toujours  souillée  de  littérature  ?  Les  moindres  pièces  de 
viole  de  Marais,  par  exemple,  étaient  de  la  musique  à  programme  : 
l'une  d'elles  peignait  un  labyrinthe  ;  une  autre  prétendait  décrire 
l'opération  de  la  taille  ! 

Ce  répertoire  de  musique  latine,  française  et  italienne, 
d'œuvres  de  chambre  et  de  symphonies,  permettait  à  l'Académie 
des  Beaux-Arts  une  grande  variété  de  programmes.  De  171 5  à 
171 8,  les  exercices  du  Concert  durent  être  tranquilles,  son 
existence  normale,  car  nul  document  sur  cette  période  ne  nous  est 
parvenu.  Vers  171 8,  quelques  événements  notables  traversèrent  la 
vie  paisible  de  l'élégante  compagnie.  Avant  de  les  signaler,  nous 
avons  à  exposer  une  série  d'hypothèses  basées  sur  un  fait  nouveau, 
qui  nous  porte  à  croire  que  les  débuts  de  l'Académie,  et  sa 
première  année  même,  furent  honorés  d'une  collaboration  entre 
toutes  précieuse  :  celle  du  grand  Rameau. 

(1)  Lettres  sur  les  Hommes  célèbres  ;  Paris,  1757. 

(2)  Serre  de  Rieux,  La  Musique,  poème  en  quatre  chants  ;  Lyon  17 14. 

(3)  Pluche,  Le  Spectacle  de  la  Nature,  1732. 


II 


Rameau  a  Lyon.  —  L'académie  de 
1718  à   1724. 


Lorsque  Jean-Philippe  Rameau  mourut  en  1764,  son  ami 
Chabanon  écrivait  :  "  Toute  la  première  moitié  de  sa  vie 
est  absolument  inconnue.  Il  n'en  a  rapporté  aucune  parti- 
cularité à  ses  amis,  ni  même  à  Mme  Rameau,  sa  femme  (1).  "  Le 
patient  effort  de  quelques  musicologues  contemporains  n'est  pas 
encore  parvenu  à  percer  le  mystère  qui  enveloppe  toutes  les  années 
de  jeunesse  de  l'illustre  musicien.  Les  deux  plus  récents  ouvrages 
consacrés  à  la  vie  et  aux  œuvres  de  Rameau  —  l'un  et  l'autre 
parus  dans  le  courant  de  cette  année  1908,  et  tous  deux  si  remar- 
quables —  présentent  une  biographie  à  peine  plus  explicite  que 
celles  publiées  il  y  a  cent  cinquante  ans  (2).  Nous  aurions  été 
heureux  d'apporter  une  solide  contribution  à  l'histoire  de  la 
jeunesse  de  Rameau  et  de  la  période  qu'il  passa  à  Lyon  :  nos 
recherches  dans  les  archives  ont  été  presque  vaines,  et  nous  ne 
pouvons  apporter  à  la  biographie  de  Rameau  qu'un  seul  document 
original,  fait  nouveau  sur  lequel  nous  basons  quelques  hypothèses 
singulièrement  séduisantes  et  dont  une  trouvaille  inattendue 
montrera  peut-être  un  jour  le  bien-fondé. 

Rameau  a  signalé  lui-même,  dans  un  des  ses  écrits  théoriques 
son  passage  à  Lyon  :  c'est  en  effet  au  parterre  de  l'Opéra  de  notre 
ville  qu'il  remarqua  pour  la  première  fois  que  l'harmonie  nous  est 

(1)  Chabanon,  Eloge  de  M.  Rameau  ;  Paris,  1764,  p.  7. 

(2)  Louis  Laloy,   Rameau;  Paris,  Alcan.  —  L.  de  la  Laurencie,  Rameau; 
Paris,  Laurens. 


36  LA     MUSIQUE     A     LYON  Première 

rameau  naturelle  (i).  Pendant  ce  séjour,  il  se  fit  connaître  et  admirer 
a  lyon  comme  un  grand  organiste,  ainsi  qu'en  témoignaient,  en  1722,  les 
Mémoires  de  Trévoux  (2).  Ses  biographes  avaient  généralement 
placé  son  séjour  entre  171 5  et  1720,  c'est-à-dire  après  un  passage 
à  Dijon,  le  10  Janvier  171  5,  et  avant  son  second  voyage  à  Cler- 
mont-Ferrand.  En  réalité,  et  c'est  là  le  document  inédit  que  nous 
apportons,  Rameau  vécut  à  Lyon  pendant  l'année  171 4  tout  entière 
et  y  occupa  le  poste  d'organiste  chez  les  Jacobins. 

Les  Jacobins,  dans  leur  couvent  situé  entre  Bellecour  et 
l'actuelle  place  qui  porte  leur  nom,  possédaient  un  orgue  dès  le 
xvie  siècle,  mais  en  1709,  ils  le  firent  réparer  complètement,  et 
la  réfection,  confiée  d'abord  à  Jacques  Morlet  de  Lyon,  puis  à 
Julien  Tribuot  de  Paris,  demanda  quatre  années  de  travail  et  coûta 
plus  de  huit  mille  livres  (3)  Rameau  devait  être  le  premier  orga- 
niste titulaire  ainsi  qu'en  témoigne  le  document  suivant  emprunté 
à  l'Inventaire  des  Jacobins  (4)  : 

"  Gages  de  l'organiste 

"  Nota  qu'on  ne  voit  pas  dans  aucun  livre  de  comptes  qu'on  ait 
donné  des  appointements  à  l'organiste  qui  a  joué  nos  orgues  avant  le  temps 
marqué  dans  les  quittances  cy-après. 

"P.  n°  I.  Quittance  de  main  privée  passée  à  Lyon  le   Ier  juillet  1 7 14 

(1)  Mercure  de  France,  Octobre  1752  :  Réflexions  sur  la  manière  de  former  la  voix 
(p.  91)...  "Ce  qui  me  fit  remarquer  pour  la  première  fois  que  l'harmonie,  nous  étoit 
naturelle,  ce  fut  un  homme  âgé  de  plus  de  70  ans  qui,  dans  le  Parterre  de  l'Opéra  de 
Lyon,  se  mit  à  chanter  tout  haut  et  assez  fort,  la  basse  fondamentale  d'un  chant  dont 
les  paroles  l'avoient  frappé  ;  j'en  fus  d'autant  plus  frappé  que,  par  la  rumeur  que  cela 
fit  dans  le  Spectacle,  ayant  cherché  à  savoir  quel  étoit  ce  particulier,  j'appris  que 
c'étoit  un  Artisan  d'une  profession  dure  et  grossière,  que  sa  condition  et  ses  occupa- 
tions avoient  longtemps  éloigné  de  la  Musique,  et  qui  ne  fréquentoit  l'Opéra  que 
depuis  que  la  fortune  l'avoit  un  peu  favorisé.  " 

(2)  Les  Mémoires  de  Trévoux  d'Octobre  1722  (p.  17  17)  commencent  ainsi  leur 
compte-rendu  du  Traité  d' Harmonie  :  "  L'Auteur  de  ce  traité  est  connu  depuis  long- 
temps à  Dijon,  à  Clermont,  surtout  à  Lyon,  et  déjà  même  à  Paris,  pour  un  des  plus 
grands  maîtres  qu'il  y  ait  dans  le  jeu  de  l'Orgue...  " 

(3)  Archives  départ.  Inventaire  des  Jacobins,  III  (lère  partie)  f°  XXXII.  Nous 
avons  donné  la  description  de  l'orgue  de  Rameau  dans  un  récent  article  de  notre 
Revue  {Revue  musicale  de  Lyon,  n08  du  Ier  et  du  8  novembre  1908). 

(4)  IVe  sac  Raymundus,  f°  CIV. 


Partie     AU    DIX-HUITIÈME    SIÈCLE  37 

par  le  Sr  Rameau  Organiste  de  la  somme  de  ioo  livres  qu'il  a  reçue  du  rameau 
Père  Alissan  Procureur  des  Jacobins  pour  ses  appointements  de  6  mois  a  lyon 
échus  à  la  S*  Jean  dernière.  Signé  Rameau. 

"P.  n°  II.  Quittance  de  main  privée  passée  à  Lyon  le  13  décembre 
17 14  par  le  susd.  Rameau  de  la  somme  de  50  livres  qu'il  a  reçue  du  Père 
Alissan  Procureur  des  Jacobins  pour  un  quartier  de  ses  appointements 
échu  à  la  fin  du  mois  de  septembre  dernier.  Signé  Rameau." 

Ces  deux  quittances  sont  les  seules  de  Rameau  signalées  dans 
l'inventaire,  mais  il  est  presque  certain  que  l'organiste  occupa  son 
poste  jusqu'à  la  fin  de  l'année,  puisqu'il  était  encore  à  Lyon  le 
1 3  décembre.  Il  l'abandonna  ensuite,  et  il  eut  pour  successeurs,  en 
171  5,  Antoine  Fioco  et  Etienne  Le  Tourneur.  Ses  gages  étaient 
supérieurs  à  ceux  de  ses  remplaçants,  ainsi  que  l'indique  l'inven- 
taire dans  la  note  suivante. 

"  Il  paroit  par  les  livres  des  comptes  que  les  gages  des  susd. 
Organistes  étoient  sçavoir  pour  le  Sr  Rameau  de  200  livres  par  an,  pour  le 
Sr  Fioco  de  160  livres,  et  pour  le  Sr  le  Tourneur  de  150  livres  par  an 
qu'on  a  ensuite  augmentés  à  180  livres  et  comme  on  n'a  pu  trouver  dans 
les  années  suivantes  des  séculiers  pour  toucher  l'orgue,  le  Père  Antonin 
Jacquier  s'est  chargé  de  cet  employ..." 

Rameau  ne  reprit  donc  pas  dans  la  suite  son  poste  d'organiste 
aux  Jacobins.  Il  est  permis  de  supposer  que,  après  son  voyage  à 
Dijon,  Rameau  revint  dans  notre  ville  où  on  lui  avait  peut-être 
offert  un  poste  plus  avantageux.  Cette  hypothèse  d'un  second 
séjour  ne  pourra  que  difficilement  être  vérifiée,  car  la  plus  grande 
partie  de  la  comptabilité  des  paroisses  et  des  couvents,  qui  pourrait 
contenir  quelque  quittance  révélatrice  n'a  pas  été  conservée  dans 
les  Archives  départementales.  Du  moins  savons-nous  que  Rameau 
habita  Lyon  pendant  l'année  17 14  tout  entière.  Sur  ce  fait,  voici 
les  hypothèses  que  nous  basons. 

Tout  nous  porte  à  croire  que  Rameau  fut  en  relations  suivies 
avec  l'Académie  des  Beaux-Arts.  Il  serait  bien  étonnant  en  effet 
que  des  amateurs  éclairés  comme  Christin  ou  Bergiron  n'eussent 
pas  recherché  le  concours  d'un  organiste  de  la  valeur  de  Rameau, 
déjà  connu  comme  compositeur.   D'ailleurs  nous  avons  la  preuve 


38  LA     MUSIQUE     A     LYON  Première 

rameau  des  bons  rapports  de  Rameau  et  de  Christin  dans  l'importante 
a  lyon  lettre  reproduite  en  fac-similé  dans  la  seconde  partie  de  ce  volume: 
41  J'ai  été  charmé,  écrivait  le  compositeur  à  Christin,  en  1741,  de 
trouver  votre  nom  au  bas  de  lettre  adressée  à  M.  de  la  Roque  : 
cela  m'a  fait  naître  le  dessein  de  vous  adresser  celle-ci...  pour  vous 
assurer  de  ma  reconnaissance  sur  le  passé.. ."  Cette  phrase  n'engage- 
t-elle  pas  à  penser  que  Christin  avait  ouvert  toutes  grandes  à 
l'organiste  les  portes  de  l'Académie  des  Beaux-Arts  ?  Bergiron  du 
Fort-Michon  était  également  connu  et  très  estimé  de  Rameau  (1). 
De  là  à  supposer  que  l'illustre  compositeur  écrivit  à  l'intention  des 
musiciens  lyonnais  quelques-uns  de  ses  œuvres,  motets  et  cantates, 
il  n'y  a  qu'un  pas.  Cette  hypothèse  bien  tentante  apporterait 
quelque  clarté  dans  la  chronologie  très  obscure  des  premières  com- 
positions de  Rameau. 

Aujourd'hui  encore,  on  ne  sait  rien  de  la  date  de  composition 
des  motets  de  Rameau.  L'un  d'eux,  In  convertendo  fut  joué  au 
Concert  Spirituel  de  Paris,  en  1751,  comme  "ancien  motet  de 
M.  Rameau  ".  De  deux  autres,  Quam  dilecta,  et  Deus  noster  refugium, 
on  ne  sait  même  pas  s'ils  furent  exécutés  en  public.  Le  champ  est 
donc  ouvert  à  toutes  les  suppositions.  Il  sont  pourtant  antérieurs  à 
1727,  puisque  Rameau,  le  25  octobre  de  cette  année,  écrivait  à 
Houdar  de  la  Motte:  "Je  pourrais  encore  vous  faire  entendre 
des  motets  à  grand  chœur,  où  vous  reconnaîtriez  si  je  sens  ce  que 
je  veux  exprimer  (2)  ".  Tous  les  trois  se  trouvaient  dans  la  biblio- 
thèque du  Concert  où  ils  existaient  en  partition  et  aussi,  au  moins 
Deus  noster  refugium  et  In  convertendo,  en  parties  d'orchestre.  Le 
catalogue  indique  formellement  l'existence,  pour  le  premier,  de 
quatorze  parties  séparées,  pour  l'autre  de  soixante. 

Ces  deux  motets  furent  donc  exécutés  à  Lyon,  car  on  n'ima- 
gine pas  que  l'Académie  ait  fait  copier  de  nombreuses  parties 
d'orchestre  et  de  chœurs  pour  les  laisser  dans  sa  bibliothèque. 
L'examen  attentif  de  l'inventaire  du  fonds  musical,  grâce  à  quelques 
points  de  repère  fournis  par  des  indications  de  copistes,   nous  a 

(1)  Petites  Affiches  de  Lyon,  27  avril  1768.  Cf.  début  de  notre  septième  chapitre. 

(2)  Mercure,  mars  1765,  p.  36-40. 


Partie     AU    DIX-HUITIÈME  SIÈCLE  39 

permis,  croyons-nous,  de  fixer  approximativement  les  dates  rameau 
d'acquisition  des  différentes  œuvres.  Chacune  d'elles  porte  un  A  LYON 
numéro  qui  semble  correspondre  à  son  ordre  d'entrée  dans  la 
collection  musicale.  Or,  Deus  nos  ter  refugium  a  reçu  le  numéro 
onze  et  aurait  été,  par  suite,  une  des  premières  partitions  acquises; 
il  daterait  des  premiers  mois  de  l'Académie,  et  précisément,  de 
cette  année  17 14  que  Rameau  passa  tout  entière  à  Lyon.  Cela 
n'est  malheureusement  qu'une  probabilité,  car  toutes  les  partitions 
de  Rameau  ont  disparu.  Quant  à  In  convertendo  avec  ses  soixante 
parties  séparées,  il  doit,  d'après  l'ordre  du  catalogue,  être  entré 
dans  la  bibliothèque  entre  171 8  et  1722,  soit  que  Rameau  l'ait 
écrit  à  Lyon  même  au  cours  de  son  second  séjour  (probléma- 
tique), soit  qu'il  l'ait  envoyé  de  Clermont-Ferrand  à  ses  anciens 
amis  Lyonnais  ;  en  tous  cas,  il  fut  exécuté,  et  une  seconde  par- 
tition fut  acquise  par  l'Académie  antérieurement  au  27  mai 
1754  :  comment  ne  pas  supposer  que  les  Académiciens,  lors 
de  l'exécution  du  motet  à  Paris,  en  1751,  avaient  manifesté  le 
désir  de  comparer  la  version  moderne,  avec  ses  deux  cors  obligés, 
à  celle  qu'ils  possédaient  depuis  trente  années?  Enfin,  Quant  dilecta 
qui,  toujours  selon  le  catalogue,  serait  postérieur  de  quelques 
années  à  In  convertendo^  il  ne  fut  pas  exécuté,  ou,  du  moins,  les 
parties  séparées  avaient  disparu  avant  1754.  Un  autre  motet 
appartenait  à  l'Académie,  dont  l'existence  n'a  jamais  été  signalée  : 
c'est  une  œuvre  à  trois  voix  et  symphonie  que  le  catalogue  men- 
tionne ainsi  :  "  Exultet  cœlum  laudibus  par  Rameau,  partition  et 
sept  parties."  De  ce  motet,  porté  sans  numéro  d'ordre,  nous  ne 
savons  rien. 

Si  nous  admettons  provisoirement  que  un,  deux,  ou  trois 
motets  de  Rameau  ont  été  composés  pour  les  Lyonnais  en  1714 
et  vers  171 8,  nous  serons  bien  tentés  de  supposer  que  le  musicien 
écrivit  aussi  dans  notre  ville  quelques-unes  de  ses  cantates.  Rameau 
d'ailleurs,  a  daté  approximativement  deux  de  ses  cantates  en 
écrivant  à  Houdar,  en  1727:  "  Informez-vous  de  l'idée  qu'on  a 
de  deux  cantates  qu'on  m'a  prises,  depuis  une  douzaine  d'années, 
et  dont  les  manuscrits  se  sont  tellement  répandus  en  France  que  je 


/  4°  LA     MUSIQUE     A     LYON  Première 

rameau  n'ai  pas  cru  devoir  les  faire  graver...  "  La  douzaine  d'années  ne 
a  lyon  correspond-elle  pas  à  l'année  17 14?  Sans  doute,  pour  étayer  cette 
hypothèse,  nous  n'avons  pas  d'indication  du  catalogue  de  l'Aca- 
démie. La  bibliothèque  ne  possédait  pas  de  partition  générale  des 
cantates  de  Rameau,  mais  elle  pouvait  en  posséder  les  parties 
séparées  dont  l'inventaire  ne  fut  pas  établi.  (Le  catalogue  réunit 
dans  1'  "  Ordre  N  "  une  certaine  quantité  de  "  Cantates  françaises 
en  parties  séparées,  "  ainsi  qu'on  peut  le  voir  dans  le  chapitre  que 
nous  consacrons  à  la  bibliothèque  de  l'Académie)  (1).  Un  commen- 
tateur de  Rameau  suppose  que  les  livrets  des  cantates  "  furent 
commis  par  quelques  rimeurs  de  province,  quelques  beaux  esprits 
de  Lille  ou  de  Clermont  (2)."  Un  de  ces  beaux  esprits  n'était-il 
pas  Lyonnais?  Un  poète  de  notre  ville  fournissait,  vers  171 5,  de 
nombreuses  pièces  rimées  aux  théâtres  de  Lyon  :  nous  voulons 
parler  de  l'avocat  Barbier.  N'aurait-il  pas  été  le  collaborateur  de 
Rameau  ?  Rameau,  vivant  à  Lyon  et  cherchant  des  paroles  à 
mettre  en  musique,  ne  se  serait-il  pas  naturellement  adressé  à  ce 
spécialiste  ?  Les  quelques  œuvres  de  Barbier  qui  ont  été  conservées 
nous  portent  à  le  croire.  Nous  ne  voudrions  pas  entreprendre  ici 
une  expertise  poétique,  mais  que  l'on  examine  la  "  moralité  "  des 
diverses  cantates  de  Rameau  et  qu'on  la  compare  avec  quelques 
vers  analogues  de  Barbier  :  on  trouvera  le  même  style,  parfois  la 
même  métrique,  et  aussi  la  même...  philosophie.  Pour  ne  pas 
allonger  une  démonstration  qui  dépasse  le  cadre  de  notre  travail, 
opposons  simplement  la  "moralité"  des  Amants  trahis  de  Rameau, 
à  deux  strophes  prises  au  hasard  dans  celle  d'une  comédie  de 
Barbier,  intitulée  V Heureux  naufrage. 

"  Les  Amants  Trahis.  " 
Quand  une  volage  Beauté  Un  cœur  capable  de  changer 

D'un  tendre  amour  brise  la  chaîne^  Mérite  feu  qu'on  le  regrette 

Nos  pleurs  flattent  sa  vanité \  Gardons-nous  même  d'y  songer. 

Elle  riroit  de  notre  peine^  C'est  en  oubliant  la  coquette 

Rions  de  sa  légèreté.  Qu'il  faut  chercher  à  s'en  venger. 

(1)  Dans  sa  bibliothèque  qu'il  légua  à  l'Académie,  Christin  possédait  la  "deuxième 
cantate"  de  Rameau  (partition  et  deux  parties  manuscrites). 

(2)  Julien  Tiersot,  Ménestrel  du  28  mai  1893. 


Partie     AU    D I X- H  U ITI È  M  E    SIÈCLE  41 


"  L'heureux  Naufrage.  " 


Si  F himen  flatte  vos  souhaits, 
Filles,  ne  vous  rendez,  jamais  : 
Car,  après  un  fatal  naufrage, 
Tôt  ou  tard  T Amant  se  dégage, 
Et  la  Belle  en  est  pour  ses  frais. 


Contre  F  effort  d'un  Damoiseau 
JO homme  est  un  foible  vaisseau: 
Et  la  vertu  la  plus  sauvage, 
Au  seul  aspect  d'un  beau  visage, 
jy  elle-même  s  en  va  a  vauSeau.. 


La  ressemblance,  on  l'avouera,  est  frappante. 

Souhaitons  que  nos  hypothèses  concernant  les  dates  de  com- 
position des  œuvres  de  Rameau  soient  vérifiées,  un  jour,  par  la 
trouvaille  de  quelque  document  inédit  ! 


L'année  171 8  donna  à  l'Académie  des  Beaux-Arts  l'occasion  l'académie 
de  manifester  brillamment  son  existence  et  sa  vitalité.  Le  Consulat,  DE  Î7Ï%  A 
toujours  prêt  à  organiser  à  tout  propos  de  grandes  réjouissances  x724 
populaires,  désastreuses  pour  les  finances  communales,  prépara,  au 
mois  de  mai  171  8,  une  solennelle  réception  à  un  jeune  prince  de  la 
famille  des  Villeroy,  le  Marquis  d'Halincourt  (1).  Le  gouverneur 
de  Lyon  tenait  beaucoup  à  l'éclat  de  cette  fête  :  "  Malgré  les 
beautés  qu'il  a  vues  en  Italie,  disait-il  du  marquis  d'Halincourt, 
j'espère  qu'il  n'en  sera  pas  moins  content  de  Lyon  (2)  ".  Au  pro- 
gramme des  fêtes  on  avait  porté  un  grand  ballet  dansé  au  théâtre 
et  une  réception  musicale  à  l'Académie  des  Beaux-Arts.  Les 
librettistes  des  deux  divertissements  durent  lutter  d'ingénieuse 
platitude.  L'auteur  du  ballet,  Gacon,  le  fameux  "poète  sans  fard," 
avait  éprouvé  quelque  difficulté  à  louer  un  prince  dont  les  exploits 
étaient  nuls.  Aussi  le  Prévôt  des  Marchands  lui  fit-il  savoir  qu'il 
fallait  parler  "  davantage  de  la  personne  à  qui  le  divertissement  est 
destiné.  Il  est  vrai,  ajoutait-il  avec  une  candeur  déconcertante  qu'il 

(1)  François-Camille  de  Neuville,  marquis,  puis  duc  d'Halincourt,  puis  duc  de 
Villeroy  (1698-1732)  ne  fut  connu  que  par  une  série  d'histoires  scandaleuses,  notam- 
ment par  celle  qui  lui  valut  d'être  exilé  le  2  août  1722  (v.  à  ce  sujet  le  Journal  de 
Barbier,  le  Journal  de  Mathieu  Marais,  les  Mémoires  de  Maurepas,  la  correspondance 
de  la  duchesse  d'Orléans  etc.) 

(2)  Archives  municipales.  Correspondance  du  Consulat.  AA.  65.  f"  376. 


42  LA     MUSIQUE     A     LYON  Première 

l'académie  y  a  encore  très  peu  de  choses  à  dire,  mais  c'est  justement  là  où 
de  171 8  a  j'on  veut  qUe  l'esprit  de  l'auteur  paraisse  (1)."  Le  librettiste  de 
J724  l'Académie  était  Nicolas  Barbier,  celui  même  que  nous  supposons 

être  le  collaborateur  de  Rameau.  Il  eut  la  sage  pensée  de  se  réfu- 
gier dans  la  mythologie,  ce  qui  lui  permit  de  comparer  flatteuse- 
ment  le  jeune  prince  au  fils  d'Achille.  Le  divertissement  avait  pour 
titre  :  Le  retour  de  Pyrrhus  Néoptoleme  en  Epire  après  le  siège  de 
Troye.  Le  livret  en  fut  imprimé  (2). 

La  musique,  cette  fois,  n'était  pas  l'œuvre  d'un  amateur  de 
l'Académie.  Elle  avait  été  composée  par  Villesavoye.  Celui-ci,  dont 
nous  ignorons  l'origine,  était  né  en  1683  ;  il  avait  dû  s'installer  de 
bonne  heure  à  Lyon,  et  faire  partie,  dès  171 3,  du  groupe  des 
Académiciens  associés,  car  un  Kyrie  et  un  Gloria  de  sa  composition 
figurent  avec  le  numéro  4  sur  le  catalogue  des  motets  du  Concert, 
et  une  Idylle  héroïque  portée  à  son  nom,  est  inscrite  sous  le  numéro 
22  de  l'inventaire  des  pièces  françaises.  Le  titre  du  livret,  que  nous 
avons  reproduit  en  note,  le  désigne  comme  maître  de  musique  de 
l'Académie.  Fut-il  le  premier  successeur  de  Bergiron  comme  chef 
d'orchestre,  ou  bien  était-il  simplement  salarié  par  l'Académie 
comme  répétiteur  et  professeur  ?  Nous  ne  le  savons  pas.  Toujours 
est-il,  comme  nous  le  verrons  dans  le  cours  du  prochain  chapitre, 
qu'il  signa  en  1726,  comme  directeur  des  concerts,  un  engagement 
qui  semble  être  le  premier  de  ce  genre. 

Vers  la  même  époque,  un  autre  musicien  professionnel  portait 
le  titre  de  maître  de  musique  de  l'Académie.  Celui-là  était  un 
nommé  David.  Ce  David  fut  en  relation  avec  Jean-Jacques 
Rousseau,   lors  des   premiers   voyages  du   philosophe   genevois  à 

(1)  Ballet  représente  a  Lyon  devant  3\4.  le  ^Marquis  d' Halincourt,  au  mois  de  3\4ai 
IJ i&;  Lyon,  André  Laurens,  17 18.  —  Correspondance  adressée  à  Gacon  (Mss  de 
la  bibliothèque  de  Lyon,  n°  773)  :  lettre  du  5  février  17 18.  —  La  musique  de  ce 
ballet  fut  demandée  à  Campra. 

(2)  "  Idylle  héroïque  chantée  à  Lyon  dans  l'Académie  des  Beaux-Arts  devant  M. 
le  Marquis  d'Halincourt,  le  25  de  May  17  18.  Les  paroles  sont  de  M.  Nicolas  Barbier, 
l'un  des  Académiciens,  et  la  musique  du  S1'  Ville-Savoye,  Maître  de  musique  de  la 
même  Académie  ";  Lyon,  André  Laurens,  17  18.  Le  faux-titre  porte  :  le  Retour  de 
Pyrrhus  Nèoptoième  en  Epire  après  le  siège  de  Troye. 


Partie     AU    DIX-HUITIEME    SIECLE  43 

Lyon  (i).   Il  était  installé  dans  notre  ville  dès  l'année  17 17,  ainsi  l'académie 

que  l'indique  le  titre  d'un   manuscrit  de  quelques  pages  conservé  DE   I71%  A 

dans  la   bibliothèque  du  Concert,  première  ébauche  d'un  traité  de   l'2^ 

musique   publié    plus   tard  (2).   Il  avait  été  d'abord   "ordinaire" 

de  la  musique  du  roi  d'Espagne,   et    vécut    longtemps    à    Lyon. 

Nous  savons  qu'il  fut  maître  de  musique   de    l'Académie    grâce 

à  une  partition  "en  extrait  "  faite  par  lui,  en  1722,  de  Ylphigénie 

de  Campra,  partition  qui  porte  l'indication  :  "Extrait  par  David, 

maître   de   musique   de  l'Académie.  "   Il  écrivit   quelques   œuvres 

jouées  au  Concert  et  malheureusement  disparues  :  un  motet  à  grand 

chœur    et    symphonie    Qui   habitavit  ;   un   divertissement    intitulé 

r^Amour  et  l "Hymen  réconciliés  ;   et   deux   motets  à  voix   seule    et 

symphonie,  In  hoc  mundo  et    Quid  me  tentabis.   Il  publia  enfin  un 

traité  de  musique  qui  eut  au  moins  deux  éditions  (3). 

Le  répertoire  se  développait  considérablement.   Un   mémoire 
fourni  par  un  copiste,   nommé  Lestoublon,   et    conservé  dans  le 

(1)  Dans  ses  Confessions  (séjour  à  Lyon  en  1741)  J.  J.  Rousseau  écrit  :  " Je 

revis  le  musicien  David,  qui  m'avait  rendu  service  dans  ma  détresse  à  un  de  mes 
précédents  voyages.  Il  m'avait  prêté  ou  donné  un  bonnet  et  des  bas  que  je  ne  lui  ai 
jamais  rendus,  et  qu'il  ne  m'a  jamais  redemandés,  quoique  nous  nous  soyons  revus 
souvent  depuis  ce  temps-là.  Je  lui  ai  pourtant  fait  dans  la  suite  un  présent  à  peu  près 
équivalent.  Je  dirais  mieux  que  cela  s'il  s'agissait  ici  de  ce  que  j'ai  dû  ;  mais  il  s'agit 
de  ce  que  j'ai  fait,  et  malheureusement  ce  n'est  pas  la  même  chose.  " 

(2)  "  Livre  des  Principes  de  la  musique,  mis  en  ordre  par  M.  David,  ci-devant 
ordinaire  de  la  musique  de  Sa  Majesté  Catholique  Philippe  Cinq,  Roy  d'Espagne,  et 
à  présent  me  de  musique  à  Lyon.  Ce  19  août  17 17  (Ms.  inachevé  in  40  de  28  pages). 

(3)  "  ^Méthode  nouvelle,  ou  Principes  généraux  pour  apprendre  facilement  la  musique 
et  Part  du  chant "  Paris,  Boivin,  1737  (Ex.  Bibl.  Nat.  et  Bibl.  Roy.  de  Bruxel- 
les). Privilège  du  10  octobre  1737  enregistré  le  13  décembre. 

"  ZMéthode  nouvelle,  ou  principes  généraux  pour  apprendre  facilement  la  musique  et 
l'art  de  chanter  par  Mr  David,  dédiée  à  Monsieur  Perrichon,  chevalier  de  l'ordre  du 
Roy,  coner  d'état  ordre  Prévôt  des  Marchants  et  Commandant  de  Lyon"  (sans  date); 
Paris,  chez  de  la  Chevardière,  et  Lyon,  chez  les  Frères  Le  Goux,  place  des  Cordeliers. 
In  f°  obi.  (Ex.  Grande  bibl.  de  Lyon  :  Fonds  Becker). 

Dans  la  préface  de  cette  édition  lyonnaise  :  "....  Depuis  plus  de  trente  années, 
il  y  plû  à  un  nombre  infini  de  personnes  de  la  ville  de  Paris,  et  de  celle  de  Lyon,  de 
m'approuver  sur  les  principes  que  j'y  ai  enseignés  avec  tout  le  succès  auquel  on  pouvait 
s'attendre —  "  David  déclare  aussi  que  par  sa  méthode,  on  apprend,  en  un  an,  à  tout 
déchiffrer,  et  annonce  qu'il  prépare  un  traité  de  composition. 


44  LA     MUSIQUE     A     LYON  Première 

l'académie  dossier  de  l'Académie  des  Beaux- Arts  (i),  nous  donne  des  points 
de  171 8  a  de  repère  dans  le  catalogue  de  la  bibliothèque  et  nous  permet  ainsi 
x724  de  connaître  la  liste  des  œuvres  exécutées  après  171 8.  Ce  sont  des 

motets  de  Campra,  quatre  ou  cinq  de  Desmarets,  la  célèbre  Messe 
des  Morts  et  plusieurs  motets  de  Gilles,  d'autres  œuvres  latines 
d'Aresti,  de  Pellegrin,  de  La  Lande,  Chellery,  Collasse,  Bernier, 
et  quelques  motets  d'auteurs  lyonnais  :  le  Miserere  de  Mgr  de 
Villeroy,  le  Jubilate  Deo  de  Bergiron,  et  le  Jubilate  Deo  Lugdunum 
de  La  Croix.  Ce  La  Croix  était  sans  doute  l'abbé,  obéancier  de 
S*  Just,  que  nous  avons  cité  déjà. 

Le  fonds  de  la  musique  française  est  toujours  formé  par  les 
opéras  de  Lully,  Proserpine,  F  Idylle  de  Sceaux,  la  Grotte  de  Versail- 
les, Persée,  Roland,  le  Triomphe  de  l'amour,  Thésée,  Armide toutes 

ses  œuvres  en  somme.  Ce  sont  ensuite  les  Muses,  le  Carnaval  de 
Venise,  Tancrede,  de  Campra  ;  Médée  et  Jason,  de  Salomon  ;  des 
opéras  de  Desmarets,  de  Destouches,  Clérambaut,  Alarius  et  Matho, 
Montéclair  ;  les  nouveautés  même  les  plus  discutables  sont  exécu- 
tées en  extraits  sitôt  après  leur  création  à  Paris  :  ainsi  paraissent 
les  ^Amours  de  Protée  de  Gervais,  joués  à  l'Opéra  en  1720.  Beau- 
coup d'œuvres  aussi  sont  composées  par  Bergiron  du  Fort-Michon 
à  la  manière  des  rapsodies:  airs,  récits,  chœurs  et  symphonies 
détachés  de  côté  et  d'autres,  empruntés  aux  partitions  les  plus 
diverses,  modifiés,  ça  et  là  par  l'adaptation  de  nouvelles  paroles, 
mêlés  parfois  à  des  parties  originales  :  œuvres  rapiécées,  incohérentes 
qui  nous  sembleraient  aujourd'hui  monstrueuses,  et  que  le  cata- 
logue porte  sous  le  nom  de  l'adaptateur,  avec  le  titre  :  "  Divertis- 
sement de  fragments  modernes  assemblés.  "  Ces  divertissements, 
écrits  quelquefois  pour  une  circonstance  spéciale,  s'appellent 
aAréthuse  ou  le  Retour  de  la  Paix,  la  Pastorale,  la  Jalousie  ou  X<tApo- 
théose  d'Hercule.  Quelques-uns  sont  conservés  et  pourraient  exercer 
la  patience  et  l'art  du  diagnostic  des  amateurs  de  musiques  vieil- 

(1)  Pour  ne  pas  laisser  tomber  la  moindre  miette  de  documents  trop  rares, 
notons  que  cette  pièce  nous  révèle  que,  pour  la  copie,  "  le  tarif  est  5  sols  la  feuille 
(de  copie)  et  16  sols  la  main  de  papier  réglé.  •'  Le  mémoire  du  copiste  a  été  contrôlé 
par  Bergiron  du  Fort  Michon,  inspecteur,  et  par  Connelere,  trésorier  de  l'Académie. 


Partie      AU    DIX-HUITIÈME    SIÈCLE  45 

lottes.  Le  livret  d'une  de  ces  œuvres  a  été  imprimé  sous  le  titre  de  l'académie 
la  Chasse  (i),  et  un  avertissement  placé   à  la  dernière  page  nous  DE   I7I"  A 
apprend  que  "la  musique  vocale  et  instrumentale  de  ce  divertisse-   l'  4 
ment  est  tirée  des  Opéra  de  Zéphire  et  Flore,  Fêtes  de  /'Eté,  Hyper- 
mnestre,  zAmours  de  Momus,   'Ballet  de  l'Inconnu,    Creuse,    Théonœ, 
Télephe,  Carnaval  de   Venise.  "   On   le   voit,   nos  ancêtres  n'étaient 
nullement  rebutés  par  cet  horrible  mélange  formé  des  musiques 
des  fils  de  Lully,  de  Montéclair,  de  Gervais  et  du  duc  d'Orléans, 
de  Desmarets,  de  Lacoste,  de  Salomon  et  de  Campra.  (2). 

Le  livret  anonyme  de  la  Chasse  est  pitoyable  :  fut-il  suivant 
l'usage  de  l'Académie,  lu,  discuté  et  approuvé  au  cours  d'une 
séance?  Nos  ancêtres  lyonnais  n'étaient  pas  difficiles  sur  le  choix 
des  poèmes  !  La  Chasse,  au  cours  d'une  anecdote  brève  et  sans 
intérêt  met  en  scène  des  personnages  nommés  Agatine,  Céphise, 
Dorante,  Lisidor,  et  entourés  d'une  "  troupe  de  chasseurs  et  de 
chasseresses  "  et  d'une  "  troupe  de  bergers  et  de  bergères.  "  Ces 
acteurs  falots  tiennent  des  discours  de  ce  genre  : 

Rendez  à  votre  tour, 
Beautés  cruelles, 
Rendez  à  votre  tour, 
Au  tendre  Amour: 

Dieu  charmant 

Fais  leur  sentir  un  doux  tourment. 

que  tes  traits  de  leurs  rigueurs 

soient  vainqueurs. 

Prends  tes  ailes, 

suis  les  belles  : 

vole  sans  cesse  à  la  chasse  des  cœurs.... 

(1)  "  La  Chasse.  Divertissement.  Fragments  d'auteurs  modernes  assemblés  par 
Mr  B***  D*  F*  M**,  Académiciens  ordinaire.  Chanté  pour  la  première  fois  dans 
l'Académie  des  Beaux- Arts  le  Mercredy  10  Février  1723.  A  Lyon,  de  l'imprimerie 
de  l'Académie  des  Beaux-Arts,  1722  "  (sic).  20  pages  in  40. 

(2)  Ce  genre  de  divertissements  était  encore  bien  préférable  à  certains  arrange- 
ments joués  au  Concert  Spirituel  de  Paris;  le  Mercure  signale  en  avril  1733  (p.  816) 
certain  Pange  Lingua  que  confectionna  Mouret  en  soudant,  avec  quelques  bribes  de 
sa  composition,  une  sarabande  de  Montéclair  et  une  bergerie  de  Lully  (cf.  Michel 
Brenet:  Les  Concerts  en  France p.  143.) 


46  LA     MUSIQUE     A     LYON  Première 

l'académie  L'œuvre  se  termine  par  un   chœur  rappelant  un  de  ceux  de 

de  171 8  a  \ Impromptu  et  opposant  une  fois  de  plus  les  musettes  et  les  trom- 
I(724  pettes.  La  partition  a  disparu. 

Bergiron  n'était  pas  le  seul  à  fournir  l'Académie  de  ces 
"  divertissements  de  fragments  modernes  assemblés."  Idas  et  Doris 
de  du  Breuil,  que  nous  avons  cité,  n'était  peut-être  pas  autre  chose. 
Ces  sortes  de  pots  pourris  pouvaient  donner  à  bien  des  amateurs 
de  musique  l'auréole  du  compositeur,  et  Christin  lui-même  sut 
s'arracher  à  ses  recherches  scientifiques  pour  écrire,  grâce  au  même 
procédé,  un  Iriomphe  de  Vénus  dont  le  manuscrit  existe  encore. 

D'autres  transcriptions  étaient  plus  artistiques  :  ainsi  cet 
arrangement,  écrit  de  la  main  de  Bergiron,  conservé  dans  la  biblio- 
thèque, et  dont  le  titre  indique  la  nature  :  "  Enée  et  Didon,  diver- 
tissement par  Mr  Campra  :  la  Cantate  d'Enée  et  Didon  du  2e  livre 
de  cet  autheur,  mise  avec  symphonie,  fait  le  sujet  de  ce  divertisse- 
ment. "  A  Bergiron  encore,  bibliothécaire  infatigable,  l'Académie 
devait  un  grand  nombre  de  transcriptions  d'opéras  en  un  ou  deux 
"  concerts.  "  Le  décousu  des  œuvres  dramatiques  du  xvif  et 
du  xvme  siècle  facilitait  des  arrangements  de  ce  genre,  faits  parfois 
par  les  compositeurs  eux-mêmes.  De  Bergiron,  on  peut  consulter 
aujourd'hui,  dans  la  bibliothèque  du  Concert  des  "  extraits  " 
manuscrits  d'opéras  de  Bertin  (Le  jugement  de  Paris,  aAjax)  ou  de 
Destouches  (Sémiramis,  le  Carnaval  et  la  Folie).  Ces  partitions, 
transcrites  par  Bergiron,  présentaient  un  grand  avantage  :  "  toutes 
avaient  leurs  parties  de  remplissage,  ce  qui  ne  se  trouve  pas  dans 
les  partitions  gravées  (1)." 

Le  répertoire  était  complété  par  de  nombreuses  cantates, 
telles  que  celles  de  Rameau  et  de  Bergiron,  dont  nous  avons  parlé, 
et  par  un  petit  nombre  d'  "  oratoires  en  latin"  :  <t4dam  de  du  Manssa, 
S*  Eugénie  de  Melani,  St  Nicolas  de  Bononcini,  S*  Ursule  de 
Scarlatti,  et  Ste  Cécile  d'Androvandini.  Ces  partitions  de  musiciens 
peu  connus  ou  même  ignorés,  étaient  manuscrites,  et  avaient  été 
peut-être     rapportées    d'Italie    par     quelque    amateur    en    même 

(1)  Affiches,  Annonces,  et  Avis  divers  de  Lyon  du  27  avril  1768. 


Partie      AU    DIX-HUITIEME    SIÈCLE  47 

temps  qu'un   très  grand  nombre  de  cantates  italiennes  anonymes  l'académie 
réunies  en  cinq  volumes  (i).  de  171 8  a 

Le  succès  de  l'Académie  des  Beaux-Arts  eut  pour  conséquence  1  '24 
la  création  d'une  autre  société  similaire,  fondée  en  171 8,  grâce  à 
l'initiative  de  Mme  Poulletier,  femme  de  l'Intendant  de  Lyon  (2). 
Cette  nouvelle  compagnie  artistique,  qui  s'intitulait  ^Académie  des 
Jacobins,  du  nom  du  quartier  où  était  sa  salle  de  réunion,  ne  dura 
que  quelques  années:  avant  1725,  elle  s'était  réunie  à  l'Académie 
des  Beaux-Arts,  et  les  quelques  partitions  de  Lully,  Campra, 
Lalande,  etc.  qui  formaient  son  répertoire,  furent  versées  dans  la 
bibliothèque  du  Grand  Concert  :  ces  partitions  existent  encore  et 
portent,  l'un  près  de  l'autre,  les  cachets  des  deux 
académies  (3).  Voici  une  reproduction  du  cachet 
de   la  Société  présidée    par  Mme  Poulletier  : 

L'Académie  des  Jacobins,  croyons-nous,  avait 
pour  maître  de  musique  un  nommé  Estienne,  dont 
les  talents,  après  la  fusion  des  deux  sociétés,  furent 
utilisés  par  l'Académie  des  Beaux-Arts.  Celle-ci 
assura  même  au  musicien  une  rente  viagère  de  trois  cents 
livres  (4).   Estienne,   dont  nous  ne  savons  rien  (5),  avait  composé, 

(1)  V.  Bibliothèque  du  Concert:  Ordre  Q. 

(2)  Pierre  Poulletier  de  Nainville  fut  Intendant  de  Lyon  de  17 18  à  1739.  Il  est 
souvent  question  de  lui  dans  la  Correspondance  littéraire  et  anecdotique  entre  Monsieur 
de  Saint-Fonds  et  le  Président  Dugas  (1711-1739),  publiée  par  W.  Poidebard;  Lyon, 
Paquet,  1900,  2  vol.  Mme  Poulletier  était  née  Henriette  Guillaume  de  la  Viéville. 
Elle  est  citée  assez  fâcheusement  dans  le  Journal àe.  Barbier  (I,  p.  223). 

(3)  Quelques-unes  de  ces  partitions  portent,  en  lettres  d'or,  sur  la  reliure,  des 
inscriptions  rappelant  qu'elles  avaient  été  offertes  par  Mme  Poulletier  "  Intendante  de 


AOÏ\ 


(4)  Archives  municipales  BB,  306,  fos  185-189. 

(5)  Un  Pierre  Estienne  était  organiste  à  Dijon  au  début  du  xvuie  siècle.  Il  était 
né  à  S1  Dizier  en  Champagne,  et  était  entré  en  fonctions  en  1705  ;  il  avait  renouvelé 
son  traité  en  17 12,  en  17 17,  et  en  1720,  pour  six  ans.  (Inventaire-sommaire  des 
Arch.  com.  de  Dijon,  tome  III,  L.  176.  —  Dietsch  :  Souvenirs  sur  la  5te  Chapelle  du 
Roy  (à  Dijon),  dans  le  Bulletin  d'histoire  et  d'archéologie  religieuse  du  diocèse  de  Dijon, 
1884,  p.  30).  Il  ne  semble  pas  que  cet  organiste  ait  quelque  chose  de  commun  avec 
l'Estienne  de  Lyon. 


48  LA     MUSIQUE     A     LYON  Première 

l'académie  pour  l'Académie  des  Jacobins,   dix-huit  motets  à  grand  chœur  et 
de   171 8  a  orchestre:  la  partition  de  onze  d'entre  eux  existe  encore. 
l724r  De  cette  éphémère  société  d'amateurs,   il  n'est  pas  resté  de 

trace  dans  les  archives  lyonnaises,  ce  qui  n'est  pas  étonnant.  Les 
seuls  renseignements  que  nous  possédions  sur  elle  sont  fournis  par 
le  Mercure  de  France  de  1721  et  1722.  Le  premier  article  du 
Mercure  créa  même  entre  les  deux  Académies  une  fâcheuse  con- 
fusion qui  s'est  renouvelée  récemment  (1).  Voici  cet  article: 

"Lundi,  14  de  juillet,  veille  de  Sfc  Henry,  l'Académie  de  Musique 
donna  à  Madame  Poulletier  un  très  beau  concert  à  l'occasion  de  sa  fête,  où 
toutes  les  Dames  les  plus  qualifiées  de  Lyon  assistèrent,  de  même  que  la 
plus  grande  partie  des  principaux  du  païs,  qui  sont  membres  de  cette 
académie  formée  par  les  soins  de  Madame  l'Intendante  ;  le  nom  d'Henriette 
qu'elle  porte  y  fut  célébré  par  divers  faits  à  la  louange  de  ses  charmes  et 
de  toutes  ses  rares  qualités.  Le  lendemain,  à  l'entrée  de  la  nuit,  un  grand 
bateau,  artistement  décoré,  (qui  portoit  dans  son  enceinte  un  magnifique 
salon,  dont  les  portiques  étoient  ornés  de  guirlandes  de  fleurs,  avec  les 
armes  de  Mmo  l'Intendante,  et  des  H  qui  marquoient  son  nom  et  le  sujet 
de  la  fête)  fut  conduit  sur  la  Saône,  au  son  des  timbales  et  des  trompettes, 
par  des  matelots,  en  habits  galans  et  uniformes,  chargés  de  rubans  de  ses 
livrées  :  ce  grand  bateau  étoit  précédé  d'un  brigantin,  et  suivi  de  quatre 
gondoles,  où  les  Académiciens  étoient  placés  ;  ils  se  rendirent  dans  cet  ordre 
à  la  vue  d'un  appartement  que  Madame  l'Intendante  occupe  à  l'Arsenal  ; 
l'ancre  fut  jetée  au  milieu  de  la  rivière,  et  le  bateau  qui  représentoit  le 
temple  d'Apollon  s'arrêta  devant  les  fenêtres  de  Madame  Poulletier  ; 
Monsieur  le  Comte  de  Suze,  chef  de  l'Académie  de  Lyon,  et  Monsieur  de 
Grange  Blanche,  avocat  général  de  la  ville,  s'approchèrent  de  la  terrasse  qui 
donne  dans  les  jardins  de  l'appartement  de  Madame  l'Intendante.  On  lui 
présenta,  au  nom  de  toute  l'assemblée,  un  bouquet  des  plus  belles  fleurs 
de  la  saison,  et  on  lui  fit  un  discours  aussi  galant  que  rempli  d'éloquence  ; 
dans  l'instant,  le  Temple  d'Apollon,  éclairé  par  plusieurs  lustres  de  cristaux 
en  dedans  et  par  une  infinité  de  lampions  et  de  quantité  de  gros  flambeaux 
de  cire  blanche  placés  au  dehors,  retentit  du  son  des  hautbois,  flûtes, 
violons  et  autres  instruments  de  musique,  qui  firent  un  Concert  qui  ne 
cédoit  en  rien  à  celui  de  la  ville  ;  le  concours  des  personnes  de  l'un  et 
l'autre  sexe,  formoit  sur  la  rivière  le  plus  agréable  spectacle  que  l'on  ait  vu 

(1)  Notamment,   dans  l'ouvrage  de  M.  Michel  Brenet  sur  les  Concerts  en  France 
sous  l'ancien  régime,  p.  176. 


Partie     AU    DIX-HUITIÈME    SIÈCLE  49 

de  longtemps  ;  diverses  illuminations  étoient  dans  les  petits  bateaux  que   l'académie 
chacun  avoit  embellis  à  qui  mieux  mieux,  et  rendoient  dans  le  plus  fort  de  de    171 8  a 
la  nuit  la  clarté  nécessaire  pour  se  reconnoître  d'assez  loin  ;  les  Académiciens    1724 
montèrent  sur  la  terrasse,  où  Madame  l'Intendante  offrit  à  la  Compagnie 
tous  les  rafraîchissemens  de  la  saison  ;  on  y  dansa  et  les  Dames  qui  étoient 
avec  elle  se  mêlant  avec  celles  que  la  fête  y  avoit  attirées,  formèrent  un  bal 
qui  ne  cessa  que  le  lendemain  fort  avant  dans  la  matinée.  Le  bruit  de 
l'artillerie  que  Monsieur  le  Chevalier  de  S1  Mars  fit  tirer  pour  honorer 
cette  fête,  ne  contribua  pas  peu  à  la  rendre  parfaite.  Chacun  se  retira  fort 
content,  et   Madame  l'Intendante  donna  lieu  à  tous  ceux  qui   y   étaient 
accourus  de   l'être    extrêmement    de   ses    manières    gracieuses    et    préve- 
nantes (1)  ". 

Charmante  fête,  on  le  voit,  mais  bien  peu  musicale  si  l'on 
s'en  rapporte  seulement  à  la  relacion  du  Mercure  ;  le  souvenir  de  la 
fête  donnée  dans  le  salon  de  Mme  Poulletier  nous  a  été  conservé  par 
une  brochure  imprimée  qui  montre  que  la  jeune  Académie  s'était, 
comme  son  aînée,  offert  le  luxe  d'un  divertissement  original  mis 
en  musique  par  des  Marais  (Desmarets  ?)  (2). 

L'article  du  Mercure  ne  pouvait  passer  inaperçu  ;  son  titre 
surtout  devait  amener  une  protestation  de  l'Académie  des  Beaux- 
Arts.  N'était-il  pas  intitulé  :  "  Relation  d'une  fête  donnée  à  Lyon 
à  Madame  Poulletier,  Intendante,  par  Messieurs  de  l'Académie  de 
Musique  et  Beaux-Arts,  établie  en  cette  ville  sous  la  protection  de 
M.  le  Maréchal  Duc  de  Villeroy  qui  en  est  le  chef?"  La  pro- 
testation ne  se  fit  pas  attendre,  et  le  Mercure  de  France  publiait 
dans  son  volume  du  mois  de  septembre  le  long  article  que  voici. 
Nous  le  reproduisons  tout  entier,  en  raison  de  son  grand  intérêt 
historique,  et  bien  que  nous  y  ayons  fait  déjà  plusieurs  emprunts  : 
il  nous  donne,  après  la  rectification  de  l'erreur  précédente,  un 
tableau  très  vivant  de  notre  Académie  et  de  ses  distractions  à  la 
fois  musicales,  religieuses  et  mondaines  (3). 

(i)  Mercure,  Juillet  1721,  p.  8. 

(2)  La  Fête  de  la  Saône  mise  en  musique  par  des  Marais.  Exécuté  à  Lyon  devant 
Mme  l'Intendante  dans  son  salon  de  PArcenal,  le  14  juillet  1721,  veille  de  sa  fête. 
Lyon,  Philibert  Chabanne,  in-40. 

(3)  Mercure  septembre  1721,  p.  197. 


50  LA     MUSIQUE     A     LYON  Première 

l'académie  "  On  s'est  trompé  lorsqu'on  a  mis  dans  le  précédent  Mercure  que 

de   171 8   a  l'Académie  des  Beaux- Arts  de  Lyon,  qui  est  sous  la  protection  de  Mr  le 
1724  Maréchal   duc  de  Villeroy,  et   dont  il  est   le   chef,  a  donné   une  fête  à 

Madame  Poulletier,  Intendante  de  cette  Ville.  C'est  la  seconde  Académie 
qui  l'a  donnée,  laquelle  a  été  établie  depuis  peu  d'années  sous  la  protection, 
et  par  les  soins  de  Madame  l'Intendante,  et  plusieurs  années  après 
l'établissement  de  la  première,  qui  commença  en  17 13.  M.  le  Maréchal  de 
Villeroy,  Gouverneur  de  cette  Province,  étant  venu  à  Lyon  en  17 14, 
honora  non  seulement  cette  première  Académie  de  sa  présence  et  de  sa 
protection,  mais  encore  il  voulut  que  son  nom  parut  dans  la  liste  des 
Académiciens.  Il  souhaita  aussi  que  l'on  fit  des  Règlemens  pour  rendre 
cet  établissement  plus  solide,  qu'il  a  eu  la  bonté  de  signer.  Cette  assemblée 
a  le  nom  d'Académie  des  Beaux-Arts  qu'elle  a  mérité  par  plusieurs  Pièces 
de  Poésie  et  de  Musique  qui  s'y  sont  faites,  quoique  ses  exercices  les  plus 
fréquens  ayent  pour  objet  la  Musique,  qui  est  exercée  d'une  manière 
également  noble  et  agréable.  Cette  première  Académie  est  composée  de 
personnes  choisies  de  l'un  et  l'autre  sexe,  parmi  lesquelles  il  y  a  plusieurs 
Mrs  et  Dames  de  la  Cour  des  Monnoyes,  qui  forment  un  magnifique 
concert  chaque  semaine,  dans  lequel  l'on  n'admet  pour  auditeurs  que 
quelques  Etrangers  en  petit  nombre,  et  la  compagnie  d'une  seule  personne 
de  la  Ville  avec  chaque  Dame  de  l'Académie.  M.  l'Archevêque  a  honoré 
l'Assemblée  dès  qu'il  a  été  Archevêque  de  Lyon  des  mêmes  faveurs  que 
M.  le  Maréchal  son  père  lui  avoit  faites.  Cette  Académie  n'a  pu  retenir  sa 
joye  sur  la  convalescence  du  Roy.  Elle  en  a  voulu  donner  des  marques 
par  un  Te  Deum  qu'elle  a  chanté  à  huis  clos  aux  Carmélites  dont  le 
Monastère  est  fondé  par  la  maison  de  Villeroy,  et  où  Madame  de  Villeroy, 
fille  de  M.  le  Maréchal  est  Supérieure.  L'Académie  s'y  rendit  en  corps  le 
matin  du  Dimanche  17  août,  ce  fut  avec  un  empressement  singulier,  et 
chacun  se  fit  un  devoir  de  n'y  pas  manquer.  Le  Concert  fut  composé  de 
quatre-vingt  dix  personnes,  outre  les  Académiciens  honoraires,  parmi 
lesquels  étoient  M.  le  Premier  Président  de  la  Cour  des  Monnoyes,  et 
M.  le  Prévôt  des  Marchands,  comme  membres  de  l'Académie  (1).  La 
messe  fut  célébrée  par  M.  l'Abbé  de  la  Croix,  Obéancier  de  Saint  Just, 
l'un  des  Académiciens  ;  on  chanta  un  très  beau  motet  de  la  composition  de 
M.  l'Archevêque,  après  quoi  le  Te  Deum  composé  par  Monsieur  Bernier 
fut  chanté  dans  tout  son  lustre,  et  sans  prévention  avec  une  exécution 
digne  de  sa  beauté.  Le  Te  Deum  fut  précédé  et  suivi  des  salves  ordinaires 
de  la  Ville  et  de  celles  de  la  mousqueterie  de  plusieurs  Quartiers  de  la 

(1)  Le   Prévôt    des    Marchands  était  alors  Cholier  ;  le  premier    Président,  de 
Sève  de  Flechère. 


Partie     AU    D IX- H U ITIÈ M E    SIÈCLE  51 

Bourgeoisie,  qui  s'y  étoient  rendus  sous  les  armes,  dont  les  Capitaines  l'académie 
sont  Académiciens.  Au  sortir  M.  l'Archevêque  retint  toute  l'Assemblée  de  171 8  a 
pour  la  régaler  d'un  superbe  ambigu,  qu'il  avait  fait  préparer  d'une  1724 
manière  digne  de  sa  grandeur  et  de  sa  générosité.  Le  soir,  les  Académiciens 
s'assemblèrent  dans  leurs  salles  pour  célébrer  la  santé  du  Roy  par  un 
magnifique  souper,  pendant  lequel  on  entendit  un  bruit  d'artillerie  et  de 
mousquetterie  des  mêmes  Quartiers,  qui  s'étoient  trouvés  le  matin  devant 
les  Carmélites,  et  qui  se  rendirent  le  soir  sur  le  Quay,  devant  l'Académie, 
pour  empêcher  la  confusion  du  peuple  qui  y  étoit  accouru.  Ce  bruit  fut 
accompagné  de  plusieurs  acclamations  de  Vive  le  Roy,  formées  par  les 
Académiciens,  et  par  le  peuple  qui  y  répondit  avec  une  joye  singulière. 
M.  l'Archevêque  honora  de  sa  présence  l'Assemblée  sur  la  fin  du  repas, 
pour  partager  avec  l'Académie  la  joye  qu'elle  ressentoit.  La  façade  de  la 
maison  de  l'Académie  étoit  illuminée  d'une  façon  très  brillante,  et  tout  le 
Quay  de  Sfc  Clair  l'étoit  aussi  par  nombre  de  pots  à  feu.  Le  souper  fut 
suivi  d'un  feu  d'artifice,  après  lequel  M.  l'Archevêque  s'étant  retiré,  on 
commença  un  très  beau  bal,  qui  ne  finit  qu'au  jour,  où  quantité  de 
personnes  distinguées  de  la  Ville  s'y  rendirent,  et  où  les  rafraîchissements 
furent  servis  à  profusion  à  toute  l'Assemblée.  " 

Et  comme  l'Académie  des  Jacobins  ne  pouvait  pas  rester  en 
retard,  le  Mercure  ajoute  : 

"  Le  dimanche  suivant,  [24  août],  la  seconde  académie,  qui  est  la 
même  qui  avoit  donné  sur  la  rivière  la  brillante  fête  à  Madame  Poulletier, 
Intendante,  chanta  à  son  tour  dans  la  chapelle  des  Dames  Religieuses  de 
Blie,  le  Te  Deumy  à  portes  ouvertes,  suivant  la  coutume.  " 

Les  deux  académies  ne  se  faisaient  d'ailleurs  pas  concurrence  ; 
quelques  amateurs  inlassables  jouaient  dans  l'un  et  l'autre  concert, 
ainsi  que  l'annonce  encore  le  Mercure  :  "  Les  personnes  qui 
exécutent  le  concert  de  la  place  des  Jacobins,  établi  depuis  peu 
d'années,  continuent  régulièrement  leurs  exercices.  Ce  concert 
devient  chaque  jour  meilleur,  surtout  depuis  que  plusieurs  Aca- 
démiciens de  l'Académie  des  Beaux-Arts  y  ont  été  reçus.  Ils  vont 
également  à  l'un  et  à  l'autre  concert,  attirés  par  le  seul  plaisir  de 
la  musique  "   (1) 

Après  1722,  il  n'est  plus  question  de  l'Académie  des  Jacobins. 

Pendant  ce  temps,  l'Académie  des  Beaux-Arts  prospérait,  et 

(1)  34ercure,  octobre  1722,  p  95. 


$2  LA    MUSIQUE    A    LYON 

l'académie  les  fêtes  succédaient  aux  fêtes.  Le  Mercure  publiait  au  mois 
de  171 8  a  d'octobre  1722  (1)  une  lettre  de  Lyon  datée  du  3  septembre  et 
lT1^  rendant  compte  du  concert  donné  la  veille  : 

"  Mr  le  Maréchal  de  Villeroy,  protecteur  de  l'Académie  des  Beaux- 
Arts  établie  dans  cette  ville,  assista  hier  aux  exercices  académiques  avec 
M.  l'Archevêque  de  Lyon,  ce  qui  fit  venir  à  l'Assemblée  plusieurs 
personnes  des  plus  qualifiées  de  la  Ville  et  des  environs.  Les  Académiciens, 
au  nombre  de  70,  firent  un  concert  des  plus  magnifiques.  On  y  chanta  des 
morceaux  de  l'Opéra  à'Ajax  rassemblés  par  les  soins  de  Mr  B.,  l'un  des 
Académiciens  (2).  Le  rôle  de  Cassandre  fut  chanté  par  M.  E***,  l'une 
des  plus  belles  voix  que  nous  ayons,  et  celui  de  Corebe  par  M.  M***  le 
jeune.  Tous  les  autres  rôles  furent  chantés  par  des  Académiciens  et  des 
Académiciennes.  A  la  fin  du  concert  on  chanta  Dixit  Dominus  de  M.  Cam- 
pra,  qui  fut  exécuté  avec  toute  la  justesse  imaginable.  M.  le  Maréchal  parut 
si  content  qu'il  accabla  d'honnêtetés  tous  les  membres  de  l'Académie,  dont 
les  principaux  allèrent  le  lendemain  le  remercier  de  l'honneur  qu'il  leur 
avoit  fait.  Il  leur  fit  espérer  qu'il  les  honoreroit  souvent  de  sa  présence... 

L'Académie  voyait  ses  concerts  ordinaires  fréquentés  non 
seulement  par  la  famille  de  Villeroy,  mais  aussi  par  le  Prévôt  de 
Marchands  et  les  Echevins  de  la  ville  (3).  Les  Académiciens 
n'allaient  pas  tarder  à  user  de  la  protection  du  Consulat  pour 
établir  définitivement  et  de  façon  grandiose  leur  société  musicale  ; 
ils  voulaient,  à  la  fois,  obtenir,  du  Roi,  des  Lettres-Patentes  con- 
sacrant officiellement  l'enterprise,  et  du  Consulat,  l'autorisation  de 
construire  au  centre  de  la  ville  un  hôtel  particulier  réservé  à  leurs 
concerts  et  à  leurs  délibérations. 

(1)  ^Mercure,  octobre  1722,  p.  94.  Par  suite  d'un  lapsus,  M.  Michel  Brenet, 
dans  les  Concerts  en  France  sous  l'ancien  régime  (p.  182)  a  indiqué  ce  concert  comme 
ayant  eu  lieu  à  Orléans.  Cette  erreur  sans  importance  a  été  reproduite  par  M.  L.  de 
la  Laurencie  dans  Y  Académie  de  musique  de  Nantes (p.  139) 

(2)  Il  s'agit  ici  de  YAjax  de  Bertin,  "  extraits  en  deux  concerts  "  par  Bergiron. 
(V.  Bibliothèque  du  Concert.) 

(3)  V.  Correspondance  littéraire  et  anecdotique  entre  Monsieur  de  S1  Fonds  et  le 
Président  Dugas.  Quand  Dugas  fut  nommée  Prévôt  des  Marchands,  S1  Fonds  le 
remercie  de  trouver  le  temps  de  lui  écrire  malgré  ses  nombreuses  occupations  parmi 
lesquelles  il  cite:  "  ...honorer  le  Concert  de  votre  présence".  —  Cette  même 
correspondance  nous  fait  supposer  que  l'Intendant  Poulletier  lui-même  ne  craignait 
point  de  prendre  part  aux  concerts  de  l'Académie  des  Jacobins  en  s'y  faisant  entendre 
comme  chanteur  (Tome  Ier,  p.  235). 


III. 

L'Académie  de   1724  a   1736. 


Nous  sommes  arrivé  à  une  période  qui  semble  marquer 
l'apogée  de  l'Académie  des  Beaux-Arts,  sous  sa  forme 
primitive  de  société  d'amateurs.  Le  nombre  des  membres 
exécutants  s'était  accru  progressivement,  et  atteignait  la  centaine. 
Grâce  à  la  protection  du  Maréchal  de  Villeroy,  les  Lettres-Patentes 
du  4  septembre  1724  établissant  une  Académie  à  Lyon  consacrè- 
rent en  même  temps  l'Académie  des  Sciences  et  Belles-Lettres  et 
l'Académie  des  Beaux-Arts.  Cette  dernière,  à  vrai  dire,  usa  d'un 
subterfuge  pour  obtenir  le  diplôme  royal.  En  effet,  "  il  était  sans 
exemple  que  des  lettres  patentes  eussent  été  accordées  pour  l'établis- 
sement d'un  concert,  la  permission  du  gouverneur  étant  suffisante 
pour  autoriser  ces  sortes  d'assemblées  ;  c'est  l'objection  qui  fut  faite 
à  ceux  que  les  sollicitaient  ;  pour  la  faire  cesser,  le  Concert  fut 
décoré  du  titre  d'Académie  des  Beaux-Arts,  et  dans  les  statuts 
composés  de  trente-huit  articles,  présentés  pour  être  joints  aux 
Lettres-Patentes,  il  en  fut  inséré  quatre  ou  cinq  qui  font  mention 
de  conférences  académiques  ayant  pour  objet  les  Beaux-Arts....' 
Et  le  mémoire  auquel  nous  empruntons  ces  lignes,  et  qui  fut  rédigé 
sans  bienveillance,  et  peut-être  sans  bonne  foi,  par  l'Académie  des 
Sciences  et  Belles-Lettres,  ce  mémoire  ajoute  :  "  Il  est  évident  que 
ces  articles  ne  furent  imaginés  que  pour  autoriser  le  titre  d'Acadé- 
mie des  Beaux-Arts  qui  était  sans  objet,  puisqu'il  est  certain  que 
pour  lors  la  musique  faisait  l'unique  préoccupation  de  cette 
académie  ;  la  devise  qu'elle  avait,  et  qui  est  gravée  au  frontispice 


54  LA     MUSIQUE     A     LYON  Première 

l'académie  des  statuts  imprimés,  en  est  une  preuve  suffisante (i) 

de  1724  a  Aussitôt   après  l'obtention    des  Lettres-Patentes,  l'Académie 

l73  des  Beaux- Arts  fit  imprimer  ses  statuts  (2).  Ceux-ci  comprenaient 

trente-huit  articles.  Nous  les  reproduisons  intégralement  ci-dessous. 

I.  —  L'Académie  aura  un  protecteur  perpétuel. 

II.  —  L'Académie  sera  composée  de  deux  classes  ;  la  première  des 
Académiciens  ordinaires  et  honoraires  ;  la  seconde  des  Académiciens  associez. 

III.  —  Les  seuls  Académiciens  ordinaires  et  honoraires  auront  voix 
délibérative  dans  les  assemblées  ;  les  Officiers  ne  pourront  être  choisis  que 
dans  cette  première  classe. 

IV.  —  L'Académie  aura  pour  Officiers,  un  Directeur,  un  Inspecteur, 
un  Bibliotécaire,  un  Trésorier,  quatre  Sindics,  et  deux  Secrétaires.  Le 
Bibliotécaire  et  le  premier  Secrétaire  seront  perpétuels.  Le  Trésorier 
exercera  sa  fonction  pendant  trois  années  consécutives.  Tous  les  autres 
Officiers  seront  annuels. 

V.  —  Le  directeur  présidera  à  toutes  les  assemblées,  les  convoquera 
extraordinairement  lorsqu'il  sera  nécessaire  ;  et  veillera  à  l'observation  des 
Statuts  et  des  Règlemens  de  l'Académie. 

VI.  —  L'Inspecteur  sera  chargé  du  détail  des  exercices  de  l'Académie  ; 
il  fera  les  fonctions  du  Directeur  en  son  absence. 

VII.  —  Le  Bibliotécaire  prendra  soin  de  tous  les  Livres,  Papiers  et 
autres  effets  qui  concernent  les  Beaux-Arts  ;  à  la  réserve  des  Papiers  qui 
regardent  les  Conférences  Académiques  ;  il  en  sera  chargé  conjointement 
avec  l'Inspecteur  sur  deux  Regîtres  signez  par  eux  et  par  le  Directeur  ; 
l'un  desquels  Regîtres  restera  dans  la  Bibliotèque,  et  l'autre  sera  déposé 
dans  les  Archives.  Tous  les  ans  l'Inventaire  sera  augmenté  des  nouvelles 
acquisitions,  et  vérifié  à  la  fin  de  décembre,  en  présence  des  officiers. 

VIII.  —  Le  Bibliotécaire  fera  les  fonctions  de  l'Inspecteur,  et 
l'Inspecteur  celles  du  Bibliotécaire,  réciproquement,  en  cas  d'absence. 

IX.  —  Le  Trésorier  recevra  tous  les  deniers  de  la  Compagnie,  et 
payera  toute  la  dépense  sur  les  mandats  des  autres  Officiers.  Il  rendra 
Compte  à  la  fin  de  chaque  année. 

X.  —  Les  quatre  Sindics  donneront  les  ordres  nécessaires,  les  jours 
de  Concert,  afin  qu'on  n'introduise  dans  la  Sale  de  l'Académie  que  ceux 
qui  doivent  y  entrer  ;  ils  en  feront  les  honneurs,  et  s'aideront  mutuellement 

(1)  Mss  acad.  n°  157  :  Notice  sur  l'origine  de  l'Académie  (f°  130- 133),  et  Mémoire 
pour  {Monseigneur  le  Procureur  général  du  Parlement  (f°  96). 

(2)  Statuts   et   règlements    de    V Académie  des   Beaux- Arts  établie  h  Lyon  par  Lettres 
patentes  du  Roy  ;  Lyon,  Laurens,  1724,  in-40. 


Partie     AU    DIX-HUITIÈME    SIÈCLE  55 

dans  leurs  fonctions,  dont  le  détail  sera  spécifié  dans  les  Règlemens  parti-   l'académie 
culiers  qui  seront  faits  par  la  compagnie,  tant  pour  eux  que  pour  les  autres  de    1724  a 
Officiers.  Le  premier  Sindic  distribuera  aux  Etrangers  les  Billets  qui  leur    1736 
seront  destinés  pour  entrer  au  Concert. 

XI.  —  Le  premier  Secrétaire  sera  chargé  des  Titres  de  l'Académie 
qui  doivent  rester  dans  les  Archives  ;  il  en  fera  un  Inventaire,  et  tiendra 
un  Regître  sur  lequel  seront  écrits  les  présens  Statuts  et  Règlemens,  avec 
un  Catalogue  de  tous  les  Académiciens,  selon  l'ordre  de  leur  réception.  Il 
assistera  à  toutes  les  assemblées,  dont  il  écrira  les  délibérations.  Il  raportera 
sur  un  autre  Regître  le  précis  de  toutes  les  Conférences  Académiques,  et 
aura  soin  de  tous  les  Papiers  qui  les  concernent.  Il  sera  aussi  chargé  d'écrire 
les  Lettres  de  la  Compagnie.  Le  sceau  de  l'Académie  sera  entre  ses  mains. 

Le  Second  Secrétaire  aidera  le  premier  dans  ses  fonctions  et  les  fera 
seul  en  son  absence. 

XII.  —  Le  nombre  des  Académiciens  Ordinaires  et  Honoraires,  sera 
fixé  à  deux  cens.  Les  Dames  seront  reçues  dans  cette  classe. 

XIII.  —  Ceux  qui  se  présenteront  pour  être  reçus  Académiciens 
Ordinaires  et  Honoraires  seront  proposés  par  le  Directeur  dans  une 
assemblée;  et  quand  ils  auront  été  agréez,  leurs  Noms  seront  inscrits  par 
ordre  de  datte,  sur  un  Regître  particulier,  tenu  par  le  Premier  Secrétaire, 
dont  chaque  Article  sera  signé  par  le  Directeur  et  les  autres  Officiers.  La 
première  place  à  remplir  sera  donnée  à  celui  qui  se  trouvera  le  plus  ancien- 
nement inscrit.  Le  nouvel  Académicien  signera  sa  réception,  et  se  sou- 
mettra aux  Règlements. 

XIV.  —  Les  Académiciens  Associez  seront  reçus  avec  le  seul  agrément 
des  Officiers. 

XV.  —  Aucun  Académicien  Ordinaire  ou  Honoraire,  ne  pourra  être 
exclu  de  l'Académie,  que  pour  des  causes  que  l'assemblée  Générale,  à  la 
pluralité  des  deux  tiers  des  voix  aura  reconnues  graves  et  importantes. 
Les  destitutions  des  Académiciens  associez  pourront  être  faites  par  déli- 
bération des  Officiers  seulement. 

XVI.  —  L'Académie  s'assemblera  deux  jours  de  chaque  semaine,  l'un 
pour  les  CONFÉRENCES  qui  auront  pour  objet  les  BEAUX-ARTS,  et 
l'autre  pour  le  CONCERT.  Le  jour  des  Conférences  sera  fixé  au  Samedi 
à  trois  heures,  et  celui  du  Concert  au  Mercredi  à  quatre  heures  et  demie, 
depuis  le  commencement  du  mois  de  Novembre  jusqu'à  la  fin  d'Avril  ;  et 
à  cinq  heures  depuis  le  commencement  du  mois  de  Mai,  jusqu'à  la  fin 
d'Octobre.  Lorsquele  Mercredi  se  trouvera  être  un  jour  de  Fête,  le  Concert 
sera  remis  au  lendemain,  ou  à  un  autre  jour  indiqué  par  les  Officiers.  A 
l'égard  des  conférences,  elles  se  tiendront  toujours  le  Samedi. 


56 


LA    MUSIQUE    A    LYON         Prem.ère 


l'académie  XVII.  —  Les  exercices  de  l'Académie  seront  suspendus  la  quinzaine 

de   1724  a  de  Pâques. 

1736  XVIII.  —  Les  assemblées  pour  les  Conférences  ne  seront  composées 

que  des  Académiciens  Ordinaires  et  Honoraires  qui  voudront  s'y  trouver, 
et  de  ceux  entre  les  Associez  qui  auront  été  choisis  par  les  Officiers. 

XIX.  —  Dans  les  Conférences,  il  sera  libre  aux  Académiciens  de 
choisir  le  sujet  qu'ils  voudront,  pour  entretenir  la  compagnie,  chacun  à  leur 
tour. 

XX.  —  Il  n'y  aura  point  d'Assemblée  pour  les  Conférences  depuis  le 
quinzième  du  mois  de  Septembre,  jusqu'au  premier  samedi  après  la  fête 
de  St.  Martin. 

XXI.  —  Tous  les  Académiciens  Ordinaires  exécuteront  leur  Partie 
dans  le  Concert,  et  lorsqu'ils  ne  pourront  pas  s'y  trouver,  ils  auront  soin 
d'en  avertir  quelques  jours  auparavant  l'Inspecteur,  ou  en  son  absence  le 
Bibliotécaire. 

XXII.  —  Il  n'y  aura  que  les  seuls  Académiciens  qui  soient  admis  à 
chanter  ou  jouer  des  instruments  au  Concert,  et  qui  puissent  entrer  dans 
l'espace  de  la  sale  destiné  à  l'exécution  de  la  musique.  Les  Officiers  pour- 
ront excepter  de  cette  règle  les  Etrangers  capables  d'exécuter  leur  Partie. 

XXIII.  —  Chacun  des  Académiciens  Ordinaires  et  Honoraires,  pré- 
sent ou  absent,  fera  remettre  au  Trésorier,  dans  le  mois  de  Novembre  ou 
de  Décembre  de  chaque  année,  la  somme  de  cinquante  livres  pour  les 
dépenses  de  l'année  suivante  ;  après  lequel  temps,  sa  place  d'Académicien 
sera  censée  vacante  :  ce  terme  néanmoins  pourra  être  prolongé  jusqu'au 
quinzième  de  janvier,  en  faveur  des  absens. 

XXIV.  —  Les  Académiciens  Ordinaires  ou  Honoraires  payeront 
soixante  et  quinze  livres,  pour  l'année  dans  laquelle  ils  seront  reçus. 

XXV.  —  Les  Académiciens  Associez  ne  contribueront  pas  à  la 
dépense  de  l'Académie.  Les  Officiers  n'admettront  dans  cette  classe  que 
des  personnes  d'une  capacité  reconnue  pour  les  conférences  ou  pour  les 
concerts.  Ceux  qui  auront  des  talents  pour  la  Musique  ne  pourront  se 
dispenser  d'exécuter  leur  Partie  dans  le  Concert,  ni  s'en  absenter  sans  avoir 
averti  l'Inspecteur  quelques  jours  d'avance,  ou  en  son  absence  le  Biblio- 
técaire. 

XXVI.  —  Au  commencement  de  l'année,  le  Directeur  remettra  à 
chaque  Académicien  Ordinaire  et  Honoraire,  un  Billet  Particulier  qui 
contiendra  son  Nom,  et  qui  sera  signé  par  le  Trésorier,  et  par  le  Premier 
Secrétaire  ;  Les  Académiciens  le  représenteront  chaque  concert  au  Sindic, 
à  l'entrée  de  la  Sale,  pour  se  faire  connaître. 

XXVII.  —  Les  Académiciens  Associez  auront  aussi,  pour  entrer  au 


Partie     AU    DIX-HUITIÈME    SIÈCLE  57 

concert  des  Billets  Particuliers,  qui  ne  leur  seront  accordez  et  continuez,   l'académie 
qu'en  conséquence  de  leur  assiduité.  de   1724  a 

XXVIII.  —  Les  seuls  Académiciens  entreront  dans  la  Sale  de  l'Aca-   1736 
demie  ;  à  la  réserve  néanmoins,  d'un  certain  nombre  de  personnes,  qui  y 
seront  admises  les  jours  de  Concert,  avec  des  Billets   qu'elles  remettront 

aux  Sindics  en  entrant  :  ce  Privilège  sera  uniquement  pour  les  Dames  de 
la  Ville  et  pour  les  Etrangers  qui  n'y  font  pas  leur  résidence.  Le  nombre 
des  Billets  pour  les  Dames  sera  fixé  à  trente  pour  chaque  Concert,  et  celui 
des  Etrangers  à  quinze. 

XXIX.  —  Le  Directeur  distribuera  les  Billets  destinez  aux  Dames 
de  la  Ville  pour  entrer  au  Concert.  Il  aura  soin  d'y  écrire  le  Nom  de  celles 
à  qui  il  les  donnera,  afin  qu'ils  ne  puissent  servir  à  d'autres,  et  que  la 
compagnie  soit  composée  de  Personnes  choisies.  Le  Premier  Sindic  en 
fera  de  même,  à  l'égard  des  Etrangers. 

XXX.  —  Les  Officiers  s'assembleront  un  des  derniers  jours  de 
chaque  mois,  pour  délibérer  sur  les  affaires  de  la  Compagnie. 

XXXI.  —  Tous  les  ans  on  tiendra  une  Assemblée  Générale,  le 
premier  samedi  du  mois  de  décembre,  dans  laquelle,  à  la  pluralité  des 
voix,  on  élira  les  Officiers  pour  l'année  suivante  ;  ils  entreront  en  fonction 
dans  l'Assemblée  des  Officiers  qui  se  tiendra  sur  la  fin  du  même  mois. 

XXXII.  —  Le  jour  que  les  nouveaux  Officiers  entreront  en  exercice, 
les  Anciens  qui  ont  des  Comptes  à  rendre,  les  présenteront  pour  les  faire 
arrêter,  en  présence  des  Anciens  et  des  Nouveaux  Officiers,  et  de  trois 
Académiciens  qui  auront  été  nommés  par  la  dernière  Assemblée  Générale. 

XXXIII.  —  On  ne  fera  aucune  acquisition,  ny  dépense  extraordinaire, 
sans  une  délibération  et  le  Consentement  de  six  Officiers,  au  moins  ;  et 
dans  les  cas  importants  on  décidera  dans  une  Assemblée  Générale. 

XXXIV.  —  Les  Appartements  de  l'Académie,  les  Livres,  Papiers, 
Meubles,  et  autres  Effets  qui  lui  appartiennent,  ne  serviront  qu'à  son 
usage. 

XXXV.  —  Il  ne  sera  permis  à  aucun  Académicien  de  produire  au 
nom  de  l'Académie,  ou  comme  Académicien,  aucun  Ouvrage,  qu'il  n'ait 
été  auparavant  examiné  et  approuvé  dans  les  Conférences,  et  que  l'Appro- 
bation n'en  soit  couchée  sur  le  Regître. 

XXXVI.  —  Les  difficultés  imprévues  seront  décidées  par  le  Directeur 
et  les  autres  Officiers  ;  quand  elles  seront  d'une  grande  conséquence  on 
convoquera  une  Assemblée  Générale  ;  et  suivant  l'exigence  des  Cas,  on 
s'adressera  au  Protecteur. 

XXXVII.  —  L'Académie  continuera  à  se  servir  de  son  sceau  ordi- 
naire, qui  représente  pour  sa  devise  une  Lyre  et  un  Caducée,  avec  ces 


58  LA     MUSIQUE     A     LYON  Première 

l'académie  mots:  Et  Voce  et  Arte ;  elle   en    pourra  marquer    ou  sceller  ses    Lettres, 

de   1724  a  Papiers,  Livres,  et  autres  Effets,  et  les  Actes  qui  émaneront  d'Elle. 

1736  XXXVIII.  —  L'Académie  pourra  étendre  et  expliquer  les  présens 

statuts  et  Règlements,  et  y  ajouter  ou  diminuer,  suivant  les  occurences, 

avec  l'agrément  du  Protecteur. 

Ces  statuts  servirent  de  modèle  à  toutes  les  Académies  de 
musique  fondées  plus  tard  dans  les  grandes  villes  du  royaume.  Ils 
se  passent  de  commentaires.  Relevons  seulement  deux  détails. 
L'article  vu  signale  l'existence  de  registres  tenus  en  double  :  il  est 
possible  que  ce  règlement  soit  resté  lettre  morte  ;  en  tout  cas,  nous 
n'en  avons  trouvé  aucun.  L'article  xxix  exige  que  la  Société  soit 
composée  de  personnes  choisies  :  l'Académie  restait  essentiellement 
aristocratique  (r)  ;  On  trouvait  ainsi,  dans  les  réunions,  suivant  le 
curieux  discours  prononcé  au  xvme  siècle  à  l'Académie  de 
Caen,  "  le  beau  optique,  dans  le  spectacle  brillant  des  personnes 
que  le  spectacle  assemble;  le  beau  moral,  dans  les  bienséances 
qu'on  y  observe;  le  beau  spirituel,  dans  le  choix  des  pièces  qu'on 
y  joue  ;  et  le  beau  harmonique,  dans  la  justesse  de  l'exécution.  Ce 
qui  forme  un  tout  ensemble  si  propre  à  rappeler  si  agréablement 
l'idée  du  beau  éternel  et  suprême,  le  seul  capable  de  nous  satisfaire 
pleinement.  "  (2) 

En  même  temps  les  Officiers,  c'est-à-dire  les  administrateurs 
de  l'Académie,  s'occupaient  activement  des  démarches  nécessaires 
pour  la  construction  de  l'édifice  qui  devait  être  YHotel  ou  la 
Maison  du  Concert.  Ils  avaient  choisi  un  emplacement  de  l'actuelle 
place  des  Cordeliers,  compris  aujourd'hui  entre  les  Magasins  des 
Cordeliers  et  les  Halles.  Certains,  grâce  à  leurs  relations,  d'obtenir 
les  autorisations  indispensables,  ils  avaient  demandé  d'avance  à  un 

(1)  On  ne  pensait  guère  à  cette  époque  que  "le  peuple  a  droit  à  la  beauté". 
Le  théâtre  n'était-il  pas  interdit  aux  gens  de  livrée  qui  ne  pouvaient  y  entrer  même 
en  payant  ?  (Ordonnance  du  Consulat  concernant  les  spectacles  :  Archives  muni- 
cipales BB.  342,  f°  65). 

(2)  Discours  sur  le  beau,  prononcé  devant  l'Académie  de  Caen  par  le  Père  André, 
Académicien  de  cette  ville,  (publié  dans  V Essai  sur  le  beau,  Paris  1763).  Le  protecteur 
de  l'Académie  de  Caen  était  Mgr  de  Luynes,  archevêque  de  Sens  ;  un  chanoine  en 
était  le  secrétaire. 


A 


Partie     AU    DIX-HUITIÈME    SIÈCLE  59 

architecte  de   Milan,  nommé  Federic  Pietra  Santa  le  plan  de  leur  l'académie 
futur  Hôtel.  Pietra  Santa  leur  envoya,  le  20  mars  1724,  des  plans  DE   x724 
et  un  mémoire  explicatif  (1).  *73 

L'emplacement  convoité  par  l'Académie  appartenait  à  la  ville, 
qui  l'avait  reçu  des  Pères  Cordeliers  sous  la  condition  qu'il  ne 
pourrait  y  être  élevé  aucun  bâtiment.  Les  Officiers  de  l'Académie 
des  Beaux-Arts  durent  donc  demander  le  consentement  des  religieux 
de  S*  Bonaventure.  Un  acte  capitulaire  du  11  mars  1724  le  leur 
accorda  sous  certaines  réserves:  élévation  du  bâtiment  fixée  à  vingt 
cinq  pieds,  promesse  de  ne  jamais  employer  l'immeuble  à  des  usages 
profanes,  tels  que  comédies,  bals,  opéras  ou  autres  spectacles 
publics,  et  de  ne  pas  le  céder  à  des  communautés  ecclésiastiques  (2). 

Un  acte  consulaire  du  27  avril  donna  à  l'Académie  l'auto- 
risation définitive.  La  ville  abenevisait  au  profit  de  la  société 
"  cent  quinze  pieds  de  longueur  dans  la  place  des  Cordeliers,  du 
côté  du  Rhône,  sous  le  cens  et  service  annuel  de  six  deniers 
portant  laods  et  ventes  en  cas  de  mutation  ",  à  condition  que  les 
plans  de  Pietra  Santa  ne  fussent  pas  modifiés  et  que  la  construction 
ne  dépassât  vingt-cinq  pieds  en  hauteur  et  quarante  en  largeur.  Il 
était  ainsi  établi  de  chaque  côté  deux  ruelles,  larges  d'une  vingtaine 
de  pieds,  conduisant  de  la  place  au  quai  du  Rhône  (3). 

Nous  ne  croyons  pas  indispensable  d'exposer  le  détail  complet 
du  plan  de  l'ingénieur  italien  ;  comme  nous  l'avons  noté  ci-dessus, 
projets  et  mémoires  explicatifs  sont  conservés  aux  archives  de  la 
ville,  où  chacun  peut  les  consulter.  La  nouvelle  construction, 
disait  le  Père  de  Colonia,  "  est  un  bel  édifice  d'un  goût  particulier, 
et  dont  la  forme  semble  nous  rappeler  celle  que  les  anciens 
Romains  donnaient  à  leurs  temples.  "  (4)   Les  Lyonnais  septuagé- 

(1)  Archives  municipales,  Inventaire  Chappe,  XX,  345  et  suiv.  :  Liasse  de  cinq 
pièces  comprenant  les  plans  de  Pietra  Santa  et  leur  explication  en  italien  et  en  français. 

(2)  Actes  capitulaires  des  Cordeliers  (copie  de  l'acte  du  11  mars  1724  aux 
Archives  municipales,  même  dossier  que  ci-dessus).  —  On  peut  se  rendre  compte  de 
l'emplacement  exact  de  la  salle  sur  les  plans  des  immeubles  des  Cordeliers  conservés 
aux  Archives  départementales  (Q.  1-26). 

(3)  Archives  municipales,  registres  des  Actes  consulaires,  BB.  287,  f°  69-72. 

(4)  de  Colonia,   Histoire  littéraire  de  la  Fille  de  Lyon. 


ÔO  LA     MUSIQUE     A     LYON  Première 

l'académie  naires  se  rappellent  encore  cette  petite  maison  —  détruite  en 
de  1724  a  1856  —  et  dont  nous  donnons  une  reproduction  :  le  "goût 
x736  particulier  "  ne  nous  semble  pas  aujourd'hui  se  confondre  entière- 

ment avec  le  bon  goût. 

L'Hôtel  du  Concert  comprenait  un  rez-de-chaussée  et  un 
étage.  L'étage  était  réservé  au  logement  du  maître  de  musique  ; 
au  rez-de-chaussée  se  trouvait  la  grande  salle  de  concert,  précédée 
d'un  vestibule  carré,  et  derrière  laquelle  deux  pièces  servaient 
l'une  de  bibliothèque,  l'autre  de  foyer  des  artistes.  La  grande  salle 
avait  la  forme  d'un  parallélogramme,  ou  plutôt  d'un  trapèze,  long 
d'un  peu  moins  de  treize  mètres,  et  large  d'une  dizaine  de  mètres, 
avec  une  différence  d'un  pied  en  moins  du  côté  de  l'orchestre. 
Deux  balcons,  larges  d'un  mètre  environ,  s'étendaient  des  deux 
côtés  de  la  salle,  sur  la  longueur  presque  entière,  et  à  une  hauteur 
de  deux  mètres  au-dessus  du  sol  ;  une  tribune,  large  d'un  mètre  et 
quarante  centimètres,  occupait  tout  le  fond  de  la  salle  du  côté  de 
l'entrée  à  une  hauteur  de  trois  mètres.  L'orchestre,  séparé  des 
spectateurs  par  une  balustrade,  était  composé  d'une  estrade  et  de 
plusieurs  gradins  en  charpente  ;  il  occupait  plus  d'un  tiers  de 
la  salle. 

C'était,  on  le  voit,  une  petite  salle,  mais  bien  suffisante  à  une 
compagnie  aristocratique  puisqu'elle  contenait  environ  deux  cent 
cinquante  places. 

Le  devis  de  l'architecte  italien  prévoyait  une  dépense  de 
trente  mille  livres  ;  cette  prévision,  suivant  l'usage  séculaire,  devait 
être  bien  dépassée.  Dès  1724,  l'Académie  s'occupa  de  trouver  les 
moyens  les  plus  convenables  pour  réaliser  les  emprunts  nécessités 
par  la  construction  de  son  hôtel.  Elle  arrêta  le  projet  suivant  : 
remboursements  par  annuités  de  cinq  mille  livres,  faits  grâce  au 
concours  des  académiciens  de  bonne  volonté.  Chaque  année  le 
Directeur  dresserait  une  liste  des  sociétaires  qui  voudraient  bien 
s'obliger.  "  Si  la  liste  du  Directeur  contient  quarante  académiciens 
voulant  contribuer  au  remboursement,  ceux-ci  auront  la  bonté  de 
donner  chacun  cent  vingt  cinq  livres  ;  si  elle  en  contient  cinquante, 
ils  donneront  chacun  cent  livres  ;  s'ils  sont   soixante,   quatre  vingt 


Partie     AU    DIX-HUITIÈME    SIÈCLE  61 

trois   livres,   six   sols,   huit   deniers "   "Comme   le    Prévôt    des  l'académie 

Marchands  et  les  Echevins,  ajoutaient  les  Officiers  de  l'Académie,  DE  I724  A 
veulent  bien,  en  cas  que  le  Concert  vienne  à  se  désunir,  se  charger  '73 
des  bâtiments  et  dépendances  en  payant  le  montant  des  déboursés 
suivant  les  quittances  remises  au  secrétariat  de  la  ville,  les  Direc- 
teurs, Sindics  et  Officiers  de  l'Académie  feront  une  reconnaissance 
sur  parchemin  imprimé,  timbré  et  numéroté,  aux  Académiciens 
qui  auront  contribué  au  remboursement "  LAcadémie,  naïve- 
ment, prévoyait  pour  les  premières  années  jusqu'à  cent  souscripteurs, 
et  poussait  même  l'optimisme  jusqu'à  établir  la  clause  suivante  : 
"  Comme,  dans  la  suite,  le  nombre  des  Académiciens  peut 
augmenter  considérablement,  et  que  les  revenus  de  l'Académie 
peuvent  par  conséquent  suffire  et  au-delà  pour  son  entretien,  le 
surplus  des  revenus  sera  employé  au  remboursement  des  reconnais- 
sance ci-dessus  faites  par  Messieurs  les  Officiers  par  tirage  au 
sort,      (i)    L'Académie    n'eut    pas,   est-il    besoin    de    le    dire  ?  à 

procéder  à  ce  tirage Son  entrée  dans  l'Hôtel  du  Concert  devait 

marquer  pour  elle  le  début  de  la  gêne  financière  et  des  expédients. 
L'Académie,  d'ailleurs,  ne  fut  pas  très  satisfaite  de  son  hôtel. 
La  salle  du  concert  en  effet  "  était  sans  résonance,  les  sons  n'y 
rendaient  point,  et  les  amateurs  de  la  musique,  les  citoyens  zélés 
pour  les  établissements  distingués  de  leur  patrie,  cherchèrent  avec 
le  plus  vif  empressement  à  remédier  à  un  inconvénient  aussi 
désagréable  ".  Cette  fâcheuse  acoustique  engagea  un  Académicien, 
à  qui  nous  avons  emprunté  les  lignes  précédentes,  à  rechercher  les 
causes  de  ce  défaut  et  les  moyens  de  le  faire  disparaître  :  cet 
Académicien,  Joannon  de  Sfc  Laurent,  avait  fait  des  recherches  sur 
les  échos  :  il  étudia  soigneusement  les  proportions  de  la  salle,  et 
remarqua  que  "  l'on  entendait  beaucoup  mieux  à  la  tribune  qu'aux 
balcons,  et  qu'aux  balcons  il  y  avait  peu  de  différence  de  la  façon 
dont  on  entendait  sur  le  niveau  de  la  salle  ",  et  arriva  à  conclure 
que  l'on   pourrait   améliorer   l'acoustique   de    la   salle   grâce    aux 

(i)  ^Mémoires  concernant  les  emprunts  et  remboursements  qui  seront  faits  par  les 
Académiciens  des  Beaux-Arts^  pour  parvenir  à  l'entière  construction  du  bâtiment  pour  le 
Concert (Arch.  mun.  dossier  de  l'Académie.) 


62  LA     MUSIQUE     A     LYON  Première 

l'académie  réparations  suivantes  :  changement  du  pavé  de  brique,  toujours 
de  1724  a  mouillé  par  l'humidité  du  terrain  ;  changement  de  la  disposition 
l7$  du  plafond;  démolition  de  la  tribune  et  des  balcons;  établissement 

d'une  voûte  sous  la  salle,  et  construction  d'un  orchestre  de  pierre. 
Ces  vœux,  exprimés  dans  un  mémoire  présenté  en  1739  à 
l'Académie  des  Beaux-Arts  (1),  ne  purent,  faute  d'argent,  être 
pris  en  considération  ;  on  ne  fit  pas,  sauf  en  1761  (2),  de  répara- 
tions à  la  salle,  qui  resta  peu  favorable  aux  exécutions  musicales. 

Nous  ne  savons  à  peu  près  rien  de  la  vie  artistique  de  l'Aca- 
démie, de  1724  à  1736.  Pendant  la  construction  de  l'Hôtel  de  la 
place  des  Cordeliers,  les  Concerts  durent  continuer  dans  l'ancienne 
salle  du  quai  S*  Clair  ;  il  semble  que  la  construction  fut  lente  (3), 
et  que  l'inauguration  n'eut  pas  lieu  avant  1726.  A  la  fin  de  cette 
année,  une  note  du  Mercure  de  France  nous  l'indique  assez 
vaguement  : 

"  L'Académie  des  Beaux-Arts  qui  fait  un  corps  à  part  de  l'Académie 
des  Sciences  et  des  Belles-Lettres,  vient  de  finir  le  superbe  édifice  destiné  pour 
les  Conférences.  Les  Concerts  qu'on  donne  toutes  les  Semaines,  deviennent 
de  jour  en  jour  plus  parfaits,  par  le  soin  qu'ont  les  directeurs  de  faire  venir 
de  toutes  parts  les  meilleurs  Musiciens.  Le  Public  attend,  par  la  perfection 
de  la  Musique,  que  les  autres  Arts,  qui  sont  l'objet  de  cette  Académie, 
auront  bientôt  leur  tour,  et  qu'elle  deviendra  enfin  une  Ecole  des  plus 
habiles  gens  dans  tous  les  genres.  "  (4) 

Cette  note  nous  indique  aussi  la  transformation  que  peu  à  peu 
subissait  l'Académie  :  l'élément  professionnel  et  payé  tendait  de 
plus  en  plus  à  remplacer  les  amateurs  chez  qui  se  ralentissait 
l'ardeur  pour  la  musique  —  ce  decrescendo  est  de  tradition  dans 

(1)  Mémoire  de  Joannon  sur  F  Application  des  principes  du  système  des  échos  à  la  salle 
du  Concert  de  la  Fille  de  Lyon,  présenté  à  l'Académie  des  Beaux-Arts  le  16  mars  1739 
(Mss  acad.  N°  12 1,  p.  35-40.)  Ce  mémoire  fut  relu  à  l'Académie,  le  5  août  1739, 
en  présence  de  Barnier  et  Genève,  Officiers  du  Concert,  invités  à  cette  occasion. 

(2)  Du  5  janvier  1 75 1,  "mandement  de  1.100  livres  pour  Cannac,  trésorier 
du  Concert,  payées  à  Page,  charpentier,  pour  réparations  et  constructions  faites  à 
la  Salle  du  Concert.  "  (Arch.  mun.  BB.  317,  f°  9). 

(3)  Toutes  les  quittances  d'ouvriers,  maçons,  tailleurs  de  pierre,  ou  autres,  sont 
conservées  aux  Archives  municipales,  (dossier  de  l'Académie). 

(4)  Mercure,  décembre  1726,  p.  2939. 


Façade   de  la  Maison   du  Concert 


Projet   de   Pietra  Santa 

(Archives   municipales) 


A 


Partie     AU    D IX- H  U ITI È  M  E    SIÈCLE  63 

les  institutions  artistiques  lyonnaises  —  et  qui  peu  à  peu  "  se  faisaient  l'académie 
une  peine  d'être  confondus  avec  des  musiciens  à  gages      (1).  DE  *724 

Nous  avons  dit  déjà  que  Bergiron  du  Fort  Michon  avait  l73 
renoncé  dès  171 8  à  la  direction  des  symphonistes  et  des  chœurs  de 
l'Académie  ;  mais  il  resta  officier  du  Concert,  d'abord  inspecteur, 
ensuite,  et  jusqu'à  sa  mort,  bibliothécaire.  David  et  Villesavoye  lui 
avaient  succédé  comme  maîtres  de  musique.  En  1726,  Villesavoye 
signa,  comme  batteur  de  mesure,  un  engagement  de  neuf  années 
conservé  dans  les  Archives  municipales  (2).  Cette  pièce  est  fort 
intéressante  :  elle  nous  montre  que  l'Archevêque  de  Lyon  protégait 
toujours  l'Académie,  elle  nous  est  une  preuve  de  l'introduction  dans 
le  personnel  instrumental  des  musiciens  de  profession  salariés,  et 
elle  nous  renseigne  sur  les  fonctions  du  maître  de  musique  du 
Concert.  En  voici  le  début  : 

"  Je,  soussigné,  Paul  Villesavoye,  maître  de  musique,  offre  à  Mon- 
seigneur  l'Archevêque   et  à  Messieurs  les    Officiers    de  l'Académie   des 

Beaux-Arts de  battre  la  mesure  dans  le  concert  qui  s'exécute  un  jour 

de  chaque  semaine  dans  leur  salle  de  la  place  des  Cordeliers,  comme  aussi 
de  me  trouver  aux  Règlements  des  concerts  qui  se  font  chaque  mois,  de 
visiter  quand  il  sera  nécessaire  les  Académiciens  et  Académiciennes  qui 
auront  besoin  de  mon  ministère  pour  pouvoir  répéter  et  exercer  ce  qu'ils 
auront  à  exécuter,  et  généralement  de  faire  tout  ce  qui  dépendra  de  moi 
pour  la  plus  grande  perfection  des  concerts. 

"  J'offre  encore  d'assister  et  de  battre  la  mesure  aux  répétitions  qui 
seront  ordonnées  par  Messieurs  les  Officiers,  d'avoir  soin  et  de  répondre 
en  mon  propre  et  privé  nom  des  partitions,  des  copies  tant  d'opéra  que  de 
motets  qui  me  seront  remis  par  le  bibliothécaire,  dont  je  me  chargerai  par 
écrit  à  mesure  qu'elles  me  seront  remises. 

"  J'offre  encore  et  m'engage  de  faire  venir  en  cette  ville  Dlle  Suzanne 
Palais  ma  femme  deux  mois  après  ses  prochaines  couches,  de  la  faire 
chanter  dans  tous  les  rôles  qui  lui  seront  indiqués  par  les  règlements  des 
concerts,  de  l'engager  à  se  trouver  tous  les  jours  de  concert  dans  la  salle 
pour  y  chanter  dans  les  chœurs  quand  elle  n'aura  aucun  autre  rôle  à 
exécuter,  et  je  promets  enfin  qu'elle  donnera  toute  son  application  et  ses 
talents  pour  contribuer  de  sa  part  à  la  perfection  des  concerts,  à  l'effet  de 
quoi  je  m'oblige  à  lui  faire  ratifier  les  présentes " 

(1)  Mss  acad.  N°  157,  f°  130-133. 

(2)  Arch.  mun.  dossier  de  l'Académie. 


64  LA     MUSIQUE     A     LYON  Première 

l'académie  Villesavoye    pour    ce    double    engagement     demandait     une 

de  1724  a  pension  de  dix  huit  cents  livres  et  la  jouissance  de  l'appartement 
l73"  du  premier  étage  de  l'Hôtel  du   Concert.  La  pension  devait  être 

augmentée  de  cinq  cent  livres  dans  le  cas,  qui  ne  se  présenta  pas, 
de  l'organisation  de  deux  concerts  par  semaine.  En  cas  de  décès  de 
l'un  des  époux,  l'engagement  du  survivant  devait  subsister  avec 
une  réduction  de  six  cents  livres  sur  le  chiffre  de  la  pension.  Suzanne 
Palais  conservait  le  droit  de  chanter  en  dehors  du  concert  ;  quant 
à  Villesavoye,  il  avait  la  liberté  de  battre  la  mesure  dans  les  églises, 
chapelles  ou  oratoires  (1),  mais  non  pas  dans  un  concert  public 
sans  permission  écrite. 

Ce  projet  d'engagement  daté  du  6  février  1726  fut  accepté 
par  l'Académie,  "  sous  le  bon  plaisir  de  Mgr  l'Archevêque,  "  le 
15  mars  suivant.  Villesavoye  était  dispensé  de  "montrer  la  musi- 
que "  aux  académiciens  et  académiciennes.  L'engagement  était 
fait  pour  neuf  années  à  dater  du  Ier  janvier  précédent. 

Quels  étaient  les  autres  musiciens  de  profession  engagés  dans 
l'orchestre  ou  dans  les  chœurs  ?  C'étaient  vraisemblablement,  outre 
quelques  artistes  de  passage,  des  instrumentistes  ou  des  chanteurs 
de  l'Opéra  de  Lyon  ;  pour  la  période  que  nous  étudions  dans  ce 
chapitre,  nous  avons  peu  de  documents  précis,  mais  il  est  permis 
de  supposer  que  les  artistes   de   l'Opéra   étaient  heureux   d'offrir 

(1)  Par  délibération  consulaire  du  6  juillet  1722  (Arch.  mun.  BB.  285,  f°  103), 
le  Prévôt  des  Marchands  et  les  Echevins  de  Lyon  avaient  décidé  la  fondation  d'un 
salut  à  perpétuité  en  reconnaissance  du  rétablissement  de  la  santé  du  Roi.  On  y  devait 
chanter  un  motet  en  musique,  et,  de  1722  à  1726,  (la  cérémonie  était  fixée  au 
8  août)  le  soin  de  la  composition  de  motet  avait  été  confié  à  divers  musiciens.  Dans 
sa  délibération  du  19  décembre  1726.  (Arch.  mun.  BB.  289,  f°  136),  le  Consulat 
reconnaissant  "  l'inconvénient  de  changer  tous  les  ans  de  maître  de  musique  pour  la 
composition  du  motet,  ce  qui  donne  lieu  à  des  sollicitations  embarrassantes  et 
contraires  à  la  dignité  des  intentions  qui  ont  donné  lieu  à  cette  fondation,  choisit 
Villesavoye,  maître  de  musique  de  l'Académie  des  Beaux  Arts,  pour  composer 
annuellement  ou  faire  exécuter  le  motet  du  8  août.  "  Après  le  départ  de  Villesavoye, 
cette  charge  resta  à  ses  successeurs,  jusqu'à  l'année  1764  où  le  motet  fut  supprimé 
par  les  Lettres-Patentes  réorganisant  le  Consulat  et  ordonnant  des  économies.  Les 
frais  de  cette  cérémonie  annuelle,  pour  la  partie  musicale,  s'élevaient  à  2000  livres 
environ  (Arch.   mun.,   délibérations  consulaires,  registres  de    1 75 1,   f°  105;    1755, 

f0  142;  1757» f0  I09;  !759>  f0  I04;  1761,  f°  93  ;  Ï762»  fo  ^5  ;  i763> f0  J39)- 


Partie     AU    DIX-  H  U ITIÈ  M  E    SIÈCLE  65 

leurs  services  au  Concert.  Le  Grand-Théâtre  était,  en  effet,  fort  l'académie 
mal  dirigé  par  une  femme  de  mœurs  douteuses,  la  Desmarais,  qui  DE  !724  A 
n'était,  maintenue  à  la  tête  de  l'exploitation  de  l'Académie  de  !736 
musique  qu'en  raison  de  sa  liaison  avouée  avec  le  Prévôt  des 
Marchands  Camille  Perrichon.  A  plusieurs  reprises,  de  1725  à 
1738,  le  spectacle  avait  dû  être  suspendu  faute  d'argent  pour  payer 
la  troupe,  en  dépit  des  subventions  assurées  par  le  Consulat  (1). 
Choristes,  solistes  du  chant,  ou  instrumentistes  de  l'orchestre, 
n'avaient  d'autre  ressource  que  de  jouer  ou  chanter  aux  séances  de 
l'Académie  des  Beaux-Arts.  Et  l'on  dut  entendre  alors,  aux  con- 
certs hebdomadaires,  des  chanteurs  tels  que  Villiers,  du  Bourg,  les 
demoiselles  Monville,  Gaumenil  ou  Tulou.  D'ailleurs,  une  délibé- 
ration du  Consulat  nous  montre  que,  dès  l'année  1732,  théâtre  et 
concert  avaient  des  instrumentistes  communs.  A  cette  époque  en 
effet  nous  trouvons  la  trace  de  l'engagement  simultané  d'un 
violoniste  lyonnais  à  l'Opéra  et  à  l'Académie.  Ce  violoniste,  c'était 
Jean  Marie  Leclerc  ou  Leclair  le  second,  dont  la  personnalité  n'a 
été  mise  en  lumière  que  récemment  (2).  Ce  Leclair  le  second  est 
celui  que  les  principaux  historiens  ont  prénommé,  nous  ne  savons 
pourquoi,  Antoine-Remy  ;  il  était  le  frère  cadet  de  Jean  Marie 
Leclair  l'aîné,  le  célèbre  violoniste  et  compositeur,  qui  vécut  à 
Paris. 

Jean  Marie  Leclair  le  second,  né  à  Lyon  le  23  septembre 
1703,  s'était  d'abord  fait  connaître  comme  violoniste  dans  sa  ville 
natale.  Puis,  l'Académie  de  Besançon,  fondée  en  1726,  l'engagea 
comme  premier  violon,  et  une  délibération  du  Consulat  de  cette 

(1)  Arch.  raun.  série  BB,  passim. 

(2)  Sur  Jean  Marie  Leclerc  le  second  et  sa  famille,  v.  deux  études  de  M.  Lionel 
de  la  Laurencie  :  Jean  Marte  Leclair  /'aîné  (Recueil  trimestriel  de  la  Société  internationale 
de  musique,  janvier  1905J  et  Jean  Marie  Leclair  le  second  (Courrier  musical  Ier  juillet 
1905J;  v.  aussi  l'article  de  M.  Georges  Tricou  sur  Les  Leclair  [Revue  musicale  de  Lyon 
du  5  mars  1905).  Il  est  impossible  de  justifier  le  choix  d'une  des  orthographes 
Leclair ,  Le  Clair,  Leclerc  ou  Le  Clerc  ;  toutes  se  trouvent  dans  les  états  civils  des  divers 
membres  de  la  famille.  Ainsi  l'acte  de  mariage  d'un  des  frères  Leclair  est  rédigé  au 
nom  de  Le  Clerc,  et  signé  Antoine  Leclair  et  Pierre  Le  Clair.  (Reg.  paroissiaux  de 
S1  Nizier,  30  janvier  1730).  Les  actes  consulaires  orthographient  généralement  Le 
Clerc. 


66  LA     MUSIQUE     A     LYON  Première 

l'académie  ville,  le  14  juillet  1732,  lui  assura  une  pension  de  cent  cinquante 
de  1724  a  iivres  (j).  Le  Maire  et  les  Echevins  de  Besançon  lui  firent  même 
l7?>  des  propositions  très  avantageuses  pour  l'engager  pendant  toute  sa 

vie.  Alors  le  Consulat  lyonnais,  en  décembre  1732,  lui  fit  écrire 
"  pour  lui  représenter  son  dessein  de  le  rappeler  dans  sa  patrie, 
et  de  l'y  conserver  en  lui  assurant  une  pension  viagère  pour 
contribuer  à  sa  dépense  annuelle  ;  à  quoi  le  dit  sieur  Le  Clerc, 
ayant  répondu  d'une  manière  très  convenable,  et  s'étant  rendu 
en    cette    ville,    avait    offert   ses   services    au    public,    sous    telles 

conditions   que  le  Consulat  jugerait  à  propos  de  lui  imposer " 

En  conséquence,  l'administration  municipale  décida  de  faire 
à  Le  Clerc  une  pension  viagère  de  300  livres  à  compter  de 
Noël  1732,  "à  la  charge  de  rester  attaché  au  service  de  la 
Ville  et  de  l'Académie  des  Beaux-Arts  tant  qu'elle  susbsistera 
en  convenant  de  ses  appointements  avec  Mrs  les  Officiers  ;  comme 
aussi  de  continuer  ses  soins  pour  l'éducation  des  enfants  de  la  Ville 
et  même  des  Etrangers  dans  l'art  de  jouer  du  violon,  dont  il  a 
acquis  une  connaissance  parfaite,  qui  lui  peut  être  aussi  utile  dans 
la  ville  de  Lyon  que  partout  ailleurs  ;  toutes  lesquelles  conditions 
ayant  été  acceptées  par  le  dit  sieur  Le  Clerc,  il  a  très  humblement 
remercié  le  Consulat  d'avoir  bien  voulu  contribuer  à  le  rendre  à 
sa  famille  et  à  sa  patrie,  en  le  faisant  renoncer  à  des  avantages 
étrangers  qui  le  flattaient  bien  moins  que  l'honneur  que  le  Consulat 

veut  bien  lui  faire  dans  cette  occasion (2)  " 

Huit   ans  après,  Leclair  était  récompensé   de  son  assiduité  au 

(1)  Arch.  communales  de  Besançon.  Cf.  Auguste  Castan,  Notes  sur  ï 'histoire 
municipale  de  Besançon  ;  Besançon,  1898. 

(2)  Arch.  mun.  BB.  297,  f°  73.  Comme  on  le  verra  ci-dessous,  Leclair  cadet  ne 
quitta  plus  Lyon.  C'est  vraisemblablement  de  son  frère  Pierre,  né  en  1709  et  marié 
en  1730  avec  Suzanne  Biolet,  qu'il  s'agit  dans  cette  phrase  de  Y  Académie  de  musique 
de  Moulins  au  XVIIIe  siècle  par  E.  Bouchard  : 

"  Le  16  août  1736,  Leclair  et  sa  femme  venant  de  Lyon  sont  engagés  au  prix 
unique  de  600  livres...  "  {Réunion  des  St&  des  Beaux  Arts  des  départ.  Tome  XXV, 
1897,  P-  592). 

Un  Leclair,  violon,  faisait  partie  en  1762  de  l'Académie  d'Orléans  (Id.  XXI, 
p.  788). 


Partie      AU    DIX-HUITIÈME    SIÈCLE  67 

Concert  et  à  l'Opéra.  Une   nouvelle  délibération   consulaire,   prise  l'académie 

en  1741,  nous  apprend  les  faits  suivants  :  DE  *724  A 

1736 
"  Le  sieur  Leclerc  a  bien  voulu  s'engager  pour  premier  violon  dans 
Lorquestre  de  l'Opéra,  en  sorte  que  son  talent  à  jouer  du  violon,  avec  une 
perfection  qui  lui  attire  journellement  des  applaudissements,  ne  laisse  rien 
à  désirer  au  public  à  cet  égard  ;  un  pareil  talent  est  un  objet  considérable 
pour  le  soutien  du  Concert  et  de  l'Opéra  de  cette  ville,  puisque,  par  ses 
soins,  la  symphonie  est  bien  plus  régulièrement  exécutée  dans  l'un  et  dans 
l'autre  ;  d'ailleurs  il  forme  journellement  des  jeunes  gens  de  famille  dans 
l'art  de  jouer  du  violon,  de  manière  que  l'on  peut  dire  que  les  personnes 
de  tout  âge  profitent  de  l'habileté  du  sieur  Le  Clerc (1)" 

Le  Consulat  tint  à  "  assurer  à  la  ville  un  si  bon  sujet  et  à 
l'engager  à  fixer  son  séjour  pour  longtemps.  "  Aussi  augmenta-t-il 
sa  pension  annuelle  de  deux  cent  livres,  "  à  la  charge  par  lui  de  ne 
point  quitter  cette  ville  et  de  continuer  à  jouer  du  violon  tant  au 
Concert  que  dans  l'orquestre  de  l'Opéra  tant  que  les  deux  établis- 
sements subsisteront  ;  de  laquelle  augmentation  de  pension  viagère, 
le  dit  sieur  Le  Clerc  a  très  humblement  remercié  le  Consulat  et  a 
promis  d'exécuter  la  présente  délibération  en  tout  son  contenu, 
suivant  sa  forme  et  sa  teneur....  " 

Les  registres  des  délibérations  consulaires  nous  signalent  aussi 
la  présence  parmi  les  pensionnaires  de  l'Académie  des  Beaux-Arts, 
d'une  chanteuse  professionnelle,  nommée  Marguerite  Huguenot. 
Engagée  depuis  plusieurs  années  au  Concert,  où  elle  "  partageait 
les  premiers  rôles  à  la  satisfaction  de  tous  les  académiciens  et  du 
public,  "  elle  fut  sollicitée,  en  1737,  d'aller  à  Paris  pour  entrer 
dans  la  musique  de  la  Reine  et  à  l'Académie  royale  de  musique. 
Elle  offrit  alors  au  Concert  de  Lyon  de  rester  dans  notre  ville  "  s'il 
plaisait  au  Consulat  d'assurer  son  état  et  de  le  fixer  de  manière 
qu'en  cas  que  par  des  événements  imprévus  l'Académie  vint  à 
cesser,  ou  qu'elle  perdit  sa  voix,  "  elle  n'ait  pas  à  regretter  sa 
détermination.  Le  Prévôt  des  Marchands  et  les  Echevins  délibérè- 
rent à  ce  propos,  et  reconnurent  que  les  qualités  et  la  voix  de  la 
Huguenot  étaient  supérieures  à  celles  de  tous  les  sujets  qui  s'étaient 

(1)  Arch.  mun.  BB.  306,  f°  95-96. 


68  LA     MUSIQUE     A     LYON  Première 

l'académie  présentés  jusqu'alors  pour  entrer  à  l'Académie,  et  que   l'excellente 

de  1724  a  artiste  serait  difficile  à  remplacer.  Ils  décidèrent  en  conséquence  de 

:73"  lui   garantir,    pendant  le    reste  de   sa  vie,   et  quoi   qu'il  arrive,  la 

pension   de  mille  livres  que    lui    versait   l'Académie    (1).    Cette 

subvention  déguisée,   nous  le  verrons   plus  loin,   fut   continuée  à 

l'Académie  même  après  le  départ  de  la  cantatrice  pour  Paris. 

L'Académie  avait  depuis  un  an  à  peine  la  jouissance  de  son 
Hôtel,  quand  elle  dut,  par  suite  du  mauvais  état  de  ses  finances, 
le  vendre  à  la  Ville.  La  construction  avait  coûté  cinquante  mille 
livres  au  lieu  de  trente  mille,  et  les  fonds  nécessaires  avaient  été 
avancés  par  le  trésorier  de  l'Académie.  Dans  l'impossibilité  où  ils 
se  trouvaient  de  rembourser  ces  avances,  les  Officiers  de  l'Académie 
proposèrent  au  Consulat  d'user  de  suite  de  la  faculté  qu'il  s'était 
réservée  d'unir  et  incorporer  au  patrimoine  de  la  ville  les  construc- 
tions, en  payant  vingt-cinq  mille  livres  ;  mais,  en  raison  des  frais 
réels,  supérieurs  aux  devis  primitifs,  le  Concert,  "  qui  emploie  tous 
ses  soins  et  ses  attentions  pour  rendre  ses  exercices  de  plus  en  plus 
utiles  et  agréables  au  public,  "  demandait  quarante  mille  livres  au 
lieu  des  vingt-cinq  mille  proposés.  Le  Consulat  ne  crut  pas  inutile, 
à  cette  occasion,  de  visiter  officiellement  l'Hôtel  du  Concert  ;  il 
reconnut  les  avantages  et  les  agréments  de  l'Académie,  et  l'utilité 
pour  la  ville  de  s'assurer  sans  retard  la  propriété  d'un  "  fonds 
considérable  ejt  bien  placé.  "  Il  accepta  donc  l'acquisition  proposée, 
mais  au  prix  de  vingt-cinq  mille  livres  seulement  ;  il  laissait  à 
l'Académie  la  libre  disposition  à  perpétuité  du  bâtiment  et  la 
faculté,  pendant  quinze  années,  de  racheter  l'immeuble.  (2) 

Il  est  inutile  de  remarquer  que  jamais  l'Académie  n'eut  la 
possibilité  financière  d'user  de  son  droit  de  rachat.  Bien  au 
contraire  :  ses  difficultés  s'accrurent  chaque  année.  A  la  fin  de 
l'année  1727,  lorsque  le  trésorier  Quinson  rendit  ses  comptes,  il 
établit  qu'il  avait  fait  vingt  quatre  mille  quatre  cent  dix  sept  livres 
d'avances  à  la  Compagnie.  De  cette  somme,  la  plus  grosse  part 
(dix-sept  mille  livres)  était  le  résidu  des  dettes  de  la  construction  ; 

(1)  Arch.  mun,  BB.  302,  f°  69. 

(2)  Délibération  consulaire  du  1 1  juillet  1727  (Arch.  mun.  BB.  291,  f°  105.) 


Partie      AU    DIX-HUITIÈME   SIÈCLE  69 

le  reste  provenait  des  dépenses  ordinaires.  L'Académie  décida  de  l'académie 
rembourser  immédiatement  deux  mille  quatre  cent  dix  sept  livres  DE  x724  A 
et  de  considérer  les  vingt  deux  mille  livres  restant  comme  emprunt   z73" 
à  cinq   pour  cent  (1).  Deux  ans  plus  tard,  elle  dut   avoir  recours 
de   nouveau  à  la   générosité   du   Consulat,  en  exposant  ainsi  ses 
doléances  : 

"  Quelque  soin  que  les  directeurs  et  officiers  de  l'Académie  se  soient 
donné  pour  soutenir  et  pour  perfectionner  le  Concert,  il  ne  leur  a  pas 
encore  été  possible  d'éviter  que  la  dépense  annuelle  n'excède  la  recette, 
quoiqu'ils  avoient  lieu  d'espérer  que  n'ayant  rien  épargné  pour  attirer  à 
Lion  les  sujets  les  plus  propres  à  plaire  au  public,  et  à  rendre  le  Concert 
un  des  plus  beaux  du  royaume,  les  citoyens  s'empresseroient  davantage  de 
contribuer  à  le  soutenir. 

"  Mais  comme  la  difficulté  des  temps  et  la  crainte  de  s'engager  dans 
les  dettes  anciennes  de  TAcadémie  retiennent  encore  plusieurs  personnes 
de  s'y  associer,  les  Directeurs  et  Officiers  n'ont  plus  de  moyen  pour  le 
soutenir  ni  pour  payer  des  dettes  échues  et  exigibles,  si  le  Consulat  n'a 
pas  la  bonté  de  faire  de  nouveaux  efforts  pour  éviter  la  chute  d'un 
établissement  aussi  honorable  et  dont  tous  les  Etrangers  paraissent  aussi 
surpris  que  satisfaits " 

Le  Consulat  ne  résista  pas  à  ce  navrant  exposé.  "  Ayant 
considéré  que  la  suppression  des  Concerts  serait  déshonorante  pour 
une  grande  ville,  et  fort  désagréable  aux  personnes  qui  ont  du 
goût  pour  la  musique,  et  qui  l'entretiennent  à  la  faveur  de  cet 
établissement,  "  il  accorda  pour  six  années  une  subvention  annuelle 
de  deux  mille  livres,  et  laissa  à  l'Académie  la  permission  de 
recevoir  le  tout  ou  partie  par  anticipation  suivant  ses  besoins  (2). 

L'Académie  toucha  aussitôt  et  d'un  coup  les  douze  mille 
livres,  subvention  pour  six  années  !  Dix  huit  mois  plus  tard, 
elle  se  plaignit  de  nouveau  au  Consulat,  car  elle  avait  "  la  douleur 
de  voir  que  la  dureté  des  temps  ayant  suspendu  le  zèle  et  l'émula- 
tion que  les  honnêtes  gens  devraient  avoir  pour  s'associer  dans  cette 
compagnie,  "  il  ne  lui  était  plus  possible  de  soutenir  l'établissement 

(1)  Extrait  de  la  délibération  de  l'Académie  des  Beaux-Arts  du  29  décembre 
1727  (Arch.  mun.  dossier  de  l'Académie). 

(2)  Délibération  consulaire  du  Ier  décembre  1729  (BB.  293,  f°  154). 


70  LA     MUSIQUE     A     LYON  Première 

l'académie  artistique  du  Concert,  si  le  Consulat  ne  consentait  à  continuer 
de  1724  a  pendant  quelques  années  encore  sa  subvention  annuelle  de  deux 
l^^  mille   livres.  Le  consulat  se  rendit  sans  hésitation  à  l'invitation   de 

l'Académie  :  il  prorogea,  pendant  six  années  à  dater  du  Ier  janvier 
1735,  la  jouissance  des  deux  mille  livres  accordées  en  1729,  et 
renouvela  l'autorisation  du  paiement  de  la  subvention  par  antici- 
pation. 

Quelques  jours  après,  c'est-à-dire  au  mois  d'août  1 73 1 ,  l'Aca- 
démie touchait,  en  une  fois,  les  douze  mille  livres  dont  le  dernier 
versement  aurait  dû  être  fait  seulement  huit  années  plus  tard,  en 
1739.....  (i) 

C'était,  on  le  voit,  la  grande  détresse  financière. 
De  la  vie  artistique  du  Concert  pendant  cette  période,  il  ne 
nous  est  resté,  en  dehors  des  vagues  indications  du  catalogue  de  la 
bibliothèque,  que  le  souvenir  de  quelques  fêtes  ou  cérémonies. 
L'une  date  du  4  octobre  1727  et  nous  est  indiquée  parla  relation 
manuscrite  d'un  Père  Cordelier  de  St  Bonaventure  : 

"  Les  musiciens  de  la  ville,  raconte  ce  religieux,  voulant  offrir,  à 
Monseigneur  l'Archevêque,  un  bouquet  le  jour  de  sa  fête,  ils  choisissent 
notre  église,  et,  le  jour  de  S*  François  d'Assise,  ils  firent  célébrer  une  basse 
messe  au  maître  autel  pendant  laquelle  on  exécuta  un  motet  à  grand  chœur 
et  une  grande  symphonie  ;  on  avoit  préparé  en  face  de  l'autel  un  prie  dieu 
couvert  d'un  tapis  de  velours  avec  des  coussins,  où  se  plaça  Monseigneur 
qui,  avant  la  messe,  eut  la  complaisance  de  monter  dans  la  chambre  du 
Père  Michel,  et  d'y  recevoir  de  ses  mains  un  bouquet  fait  de  différents 
coquillages  de  mer  et  représentant  des  fleurs  naturelles  (2).  " 

"  Les  musiciens  de  la  ville  "  étaient  sans  doute,  pour  le  bon 
Cordelier,  les  symphonistes  et  chanteurs  de  l'Académie. 

Une  autre  messe  en  musique  fut  chantée,  l'année  suivante, 
dans  la  grande  salle  de  l'Hôtel-de- Ville,  pour  rendre  grâces  à  Dieu 
du  rétablissement  de  la  santé  du  Maréchal  de  Villeroy  (3).   L'exé- 

(1)  Délibération  consulaire  du  14  août  1731  (BB.  295,  f°  94.) 

(2)  Evénements  particuliers  arrivés  au  Couvent  de  S1  Bonaventure  depuis  l'année 
1720.  (Mss  de  la  Ville  de  Lyon,  Fonds  général,  n°  1423,  p.  46). 

(3)  Arch.  mun.  BB.  292,  f°  80. 


Partie     AU    DIX-HUITIÈME    SIÈCLE  71 

cution,  en  raison  des  bons  rapports  du  Consulat  et  de  l'Académie,  l'académie 
avait  été  certainement  confiée  à  cette  dernière.  DE   i724  A 

Au  cours  de  cette  même  période,  l'Académie  des  Beaux- Arts  r736- 
perdit  ses  deux  protecteurs  :  le  Maréchal  de  Villeroy,  mort  en  1730, 
et  l'Archevêque  de  Lyon  mort  en  173 1  (1).  La  Compagnie,  qui 
devait  tant  à  ces  deux  princes,  ne  pouvait  manquer  de  faire  chanter 
des  messes  solennelles  pour  le  repos  de  leurs  âmes.  Le  7  août  1730, 
elle  fit  célébrer  dans  l'église  des  Pères  de  S*  Antoine  un  service  au 
cours  duquel  fut  exécutée  la  Messe  de  Gilles  "  dont  la  musique  est 
des  plus  parfaite  "  (2)  ;  la  messe  fut  chantée  par  les  académiciens 
mêmes,  placés  dans  la  grande  tribune.  Cette  même  messe  fut 
chantée,  sous  la  direction  de  Villesavoye,  au  cours  de  la  grande 
pompe  funèbre  de  l'Église  de  la  Charité,  le  1 5  septembre  sui- 
vant (3).  A  cette  époque  d'ailleurs,  "il  ne  se  faisait  presque  point 
de  service  funèbre  en  musique  où  l'on  n'exécutât  la  messe  de 
Gilles  (4).  Nous  n'avons  pas  trouvé  de  documents  sur  les  céré- 
monies funèbres  organisées  par  l'Académie  en  l'honneur  du  prélat 
qui  s'était  mêlé  si  intimement  à  sa  vie  artistique. 

Enfin,  en  1735,  l'Académie  vit  partir  son  maître  de  musique, 
Villesavoye,  dont  l'engagement  était  terminé.  Villesavoye  fut 
nommé   aussitôt  à  la  cathédrale  de  Strasbourg  (5).  Il  fut  vraisem- 

(1)  Les  publications  de  l'Académie,  comme  la  Chasse  dont  nous  avons  parlé  plus 
haut,  portaient,  sur  un  frontispice,  orné  d'une  mitre  et  d'une  couronne  ducale,  l'épi— 
praghe  :  "  Auspiciis  Villaregiorum.  " 

(2)  Grisard  :  Documents  pour  servir  à  l'histoire  du  Couvent  des  Carmélites...  ;  Lyon, 
Pitrat,  1887,  p.  61. 

(3)  Description  de  la  Pompe  funèbre (Mss  fonds  général   n°    1463,  f°   225).  — 

Archives  de  la  Charité,  E.  613.  —  Arch.  mun.  BB.  294,  f°  191  et  205. 

(4)  Sentiment   d'un   harmoniphile   sur   divers   ouvrages  de    musique;    Paris,    I y 57> 

P-  15-10- 

(5)  Le  {Mercure  de  juin  1736  contient  un  air  noté  de  "M.  de  Villesavoye, 
maître  de  Musique  de  la  catédrale  de  Strasbourg.  "  Villesavoye  mourut  à  Strasbourg 
en  1760.  Dans  son  ouvrage  Beitrage  zur  Geschichte  der  tMusik  im  Elsass  und  besonders 
in  Strassburg...;  Strasbourg,  Dannbach,  1840.  J.  F.  Lobstein  indique  (à  tort)  l'année 
1738  comme  date  de  l'entrée  en  fonctions  de  l'ancien  musicien  lyonnais,  et  donne 
sur  lui  les  renseignements  suivants  :  "De  Villesavoye  (Paul),  geb.  1683,  starb  nach 
einer  Geisteszerrtttung  am  28  Mai  1760  ;  er  dirigierte  am  5  Oktober  1744  die  grosse 
Musik  bei  gelegenheit  der  Ankunst  Ludwigs  XV  in  Strassburg.  " 


72  LA    MUSIQUE    A    LYON 

l'académie  blablement  remplacé  par  Estienne,  l'ancien  batteur  de  mesure  de 
de  1724  a  l'Académie  des  Jacobins,  qui  occupa  son  nouveau  poste  pendant 
I736-  quatre  ans  à  peine  (1). 

(1)  C'est  ce  qui  semble  résulter  d'une  délibération  consulaire  du  30  décembre 
1741  (Arch.  mun.  BB.  306,  f°  185-189),  signalant  une  délibération  de  l'Académie 
des  Beaux-Arts  du  29  novembre  1739,  qui  accordait  une  pension  de  retraite  à  Estienne. 


IV 

L'Académie    de    1736    a    1759 


En  1736,  comme  nous  l'avons  indiqué  dans  notre  introduction, 
l'Académie  des  Beaux-Arts  se  transforme  complètement. 
Les  amateurs  ne  prennent  plus  part  à  l'exécution  des 
concerts  (1),  et,  pour  occuper  leurs  loisirs,  songent  à  faire  les 
conférences  sur  les  Beaux-Arts  prévues  dans  les  statuts  de  1724. 
L'Académie  est  donc  formée  dès  lors  de  deux  groupes  tout-à-fait 
distincts  :  d'une  part,  les  Académiciens  qui  se  réunissant,  chaque 
semaine  une  fois,  pour  discuter  des  questions  artistiques  et  scienti- 
fiques ;  d'autre  part,  le  Concert,  administré  et  entretenu  par  les 
Académiciens,  mais  dont  les  auditions  hebdomadaires  sont  confiées 
exclusivement  à  des  musiciens  de  profession.  De  loin  en  loin 
pourtant,  quelques  amateurs,  chanteurs  ou  instrumentistes  se  firent 
entendre. 

Ce  changement  dans  le  recrutement  des  instrumentistes  dut 
amener  des  modifications  profondes  dans  la  composition  de  l'or- 
chestre :  les  violons  prirent  définitivement  la  place  des  pardessus 

(1)  Vers  la  même  époque,  une  transformation  analogue  s'opéra  au  Concert  de 
Bordeaux.  Dans  la  lettre  à  Christin  que  nous  avons  citée  dans  le  premier  chapitre, 
Sarrau  écrivait,  le  12  août  1738  :  "  Le  Concert  de  l'Académie  de  Bordeaux  est  devenu 
un  concert  public  comme  le  vôtre.  Ce  n'est  plus  l'Académie  qui  s'en  mêle.  Mais  j'ai 
continué  d'en  faire  un  avec  mes  amis  où  l'on  n'exécute  que  de  la  musique  italienne. 
Nous  avons  des  sujets  formés  dans  ce  genre  pour  le  chant  et  les  instrumens,  qui  s'en 
acquittent  assez  bien..."  Certains  Concerts  d'autres  villes,  dès  le  début  n'avaient  été 
composés  que  de  gagistes:  ainsi  celui  de  Marseille  où  "les  particuliers  n'osaient  s'exercer 
à  la  musique  à  cause  du  grand  nombre  d'auditeurs  qui  leur  en  ôtaient  la  liberté.  " 
(Mss  acad.  n°  263,  f°  1 1 1  et  suiv.) 

6 


74  LA     MUSIQUE     A     LYON  Premier* 

l'académie  de  viole  ;  les  violes  en  général  disparurent,  et  le  violoncelle,  qualifié 
de  1736  a  pourtant  à  cette  époque  encore  de  "misérable  cancre,  hère  et 
r759  pauvre   diable    (1),   le  violoncelle    s'installa    dans    les    basses  ;  la 

contrebasse  elle  même  fit  son  apparition  (2).  "  Le  luth,  le  théorbe, 
si  nobles  et  si  propres  à  l'accompagnement  "  (3)  furent  supprimés. 
L'orchestre  se  débarrassa  de  tous  les  instruments  parasites  que  la 
vanité  artistique  de  certains  académiciens  imposait  inutilement  ; 
ses  éléments  furent  réduits  de  moitié,  mais  la  qualité  des  exécutions 
musicales  ne  perdit  rien  à  cette  diminution.  Les  chœurs  surtout 
furent  vraiment  décimés,  puisque,  à  la  place  des  nombreux  acadé- 
miciens et  académiciennes  qui  formaient  un  groupe  plus  élégant 
et  gracieux  que  sonore,  chantèrent  les  seuls  pensionnaires  de 
l'Académie,  au  nombre  d'une  vingtaine,  comme  nous  le  verrons 
plus  loin.  (4) 

L'histoire  du  Concert  pendant  cette  période  n'est  encore  que 
l'histoire  de  ses  difficultés  financières  et  de  ses  expédients.  En 
1738,  Marguerite  Huguenot  se  retire  à  Paris  où  elle  est  appelée 
dans  la  musique  de  la  Reine  :  aussitôt  les  Officiers  de  l'Académie 
représentent  aux  Echevins  qu'il  est  indispensable  de  remplacer 
cette  artiste  par  "  un  ou  deux  sujets  capables  de  soutenir  le  Concert," 
et  qu'ils  ne  peuvent  le  faire  que  si  la  Ville  leur  laisse  la  jouissance 
de  la  pension  de  mille  livres  accordée  à  la  Huguenot  ;  du  reste, 
ajoutent-ils,  "  ce  n'est  pas  une  dépense  nouvelle  pour  la  Ville,  et, 
si  l'Académie  manquait  de  fonds  pour  se  soutenir,  elle  serait 
toujours  obligée  d'avoir  recours  aux  bontés  et  à  la  générosité  du 
Consulat.  "  Et  le  Consulat,  "  voulant  donner  de  plus  en  plus  des 
marques  de  son  affection  pour  le  soutien  d'un  établissement  conve- 
nable dans  une  grande  ville,  "  décide  le  maintien  de  la  pension  qui 
aidera  l'Académie  à  former  de  bons  sujets  et  à  faire  vivre  le 
Concert  (5).   Cet  état  financier  de  la  société  musicale  était  la  fable 

(1)  H.  Le  Blanc,  Dèfence  de  la  basse  de  Viole... 

(2)  Un   inventaire  des   meubles  de   l'Hôtel   du   Concert,  fait  en  1756,  signale 
l'existence  de  "  deux  contrebasses  avec  leur  étui  de  sapin.  " 

(3)  Bollioud-Mermet,  De   la   Corruption  du  goust  dans  la  musique  française. 

(4)  Etat  des  pensionnaires  de  l'Académie  en  1757  et  1765. 

(5)  Délibération  consulaire  du  30  décembre  1738  (BB.  303,  f°  176). 


1759 


Partie     AU    DIX-HUITIÈME    SIÈCLE  75 

de   la  ville  ;    on  chansonnait   l'Académie,   et   on    proposait   mille  l'académie 
moyens  humoristiques  DE  x73°  A 

Pour  prévenir  la  décadence 
Du  Concert  toujours  en  balance. 
Pour  lequel  depuis  si  longtems 
On  cherche  des  expèdiens  ; 
Voulant  lui  donner  la  ressource 
Qu'il  na  pu  trouver  dans  la  bourse 
De  tant  de  protecteurs  divers,  (i) 

L'année  1741  devait  voir  la  débâcle  financière.  Le  30  décembre, 
en  effet,  le  Prévôt  des  Marchands  et  les  Echevins  délibérèrent 
longuement  au  sujet  de  l'Académie,  et  les  registres  consulaires  ont 
conservé  l'exposé  navrant  et  confus  de  la  situation  du  Concert,  que 
nous  allons  résumer.  (2) 

L'Académie  des  Beaux-Arts  ou  ses  créanciers  étaient  dans  le 
dessein  d'user  de  la  faculté  qui  leur  avait  été  réservée  par  la 
délibération  consulaire  du  1 1  juillet  1727,  faculté,  pendant  l'espace 
de  quinze  années,  de  racheter  l'Hôtel  du  Concert  en  remboursant 
les  vint  cinq  mille  livres  versées  par  la  municipalité.  Mais  ce  rachat 
ne  pouvait  que  grossir  les  dettes  de  la  Société  :  or,  celle-ci  n'avait 
fut  aucune  épargne  depuis  l'année  1727.  C'était  dans  l'espérance 
du  contraire  que  le  Consulat  n'avait  pas  jugé,  quatorze  ans  plutôt, 
de  liquider  entièrement  l'Académie,  et  s'était  contenté  de  rem- 
bourser vingt-cinq  mille  livres  au  lieu  des  quarante  mille  demandées: 
grâce  à  cette  économie  de  la  Ville,  les  dettes  du  Concert  avaient 
augmenté  sans  cesse  tant  par  le  payement  des  intérêts  que  par 
l'augmentation  des  appointements  donnés  aux  pensionnaires.  Ainsi, 
malgré  différentes  libéralités  du  Consulat,  elles  s'élevaient  alors  à 
la  somme  considérable  de  quarante  et  un  mille  livres.  L'Académie 
ne  voyait  de  solution  à  cette  situation  déplorable  que  dans  l'autori- 
sation que  pourrait  lui  donner  le  Consulat  d'aliéner  tous  ses  biens 
mobiliers  et  l'immeuble   même  du   Concert.  La  proposition,  on 

(1)  Extrait  d'un  Brevet  de  la  Calotte  au  sujet  des  bals  du  Concert  de  Lyon  :  Mss  de 
la  Ville  de  Lyon,  Fonds  général,  n°  1503,  f°  185-186  (sans  date). 
(2)BB.  306,  f°  185-189. 


76  LA     MUSIQUE     A     LYON  Première 

l'académie  l'avouera,  était  singulièrement  audacieuse,  puisqu'elle  consistait  à 
de  1736  a  vendre  au  profit  de  l'Académie  la  maison  du  Concert,  acquise  par 
1 759  la  Ville  de  Lyon  quelques  années  auparavant.  Il  n'apparaît  pas  que 

les  Consuls  lyonnais  aient  été  choqués  par  cette  étonnante  propo- 
sition. Ils  considérèrent  simplement  ces  étranges  représentations 
comme  "assez  importantes".  Accepter  l'offre  du  Concert,  pensèrent- 
ils  avec  bienveillance,  c'était  anéantir  sans  ressources  un  établisse- 
ment qui  avait  déjà  occasionné  à  la  Ville  et  aux  Académiciens  des 
dépenses  considérables  ;  d'ailleurs,  quand  même  ils  l'accepteraient, 
la  Ville  ne  serait  pas  remboursée  des  vingt-cinq  mille  livres  qu'elle 
avait  versées  pour  l'acquisition  de  l'immeuble,  puisque,  malgré  le 
prix  des  constructions  (55.719  livres),  on  ne  pouvait  espérer  les 
vendre  à  ce  prix  en  raison  des  frais  nécessités  pour  les  transformer 
en  appartements  privés.  Il  sembla  plus  convenable  au  Consulat  de 
se  charger  de  l'entière  liquidation  de  l'Académie  en  acquérant  tous 
ses  effets  mobiliers  ;  de  la  sorte,  la  Ville,  devenue  propriétaire, 
pourrait  faire,  dans  l'administration  de  la  Société,  les  modifications 
nécessaires  pour  éviter  de  nouvelles  dettes.  A  la  suite  de  ces  consi- 
dérations, le  Prévôt  des  Marchands  et  les  Echevins  prirent  les 
décisions  suivantes  :  la  Ville  achetait,  moyennant  quarante  et  un 
mille  livres,  tous  les  droits  et  propriétés  sur  le  bâtiment  et  ses 
dépendances,  et  sur  les  effets  du  Concert  ;  les  magistrats  municipaux 
étaient  déclarés  inspecteurs  généraux  et  perpétuels  de  la  Société  ; 
la  Ville  se  chargeait  du  payement  du  cens  et  de  la  pension  due  aux 
Cordeliers,  ainsi  que  d'une  pension  viagère  accordée  par  l'Académie 
à  Estienne,  ancien  maître  de  musique  ;  le  Concert  devait  remettre 
chaque  année  au  secrétariat  de  la  Ville  l'inventaire  des  œuvres 
musicales  nouvellement  acquises  ou  copiées,  et,  deux  fois  par  an,  au 
Ier  janvier  et  au  Ier  juillet,  la  feuille  des  pensionnaires,  avec  le 
montant  de  leurs  appointements  ;  deux  fois  par  an  aussi,  le  trésorier 
de  l'Académie  devait  soumettre  l'état  des  recettes  et  des  dépenses 
du  Concert  ;  enfin,  les  délibérations  précédentes  accordant  une 
pension  annuelle  de  deux  mille  livres  étaient  annulées,  tandis  que 
la  pension  de  mille  livres,  accordée  le  30  décembre  1738,  était 
maintenue. 


Partie     AU   D I X- H U ITI È M E    SIÈCLE  77 

Ainsi,  la  ville  achetait  pour  la  deuxième  fois  une  maison  dont  l'académie 
elle  était  pourtant  propriétaire,  et  qui,  avec  quelques  meubles  et  DE  z73^  A 
partitions,  lui  coûtait  soixante  six  mille  livres  !  Et,  du  même  coup,  r759 
elle  inaugurait,  dès  l'année  1742,  le  système  de  la  régie  municipale 
appliquée  à  une  entreprise  artistique.  Elle  n'eut,  pas  plus  que  les 
municipalités  du  xxe  siècle,  à  se  louer  d'un  essai  prématuré  de 
socialisation  dont  les  effets  pourtant  devraient  être  heureux.  Il 
semble  d'ailleurs  que  le  plus  parfait  désordre  n'ait  cessé  de  régner 
dans  les  rapports  du  Consulat  avec  le  Concert  :  c'est  ainsi  que  les 
inventaires  de  la  bibliothèque  et  des  meubles  du  Concert  ne  furent 
fournis  que  beaucoup  plus  tard,  l'un  en  1754,  l'autre  en  1756. 
Nous  consacrerons  à  la  bibliothèque  un  chapitre  spécial  ;  quant  à 
l'inventaire  du  mobilier  de  la  société  (1),  nous  en  relèverons  de 
suite  certains  détails  qui  peuvent  nous  intéresser.  Il  avait  été  évalué, 
en  1727,  à  douze  mille  huit  cent  quatre-vingt-dix-neuf  livres  :  le 
28  décembre  1756,  on  l'estima  à  treize  mille  cinq  cent  livres. 
Dans  la  salle  de  la  bibliothèque  et  des  assemblées  étaient  :  douze 
armoires  contenant  partitions  et  archives,  la  traditionnelle  "grande 
table  avec  ses  allonges  et  le  tapis  vert  pour  les  assemblées  "  —  car 
cette  salle  servait  aux  réunions  de  la  Société  Royale  — ,  "  un 
clavessin  fait  par  Donzelague  avec  son  pupitre,  "  sur  les  cheminées 
"  deux  tableaux  peints  en  camayeux,  l'un  représentant  Apollon  et 
les  Muses  assemblées  sur  le  Parnasse,  et  l'autre  Minerve  dans  un 
cabinet.  "  Dans  les  deux  pièces  de  l'entresol  :  deux  tableaux  repré- 
sentant les  premiers  protecteurs  de  l'Académie,  le  Maréchal  de 
Villeroy  et  son  fils  l'Archevêque,  "le  portrait  de  Lully  en  estampes 
gravées  par  Edelinck  dans  un  cadre  doré  et  un  verre  devant,  "  "  un 
choriste  à  soufflets  de  quinze  pouces  de  long  pour  fixer  le  ton  au 
concert,  deux  contrebasses  avec  leur  étui  de  sapin,  une  trompette 
marine  avec  son  étui,  une  haute-contre  de  violon,  un  violon,  une 
trompette  d'Allemagne.  "  Dans  la  grande  salle  :  "  l'orquestre  de  la 
composition  ou  de  l'invention  du  Sr  Coignet,  un  clavessin  par 
Donzelague  avec  son  pupitre,  20    pupitres  en  place  et  16  pupitres 

(1)  Arch.  mun.  Dossier  de  l'Académie  de  Concert  :    inventaire  du  28  décembre 
1756,  établi  par  Coignet  (sur  Coignet,  v.  chap.  la  Bibliothèque  du  Concert). 


78  LA     MUSIQUE     A     LYON  Première 

l'académie  ambulants,  30  sophas  garnis  et  couverts  en  toile  verte,  dont  dix 
de  1736  a  dans  les  balcons,  neuf  chaises  couvertes  en  toile  verte....  12  chaises 
1759  garnies  en  paille,  168  chaises  qui  sont  ambulantes  dans  les  salles  et 

les  balcons  ;  "  ces  derniers  détails  nous  renseignent  approximative- 
ment sur  la  contenance  de  la  salle  de  concert.  L'éclairage  était 
assuré  par  "  7  lustres  de  bohème  taillés  à  8  lumières,  et  2  girandoles 
à  1 1  lumières.  "  A  cette  époque,  l'Académie  n'avait  pas  encore 
acquis  l'orgue  qui,  plus  tard,  devait  être  utilisé  si  souvent. 

Aussitôt  après  la  délibération  municipale  de  1741 ,  les  Officiers 
du  Concert  rédigèrent  une  circulaire  pour  informer  les  Académi- 
ciens de  la  décision  et  des  libéralités  du  Consulat.  (1)  Ace"  faire- 
part,  "  ils  ajoutèrent  les  lignes  suivantes  soumettant  les  projets  de 
la  Société  : 

"...Pour  ne  pas  rendre  infructueuse  la  bonne  volonté  du  Consulat,  et 
trouver  les  moyens,  après  avoir  liquidé  le  Concert,  d'en  assurer  la  conti- 
nuation, ce  qui  ne  peut  être  qu'autant  que  les  Citoyens,  amateurs  des 
Beaux-Arts  et  de  la  musique,  voudront  y  contribuer  de  leur  côté  pour 
les  dépenses  annuelles,  l'on  a  cru  devoir  faire  part  des  bonnes  intentions 
de  la  ville  à  tous  ceux  qui  ont  composé  et  composent  actuellement  le  Con- 
cert.... et  les  inviter  à  signer  au  bas  du  présent  avertissement,  pour 
servir  d'assurance  qu'ils  continueront  pendant  trois  années,  ou  deux  années 
au  moins,  à  être  du  Concert  sur  le  pied  de  cent  livres  pour  mari  et  femme 
et  leur  famille,  ou  de  soixante  livres  pour  les  garçons.  Il  est  absolument 
nécessaire  que  Mrs  les  Officiers  du  Concert,  qui  regardent  le  parti  qu'on  a 
proposé  comme  l'unique  qui  puisse  l'assurer  pour  toujours,  sachent  à  quoi 
s'en  tenir  :  ainsi  l'on  prie  ceux  à  qui  le  présent  avertissement  sera  remis  de 
le  renvoyer....  avec  leur  signature  en  bas  qui  tiendra  lieu  d'engagement...  ; 
ayant  été  délibéré  qu'au  cas  que  l'on  ne  puisse  pas  compter  sur  80  per- 
sonnes à  100  livres  et  70  personnes  à  60  livres,  pour  fournir  chaque  année 
à  la  dépense  du  Concert,  suivant  l'état  réduit  qui  en  a  été  arrêté,  on  cessera 
au  Ier  Octobre  prochain  l'exécution  des  concerts,  jusqu'à  ce  qu'on  puisse 
avoir  les  soumissions  qu'on  demande,  sans  quoi  on  ne  peut  s'assurer  de  la 

(1)  A  vrai  dire,  cette  circulaire  fut  envoyé  dans  le  courant  du  mois  de  septembre 
1741,  c'est-à-dire  plus  de  trois  mois  avant  la  délibération  officielle  du  Consulat.  Mais, 
dans  l'Assemblée  générale  du  Concert  tenue  le  23  août,  le  Prévôt  des  Marchands  et 
les  Echevins  avaient  accepté  le  principe  de  la  liquidation  de  la  Société  "  pour  se 
conformer  aux  vues  de  Mgr  le  duc  de  Villeroy,  qui  a  toujours  accordé  une  pro- 
tection singulière  à  cet  établissement,  et  pour  donner  aux  citoyens  des  marques  de 
leur  attention  dans  tout  ce  qui  les  intéresse.  " 


Partie     AU    DIX-HUITIÈME    SIÈCLE  79 

réussite  de  ce  projet.  Si  le  nombre  ne  se  trouve  pas  rempli  d'ici  au  tems  l'académie 
fixé,  on  rendra  les  engagements  à  ceux  qui  les  auront  donnés,  et  l'on  n'en  de  1736  a 
fera  aucun  usage  qu'autant  que  le  Concert  subsistera.  "  1 759 

Nous  verrons  tout-à-1'heure  que  cette  circulaire,  dont  un 
exemplaire  a  été  conservé  dans  la  grande  bibliothèque  de  Lyon 
sous  le  numéro  109.893,  nous  indique  approximativement  le 
budget  de  l'Académie  du  Concert  en  1742.  Constatons  auparavant 
que  cette  acquisition  du  Concert  par  la  ville  entraîna  la  séparation 
des  deux  groupes  formant  depuis  1736  l'Académie  des  Beaux- Arts. 
Dans  les  registres  des  procès-verbaux  des  Conférences  académiques, 
on  trouve,  à  la  date  du  21  février  1742,  la  note  suivante:  "  Jusques 
à  présent,  les  intérêts  de  l'Académie  et  ceux  du  Concert  étaient 
joints  ensemble,  tant  pour  les  Lettres-patentes  que  pour  la  dépense 
nécessaire  pour  ses  assemblées  académiques  et  le  logement  :  mais 
M"  du  Consulat  ayant  fait  acquisition,  pour  la  Ville,  vers  la  fin  de 
l'année  dernière,  des  bâtiments,  papiers  et  autres  effets  du  Concert.... 
les  intérêts  de  l'Académie  se  trouvent  aujourd'hui  entièrement 
séparés  de  ceux  du  Concert..."  Cette  séparation,  confirmée  officiel- 
lement plus  tard,  par  l'attribution  du  titre  de  Société  Royale  à  la 
section  des  conférences  de  l'Académie  des  Beaux-Arts,  fut  fort 
heureuse.  Elle  coupait  court  à  différents  inconvénients.  L'état 
financier  du  Concert  pouvait  empêcher  certains  amateurs  de  fonder 
des  prix  à  l'Académie,  et  surtout  les  Académiciens  n'appartenant 
qu'à  l'un  des  deux  groupes  croyaient  pouvoir  user  des  avantages  de 
chacune  des  Académies  :  "  Le  Concert  ne  subsistait  qu'au  moyen 
d'une  contribution  personnelle  et  d'une  somme  que  donnait  chaque 
Académicien  ;  il  n'y  entrait,  des  habitants  de  la  ville,  que  ceux 
qui  payaient  et  les  étrangers  gratis  ;  l'Académie  [section  des 
conférences]  n'obligeait  à  aucun  payement,  et  on  y  était  reçu  à 
proportion  du  talent  ;  il  résultait  de  l'union  que  ceux  qui  payaient 
pour  le  Concert  se  croyaient  en  droit  d'assister  aux  séances  de 
l'Académie  et  ceux  de  l'Académie  au  Concert  sans  payer,  ce  qui 
formait  toujours  des  contestations...  (1)  " 

(1)  Lettre  au  Procureur  Général  du  22  août  [1748].  Arch.  mun.  Dossier  de 
l'Académie  des  Beaux-Arts. 


8o  LA     MUSIQUE     A     LYON  Première 

l'académie  D'après  la  circulaire  que  nous  avons  citée,  les  recettes  néces- 

de  1736  a  saires  à  l'entretien   du  Concert,   représentées  par  la  cotisation   de 
l759  cent  quarante  Académiciens  payant  soixante  livres   pour  une  seule 

personne  ou  cent  livres  pour  une  famille,  se  montent  à  douze  mille 
deux  cents  livres  par  an.  Ce  chiffre  fut  sans  doute  atteint  pendant 
les  trois  premières  années  de  la  nouvelle  combinaison  financière,  et, 
joint  à  la  subvention  de  mille  livres,  il  suffit  aux  dépenses.  Mais, 
le  Consulat  se  voit  bientôt  obligé  de  combler  le  déficit  de  l'exploi- 
tation :  c'est  ainsi  qu'en  1745,11  est  remis  à  Chanorier,  trésorier  de 
l'Académie  des  Beaux-Arts,  plus  de  quatre  mille  livres  "  accordées 
pour  contribuer  aux  frais  nécessaires  et  indispensables  à  ladite 
Académie  et  au  payement  de  ceux  qui  exécutent  la  musique  et  la 
symphonie  (1)  ".  L'année  suivante,  c'est  une  nouvelle  subvention 
supplémentaire  de  près  de  trois  mille  livres  (2).  Pendant  l'hiver 
1747- 1748,  le  déficit  s'aggrave,  et,  par  ordre  de  Mgr  de  Villeroy, 
le  Concert  est  suspendu  pour  quelque  temps  (3). 

De  telles  dépenses  ne  sont  pas  les  seules  qui  incombent  à  la 
Ville  devenue  propriétaire  de  l'entreprise  musicale.  Le  Consulat 
se  voit  obligé  de  servir  des  pensions  à  quelques-uns  des  meilleurs 
artistes  de  l'Académie.  Nous  avons  déjà  signalé  la  pension  de  Jean- 
Marie  Leclair  le  second.  Les  registres  consulaires  nous  indiquent 
encore  que  des  pensions  furent  accordées  à  deux  artistes  connus  : 
le  compositeur  Grenet  et  la  cantatrice  Selim. 

François-Lupien  Grenet,  sur  qui  Fétis  était  mal  renseigné  (4), 
était  né  à  Paris  ;  il  fut  reçu  enfant  de  chœur  à  la  Sainte-Chapelle,  le 
19  août  1705,  alors  que  Nicolas  Bernier  y  était  maître  de  musique. 
Il  quitta  son  service  avant  que  son  temps  fût  expiré  (5).   Nous  ne 

(1)  Arch.  mun.  BB.  311,  f°  93  et  117. 

(2)  Arch.  mun.  BB.  312,  f°  12. 

(3)  Lettre  citée  au  Procureur  général. 

(4)  Dans  sa  Biographie  des  musiciens,  Fétis  fait  mourir  Grenet  en  1761,  à  Paris 
(Grenet  mourut  en  1753)  et  indique  l'année  1759  comme  date  de  l'apparition 
d'Apollon,  berger  a" Admet e  :  cette  date  est  celle  de  la  représentation  de  l'œuvre  à  Paris. 
De  Lajarte,  dans  sa  Bibliothèque  musicale  de  l'Opéra  (Paris  1876),  t.  Ier  p.  240, 
déclare  qu'il  ignore  la  date  d'Apollon. 

(5)  Archives  nationales  :  Registres  de  la  Sainte-Chapelle  (Communiqué  par  M. 
Michel  Brenet.) 


Partie     AU    DIX-HUITIÈME    SIÈCLE  81 

savons  rien  de  sa  jeunesse.  En  1737,  il  fit  représenter  à  l'Opéra  de  l'académie 
Paris  le   Triomphe  de  V Harmonie  ;   il  était  alors,  d'après  le  privilège  DE  I73^  A 
de  cette  œuvre,  changeur  à  Paris  où  il  habitait  "rue  et  vis-à-vis  x759 
de  la  Monnoye,  au  change  du  Roi.  "  Son  œuvre  lyrique  fut  repré- 
sentée à  Lyon  en  mai  et  juin  1740  ;   en  1745,  il  y  ajouta  un  acte 
sous  le  titre  <iApollon,  berger  cTiAdmete  (1).    Grenet,    rapporte   un 
acteur  nommé  Marignan,  qui  le  connut  beaucoup,  "  était  un  homme 
très  vif,   plein   du   génie  de  son  art....  grand  harmoniste,  de  plus 
homme  d'esprit  (2)." 

En  1739,  Grenet  était  à  Lyon,  et,  le  3  décembre  de  cette 
année,  le  Consulat  lui  accordait  une  pension  annuelle  de  trois  cents 
livres,  **  à  la  charge  pour  le  musicien  de  rester  et  résider  en  cette 
ville,  de  donner  tous  ses  soins  aux  Ecoliers  et  Ecolières  qui  voudront 
apprendre  la  musique,  la  prononciation,  et  la  propreté  du  chant  ". 
Grenet  succédait  ainsi,  comme  professeur  officiel  de  musique,  aux 
sœurs  Hullot  dont  l'une,  Angélique,  venait  de  mourir,  et  l'autre, 
Gabrielle,  ne  pouvait  plus  chanter  et  devait  se  contenter  de 
"  montrer  à  jouer  du  clavessin  ".  Cette  délibération,  qui  substituait 
en  outre  Grenet  à  Gabrielle  Hullot,  après  le  décès  de  celle-ci,  pour 
u^  supplément  de  pension  de  trois  cent  livres  (3),  nous  apprend 
que  Grenet,  maître  de  musique  à  Paris,  avait  été  appelé  à  Lyon 
par  les  Consuls,  et  qu'il  avait  "  donné  des  preuves  de  sa  capacité, 
de  ses  talents,  et  de  son  goût  pour  la  musique  et  pour  le  chant,  ce 
qui  se  trouve  conforme  à  la  réputation  qu'il  s'était  acquise  dans  la 
capitale  ".  La  petite  pension  qui  lui  était  accordée  avait  pour  but 
de  "  contribuer  à  son  établissement  et  de  le  dédommager  en  partie 
des  dépenses  qu'il  serait  obligé  de  faire  pour  faire  venir  sa  famille, 

(i)  "  Apollon,  berger  cC  Admet  e,  nouvel  acte  adjouté  au  Triomphe- de  V Harmonie, 
dédié  à  Messieurs  du  Consulat  de  Lyon..."  Paris,  Boivin,  et  Lyon,  chez  l'auteur,  1745. 

(2)  "  Eclaircissements  donnés  à  Fauteur  du  Journal  encyclopédique  sur  la  musique  du 
Detin  du  yillage,  par  le  sieur  de  Marignan,  comédien";  Paris  Vve  Duchesne,  178 1, 
in-8°.  Cité  par  M.  Arthur  Pougin  dans  /./.  Rousseau  musicien  ;  Paris,  Fischbacher, 
1901,  p.  82-84. 

(3)  Grenet  ne  put  profiter  de  ce  supplément  de  pension,  car  Marie-Gabrielle 
Hullot  "fille  native  de  Paris"  ne  mourut  que  le  21  septembre  1772,  à  l'âge  de  92 
ans  (Registres  paroissiaux  de  S4,  Nizier). 


82  LA     MUSIQUE     A     LYON  Première 

l'académie  indépendamment  des  autres  avantages  qu'il  pourra  trouver  dans 
de  1736  a  l'Académie  des  Beaux-Arts  et  dans  l'Académie  royale  de  musique(i)". 
J759  Grenet  trouva  de  suite,  au  Concert,  les  avantages  que  prévoyait 

cette  délibération.  Nul  document  ne  nous  permet  de  fixer  la  date 
de  sa  nomination  comme  maître  de  musique  de  l'Académie,  poste 
qu'il  devait  occuper  jusqu'à  sa  mort  (2),  mais  il  est  vraisemblable 
qu'il  succéda  immédiatement  à  Estienne  qui,  nous  l'avons  vu,  fut 
mis  à  la  retraite  au  mois  de  novembre  1739.  Le  Concert  de  Lyon 
devait  profiter  avec  empressement  de  la  venue  d'un  maître  de 
musique  parisien  dont  une  œuvre  dramatique  avait  été  représentée 
avec  succès  à  l'Académie  royale. 

Quant  à  la  demoiselle  Selim,  elle  avait  chanté  peu  de  temps, 
en  1738,  au  Concert  Spirituel  de  Paris,  puis  était  venue  s'installer 
à  Lyon.  Elle  avait  été  bientôt  engagé  à  l'Opéra  de  notre  ville  pour 
remplir  les  premiers  rôles,  et,  dès  l'année  1740,  elle  avait  été 
admise  à  chanter  au  Concert  "  où  elle  donna  tous  ses  soins  pour 
remplir  ses  engagements  ".  Ses  appointements  étaient  modiques,  et, 
au  début  de  1744,  elle  se  proposait  de  quitter  Lyon,  pour  "  profiter 
des  offres  qu'on  lui  faisait  d'un  établissement  avantageux  dans 
l'Opéra  et  le  Concert  de  Bordeaux.  "  C'est  alors  que  1  administration 
municipale  pensa  qu'il  était  indispensable  "  de  conserver  en  cette 
ville  un  sujet  tel  que  la  dite  Dlle  Selim  dont  la  voix  et  les  talents 
peuvent  être  également  utiles  et  nécessaires  et  agréables,  soit  au 
Concert  et  à  l'Opéra  pour  contribuer  aux  délassements  et  aux 
plaisirs  des  citoyens  ".  Il  fut  convenu  alors  entre  le  Consulat  et 
l'artiste  que  celle-ci  resterait  à  Lyon  pour  chanter  à  l'Opéra  et  au 
Concert  aux  appointements  convenus  entre  elle,  la  Ville  et  le 
directeur  de  l'Opéra  ;  que  "  lorsqu'elle  aurait  des  appointements  à 
l'Opéra,  ceux  du  Concert  seraient  diminués  à  proportion,  sans  que 
néammoins  la  dite  diminution  puisse  avoir  lieu  lorsqu'il  y  aura 
seulement  la  comédie  en  cette  ville  "  ;  que,  dans  le  cas  où  il  n'y 
aurait  ni  Concert  ni  Opéra,  elle  pourrait  se  retirer  à  condition  de 
revenir  au  premier  avertissement  ;  enfin,  que  "  pour  engager  ladite 

(1)  Arch.  mun.  BB.  304.  f°  131. 

(2)  Almanachs  de  Lyon,  1 742-1 753. 


Partie      AU    DIX-HUITIÈME    SIÈCLE  83 

Dlle  Selim  d'exécuter  les   conditions,   et   en    y   satisfaisant  par  elle  l'académie 
régulièrement     pendant    quatre    années    commencées    le    premier  DE  T73^  A 
janvier  1744",  le  Consulat  lui  accorderait  une  pension  de  six  cent   *759 
livres  "  alimentaire  et  non  saisissable  tant  et  si  longuement  qu'elle 
vivrait,  quand  même  elle  viendrait  à  perdre  sa  voix  (1)  ". 

L'année  suivante,  l'Opéra  de  Lyon  avait  fermé  ses  portes,  et 
la  Selim,  par  ce  fait,  vit  ses  appointements  très  réduits,  à  une 
époque  "  où  toutes  choses  nécessaires  à  la  vie  et  à  l'entretien  ont 
considérablement  augmenté  de  prix  "  ;  elle  eut  de  nouveau  recours 
au  Consulat,  et  s'engagea  à  chanter  au  Concert  moyennant  un 
traitement  fixe  de  dix-huit  cents  livres  qui  pourrait  être  réduit  de 
huit  cents  livres  au  cas  de  la  réouverture  de  l'Opéra.  De  plus,  la 
pension  de  six  cents  livres  promise  l'année  précédente  lui  devait 
être  servie  de  suite  (2).  Enfin,  trois  ans  plus  tard,  par  un  acte  du 
2  mai  1748,  cette  pension  était  portée  à  mille  livres  (3). 

A  cette  époque,  les  pensionnaires  de  l'Académie  des  Beaux- 
Arts,  tous  ou  presque  tous,  faisaient  partie  de  la  troupe  de  l'Opéra. 
Les  principaux  étaient  alors  les  demoiselles  Selim  et  Jacquet,  et 
les  sieurs  Fontenay,  Desormeaux,  Gouget,  Arthaud,  Pinet  et 
Besson.  Nous  savons  qu'ils  chantaient  au  Concert,  grâce  à  un 
précieux  "  tableau  de  répétitions  "  que  nous  avons  trouvé,  en 
établissant  le  catalogue  du  fonds  musical  du  Palais  des  Arts,  dans 
une  partition  du  ^haéton  de  Lully  (4).  Ce  tableau  est  une  feuille 
écrite,  croyons-nous,  de  la  main  de  Grenet,  maître  de  musique,  et 
indiquant  le  détail  de  la  répétition  préparatoire  au  concert  du 
mercredi  24  janvier  1742.  En  voici  la  transcription  complète  : 

Phaeton.  Prologue  entier. 

Astrée,  MUe  Selim.  Saturne,  M.  Fontenay. 

On  passe  au  prélude  en  geresol  mineur,  page  79  de  l'acte  2e. 

Mérops,  M.  Desormeaux...  "roys  qui  pour  souverains  daignez  me 

(1)  Arch.  mun.  BB.  310,  f°  30. 

(2)  Arch.  mun.  BB.  311,  f°  36. 

(3)  Arch.  mun.  BB.  314,  f°  67. 

(4)  Cette  partition  porte  actuellement  le  n°  35   du  fonds  musical  du  Palais  des 
Arts.  C'est  un  exemplaire  de  la  première  édition  de  Phaèton. 


84  LA     MUSIQUE     A     LYON  Première 

l'académie   reconnoître  "  jusqu'à  la  page  106,  de  la  on  passe  à  l'acte  4e  page  139  à  la 
de   1736  a  ritournelle  en  Befasi  bémol. 

1759  Le  rôle  de  l'automne  pour  M.  Gouget  qui  dit,  "C'est  par  vous  o 

soleil  etc  ". 

Le  soleil,  M.  Besson.  Phaéton,  M.  Arthaud  jusqu'à  la  fin  de  l'acte 
icompris  le  chœur  qui  dit  "  allez  répandre  la  lumière  ". 

Le  motet  Super flumina  babilonis. 

M.  Besson,  "  Illic  sedimus  "  au  milieu  du  chœur. 

M.  des  Ormeaux,  "  In  salicibus  in  medio  ejus  ". 

M.  Pinet,  "  quia  illic  himmum  cantate  ". 

M.  Fontenay,  "Si  oblitus  fuero  ". 

Mlle  Jaquet,  "  Memor  esto  domine  ". 

M.  Fontenay,  "Et  beatus  qui  retribuit",  dans  le  chœur. 

Pour  en  faire  la  répétition  dimanche  prochain  21  de  ce  mois  1742. 

Il  faudra  le  mettre  dans  chaque  partie. 

Cette  simple  feuille  de  papier  nous  est  très  précieuse.  Elle 
nous  indique  d'abord  ce  que  furent  pendant  longtemps  les  pro- 
grammes de  l'Académie  :  deux  "  numéros  ",  extrait  d'opéra  et 
motet  à  grand  chœur  (1)  ;  disposition  typique  que  nous  retrou- 
verons dans  les  premiers  programmes  que  les  Petites  ^Affiches  nous 
ont  conservés  (1759).  Elle  nous  montre  ensuite  comment  on 
pratiquait  ces  extraits  d'oeuvres  dramatiques  :  que  les  lecteurs 
qu'intéressent  vivement  les  questions  musicales  d'autrefois,  consul- 
tent la  première  édition  de  Phaéton  et  se  rendent  compte  du  choix 
fait  par  Grenet. 

Nous  avons  aussi  quelques  renseignements  un  peu  précis  sur 
la  vie  musicale  de  l'Académie  des  Beaux-Arts  en  1744.  C'est 
pendant  cette  année  là  que  les  deux  célèbres  violonistes  Mondonville 
et  Guignon  firent  à  Lyon  le  séjour  indiqué  par  Daquin  dans  ce 
passage  fort  connu  de  ses  Lettres  sur  les  hommes  célèbres  : 

"  Il  y  a  quelques  années  que  Mrs  Mondonville  et  Guignon  voyagèrent 
et  se  firent  entendre  ensemble  à  Lyon  et  dans  d'autres  villes.  Les  duo 
qu'ils  exécutoient  étoient  des  airs  simples  et  connus,  mais  qui,  embellis 
sous  leurs  doigts,  prenoient  tout  ce  brillant  qui  en  impose  et  qui  éblouit. 
Les  stras  artistement  montés  n'ont-ils  pas  le  coup  d'œil  des  diamans  ?  Ces 

(1)  Une  partition  en  extrait  de  Dardanus  porte  aussi  l'indication  manuscrite 
suivante  :  "  Eglé  des  Talens  Lyriques,  Confitemini  de  La  Lande  pour  le  6  mars  ". 


Partie     AU    DIX-HUITIÈME    SIÈCLE  85 

deux  hommes  célèbres  revenus  à  Paris  où  l'on  est  avide  de  nouveautés,  l'académie 

n'ont  pas  moins  surpris  par  ces  petits  morceaux  délicatement  tournés  que  de   1736  a 

par  l'union  qui  régnoit  entre  eux.  Ils  ont  le  même  talent,  et  ils  étoient  1759 
amis  (1)  ". 

Le  séjour  des  deux  virtuoses  est  indiqué  aussi  dans  un  livre 
de  raison  du  xvme  siècle,  celui  de  J.  Ch.  Dutilleu  (2).  Dutilleu, 
qui  fit  partie  comme  secrétaire  de  l'administration  du  Concert  en 
1752  (3),  notait  sur  son  journal  de  famille,  au  mois  d'Août  1744, 
au  moment  de  la  révolte  des  ouvriers  en  soie  :  "  Pour  moi,  n'ayant 
à  jouer  aucun  rôle  dans  ces  événements,  j'essuyai  assez  courageuse- 
ment un  siège  de  deux  heures,  tandis  qu'un  nommé  Guignon  et  le 
violoniste  Mondonville  prêchaient  les  rebelles  dans  la  rue...  (4)  ". 
Guignon  et  Mondonville  prêchant  les  grévistes  lyonnais  du  xvme 
siècle,  voilà,  certes,  un  détail  piquant  qui  a  échappé  aux  biographes 
des  deux  célèbres  artistes  ! 

Ce  que  fut  le  répertoire  de  Guignon  et  de  Mondonville,  nous 
ne  le  savons  que  par  le  témoignage  de  Daquin,  mais  nous  verrons 
au  début  du  prochain  chapitre  que  quelques  amateurs  réactionnaires 
s'indignèrent  vivement  des  audaces  novatrices  des  brillants  virtuoses. 
Ceux-ci  ne  jouèrent  pas  qu'au  Concert  ;  ils  prirent  part  à  d'autres 
fêtes  musicales.  C'est  ainsi  que  deux  relations  contemporaines  nous 
apprennent  qu'ils  se  firent  entendre  dans  des  églises  de  Lyon  :  le 
16  août,  "  Mre  les  Académiciens  du  Concert  firent  célébrer  dans 
l'église  de  Saint-Antoine,  en  action  de  grâces  de  la  santé  du  Roy 
recouvrée,  une  messe  basse  pendant  laquelle  on  chanta  le  Te  Deum 
à  plusieurs  chœurs  de  musique,  après  lequel  on  exécuta  une 
symphonie  où  le  Sr  Guignon,  excellent  violon  de  chez  le  Roy,  se 

(1)  Daquin,  Lettres  sur  les  hommes  célèbres  dans  les  Sciences,  les  Lettres  et  les  Arts 
sous  le  règne  de  Louis  XV;  Amsterdam  et  Paris,  1752.  p.  134. 

(2)  Breghot  du  Lut,  Le  Ihre  de  raison  de  J.  C.  Dutilleu...  ;  Lyon,  Mougin- 
Rusand,  1886.  Dutilleu  était  le  père  de  Pierre  Dutillieu  cité  par  Fétis. 

(3)  Id.  p.  33  et  Almanach  de  Lyon  de  1752. 

(4)  Id.  p.  32.  L'ouvrage  imprimé  porte  le  nom  de  Guignar,  au  lieu  de  Guignon. 
Mais  c'est  là  évidemment  une  erreur  de  copie  :  M.  Bréghot  du  Lut,  qui  publia  le 
Livre  de  raison  de  Dutilleu,  nous  a  déclaré  lui-même  que  le  manuscrit  était  difficile 
à  lire  et  que  des  erreurs  d'orthographe  ont  pu  se  produire  dans  la  transcription. 


86  LA     MUSIQUE     A     LYON  Première 

l'académie  distingua...  (i)  "  Quinze  jours  plus  tard,  le  31  août,  au  salut 
de  1736  a  solennel  célébré  chaque  année,  depuis  1722,  dans  la  chapelle  des 
T759  Jésuites,  pour  le  rétablissement  de  la  santé  du  Roi  "  on  exécuta  en 

musique  un  motet  de  la  composition  du  sieur  Mondonville,  fameux 
violon  de  la  musique  du  Roi,  qui  fut  accompagné  du  sieur 
Guignon,  premier  violon  de  la  Chapelle  du  Roi...  (2)"  Ainsi, 
Grenet  avait  cédé  à  Mondonville  le  fructueux  honneur  de  composer 
le  motet  annuel,  réservé,  comme  nous  l'avons  vu,  depuis  l'année 
1726,  au  maître  de  musique  de  l'Académie  des  Beaux- Arts. 

D'autres  documents  signalent  la  part  prise  par  l'Académie  à 
certaines  réceptions  ou  fêtes  officielles  au  cours  de  la  même  année 
1744.  Le  19  février,  lors  de  son  passage  à  Lyon,  Dom  Philippe, 
Infant  d'Espagne,  "  honora  de  sa  présence  l'Académie  du  Concert 
où  l'on  exécuta  une  musique  choisie  et  de  goût,  dont  le  Prince 
fut  très  satisfait  (3)  ";  "le  concert  ne  dura  qu'une  demi-heure  :  la 
musique  lui  en  parut  admirable  et  bien  exécutée  (4)  ".  Quelque 
temps  après,  l'Infante,  duchesse  de  Parme,  de  passage  dans  notre 
ville,  refusa  les  distractions  habituelles,  et  ne  voulut  ni  bal  ni 
comédie  ;  "  on  y  suppléa  par  une  illumination  générale,  une  messe 
en  musique  où  l'on  exécuta  un  motet  de  Grenet  musicien  lyonnais, 
et  où  chanta  Mlle  Selim,  cantatrice  renommée  (5)." 

Si  Guignon  et  Mondonville  furent  longuement  fêtés  à  Lyon, 
on  peut  supposer  que  bien  d'autres  virtuoses  de  passage  durent  se 
faire  entendre  au  Concert.  Les  programmes  des  séances  que  nous 
possédons  depuis  1759  nous  montrent  que  sans  cesse  des  artistes 
étrangers  étaient  invités.  Un  des  plus  célèbres  violonistes  du  xvnr3 
siècle  dut  se  faire  entendre  quelquefois  :  Jean-Marie  Leclair  l'ainé 

(1)  Relation  en  forme  de  journal  des  fêtes  et  réjouissances  qui  ont  été  faites  à  Lyon 
pour  le  rétablissement  de  la  santé  du  Roy  ;  Lyon,  1744. 

(2)  Récit  de  ce  qui  s'est  passé  de  plus  remarquable  à  Lyon  pendant  P  année  1744; 
Lyon,  1744. 

(3)  Almanach  de  1745. 

(4)  Arch.  mun.  BB.  310,  f°  54. 

(5)  Manuscrit  de  la  bibliothèque  de  Lyon,  disparu,  mais  analysé  par  Delandine 
sous  le  n°  1312  (Delandine,  ^Manuscrits  de  la  bibliothèque  de  Lyon...  ;  Paris  et  Lyon, 
18 12,  3e  volume). 


Partie     AU    DIX-HUITIÈME    SIÈCLE  87 

dont  toute  la  famille  était  restée  à  Lyon,  dont  deux  frères,  Jean-  l'académie 
Marie  et  Pierre,  et  le  père  lui-même  (1)  faisaient  partie  de  l'orchestre  DE  '73°  A 
du  Concert.  Il  était  très  naturel  que  les  Officiers  de  l'Académie  17$9 
profitassent  de  ses  voyages  dans  notre  ville  pour  faire  entendre  un 
Lyonnais  de  grande  réputation.  Du  reste,  le  Journal  de  Trévoux 
signale  expressément  les  succès  de  Leclair  l'aîné  à  Lyon  (2).  Les 
Petites  Affiches  de  Lyon,  de  l'année  1750,  qui  ne  donnent  pas 
encore  les  programmes  du  concert  de  chaque  semaine,  notent  le 
passage  de  plusieurs  virtuoses.  Le  16  mai  1750,  "les  sieurs 
Chinzer  et  Vestri,  musiciens  de  Mgr  le  duc  de  Modène,  ont 
exécuté  un  Concert  de  plusieurs  pièces  de  musique  italienne,  un 
Concert  de  trompettes,  un  de  flûtes  traversières,  et  plusieurs 
grandes  symphonies  à  grand  chœur  ".  Le  29  juillet,  "  les  sieurs 
Rucker  et  Hericourt,  musiciens  allemands,  ont  donné  un  grand 
concert  de  symphonie,  où  ils  ont  exécuté  différens  morceaux  avec 
basse,  basson,  flûtes  et  hautbois.  Le  sieur  Dilesius  a  joué  un  concerto 
de  cor  de  chasse  ".  Le  6  août  "  deux  musiciens  étrangers  ont 
exécuté  un  concerto  de  flûte  et  de  hautbois,  avec  une  chasse  ". 
Le  23  septembre  enfin,  "  le  Sieur  Marmini  a  exécuté  plusieurs 
Concerto  et  Sonnâtes  de  basson  ;  et  Mrs  les  Musiciens  de  la  ville 
ont  donné  plusieurs  symphonies  et  autres  morceaux  de  musique. 
Mlle  Selim  y  a  chanté.  La  signora  Angelica  Saiz,  musicienne  de 
S.  A.  R.  le  Prince  Charles  de  Lorraine,  a  chanté  un  air  italien  (3)". 
Ces  quatre  derniers  concerts,  relatés  par  les  Petites  Affiches, 
seul  journal  de  l'époque,  ne  faisaient  pas  tous  partie  des  séances 
régulières  de  l'Académie  ;  l'un  d'eux,  même,  celui  du  6  août,  fut 
donné  au  Théâtre  après  deux  comédies.  Mais  il  est  probable  que 
les  artistes  et  virtuoses  de  passage  à  Lyon  se  faisaient  entendre  de 
préférence  à  l'Académie,  puis,  en  cas  de  vif  succès,  organisaient 

(1)  Antoine  Leclair  le  père,  d'abord  maître  passementier,  était  "symphoniste" 
dès  1730  (Reg.  de  la  paroisse  St.  Nizier,  mariage  de  son  fils  Pierre,  également  "sym- 
phoniste de  cette  ville",  30  janvier  1730)  ;  un  état  des  pensionnaires  du  Concert  en 
1757  porte  les  noms  de  Leclair  père  et  des  frères  Leclair  (Jean-Marie  le  second  et 
Pierre). 

(2)  Journal  de  Trévoux,  décembre  1746,  I,  art.  cxxxi,  p.  2629-2652. 

(3)  Annonces,  affiches  et  aYis  dhers,   1750  :   20  mai,  4  et  18  août,   29  septembre. 


88  LA     MUSIQUE     A     LYON  Première 

l'académie  une  séance  à  leur  bénéfice,  au  Théâtre  ou  ailleurs.  Un  document 

de  1736  a  assez  inattendu,   trouvé   dans  la  Correspondance  municipale,  peut 

l7$9  justifier  cette  hypothèse  (1).  Il  nous  montre  aussi  que  le  Consulat, 

en  dehors  des  subventions  attribuées  au  Concert  devenu  municipal, 

savait  encourager  par  des  cadeaux  les  meilleurs  virtuoses. 

Nous  ne  savons  presque  rien  du  personnel  du  Concert  avant 
1757.  Nous  avons  indiqué  déjà  les  noms  de  Leclair  le  second,  qui 
occupa  le  poste  de  violon  solo  du  Concert  jusqu'à  sa  mort,  de 
MIle  Selim,  cantatrice,  et  de  Grenet,  maître  de  musique.  Les 
Petites  (^Affiches  du  1 8  août  1750  nous  signalent  le  nom  du  violoniste 
Carminati  qui,  à  cette  époque,  donna  un  concert  à  son  bénéfice  : 
"  Samedi  1  5  août,  il  y  a  eu  un  Concert  accordé  au  sieur  Lorenzo 
Carminati,  violon  de  l'Académie  des  Beaux-Arts  de  cette  ville,  qui 
a  commencé  par  une  grande  Symphonie  ;  le  sieur  Carminati  y  a 
exécuté  un  Concerto  et  deux  Sonates;  Mademoiselle  ***  a  chanté 
une  ariette  italienne,  accompagnée  du  Sr  Carminati.  On  a  exécuté 
quelques  Trios  nouveaux,  et  le  Concert  a  été  terminé  par  un 
concerto  de  cor  de  chasse  exécuté  par  le  sieur  Dilesius  ". 

Carminati  était  un  Vénitien  dont  le  nom  figure,  dès  1753, 
comme  maître  de  violon  sur  les  Almanachs  de  notre  ville.  Il  était 
professeur  de  musique  à  l'Académie  du  Roi,  école  pour  la  noblesse. 
Burney,  lors  de  son  voyage  à  travers  la  France,  l'Italie  et  l'Alle- 
magne, l'entendit  à  Lyon  en  1770.  et  écrivit:  "Le  premier 
violon  de  cette  ville  est  un  vieux  Vénitien  nommé  Carminati.  C'est 
un  des  premiers  écoliers  de  Tartini  (2)  ".  Carminati  se  fit  entendre 

(1)  Arch.  mun.  AA.  142.  Lettre  de  La  Rochette  au  Prévôt  des  Marchands 
alors  à  Paris  (ier  décembre  1757)  :  "  Mlle  Lepry,  italienne,  à  qui  vous  avez  permis  de 
donner  un  concert  dans  la  grande  salle  de  l'Hôtel-de-Ville,  le  donnera  lundi  prochain; 
elle  me  rendit  hier  visite  avec  M.  Soubry  [alors  directeur  du  Concert]  pour  engager 
le  Consulat  à  y  assister;  je  témoignai  à  Soubry  que,  tandis  que  nous  n'allions  point  au 
spectacle  ordinaire  qui  mérite  d'être  soutenu,  et  que  nous  nous  en  abstenions  par  des 
vues  d'économie,  il  ne  conviendroit  pas  de  paroître  en  corps  dans  un  spectacle  pas- 
sager ;  il  m'ajouta  que  Mlle  Lepry  devoit  chanter  au  Concert  de  la  place  des 
Cordeliers  et  que  toutes  les  fois  que  des  gens  de  talent  y  avoient  paru,  vous  leur  aviez 
donné  une  récompense  ;  il  fut  convenu  entre  lui  et  moi  que  j'aurois  l'honneur  de 
vous  en  écrire  pour  suivre  ce  que  vous  régleriez  à  cet  égard..." 

(2)  Burney,  De  l'Etat  présent  de  la  musique...  (traduction  française)  ;  Genève,  1809. 


Partie     AU    DIX-HUITIÈME    SIÈCLE  89 

en  soliste  au  Concert  de  Lyon  ;  il  eut  même  l'honneur  de  jouer  au  l'académie 
Concert  Spirituel  de  Paris  en  1753  (1).  Sa  renommée  ne  l'empêcha  DE   *73°  A 
pas  de  vivre  assez  misérablement,  puisque,  le    10  mars  1762,  on     '59 
saisissait  ses  meubles  et  ses  effets  pour  payer  ses  petites  dettes  de 
ménage  (2).    Il   avait   un   fils  également   violoniste.   Le    musicien 
Dilesius,  qui  prêtait  son  concours  au  concert  du  15  août  1750,  et 
aussi  à  celui  du  29  juillet  précédent,  était  un  Lyonnais,  professeur 
de  cor  de  chasse  et  pensionnaire  du  Concert. 

Les  Archives  municipales  nous  indiquent  encore  le  nom  de 
deux  pensionnaires  de  l'Académie  en  1752  :  la  demoiselle  Bon  et 
le  sieur  Touchain  dont  les  engagements  ont  été  conservés  (3). 
Nous  reproduisons  en  fac-similé  celui  de  Touchain.  La  demoiselle 
Bon  était  "  reçue  pensionnaire  pour  partager  les  premiers  rôles 
[évidemment  avec  la  Selim],  et  chanter  les  seconds  "  à  dater  du 
Ier  avril  1752,  aux  appointements  de  mille  livres  par  an.  Une 
clause  de  cet  engagement  indique  que  la  cantatrice  faisait  partie  de 
la  troupe  du  Grand-Théâtre  (4).  Touchain  fut  engagé  à  dater  du 
Ier  décembre  de  la  même  année  jusqu'à  la  Pâque  suivante  "  pour 
chanter  la  haute-contre  dans  les  premiers,  seconds  rôles  et  aussi 
dans  les  chœurs  "  ;  ses  appointements  étaient  de  "  72  livres  par 
mois,  plus  30  livres  pour  frais  de  voyage  ". 

En  1753,  Grenet  mourut,  et  un  Père  Cordelier  de  S*  Bona- 
venture,  à  qui  nous  avons  déjà  fait  plusieurs  emprunts,  rapporte 
que  l'Académie  fit  célébrer  une  messe  solennelle  à  cette  oocasion  : 

"  Monsieur  Grenet,  maître  de  musique  du  concert  étant  décédé,  les 
musiciens  de  Lyon  choisissent  notre  église  pour  faire  chanter  une  grande 
messe  pour  le  repos  de  son  âme  ;  plus  de  cent  musiciens  placés  dans  notre 
chœur  exécutèrent  cette  messe,  il  y  avoit  deux  maîtres  de  musique  qui 
battoient  la  mesure,  et  malgré  ce  grand  nombre  de  musiciens,  cette  messe 
fut  exécutée  parfaitement  bien  (5).  " 

(1)  M.  Brenet,  Les  Concerts  en  France...  p.  247. 

(2)  Arch.  départ.  C.  269. 

(3)  Arch.  mun.  Dossier  de  l'Académie  des  Beaux- Arts. 

(4)  Une  demoiselle  Bon  faisait  partie  dès  1739  de  la  troupe  de  l'Opéra  de  Lyon. 

(5)  Evénements  particuliers...  de  S1  BonaVenture  (Mss  de  la  grande  Bibliothèque  de 
Lyon,  n°  1423.)  p.  88. 


9o 


LA     MUSIQUE     A     LYON  Première 


l'académie 

DE     I736    A 
1759 


ACADEMIE  ROYALE 

DES  BEAUX  ARTS. 


L 


CONCERT. 


ES  Dire&eur,  Infpe&eur  &  Officiers  de  l'Académie  des 
Beaux  Arts,  dans  leur  Aflèmblée  w^^/rO- — -de  ce  jour, 
fur  le  rapport  de  M.   Çokff&tt  *z*~~£ tu/a* /^>     Infpedeur^O 

&  après  avoir  examiné  'oLc/lc^ut-    £ct£f/>a*uS>  —  —    

l'ont  reçu  en  qualité  de  Penfîonnaire  pour  cAavtZîa  ô*d atU*-rfntÀLZ5— 


«  KZ?  ' 


à  commencer  àw  ^'^em'teo-  VeouuJtQ  m&&tyt  &»**!(£„*„*«&-* 
&C  lui  ont  accordé  la  fbmme  dc/M^va*t t£_j <uTb#u%f  é^tsA^ltaJ-itt^l^ 
h  -  /  1    annuellement ,  qui  lui  fera  payée  «taMBBBMMfo— fa-»?!  la 
a«/^ir^..ucharge  par  te  diA-<*y ££*&->  ■»_ .  de  fe  conformer  aux  Régle- 
c  U  LyJU*.-  mens ,  Se  de  rendre  la  copie  du  préfènt  Engagement,  qui  lui  fera 
r    fTfT~"  délivrée  par  le  Secrétaire  de  l'Académie,  lorfqu'il  ceflèra d'avoir  Ç'    /md<^> 
y>i*i»J%<eliJieVi>  lequel  a  été  fait  pouni^^^^^^^/^ofâuf  à  le  '-%*'/  """ 


7 

^v^^^prolonger  à  l'expiration;  fi  les  Parties  en  conviennent.  En  foi 

&b  yv^âc  quoi  lefdits  Sieurs  Officiers  ont  figné  avec  d.OiJL-c/?*''^ <uo6a*>n^ 

A  Lyon, ce  vl^uy%^u^J^y2^^^^e.^7  t> Z 

Extrait  du  Re^ifirt  de  f  Actic'm'it ,  fcl.  3p  itïivrt'  ptr  Nçut  Sicrittht  fouflignt. 


Engagement  du  chanteur  Touchain  à  l'Académie  des  Beaux-Arts  en   1752 

(Archives  municipales). 


Partie     AU    DIX-HUITIÈME    SIÈCLE  91 

A  Grenet  succéda  un  nommé  Mangot,  sur  la  carrière  duquel  l'académie 
nous  ne  savons  presque  rien.  Sans  doute  était-il  ce  Jacques-Simon  DE  r73°  a 
Mangot,  qui,  en  17 18,  avait  une  charge  de  hautbois  et  musette  de  x?59 
Poitou,  et  qui,  en  172 1,  était  symphoniste  de  la  Grande  Ecurie  (1). 
Beau-frère  de  Rameau  (2)  (Rameau  avait  en  effet  épousé  en  1726 
Marie-Louise  Mangot),  il  était,  en    1749,  tout-à-la  fois  directeur 
et   acteur   du    Grand-Théâtre   de    Lyon    où   il   fit    représenter    le 
Triomphe  de  Vénus,  ballet  héroïque  de  sa  composition  (3).  En  1756, 
il  avait  déjà  quitté  Lyon.  Si  nous  nous  en  rapportons  au  témoignage 
de   l'acteur  Marignan,   Mangot   n'aurait    pas  succédé  immédiate- 
ment à  Grenet.  Un  maître  de  musique  nommé  Mathieu  Bellouard 
aurait  fait  l'intérim  (4). 

Mathieu  Bellouard,  plus  connu  sous  le  nom  de  Mathieu, 
était  maître  de  musique  vocale  à  Lyon  dès  1740.  Il  avait  été 
batteur  de  mesure  à  l'Opéra  lyonnais  et  intéressé  dans  la  direction 
des  spectacles.  S'il  occupa  le  poste  de  maître  de  musique  au  Concert, 
ce  ne  fut  que  pendant  quelques  mois,  car  l'Almanach  de  1754 
indique  déjà  Mangot  comme  titulaire  de  cette  fonction.  Il 
avait  composé  pour  le  Concert  trois  motets  à  grand  chœur,  et 
deux  divertissements  le  Triomphe  de  la  Constance  et  X Amour  vain- 
queur. Une  seule  de  ces  œuvres,  le  motet  Dominus  regnavit,  a  été 
conservée  ;  c'est  une  composition  assez  faible  d'inspiration,  mais 
correctement  écrite.  De  Mangot,  aucune  œuvre  ne  fit  partie  de  la 
bibliothèque  du  Concert  ;  pourtant  un  motet  fut  composé  par  lui, 
en  1755,  pour  le  salut  solennel  du  mois  d'août  (5). 

Le  successeur  de  Mangot  comme  directeur  de  l'Académie 
devait  garder  son  poste  pendant  près  de  dix  années.  C'est  André- 
Louis  Le  Goux  dont  le  nom  n'est  pas  inconnu,  car,  associé  avec  son 

(1)  L.  DE  Laurencie,  Quelques  documents  sur  J.  P.  Rameau  et  sa  famille  (S.  I.  M. 
du  15  juin  1907)  et  M.  Brenet,  Notes  et  croquis  sur  J.  P.  Rameau  et  sa  famille 
{Guide  musical^  1899). 

(2)  et  (4)  Eclaircissements...  sur  la  musique  du  Devin  de  Village,  p.  82-84. 

(3)  Mangot,  Le  Triomphe  de  Venus,  ballet  héroïque  représente  par  1  Académie  de 
musique  de  Lyon  au  mois  de  septembre  1749  ;  Lyon,  1749. 

(5)  Arch.  mun.  BB.  reg.  de  1755,  f°  142.  Mangot  toucha  2.000  livres. 


92  LA     MUSIQUE     A     LYON  Première 

l'académie  frère  cadet  Claude,  il  tint  dès  1757  un  des  principaux  magasins  de 

de   1736  a  musiqUe  de  Lyon  (1). 

*759  André-Louis   Le    Goux  était    né  vers    1723  (2).    Fils   d'un 

maître  écrivain,  il  enseignait  la  composition,  le  goût  du  chant  et  la 
flûte.  Il  sollicita  et  obtint  en  1756  la  place  de  maître  de  musique 
de  l'Académie.  Une  lettre  de  lui  signalant  au  Consulat  sa  nomina- 
tion a  été  conservée  ;  nous  la  transcrivons  ci-dessous  : 

"  Attaché  au  Concert  depuis  24  ans  (3)  avec  de  très  petits  appointe- 
rons, j'ai  travaillé  à  acquérir  des  talens  qui  puissent  me  procurer  un 
établissement  solide  pour  l'avenir  ;  mon  attachement  pour  ma  patrie  m'a 
empêché  de  chercher  ailleurs  des  avantages  plus  considérables  ;  j'ai  attendu 
avec  patience  un  événement  favorable  ;  le  départ  de  M.  Mangot  a  laissé  la 
place  de  maître  de  musique  vacante  ;  Mrs  les  Officiers  du  Concert  viennent 
de  me  l'accorder;  mais  la  situation  des  finances  de  cette  académie  n'ont  pas 
permis  à  Mrs  les  directeurs  de  me  donner  les  mêmes  appointemens  dont 
jouissoient  mes  prédécesseurs  ;  ils  m'ont  offert  une  diminution  de  plus  de 
la  moitié  en  me  faisant  espérer  de  l'honneur  de  votre  protection  le6 
avantages  dont  Mrs  du  Consulat  ont  honoré  cette  place  ;  j'ai  tout 
accepté,  mon  attachement  pour  l'Académie  me  fait  fermer  les  yeux  sur 
mes  propres  intérêts.  Je  n'ai  plus  rien  à  désirer  si  vous  daignez,  Monsieur, 
m'honorer  de  votre  protection  ;  j'ai  composé  un  Domine  sahum  pour  le 
Vœu  de  la  Ville,  au  jesuiste,  le  huit  du  mois  d'aoust  prochain.  Je  vous 
supplie  de  m'honorer  de  vos  ordres  pour  cette  cérémonie  ;  j'emploierai 
tout  ce  que  mon  zèle  m'inspire  pour  m'acquitter  de  cette  fête  avec  la 
même  attention  dont  mes  prédécesseurs  m'ont  donné  l'exemple...  '    (4) 

(1)  Les  affiches  de  Lyon  publièrent  très  souvent,  à  partir  de  1757,  la  liste  des 
nouveautés  musicales  en  vente  chez  les  frères  Le  Goux. 

(2)  Nous  n'avons  pas  retrouvé  son  acte  de  baptême.  Le  Goux  épousa  Marie- 
Antoinette  Desvignes  dont  il  eut  plusieurs  enfants.  Deux  de  ses  filles,  Marguerite  et 
Suzanne  moururent  en  avril  1766  (Reg.  de  S1  Nizier)  ;  une  autre  devint  religieuse  de 
Ste  Claire  en  1775  (Arch.  départ.  H.  57).  Son  fils,  Claude-Louis,  fut  une  victime  de 
la  Révolution  :  il  fut  tué,  le  20  septembre  1793,  à  l'âge  de  trente  ans,  par  un  éclat 
de  bombe,  place  du  Petit-Change  (Actes  de  décès,  1793). 

André-Louis  Le  Goux  mourut  le  24  avril  1765,  à  l'âge  de  quarante-deux  ans 
(Reg.  de  S*  Nizier).  Les  frères  Le  Goux,  à  la  mort  de  leurs  parents,  héritèrent  d'une 
rente  de  l'Aumône  Générale  (Arch.  Charité  E.  848  n°  1). 

(3)  On  le  voit,  Le  Goux  avait  fait  partie  du  Concert  dès  son  enfance  ;  il  est 
d'ailleurs  indiqué,  sur  les  Almanachs,  comme  professeur,  depuis  1736. 

(4)  Arch.  mun.  Dossier  de  l'Académie  des  Beaux-Arts.  —  Le  Goux  obtint, 
comme  ses   prédécesseurs,    la   commande  du   motet  annuel  de  1756  à  1763,  et  reçut 


Partie     AU    DIX-HUITIÈME    SIÈCLE  93 

Si    nous   ignorons   à    peu    près   complètement    les   noms   des  l'académie 
pensionnaires   de   l'Académie   des  Beaux-Arts  jusqu'en  1756,   par  DE   J73"  A 
contre  nous  possédons  la  liste  complète  des  membres  de  l'orchestre     '59 
et  des  chœurs  pour  l'année  1757.  Cette  liste  nous  l'avons  décou- 
verte d'une  façon  inattendue  (1),  et  nous  la  reproduisons  ci-dessous  : 

1757.  Liste  des  pensionnaires  du  Concert  de  l'Académie 

des  Beaux-Arts  : 


M.  Legout 

MIle  Andro  (?) 

M. 

LoiSEAU 

MUe  Selim 

M.  Drougeon 

M. 

Petit 

Mlle  Faure 

M.  Furin 

M. 

Rousset 

Mlle  Roset 

M.  Castaud 

M. 

DlLESIUS 

Mlle  Cardinal 

M.   VlLLER 

M. 

Leclair  père 

Mlle  L'Hospital 

M.  Valencier 

M. 

Guillot 

M.  Caillo 

M.   COLESSE 

M. 

Sembat 

M.  Cuinier 

MM.  Leclair  frères 

M. 

Granier 

M.   LoBREAU 

M.   GlAY 

M. 

DoNZELAGUE 

M.  Philippe 

M.  Deloule 

M. 

Honns  (?) 

Mlle  Benoit 

M.  Debrotonne 

M. 

Sauge 

Mlle  Chartron 

M.  Belouard 

M. 

Chiffri 

Mlle  Clavel 

M.  Legout  cadet 

M. 

Creiser. 

Mlle  Chady 

M.  Déroche 

Il  y  avait  donc,  à  cette  époque,  outre  le  maître  de  musique, 
quarante  pensionnaires,  dont  dix  femmes.  Plusieurs  nous  sont 
connus    par   des    indications   renfermées    dans    tes    Almanachs    de 

à  ce  titre,  chaque  année,  quinze  cent  ou  deux  mille  livres.  En  1764,  il  reçut  cent 
cinquante  livres  "  en  dédommagement  de  la  musique  qu'il  avait  préparée  pour  le 
motet....  laquelle  musique  n'a  pas  été  exécutée,  le  Consulat  ayant  jugé  à  propos  de 
faire  chanter  ce  motet  en  plainchant  (Arch.  mun.  BB.  332,  fol.  161).  Cette 
décision  avait  été  prise  à  la  suite  des  Lettres-Patentes  de  1764  imposant  des 
économies  au  Consulat. 

(1)  La  feuille  de  papier  portant  cette  liste  avait  été  utilisée  dans  la  reliure  d'une 
partition  de  la  bibliothèque  (2e  concert  manuscrit  extrait  des  Ages  de  Campra).  Nous 
l'avions  découverte  par  hasard,  et  nous  avons  pu  la  reconstituer  après  l'avoir  arrachée 
par  lambeaux  en  détruisant  la  reliure.  Par  le  même  procédé,  nous  avons  découvert,  sur 
une  partition  manuscrite  des  Caractères  de  la  Folie  de  Debury,  un  double  de  l'inven- 
taire des  meubles  du  Concert  établi  en  1756.  Singulières  archives  que  celles  du  Concert! 


94  LA     MUSIQUE     A     LYON  Première 

l'académie  Lyon,  ou  par  les  "  distributions  '  des  opéras  joués  dans  notre 
de  1736  a  viUe}  qUe  i'on  avait  l'habitude  de  reproduire  sur  les  livrets.  Nous 
liW  pouvons  ainsi  déterminer  qu'il  y  avait  dix  chanteurs,  dix  chanteu- 

ses, et  vingt  "  symphonistes  ". 

En  tête  de  la  troupe  chantante  se  trouvait  encore  la  Selim 
pourtant  autorisée  déjà  à  prendre  sa  retraite  (1).  Quelques-unes  de 
ses  collègues  professaient  la  musique  :  Mlle  Cardinal  (rue  de  Flan- 
dres) enseignait  le  goût  du  chant  et  le  clavecin  ;  MUe  L'Hospital 
(aux  Chazeaux),  la  musique  vocale  française  ;  MUe  Benoît  (port 
S*  Clair,  puis  rue  Basse  Ville),  la  musique  vocale  française,  le 
clavecin  et  la  vielle.  Les  chanteurs  de  l'Académie  enseignaient 
presque  tous  la  musique  vocale  française.  C'étaient  :  Caillo,  Cuinier 
ou  Cunier  (petite  rue  Mercière)  ;  Philippe  (place  des  Carmes), 
copiste  de  musique  ainsi  que  l'indiquent  les  comptes  du  Concert 
de  1765  ;  Drougeon  (rue  Lanterne)  ;  Furin  le  père  (près  le  Puits- 
pelu)  ;  Castaud  (rue  Puits-Gaillot),  qui  devait  devenir  le  principal 
marchand  de  musique  lyonnais  ;  Lobreau  que  nous  n'avons  pu 
identifier  (2);  Vallancier  (rue  Pizay),  qui  enseignait  la  composition 

(1)  Arch.  mun.  Délibération  consulaire  du  18  juin  1754  (BB.  321,  fol.  132- 
133)  :  La  demoiselle  Selim  a  rempli  ses  devoirs  à  la  satisfaction  du  public  toutes  les 
fois  que  sa  santé  le  lui  a  permis.  Elle  demande  que,  selon  l'usage  de  toutes  les 
Académies  et  de  l'Opéra  de  Paris,  qui  accordent  une  pension  de  retraite  aux  sujets 
ayant  servi  pendant  quinze  ans,  on  lui  donne  une  pension  en  1756,  puisque,  depuis 
treize  ans,  elle  consacre  "  ses  talents  et  sa  jeunesse  au  service  du  Concert  ".  Ainsi 
elle  pourra  se  retirer  dans  sa  famille  ou  ailleurs.  Le  Consulat  décide  en  conséquence 
que  la  pension  de  la  Selim  lui  sera  toujours  continuée,  et  donne  à  l'artiste  la  permission 
de  se  retirer  le  Ier  janvier  1757. 

(2)  Nous  avons  rencontré  plusieurs  Lobreau  au  Lobereau,  musiciens.  Michel 
Lobereau,  prêtre  et  maître  de  musique,  mourut  le  5  mai  1758,  "  en  l'hôtel  de 
M.  Pupil  ".  On  vendit  ses  effets  pour  payer  ses  créanciers.  La  vente  atteignit  la 
somme  de  197  livres  (Arch.  départ.  C.  337).  —  Un  autre  clerc,  Jean  Lobreau, 
originaire  de  la  paroisse  S1  André  de  Bordeaux,  était  entré  le  21  mars  1739,  à  sept 
ans  et  demi,  à  la  maîtrise  de  la  Cathédrale  de  Chartres  d'où  il  sortit,  tonsuré,  en 
1749  (Cf.  Clerval,  L'Ancienne  maîtrise  de  N.  D.  de  Chartres,  p.  305).  —  Gabriel 
Lobreau,  de  Bordeaux,  chantait  au  Concert  de  Nantes  (Cf.  de  La  Laurencie).  — 
Un  Lobreau  débuta  au  Concert  en  1766,  et  devint,  comme  nous  le  verrons,  maître 
de  musique  :  Ce  dernier  était  vraisemblablement  le  mari  de  la  directrice  du  Grand- 
Théâtre  de  Lyon. 


Partie     AU    DIX-HUITIÈME    SIÈCLE  95 

selon  les  principes  de  Rameau,  et  qui  publia  plusieurs  œuvres  (i);  l'académie 
enfin  Colesse  ou  Collesse  qui  semble  être  le  frère  de  Collesse  l'aîné,  DE   lT$*>  A 
le  facteur   d'orgues   bien   connu,  et  le  père  de  Collesse  le  neveu,   *?59 
organiste  (2).  Drougeon,    Furin,   Vallancier  et  Colesse  faisaient  ou 
avaient  fait  partie  de  la  troupe  du  Grand-Théâtre. 

Les  premiers  violons  de  l'Académie  étaient  Jean-Marie 
Leclair  le  second,  dont  nous  avons  longuement  parlé,  et  un  de  ses 
frères.  Ce  dernier  est  vraisemblablement  Pierre  Leclair,  né  en 
17 10,  et  dont  les  affaires  ne  furent  pas  brillantes  comme  celles  de 
ses  frères,  puisque  les  registres  paroissiaux  de  S*  Nizier  nous 
apprennent  qu'il  fut  enterré  "  par  charité  '  le  3  avril  1784.  Les 
autres  violonistes  ou  altistes  étaient  :  Giay  (rue  Buisson),  marchand 
de  musique,  et  professeur  de  violon  chez  les  Jésuites  depuis  l'année 
1737  ;  Deloule  (rue  du  Bât-d' Argent),  qui  était  aussi  maître  de 
danse  ;  de  Brotonne,  mort  en  1757,  éditeur  et  marchand  de 
musique  dans  la  grande  rue  Mercière,  à  côté  de  la  Bannière  de 
France,  et  dont  le  fonds,  en  1763,  fut  vendu  par  sa  nièce, 
Mme  Grassy,  aux  frères  Le  Goux  (3)  ;  Mathieu  Bellouard,  dont 
nous  avons  déjà  parlé  ;  Claude  Le  Goux  (4),  frère  cadet  et   associé 

(1)  Vallancier  habita  aussi  "  rue  de  la  Vieille-Monnaie,  dans  la  maison  des 
dames  religieuses  Ursulines,  où  il  enseigne  la  musique...  Il  publia  en  1750 
"  L'aveuglement  des  hommes  du  siècle,  troisième  ode  sacrée  de  Rousseau,  tirée  du  psaume 
Audite  hcec  omnes  gentes  ;  en  un  Concert  spirituel  à  grand  chœur  et  symphonie,  dédiée 
à  Mme  Rossignol  de  Bernage,  intendante  de  la  Ville  et  Généralité  de  Lyon  "  (à  Lyon, 
chez  l'auteur,  prix  6  livres).  "  Les  autres  odes  paraîtront  successivement  "  {Affiches  de 
Lyon,  6  octobre  1750). 

(2)  Collesse  l'aîné  fit  annoncer  dans  les  Petites  Affiches  du  27  mars  1766,  qu'il 
était  "  arrivé  depuis  peu  de  temps  dans  cette  ville  pour  y  exercer  ses  talents,  en 
qualité  de  facteur  et  maître  de  clavecin  ".  Pourtant,  dès  1754,  et  jusqu'en  1 77 1,  un 
Collesse  fut  chargé  de  l'accord  de  l'orgue  des  Jacobins,  qu'avait  touché  Rameau. 
(Arch.  départ.  Inventaire  des  Jacobins,  IV.  p.  169).  Il  n'est  porté,  sur  les  Almanachs 
de  Lyon,  qu'à  partir  de  1766,  comme  facteur  d'instruments,  rue  Grenette. 

(3)  de  Brotonne  est  indiqué  comme  marchand  de  musique  dès  1735  (Partition  des 
trios  de  Mangean  édités  à  Paris  chez  Boivin,  et  à  Lyon  chez  Leclerc  et  de  Brotonne.) 

(4)  Claude-Marie  Le  Goux  né  le  2  décembre  1724  ;  son  parrain  fut  Claude 
Le  Goux,  maître  de  musique  (Registres  paroissiaux  de  S1  Pierre-le- Vieux).  Il  avait 
épousé  une  demoiselle  Desvignes,  sœur  de  la  femme  de  son  frère.  Il  mourut 
le  Ier  avril  1780  (Registres  paroissiaux  de  S*  Nizier).  Le  Goux  le  cadet,  nous  le 
verrons,  succéda  à  son  frère  aîné  comme  maître  de  musique  du  Concert. 


96  LA     MUSIQUE     A     LYON  Première 

l'académie  commercial    du   maître    de   musique    du    Concert,    professeur    de 

de  1736  a  chant,  de  violon  et  de  pardessus  de  viole  (rue  de  la  Gerbe,  puis 

r759  rue   de  la  Poulaillerie),  qui  fut,  en  1759,  adjoint  à  Giay  comme 

professeur  de  musique   au   collège   de   la  Trinité  ;  Déroche  (place 

Louis    le    Grand)  ;   Loiseau   (place  des  Jacobins),   qui   enseignait 

aussi  la  composition. 

Les  violoncellistes  étaient  :  Guillot  (rue  du  Bât-d' Argent), 
professeur  de  violon,  violoncelle,  pardessus  de  viole  et  vielle  ; 
Sambat  et  Granier.  Sambat,  teinturier  en  drap,  (rue  Basse  Ville, 
puis  rue  Lafont),  occupait  ses  loisirs  à  enseigner  la  composition, 
la  musique  vocale  française,  le  goût  du  chant,  le  violoncelle  et  le 
pardessus  de  viole  ;  il  était  professeur  depuis  l'année  1739  ;  avant 
1771,  il  quitta  Lyon  pendant  quelque  temps,  et  fit  annoncer  à  son 
retour,  par  les  Petites  ^Affiches  du  10  novembre  177 1 ,  qu'il  avait 
fait  pendant  son  absence  beaucoup  d'observations  sur  la  musique 
instrumentale  et  vocale,  et  qu'il  avait  une  nouvelle  méthode 
beaucoup  plus  courte  et  plus  intelligible  que  l'ancienne.  Sur 
Granier  nous  possédons  des  renseignements  assez  complets  grâce 
au  témoignage  de  l'acteur  Marignan  (1)  :  D'abord  musicien  à 
Grenoble  et  à  Chambéry  en  1750,  où  il  avait  épousé  la  nièce  de 
Legrand,  (acteur  de  la  Comédie-Française  et  directeur  d'une 
troupe  de  comédiens),  il  était  venu  à  Lyon  en  175 1.  Violoncelle 
au  théâtre  et  à  l'Académie,  il  composa,  en  1757,  quelques  airs  de 
danse  qui  lui  étaient  "  pour  ainsi  dire  dictés  et  calqués  "  par 
Noverre,  maître  de  ballets.  En  1760  il  quitta  Lyon  pour  entrer 
dans  l'orchestre  de  la  Comédie-Italienne  ;  il  resta  peu  d'années  à 
Paris,  et  revint  dans  notre  ville,  où  il  mourut  en  1777.  Ses  faibles 
notions  de  musique,  reçues  du  fameux  abbé  Roussier,  lui  per- 
mirent de  composer  des  ballets.  A  ces  trois  violoncellistes,  il  faut 
peut-être  ajouter  Leclair  le  père,  dont  nous  ignorons  la  spécialité 
instrumentale. 

Petit  (aux  Terreaux)  et  Rousset  (rue  de  la  Pêcherie)  étaient 
les  deux  musiciens  chargés  à  la  fois,  suivant  l'usage,  des  parties  de 

(1)  Marignan,  Eclaircissements... 


Partie     AU    DIX-HUITIÈME    SIÈCLE  97 

hautbois  et  de  flûte.  Le  cor  de  chasse  était  joué   par  Dilesius  (rue  l'académie 
Ste  Catherine),  que  nous  avons  déjà  vu  prendre  part  à  des  concerts  DE   *73°  A 
en    1750.  Au  clavecin  de  remplissage  s'asseyait  Donzelague,  dont  I7$9 
nous  savons  seulement  qu'il  était  le  facteur  des  deux  instruments 
portés   sur   l'inventaire   des   meubles    du    Concert   en    1756.    Des 
derniers  musiciens  de  la  liste,  Honns,  Sauge,  Chifferi  et  Creiser, 
nous  ne  savons  rien. 

Cet  orchestre  de  vingt  musiciens  était  en  grande  partie,  et 
peut-être  en  totalité,  celui  de  l'Opéra  lyonnais. 

Nous  avons  dû,  faute  de  documents  précis,  négliger  d'in- 
diquer quel  fut  le  répertoire  du  Concert  depuis  1724  jusqu'à 
1759.  Important  intervalle  de  trente-cinq  années  dont,  au  point 
de  vue  strictement  musical,  nous  ne  savons  rien  en  dehors  des 
vagues  renseignements  que  nous  fournit  le  catalogue  de  la 
bibliothèque  de  l'Académie. 

Il  ne  semble  pas  que  le  Concert  Spirituel  de  Paris  ait  exercé 
une  grande  influence  sur  le  répertoire  lyonnais  de  musique  latine. 
La  plupart  des  motets  célèbres  furent  exécutés  à  Lyon  avant  de 
paraître  à  Paris  :  parmi  ceux-là,  on  peut  citer  le  Miserere  de 
Lalouette,  le  Confitebor  de  Petouille,  le  Te  Deum  de  Desmarets, 
et  celui  de  Colin  de  Blamont.  D'autres  œuvres  par  contre  furent 
inscrites  sur  les  programmes  postérieurement  à  leurs  succès  à 
Paris  :  ainsi  les  motets  de  Mondonville  que  le  compositeur  révéla 
probablement  lui-même  aux  Lyonnais  à  l'époque  où  il  se  fit 
applaudir  comme  virtuose.  Les  maîtres  de  musique  de  la  province 
avaient  l'habitude  d'adresser  leurs  compositions  à  leurs  confrères 
de  Lyon,  et,  de  la  sorte,  apparut  la  musique  latine  du  marseillais 
Belissen,  de  Petouille,  connu  à  Lyon  avant  sa  nomination  à  Paris, 
en  1727.  Enfin,  les  musiciens  de  notre  ville,  amateurs  ou  pro- 
fessionnels, faisaient  exécuter  des  œuvres  que  peut-être  jouèrent 
encore  d'autres  Académies  provinciales,  mais  que  Paris  dut 
ignorer  :  ainsi,  de  nombreux  motets  de  Bergiron,  de  David, 
d'Estienne,  de  Mathieu  Bellouard,  de  Mangot  ou  de  Grenet.  On 
trouvera  dans  le  catalogue  de  la  bibliothèque  du  Concert,  publié 
dans  notre  huitième  chapitre,  la  liste  des  nombreux  compositeurs 


98  LA    MUSIQUE    A    LYON 

l'académie  qui  fournirent  à  l'Académie  son  répertoire  très  varié  de  musique 
de  1736  a  latine  :  on  y  remarquera  la  place  importante  occupée  par  les 
l'*9  œuvres  de  La  Lande. 

Pour  la  musique  française,  on  trouve  de  même,  à  côté  des 
noms  les  plus  illustres,  les  noms  lyonnais  de  Bergiron,  dont  plusieurs 
œuvres  subsistent,  de  Bellouard,  de  David,  dont  il  n'est  rien  resté, 
et  de  Leclair  cadet  qui,  seul,  ou  en  collaboration  avec  un  nommé 
Charville,  écrivit  un  Divertissement  champêtre  et  le  Rhône  et  le  Saone> 
malheureusement  disparus.  Le  fonds  du  répertoire  français  était 
toujours  constitué  par  les  "  extraits  "  d'oeuvres.  Nous  avons  déjà 
indiqué,  à  propos  du  Phaéton  de  Lully,  comment  on  pratiquait  ces 
sélections.  On  pourra  en  voir  d'autres  spécimens  en  consultant 
notamment  la  partition  de  Scylla  et  Glaucus  de  Leclair  l'aîné  et 
celle  du  Triomphe  de  l'Harmonie  de  Grenet.  La  partition  de  Leclair, 
ainsi  que  le  montrent  de  nombreuses  collettes  et  inscriptions  manus- 
crites, était  jouée  tantôt  en  un,  tantôt  en  deux  concerts.  Le  premier 
concert  comprenait  les  parties  essentielles  du  prologue  et  des  deux 
premiers  actes  précédées  de  l'ouverture  ;  le  deuxième  se  composait 
des  autres  actes  pour  la  préface  desquels  on  devait  "  trouver  une 
seconde  ouverture  de  la  composition  de  Mr  Leclair  l'Aîné  ".  La 
partition  de  Grenet,  reliée  avec  ^Apollon  berger  d'^idmete,  est  fort 
intéressante,  non  seulement  par  ses  coupures,  mais  aussi  par  les 
nombreuses  corrections,  et  par  quelques  pages  manuscrites  ajoutées 
par  Grenet  lui-même  :  on  y  trouve  des  passages  nouveaux  et 
inédits,  tel  qu'un  chœur  des  démons  (p.  13),  un  récit  de  Pluton 
(p.  33),  des  changements  dans  le  texte  du  livret  (p.  61),  quatre 
nouvelles  pages  (p.  153)  ;  enfin  la  chaconne  finale  est  allongée  de 
deux  pages. 

En  extraits,  apparaissaient  sans  doute  la  plupart  des  œuvres 
françaises  jouées  à  Paris,  et,  ainsi,  le  répertoire  présentait  une 
grande  variété  dont  on  se  rendra  compte  en  parcourant  le  catalogue 
de  la  bibliothèque. 


V. 

Bollioud-Mermet  et  la  "  Corruption  du  Goût. 


L'introduction  de  tant  d'éléments  modernes  dans  le  répertoire 
du  Concert  rencontra  bien  des  résistances.  Il  fallut  compter 
avec  les  réactionnaires  artistiques  qui,  de  tout  temps,  furent 
nombreux  et  tenaces  à  Lyon,  ville  très  conservatrice.  Un  groupe 
d'amateurs  de  l'Académie  ne  pouvait  admettre  que  la  musique  évoluât  : 
ils  éprouvaient  cette  affreuse  tristesse  que  bien  des  musiciens  ressentent 
en  présence  d'oeuvres  nouvelles,  neuves,  et  profondément  différentes 
des  compositions  qui  leur  sont  familières.  Un  écrivain  lyonnais, 
membre  des  deux  Académies,  et  dont  nous  aurons  à  nous  occuper 
longuement  dans  la  deuxième  partie  de  ce  volume,  prit,  la  parole,  en 
1746,  au  nom  de  ses  collègues  réactionnaires,  et  fustigea  violem- 
ment tous  les  représentants  du  modernisme  musical,  compositeurs 
ou  virtuoses.  C'était  Louis  Bollioud-Mermet,  qui  rédigea  ses 
doléances  dans  un  mémoire  présenté  à  l'Académie  sous  le  titre  :  De 
la  Corruption  du  Goust  dans  la  Musique  Françoise  (  1  ) . 

Que  de  plaintes  !  et  quel  réquisitoire  !  Ce  mémoire  semble 
être  le  type  de  la  traditionnelle  lamentation  contre  le  progrès 
artistique.  "  Aristoxène  de  Tarente  faisait  commencer  le  décadence 
de  la  musique  à  Sophocle,  et  Platon,  d'un  goût  plus  pur,  trouvait 
que,  depuis  le  vne  siècle  et  les  mélodies  d'Olympe,  on  n'avait 
plus  rien  fait  de  bon.  De  siècle  en  siècle,  on  a  répété  que  la  musique 

(1)  Lyon,  de  la  Roche,  1746,  in-12.  Le  manuscrit  est  conservé  (Mss  acad.  161, 
F  64-71). 


IOO  LA     MUSIQUE     A     LYON  Première 

bollioud-     avait  atteint  son  apogée,  et  qu'il  ne  lui  restait  plus  qu'à  décliner  (i) 
mermet        Bollioud-Mermet    reprit    pour    son   compte    personnel    toutes   les 
critiques  adressées  de   tout    temps  aux    œuvres  nouvelles,    et   les 

CORRUPTION 

du  gout  présenta  d'une  façon  si  heureuse  que  son  petit  volume  se  vendit  à 
un  nombre  considérable  d'exemplaires,  et  que,  cinquante  ans  plus 
tard,  un  autre  amateur  de  la  région  lyonnaise,  voulant  critiquer  la 
musique  de  la  fin  du  xvine  siècle  et  opposer  sa  laideur  à  la  beauté 
de  la  musique  de  l'époque  précédente,  ne  trouva  rien  de  mieux  à 
faire  que  de  rééditer  mot  pour  mot  la  Corruption  du  goût  en  rem- 
plaçant simplement  le  nom  de  Lully  par  celui  de  Gluck,  et  le  nom 
de  La  Lande  par  celui  de  Sacchini  (2)  ! 

Nous  ne  croyons  pas  sortir  de  notre  cadre  en  analysant 
rapidement  le  mémoire  de  notre  compatriote,  seul  document,  pour 
ainsi  dire,  qui  nous  soit  parvenu  concernant  le  goût  musical  à 
Lyon  au  xvme  siècle. 

Le  mémoire  débute  par  les  habituelles  considération  sur  le 
but  de  la  musique.  La  banale  théorie  de  l'imitation  de  la  nature, 
chère  aux  musiciens  du  xvme  siècle,  se  retrouve  dès  les  premiers 
mots  de  notre  compatriote,  théorie  essentiellement  imprécise 
qui  fut  étudiée  récemment  avec  une  grande  pénétration  (3).  Quel- 
ques amateurs  déjà,  à  vrai  dire,  se  lassaient  des  considérations 
habituelles  sur  ce  sujet,  remarquaient  qu'  "  imitation  de  la  nature  " 
ne  signifie  pas  grande  chose  en  musique,  et  que  de  telles  expres- 
sions servaient  simplement  aux  prétendus  musiciens  à  se  donner, 
auprès  des  ignorants,  quelque  air  de  connaissance  (4).  Cependant, 
Bollioud  précisait  ce  qu'il  entendait  ainsi  :  pour  lui,  le  musicien 
doit   exprimer    avec  justesse   et   élégance   le   sens   des   paroles   s'il 

(1)  Romain  Rolland,  Musiciens  d'autrefois;  Paris,  1908,  p.  8. 

(2)  Lettre  sur  la  musique  moderne  par  G***  M***  (Gabriel  de  Moyria)  ;  Bourg, 
Dufour  et  Josserand,  1797.  L'auteur  ne  dissimula  même  pas  son  larcin  et  déclara, 
vers  la  fin  de  sa  brochure  qu'il  avait  emprunté  à  Bollioud-Mermet  "  quelques  idées  et 
même  son  expression  lorsqu'il  avait  cru  ne  pouvoir  pas  mieux  dire  !  " 

(3)  J.  Ecorcheville,  De  Lully  à  Rameau  (1690-1730),  P  Esthétique  musicale; 
Paris,  1906. 

(4)  Mercure  de  France,  Septembre  1749,  p.  58-85  :  article  consacré  à  la  réfuta- 
tion de  l'ouvrage  de  Bollioud. 


Partie       AU      DIX-HUITIEME     SIÈCLE  IOI 

compose  de  la  musique  vocale,  prêter  pour  ainsi  dire  des  paroles  bollioud- 
aux  sons  et  de  la  vie  aux  cordes,  s'il  travaille  pour  les  instruments;  MERMET 
l'harmonie  doit  satisfaire  l'oreille  et  être  "avouée   par  la  raison". 

CORRUPTION 

Et  voilà  le  grand  mot  lâché  !  La  confiance  aveugle,  la  foi  éperdue  DU  GOUT# 
en   la  raison  !    L'art,  si  essentiellement  subjectif,  est   traité   objec- 
tivement par  les  "  musicographes  "  d'autrefois. 

Au  nom  de  cette  raison  infaillible,  Bollioud  déclare  que  le 
modèle  suprême  de  la  musique  théâtrale,  c'est  Lully  ;  le  modèle  de 
la  musique  latine,  La  Lande  ;  les  modèles  de  la  musique  instru- 
mentale, Senaillé,  Marais  et  Couperin.  Ces  musiciens  n'ont  pas 
de  rivaux  et  ne  sauraient  pas  davantage  avoir  de  dignes  successeurs 
qui  n'imiteraient  pas  leur  manière  :  la  monotonie,  le  piétinement 
sur  place,  voilà  le  principe  qui  semble  se  dégager  des  affirmations 
de  notre  compatriote.  Mais  glissons  sur  cette  première  partie  du 
mémoire  qui  traite  de  la  corruption  du  goût  dans  la  composition 
musicale  ;  la  seconde  partie  se  rapporte  directement  à  notre  sujet  : 
elle  est  consacrée  à  la  corruption  du  goût  dans  l'exécution. 

Dans  l'exécution,  pense  notre  musicographe,  la  corruption 
est  plus  à  craindre  que  dans  la  composition,  parce  qu'elle  est  plus 
facile  et  à  la  portée  d'un  plus  grand  nombre  de  coupables.  Bollioud 
s'en  prend  surtout  aux  instrumentistes  qui  "  pèchent  le  plus 
souvent  par  la  hauteur  excessive  du  ton,  par  la  vitesse  outrée  des 
mouvements,  et  parce  qu'ils  dénaturent  le  caractère  propre  à 
chaque  instrument.  '  Les  instrumentistes  ont  élevé  le  diapason 
normal,    ce    qui    produit    "  des    ébranlements    plus    violents,    des  ^ 

secousses  plus  promptes,  des  battements  plus  fréquents  ",  mais 
entraîne  une  diminution  de  l'effet  propre  aux  instruments  et  aussi 
amène  le  déclassement  des  voix.  Ils  précipitent  les  mouvements, 
aboutissent  à  une  vitesse  outrée,  et  oublient  la  beauté  des  mesures 
graves  et  lentes.  Ils  dénaturent  enfin  le  caractère  des  instruments. 
Ici  nous  trouvons  une  critique  qui  mérite  d'être  intégralement 
reproduite  : 

"  Examinons  attentivement  un  musicien  qui  joue  des  sonates  dans  le 
nouveau  goût,  nous  verrons  que,  des  quatre  cordes  de  son  violon,  il  ne 
touche  presque  que  les  deux  chanterelles.  La  plus  haute  surtout  est  celle 


102  LA     MUSIQUE     A     LYON  Première 

bollioud-     sur   laquelle  il   s'exerce  de  préférence.  Il  quitte  toute  l'étendue  de  son 

mermet         instrument  ;  et,  méprisant  pour  ainsi  dire,  les  tons  sonores  qu'il  y  trouve- 

et  la  roit,  il  s'attache  à  tirer  des  sons  aigus,  souvent  faux,  d'une  corde  que  le 

corruption  démanchement  a  réduite  à  deux  pouces  de  longueur.  On  admire  cependant 

du  goût,      les  efforts  qu'il  fait  comme  des  prodiges  de  l'art.  On  diroit,  à  le  voir,  qu'il 

a  fait  une  gageure  où  il  s'est  engagé,  en  dépit  de  l'oreille   et  du  goût,  à 

grimper  au-delà  des  bornes  du  manche.  Les  applaudissemens  l'encouragent 

de  plus  en  plus  à  affronter  le  voisinage  périlleux  du  chevalet  ;  et  tous  ses 

succès  se  terminent  à  faire  rendre  à  une  corde  raccourcie  des  sifflemens 

plutôt  que  de  sons.  L'ambition  de  briller  lui  fait  prendre  un  ton  s.i  excessif, 

que  des  cordes  d'une  grosseur  naturelle  n'y  tiendroient  pas  ;  et  qu'il  est 

obligé  de  monter  son  violon,  pour  ainsi  dire,  avec  des  cheveux,  des  cordes 

qui  donnent  des  sons  maigres,  dont  l'harmonie  n'a  rien  de  mâle  ni  de 

nerveux..." 

Cela  s'adresse  évidemment  à  Guignon  et  à  Mondonville. 
Guignon  était  "  persuadé  que  la  musique  est  faite  pour  tirer 
l'homme  de  l'ennui  ",  et  il  cherchait,  par  suite,  à  amuser  et  à 
surprendre.  Mondonville  n'avait  pas  d'autre  but,  et  il  avouait  que 
c'était  l'envie  de  plaire  au  public  qui  l'avait  poussé  à  écrire  (i). 
Quand  l'un  et  l'autre  parurent  au  Concert  Spirituel  de  Paris,  le 
1 1  avril  1745,  le  Mercure  s'écria  :  "  On  a  entendu  du  nouveau  et 
du  nouveau  inimitable  (2)  ".  Mondonville  "  étonnait  par  le  feu 
et  la  rapidité  de  son  exécution  (3)  ",  et  Rousseau  parle  de  "  toutes 
les  folies  du  violon  de  M.  Mondonville  (4)  ".  Tant  de  nouveautés, 
pour  Bollioud,  n'étaient  que  des  atteintes  au  bon  goût  et  au  bon 
sens  musical.  Notre  académicien  ne  pouvait  supporter  non  plus 
les  ornements  ajoutés  par  les  virtuoses  aux  œuvres  qu'ils  interpré- 
taient avec  tant  d'éclat  ;  il  ne  voulait  pas  se  rendre  compte  que  de 
tels  ornements  étaient  nécessaires  aux  oreilles  blasées  en  raison 
même  de  la  stagnation  musicale  qu'il  préconisait,  et  qu'ils  con- 
stituaient en  quelque  sorte  une  revanche  de  la  fantaisie  sur  un 
classicisme  desséchant.  Ces  recherches  des  sonates  n'étaient  d'ail- 

(1)  Préfaces  des  Sons  harmoniques. 

(2)  Mercure^  avril  1 745,  p.  140. 

(3)  AncELET  :  Observations  sur  la  musique. 

(4)  Dictionnaire  de  musique  :  article  Sonate. 


Partie     AU    DIX-HUITIÈME    SIÈCLE        103 

leurs  pas  inutiles  ;  dans  son  compte-rendu  de  la  Corruption  du  goût,  bollioud- 
le  Mercure  remarquait  qu'elles  sont  "  comme  des  matériaux  jetés  mermet 
au  hasard,  dont  les  grands  maîtres  savent   profiter  pour  certaines  ET  LA 

CORRUPTION 

occasions...   C'est  un  bien  pour  l'Art  même....   C'est  préparer  des  Du  G0UT 
couleurs  pour  les  peintres  ". 

Cette  sorte  de  dénaturation,  Bollioud  la  constate  encore  pour 
d'autres  instruments,  pour  la  viole,  "  autrefois  instrument  grave  et 
majestueux  "  qui  imite  maintenant  la  musette  ou  la  vielle,  pour 
l'orgue  qui  ne  cherche  qu'à  copier  les  instruments  les  plus  vulgaires, 
enfin  pour  le  clavecin.  Là,  notre  auteur  vise  peut-être  Rameau  qu'il 
ne  nomme  pas  à  ce  propos,  et  dont  d'ailleurs,  il  ne  cite  pas  le  nom 
une  seule  fois  :  il  reproche  surtout  aux  compositeurs  d'avoir  inau- 
guré le  croisement  des  mains  —  que  Rameau  utilise  à  plusieurs 
reprises  dans  ses  Nouvelles  suites  de  pièces  de  clavecin.  "  Quelle  idée 
aurait  Couperin,  dit-il  aussi,  s'il  revivait,  en  voyant  les  subtilités 
puériles  dont  on  s'est  avisé  d'orner  le  jeu  de  cet  instrument  ?  "  Et 
pourtant  la  plupart  des  subtilités  que  Bollioud  se  plaint  de  remar- 
quer chez  ses  contemporains,  Couperin  les  avait  utilisées  déjà... 
Dénaturation  aussi  de  la  vielle  et  de  la  musette,  propres  à  la 
musique  champêtre,  que  l'on  a  le  tort  d'introduire  dans  les  "  sym- 
phonies régulières  ".  Disparition  enfin  d'instruments  nobles  et 
propres  à  l'accompagnement  tels  que  le  luth  et  le  théorbe... 

En  somme,  Bollioud  déplore  toutes  les  innovations  quelles 
qu'elles  soient.  Pour  lui,  la  perfection  dans  la  composition  et  dans 
l'exécution  a  été  atteinte  à  la  fin  du  xvne  siècle  et  au  début  du  xvme  ; 
ce  qui  permit  au  Mercure  de  remarquer  plaisamment  :  "  Comment 
n'a-t-il  point  dit  qu'on  ne  trouverait  plus  de  bon  souffleur  d'orgues 
comme  au  temps  du  Grand  Roi  ?  "  On  change,  dit-il  en  terminant 
son  mémoire,  on  change  notre  musique  de  forme,  parce  qu'on  veut 
faire  du  neuf,  parce  qu'on  n'a  d'attrait  que  pour  le  difficile,  et 
parce  qu'on  imite  les  étrangers.  Vaines  critiques  dont  le  Mercure 
et  le  Journal  de    Trévoux  (1),    dans   leurs  sévères  compte-rendus, 

(1)  Mémoires  de  Trévoux,  décembre  1746,  II,  article  13 1.  Ce  compte-rendu, 
comme  celui  du  Mercure,  est  très  développé,  et  présente  le  plus  vif  intérêt  pour  l'histoire 
musicale  du  xvme  siècle. 


104  LA    MUSIQUE    A    LYON 

bollioud-    n'eurent  pas  de  peine  à  montrer  le  mal-fondé.   D'ailleurs,  l'aca- 

mermet        démicien  qui  se  qualifiait  lui-même  de  vrai  connaisseur  et  d'amateur 

ET  LA  expérimenté  et  intelligent,  ne  craignait  point  de  se  contredire,   et, 

corruption      r,  .     ,  '  •    i    •  U1  1 

après  avoir  longuement  montre  ce  qui  lui  semble  constituer  la 
du  goût.        r  .  6  i  .        .    ,  , 

corruption    de  1  art   instrumental,    il   avoue   inopinément    que    la 

musique  a  gagné  du  côté  de  l'exécution. 

Les  idées  de  Bollioud,  comme  nous  le  verrons  dans  la  seconde 
partie  de  notre  étude,  étaient  partagées  par  un  grand  nombre  de 
ses  concitoyens.  Il  ne  nous  est  malheureusement  pas  parvenu 
d'opinions  opposées  à  celles  que  nous  avons  résumées  en  peu  de 
mots.  Mais  il  est  permis  de  supposer  que  les  séances  du  Concert, 
chaque  semaine,  fournissaient  matière  à  de  longues  discussions  et 
controverses,  avivées  encore  par  l'évolution  du  répertoire  de  l'Opéra 
lyonnais  qui  suivait  assez  fidèlement  l'exemple  de  l'Académie 
royale  de  musique  de  Paris. 


VI. 

Le  Concert  de   1759  a   1768. 


Dans  notre  quatrième  chapitre,  nous  avons  groupé,  avec  un 
inévitable  désordre,  les  quelques  documents  mal  cohérents 
que  nous  possédons  sur  la  vie  musicale  de  l'Académie 
depuis  1736  jusqu'à  1759.  Cette  réunion  en  un  même  chapitre  de 
vingt-cinq  années  bien  différentes  sans  doute  à  tous  points  de  vue, 
n'a  aucune  valeur  historique  ou  artistique  ;  elle  est  simplement 
commode.  Ainsi,  et  pour  la  même  raison  de  commodité,  nous 
relaterons  en  deux  chapitres,  et  d'une  manière  simplement 
chronologique,  l'histoire  des  quinze  dernières  années  de  l'Académie 
des  Beaux-Arts.  La  sécheresse  des  seuls  documents  que  nous 
possédons,  ne  nous  permet  pas  une  ordonnance  plus  artistique. 

Sur  cette  période  nous  sommes  relativement  très  documentés. 
Des  Petites  Affiches  de  Lyon,  nous  avons  pu  consulter  la  collection 
de  quatorze  années  consécutives,  de  1759  à  1772.  Cette  publication 
paraissait  toutes  les  semaines,  le  mercredi,  et  publiait  très  souvent 
le  programme  de  la  séance  musicale  du  Concert  qui  avait  lieu  ce 
même  jour  à  cinq  heures.  Le  mercredi  était  d'ailleurs  le  jour  fixé 
par  les  statuts  de  1724  (1).  Pour  certaines  années,  nous  possédons 
jusqu'à  trente-six  programmes,  c'est-à-dire  la  presque  totalité  :  en 
effet,  s'il  y  avait  un  concert  par  semaine,  les  auditions  étaient  sus- 
pendues pendant  la  quinzaine  de  Pâques,  et  depuis  le  début  de 
septembre  jusqu'à  la  S*  Martin  (1 1  novembre).  Nous  pouvons  de 
la  sorte  suivre  un  peu  l'évolution   artistique  de  la  Société  ;   nous 

(1)  Cependant  les  concerts  eurent  lieu  le  samedi  en  1742,  et  le  lundi  de   1744 
à  1752. 

8 


IOÔ  LA     MUSIQUE     A     LYON  Première 

le  concert  savons  aussi  de  la  même  façon,  au  moins  à  partir  de   1765,  le  nom 

de  1759  a  des  principaux  solistes  et  virtuoses  de  passage. 

x7  Jusqu'en    1763,  le  Concert  fut  fidèle  à  sa  tradition  dans  la 

composition  des  programmes  :  à  chaque  séance  on  jouait  un  ou 
deux  extraits  d'opéras  et  un  motet  ;  le  même  programme  servait 
souvent  à  deux  concerts  successifs  (1). 

Le  fonds  de  la  musique  latine  de  1759  à  1763  est  encore 
constitué  par  les  motets  de  La  Lande  ;  c'est  ainsi  que  pendant 
l'année  1759  on  donna  une  quinzaine  d'auditions  d'oeuvres  de  ce 
maître  :  Exaltate  justi,  Lauda  Jérusalem,  Cantate,  Confitemini,  Exal- 
tabo  te,  Confitebimur ,  Exurgat  Deus.  Mais  tous  les  autres  anciens 
motets  du  répertoire  sont  négligés  et  remplacés  par  des  compositions 
récentes,  dues  à  des  maîtres  de  musique  de  Paris  et  de  la  Province 
avec  qui  les  directeurs  du  Concert  de  Lyon  faisaient  sans  doute  de 
ces  échanges  courtois  d'oeuvres  médiocres,  dont  la  tradition  ne  s'est 
pas  perdue.  A  Mondonville,  précédemment  applaudi  à  Lyon 
comme  violoniste  et  alors  directeur  artistique  du  Concert  Spirituel  à 
Paris,  était  réservée  la  place  d'honneur:  Magnus  Dominus  fut 
souvent  exécuté  ;  on  entendit  aussi  Cantate  Domino,  Dominus 
regna^it,  si  apprécié  à  Paris  et  joué  à  Lyon  pour  la  première  fois 
le  Ier  août  1759,  Jubilate  Deo  dont  la  première  audition  ne  fut 
donnée  que  le  9  Janvier  1760.  Les  autres  fournisseurs  étaient: 
Blanchard,  qualifié  par  les  Petites  Affiches  de  "  maître  de  musique 
de  la  chapelle  du  Roi  ",  et  dont  le  Conserva  me  fut  chanté  le 
31  janvier  1759  ;  Madin,  d'abord  maître  de  chapelle  en  province, 
puis  sous-maître  de  la  Chapelle  du  Roi  (Cantate  Domino)  ;  Belissen, 
maître  de  musique  du  Concert  de  Marseille,  dont  le  Nisi  Dominus 
avait  été  souvent  exécuté  depuis  l'année  1742,  et  dont  on  donna 
YExu/tate  justi  en  première  audition  le  7  mars  1759;  Levens, 
maître  de  chapelle  à  Bordeaux,  puis  à  Toulouse,  auteur  d'un 
Paratum  cor  meum;  Hardouin,  "  maître  de  musique  de  la  Cathé- 
drale de  Rheims  ",  dont  on  entendit  pour  la  première  fois  un 
Lœtatus  sum  le  22  août  1759,  et  un  Cantate  Domino  le   25  février 

(1)  Toutes  les  indications  suivantes  concernent  les  programmes  sont  tirées  des 
Petites  Affiches.  Nous  avons  cru  inutile  d'indiquer  à  chaque  ligne  les  références  exactes. 


Partie     AU    DIX-HUITIÈME    SIÈCLE        107 

de  l'année  suivante  ;  Arnoult,  autre  "  maître  de  musique  de  la  le  concert 
cathédrale  de  Rheims  ",  qui  fit  jouer  avec  succès  deux  de  ses  DE  x 759  A 
œuvres  :  un  Laudate  Dominum  le  13  août,  et  "  un  motet  nouveau  "  l  ' 
le  20  août  1760;  Chrétien  Lobreau,  "de  la  musique  de  la 
chapelle  du  Roi  ",  auteur  d'un  Benedic  anima  mea  dont  la  première 
exécution  eut  lieu  le  Ier  juin  1760;  Toutain,  "maître  de  musique 
de  la  cathédrale  de  Dijon,  "  qui,  ainsi  que  Belissen,  avait  envoyé 
plusieurs  de  ses  œuvres  en  hommage  à  l'Académie  des  Beaux- 
Arts  (1),  et  dont  le  Quare  fremuerunt  fut  joué  le  11  et  le  18  février 
1761.  A  côté  de  ces  maîtres  de  chapelle,  généralement  clercs,  on 
trouve  le  violoncelliste  Davesne,  de  l'orchestre  de  l'Opéra,  dont  on 
entendit  le  Laudate  Dominum,  et  Giay  "  maître  de  chapelle  de 
S.  M.  le  Roi  de  Sardaigne  "  dont  on  exécuta  deux  fois  de  suite,  le 
12  et  le  19  novembre  1760,  le  Spiendete  cœli  "  motet  italien  à  grand 
chœur  ".  Nous  ne  savons  si  ce  dernier  compositeur  doit  être  iden- 
tifié avec  Giay,  violoniste  du  Concert  dont  nous  avons  parlé  (2). 

Le  même  goût  pour  les  œuvres  nouvelles,  sinon  toujours 
neuves,  se  retrouve  dans  le  répertoire  de  musique  française.  Lully 
a  disparu  complètement  des  programmes.  Les  maîtres  les  plus 
anciens,  dont  les  œuvres  reparaissent  encore,  sont  Campra  avec 
Tancrede,  copié  en  parties  dès  171 8,  Destouches  dont  on  donne 
souvent  encore  quelque  acte  extraits  des  Eléments,  Montéclair  avec 
l'unique  et  fameux  'Jephté.  On  rencontre  aussi  les  œuvres  plus 
récentes  de  Rebel  et  Francœur  (Zélindor,  Ismene,  la  Paix,  Pyrame 
et  ThisbéJ,  Mouret  (les  Amours  des  Dieux,  le  ballet  des  Sens).  Les 
auteurs  contemporains  sont  les  plus  favorisés.  A  leur  tête,  Rameau, 
dont  on  a  oublié  les  motets  qui  auraient  dû  cependant  être  chers 
aux  Lyonnais,  mais  dont  les  extraits  d'opéras  sont  donnés  sans 
cesse  :    toutes   ses   œuvres   sont   utilisées,    mais   surtout   l'acte   des 

(1)  Toutain,  dont  huit  motets  faisaient  partie  de  la  bibliothèque  du  Concert, 
habitait  en  1758  Rouen  (Rothomagi),  d'où  il  data  son  motet  Lauda  filia  (Bibl.  du 
Concert). 

(2)  Sur  Mondonville,  et  aussi  sur  Madin,  Blanchard,  Toutain,  Levens,  Davesne, 
dont  des  œuvres  furent  exécutées  au  Concert  Spirituel  de  Paris,  v.  M.  Brenet,  Les 
Concerts  en  France... 


108  LA     MUSIQUE     A     LYON  Première 

le  concert  Sauvages  des  Indes  Galantes,  Pygmalion,  les  Talents  Lyriques.  On 
de  1759  a  consacre  parfois  des  concerts  entiers  au  seul  Rameau  :  ainsi,  le 
30  mai  1759,  le  programme  comprend  seulement  le  prologue  des 
Indes  Galantes  et  l'acte  à' Anacréon  du  ballet  Les  Surprises  de 
F  Amour  ;  quatre  semaines  plus  tard,  le  27  juin,  on  donne  le  même 
programme  ;  l'année  suivante,  le  20  février,  se  célèbre  une  sem- 
blable fête  ramiste.  Le  même  honneur  est  parfois  réservé  à  Mon- 
donville  dont  on  joue,  au  concert  du  6  février  1760,  deux  actes  du 
Carnaval  du  Parnasse  et  le  motet  Magnus  Dominus.  A  cette  époque 
d'ailleurs,  les  rares  partitions  acquises  par  le  Consulat  sont  presque 
toutes  dues  à  Rameau  et  à  Mondonville.  —  Ainsi,  sur  dix-sept 
œuvres  françaises  entrées  dans  la  bibliothèque  de  1754  à  1766, 
huit  sont  de  Rameau  :  les  Fêtes  de  l'Hymen,  Naïs,  Zoroastre  "  cor- 
rigé par  M.  Rameau,  '  les  Indes  Galantes  "  comme  l'auteur, 
M.  Rameau,  l'a  rangé  pour  l'Opéra  ",  les  Fêtes  de  Polymnie  dont 
on  donne  le  troisième  acte  en  première  audition  le  29  août  1759, 
les  Surprises  de  l'Amour,  Sibaris  (acte  de  l'œuvre  précédente),  La 
Féerie  (troisième  acte  des  Fêtes  de  Polymnie)  (  1  )  ;  trois  sont  de  Mondon- 
ville :  les  Fêtes  de  Paphos,  Titon  et  l'Aurore,  Dap finis  et  Alcimadure, 
dont  le  prologue  et  le  premier  acte  sont  exécutés  pour  la  première 
fois  le  2  juillet  1760  et  constituent  encore  tout  le  programme.  Un 
auteur  tout-à-fait  oublié  aujourd'hui,  Debury,  paraît  souvent  sur 
les  programmes  avec  une  seule  œuvre  jouée  en  "  deux  concerts  ", 
les  Caractères  de  la  Folie.  D'un  autre  musicien  bien  ignoré  aussi, 
de  La  Garde,  on  joue  une  fois  des  fragments  d'Eglé.  Enfin  Dau- 
vergne,  directeur  de  l'Opéra  et  du  Concert  spirituel  de  Paris,  qui 
devait  mourir  à  Lyon  (2),  paraît  diverses  fois  sur  les  programmes  : 

(1)  Il  n'apparaît  pas  que  l'Académie  ait  fait  célébrer  quelque  cérémonie  reli- 
gieuse ou  ait  organisé  un  concert  spécial,  à  l'occasion  de  la  mort  de  Rameau.  Cet 
événement  avait  été  commémoré  par  les  musiciens  de  Paris  et  par  plusieurs  académies 
provinciales,  notamment  par  le  Concert  de  Marseille  qui,  le  15  novembre  1764,  fît 
une  grande  pompe  funèbre.  (Mercure,  février  1765,  p.  197-199). 

(2)  Etat-civil  du  Canton  nord  de  Lyon,  24  pluviôse  an  V  (12  février  1797)  : 
"  Antoine  Dauvergne,  musicien,  demeurant  quai  S1  Vincent,  n°  200,  âgé  de  83  ans, 
natif  de  Moulins,  département  de  la  Nièvre,  veuf  de  Clémence  Rozet,  est  décédé 
hier  soir,  à  3  heures,  dans  le  domicile  des  citoyennes  Rozet,  susdit  quai  et  n°  ". 


Partie     AU    DIX-HUITIEME    SIECLE        109 

en  juillet  1759,    on    exécute,  pour  la  première  fois,  un   acte  des  le  concert 
Fêtes  d'Euterpe  ;  et,  en  juillet   et   décembre  1762,  paraissent  deux  DE  J759  A 
actes  des  Amours  de  Tempe,   partition   vieille   de   dix  années,   mais     ' 
dont   un   exemplaire  venait  d'être  offert  à  l'Académie   par  Selonf, 
inspecteur  de  la  Société. 

Un  nom  illustre  paraît  aussi  le  17  mars  1762  :  celui  de 
"  M.  le  Chevalier  Gluk  ".  C'est  Gluck  lui-même,  le  grand 
dramaturge  représenté  par  un  de  ses  opéras-comiques.  Il  s'agit  du 
"  divertissement  italien,  le  Siège  de  Cythere  ",  c'est-à-dire  Cythere 
assiégée,  composé  en  1759,  sur  un  poème  de  Favart  (1).  Ainsi,  au 
moment  où  Gluck  commençait  sa  "  révolution  '  musicale,  son 
nom  était  révélé  aux  Lyonnais  comme  celui  d'un  compositeur  de 
musique  légère  !  Ses  grandes  œuvres  ne  parurent  pas  au  Concert, 
mais  on  entendit,  le  5  décembre  1770,  "  une  scène  à'Iphigénie  en 
Aulide  de  Racine,  mise  en  musique  nouvellement  par  M****  ". 
C'était  là  sans  doute  l'œuvre  de  quelque  académicien  qui  avait  suivi, 
avant  Gluck,  le  conseil  donné  par  Algarotti  dans  son  Essai  sur 
Popéra. 

Haendel  fut  plus  négligé  encore  que  Gluck  ;  nous  n'avons 
pas  trouvé  trace  d'une  exécution  de  ses  œuvres.  Son  nom  n'était 
pas  inconnu,  et,  d'après  le  catalogue  de  la  bibliothèque,  le  Concert 
avait  dû  acquérir  en  1759,  année  même  de  la  mort  du  maître,  la 
partition  de  deux  de  ses  motets  :  Te  Deum  et  Jubiiate  Deo.  Ni  l'un 
ni  l'autre  ne  fut  transcrit  en  parties  séparées  ;  la  musique  parut 
peut-être  trop  difficile  et  trop  rigoureuse. 

Il  est  permis  de  croire  que,  pour  varier  les  concerts,  l'Acadé- 
mie, pendant  ces  quelques  années,  engagea  des  virtuoses  de 
passage,  mais  les  Petites  Affiches  nous  en  signalent  un  seul  : 
"  M.  Fessel,  natif  de  Widin,  dans  la  Basse-Hongrie,  qui  doit 
séjourner  en  cette  ville,  exécutera  aujourd'hui  (12  août  1762) 
dans  la  salle  du  grand  concert,  plusieurs  morceaux  sur  la  harpe  ". 
Encore  ce  concert  eut-il  peut-être  lieu  en  dehors  des  séances  de 
l'Académie,  de  même  que  les  deux  auditions  données  le   8  et  le 

(1)  Un  acte,  joué  en  1759  à   Schwetzingen.  V.  Julien  Tiersot,   Soixante  ans 
de  la  vie  de  Gluck,  dans  le  ^Ménestrel,  1908. 


IIO  LA     MUSIQUE     A     LYON  Première 

le  concert  i  5  octobre  de  la  même  année  par  Godard  "  musicien  ordinaire  de 
de  1759  a  l'Académie  royale  de  musique  de  Paris".  Godard,  grand  voyageur, 
comme   il  devait   le   signaler  lui-même  dans  le  Mercure  de  juillet 
1767,  chantait  en  s'accompagnant  sur  la  guitare. 

Nous  pouvons  aussi  supposer  que  l'Académie  des  Beaux-Arts 
eut,  à  cette  époque,  une  existence  plus  difficile  encore  que 
d'ordinaire.  Les  Petites  Affiches  ne  nous  donnent  qu'un  très  petit 
nombre  de  programmes  :  silence  complet  de  mars  à  novembre 
1761  ;  six  programmes  seulement  pour  l'année  1762.  Les  réunions 
musicales  devaient  être  peu  suivies,  et  nous  savons  que  le  concert 
du  7  janvier  1762  réunit,  outre  un  nombre  indéterminé  d'au- 
diteurs, cinquante-sept  auditrices  seulement  (1)  ;  peut-être  faut-il 
attribuer  ce  peu  de  succès  de  l'Académie  à  la  concurrence  d'une 
société  de  concerts  d'amateurs  qui  semble  avoir  existé  à  cette 
époque. 

Les  Almanachs  de  Lyon,  dans  les  quelques  lignes  qu'ils 
consacraient  à  la  bibliothèque  du  Concert,  signalaient,  à  côté  des 
"  Concerts  généraux  "  ou  concerts  d'orchestre  et  de  chœurs,  des 
"Concerts  particuliers"  réservés  à  la  musique  de  chambre.  D'autre 
part,  les  Petites  Affiches  du  15  mars  1764  annonçaient:  "Lundi 
prochain,  le  petit  Concert  pour  les  Amateurs  tiendra  son  assemblée 
à  cinq  heures  et  demie  dans  une  des  salles  de  l'Académie  des 
Beaux-Arts  ;  ces  assemblées  sont  un  rétablissement  des  anciens 
petits  concerts  qui  avaient  été  suspendus  pendant  quelque  temps  ". 
Enfin  dans  la  Petite  chronique  lyonnaise  du  xviif  siècle  (2)  de 
Morel  de  Voleine,  on  lit  :  "  Les  réunions  musicales  [du  Concert] 
avaient  lieu  le  mercredi  ;  j'ai  un  billet  pour  le  concert  du  4  février 
1762,  délivré  par  M.  de  la  Frasse  de  Sury,  célèbre  musicomane. 
Au   dos   on   a   écrit   la   note   suivante  :   Exécution   remarquable  : 

(1)  A  l'issue  de  ce  concert,  les  dames  et  demoiselles  qui  y  avaient  assisté, 
restèrent  dans  la  salle  et  délibérèrent  longuement  en  vue  d'offrir  au  roi  un  vaisseau 
nommé  "  le  Beau  Sentiment  ".  [Délibération  prise  dans  la  salle  du  Concert  de  l'Académie 
des  Beaux-Arts  de  Lyon  par  la  partie  du  beau  sexe  qui  s'y  est  trouvée  rassemblée  le  y  janvier 
1762;  Lyon,  imprimerie  du  Fidèle  Bonsujet,  imprimeur  de  l'Association  du  Beau- 
Sentiment,  1762,  in-40,  29  p.) 

(2)  Reyue  du  Lyonnais,  3e  série,  1875,  tome  XIX,  p.  165. 


Partie       AU     DIX-HUITIEME     SIECLE  III 

Cantate  de  Circé  chantée  par  M.  Bollioud-Mermet  ;  trio  obligé  le  concert 
entre  M. M.  Arthaud  de  Bellevue  pour  la  flûte,  Horace  Coignet  DE  *759  A 
pour  le  violon,  et  d'Ambérieux  pour  la  basse".  Il  nous  aurait  l7 
beaucoup  intéressé  de  voir  ce  billet  de  concert  ;  M.  Morel  de 
Voleine  le  fils,  qui  a  bien  voulu  le  rechercher  pour  nous,  ne  l'a 
pas  retrouvé  dans  les  papiers  de  son  père.  Mais  nous  pouvons 
quand  même  affirmer  que,  contrairement  à  l'opinion  du  collec- 
tionneur qui  le  possédait,  ce  billet  daté  du  4  février  1762  (jeudi 
et  non  mercredi)  ne  se  rapporte  pas  à  un  concert  de  l'Académie  : 
de  la  Frasse  de  Sury  ne  faisait  pas  partie  de  l'administration 
académique  ;  et  l'exécution  du  programme  de  cette  séance,  exclu- 
sivement consacrée  à  la  musique  de  chambre,  genre  que  négligeait 
d'ordinaire  l'Académie,  n'était  confiée  qu'à  des  amateurs.  Il  s'agit 
certainement  du  Concert  des  amateurs,  dont  il  ne  nous  est  rien 
parvenu,  et  qui  exista  peut-être  pendant  une  grande  partie  du 
xvme  siècle,  depuis  que  les  gagistes  avaient  composé  entièrement 
les  chœurs  et  l'orchestre  de  l'Académie.  De  tout  temps,  les  ama- 
teurs ont  préféré  à  la  musique  correctement  exécutée  par  des 
professeurs,  la  musique  dont  ils  donnent  eux-mêmes  une  inter- 
prétation très  médiocre.  Et  cela  suffirait  à  laisser  croire  que  les 
petits  concerts  de  chambre  causèrent  un  tort  réel  aux  grandes 
séances  de  l'Académie  des  Beaux-Arts  (1). 

L'Académie  suspendit-elle  alors  ses  séances  ?  Toujours  est-il 
que  nous  ne  possédons  pas  non  plus  un  seul  programme  de  janvier 
à  avril  1763,  et  que  les  Petites  Affiches  n'en  publièrent  que  neuf 
depuis  la  fin  d'Avril  jusqu'au  30  novembre.  Mais,  à  partir  de  cette 
année,  les  séances  hebdomadaires  présentent  quelques  modifications. 

Les  programmes  s'élargissent  un  peu  ;  entre  les  œuvres  tradi- 
tionnelles, motets  et  extraits  d'opéras,  prennent  place  parfois  quel- 
ques pièces  de  plus  petite  dimension.  Les  opéras  sont  de  Mouret, 
Mondon ville,  Rebel  et  Francœur,  Rameau,  Royer  ou  Dauvergne; 

(1)  Peut-être,  au  cours  de  ces  séances,  entendit-on  des  œuvres  de  Bollioud- 
Mermet  comme  ces  Lieder  pour  soprano  avec  accompagnement  de  clavecin  qui 
furent  édités  à  Leipzig,  et  dont  la  bibliothèque  du  Conservatoire  de  Bruxelles  possède 
un  exemplaire. 


112  LA     MUSIQUE     A     LYON  Première 

le  concert  en  1764,  on  retrouve  encore  les  mêmes  noms  et  un  acte  nouveau 
de  1759  a  seulement  apparaît,  tiré  de  Zénéide  d'Yzo.  Les  motets  sont  presque 
x7  tous   de   La   Lande:   deux   œuvres    nouvelles   seulement,   un   Nisi 

Dominus  de  Madin  (4  mai  1763),  et  un  Lauda  Jérusalem  de  Chupin 
de  la  Guitonnière  (8  et  15  juin  1763).  Ce  Chupin  de  la  Guiton- 
nière  était  un  ancien  maître  de  chapelle  de  l'église  métropolitaine 
de  Ste  Cécile  d'Albi  ;  il  venait  de  s'installer  à  Lyon  pour  enseigner 
la  musique,  le  goût  du  chant  et  la  composition  "  par  principes 
démonstratifs  ".  Il  tenait  chez  lui,  rue  de  la  Barre,  puis  rue 
Grenette,  "  école  de  musique  pour  l'éducation  des  jeunes  personnes. 
Mme  son  Epouse  qui  possédait  cet  art,  leur  donnait  les  leçons  con- 
venables tant  pour  le  beau  langage  que  pour  d'autres  talents  (1)  *\ 
Ce  manque  de  nouveautés  était  dû  sans  doute  à  la  situation 
précaire  des  finances  de  l'Académie  que  ne  soutenait  plus  l'ad- 
ministration municipale  (2).  Aussi  fallait-il  rechercher  des  œuvres 
nouvelles  moins  coûteuses  que  les  opéras  et  les  motets,  et  se  con- 
tenter d'ariettes  détachées,  de  petits  motets  avec  clavecin,  de 
cantatilles  et  de  symphonies.  La  mode,  il  est  vrai,  était  aussi  à  ces 
petites  pièces  de  virtuosité,  faciles  et  brillantes,  présentées  par  des 
artistes  nomades. 

C'est  en  1763  qu'apparaissent  les  airs,  ariettes  ou  duos 
détachés.  Le  20  avril  et  le  4  mai,  une  cantatrice  anonyme,  la 
Signora  ***  fait  entendre  des  ariettes  italiennes;  le  18  mai,  on 
entend  aussi  "une  ariette  dans  le  goût  italien  de  M.  Bailleux".  En 
1764,  les  petits  morceaux  abondent  :  ariettes  d'un  officier  des 
gardes  suisses,  nommé  Siberman,  cantates  et  ariettes  diverses  de 
Trial,  "  de  la  musique  de  S.  A.  le  Prince  de  Conti  ",  spécialiste  de 
"  petits  airs  arrangés  avec  goût,  et  d'ariettes  d'un  genre  et  d'un 
style  qui  n'étaient  qu'à  lui  (3)  ";  "  cantatille  du  Jour  de  Le  Maire; 

(1)  Affiches  de  Lyon,  6  et  27  avril  1763,  27  juin  et  13  novembre  1765. 

(2)  Arch.  mun.  BB.  338,  f°  34. 

(3)  Cité  par  M.  Brenet  dans  les  Concerts  en  France...  p.  350.  Nous  devrions,  à 
chaque  page  de  ces  derniers  chapitres,  renvoyer  nos  lecteurs  à  l'ouvrage  de  M.  Brenet, 
où  ils  trouveraient,  à  propos  des  concerts  parisiens  de  la  même  époque,  tous  les 
éclaircissements  nécessaires  sur  le  goût  et  la  mode  artistique  vers  1760. 


Partie     AU    DIX-HUITIÈME    SIÈCLE         113 

petits  motets  de  Lefebvre  ou  de  Mondonville  ;   nombreux  duos  et  LE  concert 
ariettes   de   Le  Berton    ou    Le  Breton,    et   surtout    de    ce    dernier  DEVo^^  A 
certaine    "belle   chaconne  "    dont   le   succès   est   si   vif  que   l'on 
n'hésite   pas  à  l'incorporer  aux  œuvres  les  plus  diverses,  Iphigénie 
de  Campra,  ou  Eg/é  de  de  La  Garde  (  1  ) . 

Au  cours  de  ces  mêmes  années,  apparaissent  des  "symphonies" 
qui  ne  sont  plus  les  éternelles  ouvertures  ou  danses  empruntées  aux 
tragédies  lyriques  de  Lully,  mais  bien  des  compositions  indépen- 
dantes, suites,  ou  sortes  de  sonates  à  orchestre,  dont  les  débuts 
étaient  tout  récents  à  Paris  même.  La  première  œuvre  de  cette 
espèce  fut  une  symphonie  de  Stamitz,  précurseur  et  modèle  de 
Gossec  et  peut-être  même  de  Haydn,  comme  l'a  indiqué  M.  Michel 
Brenet  (2)  ;  quelques  jours  après,  le  18  mai,  apparaissait  une 
symphonie  de  Filtz.  L'œuvre  de  Stamitz  était  évidemment  une  de 
ses  nombreuses  symphonies  avec  cors  de  chasse  :  en  1764,  le  12 
décembre,  du  reste,  ne  jouait-on  pas  une  "  ouverture  avec  timbales 
et  cors  ?  "  La  vogue  de  ces  symphonies  était  grande  alors  à  Lyon, 
et,  sans  cesse,  les  frères  Le  Goux  annonçaient  la  mise  en  vente  de 
quelque  œuvre  nouvelle  de  ce  genre.  C'est  ainsi  que  ces  marchands 
de  musique  annoncent  successivement  dans  les  ^Petites  Affiches  six 
symphonies  de  Stamitz,  six  de  Holxbano  [Ignace  Holzbauer],  six 
de  Filtz  (28  novembre  1759),  des  œuvres  de  Beck  dont  une  avait 
été  jouée  au  concert  donné  le  14  octobre  1761  par  le  chanteur- 
guitariste  Godard  (4  juin  1760)  ;  une  "symphonie  périodique" 
de  Zoiieschi  (n°  1)    avec  cors,   et  on  annonçait,   en   même   temps, 

(1)  Berton  ou  Le  Berton  (toujours  désigné  sous  le  nom  de  Le  Breton  dans  les 
programmes  lyonnais),  fut  successivement  chanteur  à  Paris  et  à  Marseille,  chef  d'or- 
chestre au  Théâtre  et  au  Concert  de  Bordeaux,  chef  d'orchestre  et  directeur  de 
l'Opéra  de  Paris.  Il  avait  la  spécialité  des  "  arrangements  "  ou  tripatouillages  d'oeuvres 
anciennes,  et  des  additions  aux  opéras.  Sa  fameuse  chaconne  avait  été  écrite  pour  être 
incorporée  dans  un  opéra  de  Rameau.  La  paternité  de  cette  danse  fut  discutée,  et 
attribuée  par  certains  à  Granier,  alors  violoniste  à  Bruxelles  {{Mercure  septembre  1765, 
II  p.  196). 

(2)  Dans  les  Qoncerts  en  France...  M.  Brenet  a  repris  sa  démonstration  si  inté- 
ressante, en  la  développant,  dans  un  volume  consacré  à  Haydn  et  paru  au  cours  de 
l'impression  de  notre  travail  (Paris,  Alcan). 


114  LA     MUSIQUE     A     LYON  Première 

le  concert  qu'il  paraîtrait  "  une  nouvelle  symphonie  par  semaine  pour  faciliter 
de  1759  a  je  choix  de  Messieurs  les  Amateurs"  (20  août  1760)  ;  une  sym- 
phonie de  Tonchmolin  [Giuseppe  Touchemolin]  maître  de  chapelle 
de  l'Electeur  de  Cologne  (29  juillet  1 76 1)  ;  plusieurs  symphonies 
périodiques,  dont  six  de  Canabick  [Cannabich]  qui  "  sont  les 
meilleures  que  ce  célèbre  compositeur  ait  faites  "  (10  novembre 
1762)  ;  des  symphonies  à  quatre  de  Van  Malder  (4  juillet  1764)  ; 
six  symphonies  d'Abel  (22  août  1764).  Enfin  on  voit  annoncer,  le 
13  février  1765,  "  les  grandes  symphonies  de  Gossec  ",  et,  le  22 
mai  1766,  "  quatre  vingt  sept  œuvres  de  symphonie  et  quatuor  de 
Bodé,  Beck,  Bach  (1),  Cirri,  Cannabich,  Filtz,  Fraenzel,  Gossec, 
Hoffmann,  Hassel,  Hayden,  Hechtki,  Holtzbauer,  Piccini,  Pfeiffer, 
Roefer,  Richter,  Stumpff,  Schewindl,  Néman,  Sarti,  Stamitz, 
Toeschi,  Stephan  etc  ". 

C'est  en  1763  aussi  que  nous  pouvons  relever  l'apparition 
des  clarinettes.  Peut-être  furent-elles  introduites  à  l'occasion  des 
symphonies  nouvelles  dans  l'orchestre  lyonnais  où  elles  avaient  été 
jusqu'alors  ignorées  :  elles  y  auraient  été  du  reste  inutiles,  car,  si 
elles  apparurent  dès  1751  dans  X Acanthe  et  Céphise  de  Rameau, 
elles  ne  prirent  vraiment  place  dans  l'instrumentation  moderne 
qu'avec  les  symphonies  de  Stamitz,  jouées  à  Paris  à  partir  de 
l'année  1754,  ainsi  que  l'a  encore  montré  M.  Brenet.  Dans  les 
programmes  de  Lyon,  les  clarinettes  sont  signalées  pour  la  pre- 
mière fois  au  concert  du  6  juillet  1763,  pendant  lequel  on  joua 
"  plusieurs  morceaux  de  symphonie  avec  des  Duos  de  clarinet.  "  (2) 

(1)  Le  nom  de  Bach  parut  à  Lyon  pour  la  première  fois  dans  les  Petites  Affiches 
du  27  août  1764  :  les  frères  Le  Goux  annonçaient  alors  "six  trio  pour  le  clavecin, 
un  violon  et  une  basse  de  Bach  "  au  prix  de  neuf  livres.  Nous  avons  encore  relevé, 
dans  la  même  publication,  le  nom  de  Bach  désignant  Jean-Sébastien  ou  ses  fils  :  le 
22  mai  1766,  trio  de  Bach,  et  pièces  de  clavecin  de  Bach  Frïschmuth  (chez  Le  Goux); 
le  13  juillet  1768,  "  sonates  pour  le  Piano-forte  de  Bach  "  (chez  Castaud);  28  juillet 
1768,  "symphonies  de  J.Bach  (chez  Serrière)  ;  le  20  septembre  1769,  "  6e  sym- 
phonie de  Bach  "  (chez  Castaud).  Enfin,  comme  nous  le  verrons  plus  loin,  on  exécuta 
au  Concert,  le  17  janvier  1770,  Dixit  Dominus,  motet  à  grand  choeur  de  Chrétien 
Bach. 

(2)  Le  1 1  juillet  1764,  les  frères  Le  Goux  annoncèrent  dans  les  "Petites  Affiches 
la  mise  en  vente  d'un  Essai  a" instruction  pour  les  clarinettes  et  pour  les  cors,  de  Roefer. 


Partie     AU    DIX-HUITIEME    SIECLE        115 

Quelques  virtuoses  se  font  entendre  aussi  au  cours  des  séances  le  concert 
de  l'Académie   des   Beaux-Arts.    Un    artiste  anonyme,  le  30  mai  DE  l7S9  A 
et  le  29  août  1764,  fait  entendre  sur  la  harpe  un   concerto  et  plu-  l7 
sieurs  morceaux  de  sa  composition  ;  un  autre,  également  anonyme, 
"   haute-contre   des    Concerts   du    Prince   de   Conti  ",  prête    son 
concours  à  l'exécution    de  quelques    grandes    œuvres,    et,   le   25 
juillet    1764,  chante  plusieurs  ariettes  avec   accompagnement   de 
guitare.   Un  violoniste  enfin,  qui  possédait  l'art    de    ne   pas  pas- 
ser   inaperçu,    se  fit  entendre  trois  fois  en  1764  dans  une  sonate 
et    des    concertos    de    sa    composition.    Celui-là    "  nouvellement 
arrivé  ",    dont   le  nom  n'est   pourtant    pas   indiqué   sur   les   pro- 
grammes,  est  facile  à    reconnaître  :   c'est    Brijon    que   M.    de   la 
Laurencie,  dans   son   ouvrage  sur  le   Concert  de  Nantes,  a  mis  en 
vedette. 

Brijon,  d'après  Fétis,  serait  né  et  aurait  vécu  à  Lyon.  Il  fut 
certainement  un  peu  nomade  ;  il  était  installé  à  Paris  en  1761,  et 
jouait  à  Nantes  en  1763.  Il  arriva  ou  revint  à  Lyon  vers  le  mois 
d'avril  1764,  et  aussitôt  il  inonda  le  seul  journal  lyonnais,  de  ses 
réclames  et  prospectus.  Plusieurs  fois  par  an,  il  vante  dans  les 
Petites  Affiches  les  Réflexions  sur  la  musique  et  la  "vraie  manière  de 
l'exécuter  sur  le  violon  qu'il  avait  publiées  deux  ans  auparavant  à 
Paris  et  qui,  d'après  lui,  constituaient  "  l'ouvrage  le  plus  complet 
qui  ait  encore  paru  dans  son  genre  ".  Il  vante  son  expérience,  car 
il  "  a  beaucoup  voyagé  ",  et  se  fait  fort,  en  trois  mois,  de  rendre 
les  amateurs  "  capables  d'amuser  dans  les  différents  morceaux  qu'ils 
joueront,  faute  de  quoi,  il  ne  prétend  à  aucun  honoraire  ".  Il  loue 
aussi  ses  compositions  :  "  romances  et  menuets  agréables  et  quel- 
ques airs  aussi  variés  "  qu'il  faisait  paraître  par  feuille  périodique 
pour  violon  et  pardessus  de  viole,  avec  une  "  basse  arbitraire  "  ; 
chansons,  "  dont  la  musique  est  travaillée  suivant  les  idées  qu'il 
a  sur  cet  art  "  ;  "  Vers  à  la  louange  du  Roi  (1767),  distribués  dans 
cette  ville  à  l'occasion  de  la  musique  exécutée  le  jour  de  Sfc  Louis 
dans  l'Eglise  de  l'Abbaye  Royale  de  S*  Pierre  "  ;  l'auteur  s'était 
"  attaché  à  caractériser  les  paroles  et  en  exprimer  l'action  ;...  la 
symphonie  en  était  brillante  ainsi  que  les  accompagnements  dans 


Il6  LA     MUSIQUE     A     LYON  Première 

le  concert  beaucoup  d'endroits,  et  l'harmonie  des  plus  complètes  "  (i).  Nous 

de   1759  a  verrons  dans  la  seconde  partie  de  ce  volume  que  Brijon  rechercha 

l'  l'approbation  de  l'Académie  des  Sciences,  Belles-Lettres  et  Arts  de 

Lyon    pour    une    théorie   personnelle    et    une   de   ses    inventions, 

Patiril/ette,  "  instrument  propre  à  cultiver  l'oreille  des  enfants.  " 

Un  événement  très  important  fut  l'installation  d'un  orgue 
dans  la  salle  de  concert.  Nous  ne  savons  pas  de  façon  certaine  quelle 
était  la  composition  de  l'instrument  acquis  par  l'Académie,  mais 
nous  avions  cru  d'abord  pouvoir  le  supposer  grâce  aux  précieuses 
Petites  Affiches.  En  1763,  le  16  et  le  30  mars,  paraissait  l'offre  d'une 
"  Orgue  à  vendre  composée  de  huit  jeux,  savoir  d'un  cornet,  d'une 
flûte,  d'une  flûte  allemande,  D.  [dessus  de]  Bourdon,  Cromorne, 
B.  [basse]  de  Tierce,  B.  de  Nazard,  B.  de  Bourdon,  deux  claviers 
et  une  montre.  "  Les  amateurs  devaient  "  s'adresser  à  Mme  Lobreau 
[directrice  du  Grand  Théâtre]  qui  la  fera  voir  et  conviendra  du 
prix,  à  l'Hôtel  de  la  Comédie.  "  Cette  annonce  disparut  ensuite 
jusqu'au  22  juin,  date  après  laquelle  elle  reparaît  sans  cesse.  Or,  le 
20  avril,  l'Académie  annonce  un  concerto  d'orgue,  et  n'en  fait  plus 
entendre  jusqu'au  9  mai  de  l'année  suivante.  On  serait  porté  à 
croire  que  le  méchant  orgue  du  théâtre,  fut  pris  à  l'essai  par 
le  Concert,  puis  abandonné,  et  enfin  repris  en  1764.  Cette  hypothèse 
semblerait  d'autant  plus  vraisemblable  que  la  Société  musicale,  en 
raison  du  fâcheux  état  de  ses  finances,  ne  pouvait  s'offrir  qu'un 
très  médiocre  instrument,  propre  sinon  "  à  embellir  le  spectacle  ", 
du  moins  à  "  fortifier  l'accompagnement  "  selon  les  expressions  du 
Mercure  de  Novembre  1748.  Mais  nous  verrons  tout-à-1'heure,  en 
parlant  du  premier  organiste  du  Concert,  que  ces  orgues,  utilisées 
cinq  fois  comme  instrument  soliste  au  cours  de  l'année  1 764,  appar- 
tenaient en  réalité  à  l'organiste  lui-même  qui  les  louait  à  la  Société 
moyennant  une  centaine  de  livres  par  an.  Elles  ne  furent  probable- 
ment acquises  définitivement  que  vers  177 1 . 

(i)  Affiches  de  Lyon,  11  avril,  25  juillet  1764  ;  15  mai,  9  octobre  1765  ;  12  mars 
1766  ;  2  juillet,  4  novembre,  25  décembre  1767  '•  26  octobre  1768  ;  22  août  1770  ; 
23  octobre  1 77 1. 


Partie     AU    DIX-HUITIÈME    SIÈCLE         117 

Le  5  septembre    1764,  les  Petites  Affiches  inséraient  le  corn-  le  concert 
muniqué  suivant  :  de  1759  a 

,  1768 

"  MM.  les  Officiers  du  Concert,  dont  le  zèle  ne  se  ralentit  point,  se 
flattent  de  rendre  à  l'avenir  cet  établissement  digne  de  la  seconde  ville  du 
royaume.  Le  soin  qu'ils  prennent  de  faire  former  à  leurs  frais  de  nouveaux 
sujets,  le  choix  qu'ils  feront  des  meilleurs  musiciens,  et  la  variété  qu'ils 
mettent  dans  les  nouveaux  morceaux,  répondront  sans  doute  comme  ils 
l'espèrent,  à  l'empressement  du  public  et  à  la  satisfaction  que  les  amateurs 
ont  sensiblement  montrée  depuis  quelque  temps  par  leur  assiduité.  " 

L'assiduité  des  amateurs  avait  été  toute  relative,  puisque  le 
budget  de  l'année  1764  fut  soldé  avec  un  déficit  de  plus  de 
deux  mille  livres,  reporté  au  budget  de  1765.  Cependant,  le  Ier  mai 
1765,  un  nouveau  communiqué  des  ^Petites  Affiches  annonçait  que 
"  les  Officiers  du  Concert,  empressés  de  satisfaire  le  goût  du  public, 
ont  augmenté  le  nombre  des  Pensionnaires,  principalement  en  voix 
récitantes.  " 

Nous  connaissons  le  budget  du  Concert  pour  l'année  1765  ; 
c'est  le  seul  qui  ait  été  conservé  aux  Archives  Municipales. 

Les  recettes  s'élèvent  à  dix  mille  sept  cent  quatre-vingt  seize 
livres,  constituées  de  la  sorte  :  cinquante  quatre  académiciens 
payaient  cent  livres  ;  soixante-huit  payaient  soixante  livres.  Quel- 
ques amateurs,  désignés  nommément,  payaient  diverses  sommes  : 
Bourlier  père  et  fils,  cent  soixante  livres  ;  Duclaux  et  Granier  frères, 
cent-vingt  ;  Eschet  et  Stulbert,  Gaillard  et  Pourra,  Tournachon, 
cent-vingt  ;  les  frères  Imbert,  dont  l'un  devait  devenir  le  célèbre 
Imbert-Colomès  à  qui  le  pianiste  Clementi  au  cours  d'une  tournée 
à  Lyon,  en  1784,  causa  des  désagréments  familiaux,  cent  cinquante 
livres  ;  un  amateur,  trente-six  ;  de  Savy,  cinquante  ;  Couppier, 
quarante  livres,  comme  supplément  à  cause  de  son  mariage  ;  enfin 
le  duc  et  le  marquis  de  Villeroy,  continuant  la  tradition  de  leur 
famille,  versaient,  chaque  année,  l'un  trois  cent,  l'autre  cent  livres. 
Il  y  avait  donc  environ  cent  quarante  académiciens. 

En  tête  du  chapitre  des  dépenses,  figure  une  somme  de  deux 
mille  deux  cent  quatre  vingt  trois  livres  représentant  l'avance  faite 
par  le  comptable  en    1764.   La  dépense  de  l'année  s'élève  à  douze 


n8  LA    MUSIQUE    A    LYON        Première 

le  concert  mille  deux  cent  trente  huit  livres  pour  les  appointements  des  pen- 
de  1759  a  sionnaires  du  Concert,  dont  nous  verrons  le  détail,  plus  cent  soixante 
l7  douze  livres  remises  "  aux  arquebusiers  qui  ont  fait  la  garde  "  (cinq 

livres  par  séance),  et  neuf  cent  quatre-vingt  six  livres  de  frais  divers  : 
soixante  douze  livres  de  gratification  à  Chuppin  la  Guittonière 
"  à  l'occasion  de  la  remise  d'un  motet  de  sa  composition  qu'il  a 
faite  au  Concert  "  ;  cent  livres  à  l'organiste  pour  réparations  faites 
à  son  instrument  ;  quatre-vingt  quatorze  livres  à  Philippe  pour 
copie  de  musique  ;  quarante  six  livres  à  l'imprimeur  de  La  Roche  ; 
cinq  cent  quatorze  livres  de  fourniture  de  bougie  ;  vingt  huit  livres 
d'achat  de  musique  à  l'hoirie  de  Grenet,  l'ancien  maître  de  musique  ; 
divers  menus  frais. 

Le  détail  des  appointements  des  pensionnaires  est  fort  intéres- 
sant puisqu'il  nous  révèle  à  la  fois  l'état  des  artistes  engagés  par 
l'Académie  et  le  chiffre  de  leur  traitement. 

Les  chœurs  se  composent  seulement  de  sept  hommes  et  sept 
femmes  auxquels  il  faut  ajouter  sept  ou  huit  solistes  qui,  selon 
l'usage  d'autrefois,  se  joignent  aux  choristes  ordinaires.  Parmi  eux, 
nous  retrouvons  Philippe,  Drougeon,  Furin  père,  Castaud,  Colesse, 
les  demoiselles  Chartron  et  Chady.  Les  nouveaux  venus  sont 
la  Guillot  (rue  du  Bât  d'Argent)  dont  le  père,  professeur  de  violon, 
violoncelle,  pardessus  de  viole  et  vielle,  fait  partie  de  l'orchestre  de 
l'Académie  :  la  demoiselle  Hode  qui  fait  annoncer,  dans  les  ^Petites 
Affiches  du  10  août  1768,  qu'elle  "  enseigne  la  lecture,  l'orthographe, 
la  langue  française  et  les  principes  de  la  musique,  soit  à  la  ville, 
soit  à  la  campagne  "  ;  les  demoiselles  Barbiée,  Thierry,  dont  nous 
ne  savons  rien,  et  Genillon,  fille  sans  doute  d'un  professeur  de 
clavecin  et  facteur  d'instruments  de  Lyon  ;  parmi  les  hommes, 
Degot  et  Chaussonnet,  que  nous  ignorons  aussi.  Les  appointements 
de  ces  chanteurs  sont  peu  élevés  :  ils  reçoivent  douze,  quinze  ou 
dix  huit  livres  par  quartier,  c'est-à-dire  par  trimestre.  Les  mieux 
payés  sont  Degot  (vingt-quatre  livres),  Philippe  (trente),  et 
Colesse,  qui  doit  peut-être  à  son  âge  une  haute  paye  de  trente-sept 
livres  et  dix  sols. 

Comme  en  1757,  l'orchestre  comprend  vingt  instrumentistes 


Partie     AU    DIX-HUITIÈME    SIÈCLE         119 

Dans  le  tableau  de  la  troupe  se  trouvent  encore  les  frères  Leclair,  le  concert 
Giay,  Deloule,  Mathieu  Bellouard,  Loiseau,  Déroche,  Petit,  DE  T759  A 
Sambat,  Dilesius,  Guillot,  Sauge.  Les  remplaçants  des  musiciens  l' 
disparus  depuis  huit  ans  sont  Brijon  dont  nous  avons  longuement 
parlé,  les  violonistes  ou  altistes  Ducoin  et  Brun  père,  le  bassoniste 
Perrot  (place  de  la  Fromagerie  St.  Nizier),  professeur  de  basson, 
de  hautbois,  de  flûte,  de  vielle  et  de  tympanon,  professeur  aussi 
de  solfège,  qui,  d'après  les  Petites  Affiches  du  5  mars  1767,  "ne 
reçoit  le  prix  de  ses  leçons  qu'après  six  mois  et  une  réussite 
prouvée  "  ;  Furin  fils,  également  bassoniste  ;  Capelle  (place  des 
Carmes),  qui  a  remplacé  Rousset  comme  flûtiste  et  hautboïste  ; 
Marbre,  et  les  frères  Moine.  Leurs  appointements  varient  de  six 
livres  ou  de  neuf  livres  sept  sols  et  six  deniers,  à  vingt-cinq  livres 
par  quartier.  Les  mieux  payés  sont  les  frères  Leclair  dont  les 
traitements  réunis  s'élèvent  à  cent  cinquante  livres.  Certains,  il  est 
vrai,  touchent  davantage,  comme  Petit  et  Moine  cadet,  dont  la 
pension  est  de  quatre  cent  cinquante  livres  par  an,  mais  ceux-là 
doivent  remplir,  en  dehors  de  l'orchestre,  d'importantes  fonctions 
administratives.  Le  corniste  Dilesius  est  aussi  parmi  les  plus  favo- 
risés :  c'est  qu'il  était  en  vedette  grâce  aux  symphonies  modernes 
"  à  cors  de  chasse.  " 

A  ces  pensionnaires  se  joignent  quelques  artistes  supplémen- 
taires :  le  guitariste  Latour,  employé  à  la  Comédie  et  au  Concert  ; 
le  chanteur  et  violoncelliste  Duval,  du  Grand-Théâtre  ;  Devert  qui 
joue  du  cor  de  chasse  ;  les  chanteurs  Guichard  et  Rainé  ;  le 
violoncelliste  Tangui  Frémont  ;  d'autres  encore  dont  nous  ne 
connaissons  que  le  nom,  tels  que  Jobert,  Foinon,  Gerberon, 
Calmont,  Tilliaire  (1). 

Enfin,  voici  les  chefs  d'emploi  :  Mme  Valdahon  (deux  cents 
livres),  Mme  Charpentier,  peut-être  l'épouse  de  l'organiste  que 
nous  signalerons  plus  loin  (2),  et  qui  fit  partie  en  1775  des  pen- 
sionnaires du  Concert  Spirituel  de  Paris  ;  la  haute-contre  Itasse  et 
sa  femme  ;  les  basse-taille  Desormery   et   Warin  ;    les   demoiselles 

(1)  Peut-être  ce  dernier  était-il  J.  B.  Tillière,  violoncelliste,  cité  par  Fétis. 

(2)  Dans  ce  cas  son  nom  serait  Marie  Bevol  (Reg.  par.  de  St.  Paul,  4  juill.  1766). 


120  LA     MUSIQUE     A     LYON  Premier* 

le  concert  Fargues  et  Wrier.  La  Wrier  est  une  Lyonnaise,  professeur  rue 
de  1759  a  S*  Jean.  Les  Itasse,  Warin  et  Desormery  devaient  plus  tard  se 
l7  faire  connaître  à  Paris. 

Itasse,  dont  le  traitement  s'élève  à  trois  cents  livres  par  tri- 
mestre, arrive  à  Lyon  à  la  fin  d'avril  1765,  et  reçoit  une  indemnité 
de  cent  vingt  livres  pour  frais  de  voyage  ;  il  s'installe  rue  Ecor- 
chebeuf,  débute  le  iermai,  dans  les  Talents  Lyriques  de  Rameau,  et 
fait  annoncer  presque  aussitôt  dans  les  Petites  Affiches:  "  M.  Itasse, 
des  Académies  royales  de  musique  de  France  et  de  l'Académie  des 
Beaux-Arts  de  Lyon,  avertit  le  public  qu'il  commence  à  donner 
chez  lui  et  en  ville,  des  leçons  de  guitare  et  de  musique  pour  le 
goût  du  chant.  "  Il  n'est  vraisemblablement  autre  que  ce  Jean 
Itasse  qui,  en  1754,  vient  de  Laon  pour  chanter  au  Concert  de 
Nantes  (1).  Il  se  fit  connaître  comme  compositeur  ainsi  que  nous 
le  verrons,  et  dut  se  trouver  satisfait  du  public  lyonnais,  puisqu'il 
fit  engager  au  Concert  sa  femme  dont  les  débuts  eurent  lieu  le 
1 8  décembre.  L'un  et  l'autre  quittèrent  plus  tard  la  province  pour 
la  capitale,  et  firent  partie,  en  1775  et  en  1778,  des  chœurs  de 
l'Opéra  et  du  Concert  Spirituel. 

Desormery,  ancien  musicien  de  cathédrale,  était,  en  1769, 
comédien  à  Strasbourg,  lorsqu'il  obtint  le  prix  dans  un  concours 
de  motets  organisé  par  le  Concert  Spirituel  de  Paris  (2).  Chanteur 
à  ce  concert  à  partir  de  1775,  il  fournit  une  certaine  quantité  de 
musique  latine.  A  Lyon,  au  cours  de  son  engagement,  il  préluda  à 
ses  succès  parisiens  en  faisant  exécuter  le  12  juin  1765,  un  Laudate 
pueri  à  grand  chœur  et  symphonie.  Ses  appointements  étaient  de 
deux  cents  livres  par  quartier. 

Warin  était  une  basse-taille  qui  débuta  à  l'Opéra  de  Paris  en 
décembre  1762,  après  avoir  chanté  à  Bordeaux  (3)  Il  faisait  suivre 
son  nom   de  l'indication  :  "  de  l'Académie  royale  de  musique  de 

(1)  De  la  laurencie,  Le  Concert  de  Nantes,  p.  140. 

(2)  V.  M.  Brenet,  les  Concerts  en  France,  p.  287.  Il  fut  très  souvent  question 
de  Desormery  dans  le  {Mercure  de  1770  à  1778,  le  "Journal  de  Taris,  en  1784  et 
1785,  la  Correspondance  littéraire  de  Grimm...  en  1775»  I77D  et  T 7 7 7- 

(3)  {Mercure,  janvier  17  63,  I,  p.  161. 


Partie       AU     DIX-HUITIEME     SIECLE  121 

Paris..  "  Comme  Desormery,  il  devait  se  produire  comme  composi-  le  concert 
tion  à  Lyon,  puis  à  Paris.  Ses  appointements  s'élevaient  à  cent  livres  DE  *759  A 
par  mois,  et  il  avait   reçu  cent  vingt  livres  pour  frais  de  voyage.   l~ 
Il  débuta  au   Concert  le    13   février  1765.   Comme  son    collègue 
Itasse,  il  enseignait  aussi  la  guitare. 

Le  maître  de  musique  était  encore,  au  début  de  l'année, 
André-Louis  Le  Goux  qui  mourut  le  25  avril.  Son  frère  cadet 
Claude,  lui  succéda  aussitôt.  L'un  et  l'autre  reçurent  successive- 
ment, comme  directeurs  de  l'orchestre  et  des  chœurs,  une  pension 
annuelle  de  quatre  cent  cinquante  livres. 

A  leur  pension,  certains  de  ces  musiciens  pouvaient  ajouter 
des  appointements  supplémentaires  en  donnant  des  leçons  aux 
quelques  élèves  du  Concert.  En  effet,  et  ceci  est  un  détail  qui  a 
échappé  aux  historiographes  du  Conservatoire  de  Lyon,  l'Aca- 
démie avait  fondé  une  sorte  de  petite  école  de  musique  pour  former 
à  ses  frais  de  nouveaux  sujets,  ainsi  d'ailleurs  que  l'indiquait  la  note 
des  ^Petites  Affiches  du  5  septembre  1764,  que  nous  avons  repro- 
duite. Les  professeurs,  en  1765,  étaient  les  Le  Goux,  Desormery, 
la  demoiselle  Fargues,  et  Drougeon  ;  leurs  élèves  étaient  les 
demoiselles  Michel,  Grandon,  Bonnet,  Lacombe,  et  le  sieur 
Nicolas,  qui  devaient  débuter  plus  tard  et  devenir  les  solistes  des 
années  suivantes.  Les  professeurs  recevaient,  par  élève  et  par  mois, 
huit,  douze  ou  vingt-quatre  livres.  Au  mois  de  septembre  1765, 
les  professeurs  chargés  de  former  des  élèves  pour  l'Académie  étaient 
Warin  et  Le  Goux.  (1) 

Nous  n'avons  pas  encore  présenté  un  musicien  récemment 
entré  dans  la  troupe  du  Concert,  et  dont  l'importance  devait 
grandir  chaque  jour  ;  nous  voulons  parler  de  l'organiste  de 
l'Académie,  Beauvarlet,  plus  connu  sous  le  nom  de  Charpentier. 
Jean-Jacques  Beauvarlet  dit  Charpentier,  originaire  d'Abbeville, 
d'après  Fétis,  était  le  fils  de  Jean-Baptiste  Beauvarlet-Charpentier, 
organiste  et  faiseur  d'instruments,  qui  mourut  à  Lyon  le  7  janvier 
1763,  âgé  d'environ   cinquante  ans  (2).  Le  père   ou   le  fils   était 

(1)  T 'eûtes  Affiches,  du  1 1  septembre  1765. 

(2)  Registres  paroissiaux  de  Sfc  Paul. 


122  LA     MUSIQUE     A     LYON  Première 

le  concert  organiste  à  la  Charité  en  1761  (1).  Jean-Jacques  Charpentier  était 
de  1759  a  tout  désigné  pour  occuper  les  mêmes  fonctions  à  l'Académie, 
puisqu'il  s'était  fait  entendre  sur  l'orgue  au  Concert  Spirituel  de 
Paris  en  1759.  A  Lyon,  il  recevait  cent  cinquante  livres  par  an, 
plus  trente  et  une  livres  par  trimestre  "  pour  loyer  de  l'orgue  et  du 
souffleur  ",  ce  qui  nous  montre  que  l'organiste  avait  fourni  lui- 
même  son  instrument.  Cela  n'est  pas  étonnant,  puisque  sa  mère, 
trois  mois  après  la  mort  de  Jean-Baptiste  Charpentier,  faisait 
annoncer,  dans  les  ^Petites  Affiches  du  20  avril  1763,  que  la  veuve 
Charpentier  cherchait  à  vendre  "  un  fonds  d'instruments  tels  que 
clavessins,  violons,  basses,  pardessus  de  viole,  tympanons  et  autres, 
tant  faits  que  prêts  à  faire  et  tous  les  outils  nécessaires  à  la  facture 
des  instruments  ".  Charpentier,  d'ailleurs,  n'ignorait  pas  la  facture 
instrumentale  :  en  1765,  il  reçut  cent  livres  pour  réparations 
faites  à  l'orgue.  Charpentier,  pendant  son  séjour  à  Lyon,  qui  se 
prolongea  au  moins  depuis  1761,  et  jusqu'en  1771,  habita  quai 
S*  Antoine,  rue  de  Flandres,  puis  rue  Buisson  et  place  des  Corde- 
liers  (2).  Dès  1769,  il  publia  un  "Nouveau  recueil  d'ariettes 
d'opéra-bouffons,  arrangées  pour  le  clavecin  ",  qu'il  fit  annoncer 
dans  les  'Petites  Affiches  du  26  juillet. 

En  1765,  l'orgue  de  l'Académie  ne  servit  guère  qu'aux 
accompagnements,  et  l'on  entendit  deux  fois  seulement,  le  3  et  le 
1 8  décembre,  de  ces  concertos  d'orgue  dont  le  Concert  Spirituel 
de  Paris  avait  lancé  la  mode  en  1755  :  les  deux  concertos  étaient 
de  la  composition  de  Charpentier  lui-même,  et  celui  du  3  décembre 
était  avec  accompagnement  de  cor  de  chasse  (par  M.  Devers, 
"  virtuoso  ")  et  de  grande  symphonie.  L'année  suivante,  l'organiste 
se  fit  entendre  encore  sept  ou  huit  fois  dans  ses  œuvres  :  le 
16  juillet,  il  joua  successivement  l'ouverture  du  Maître  en  droit  de 
Monsigny,  une  ariette  et  une  pièce  originale  ;  le  25  décembre, 
un  "  concerto  de  Noël  ". 

L'administration  de  l'Académie  n'avait  pas  tort  de  vanter  la 

(1)  Arch.  de  la  Charité.  E.  1400. 

(2)  En    1766,   le    4  juillet,    naquit  son    fils,   Jacques-Marie,   qui    devint    aussi 
organiste  à  Paris  (Registres  paroissiaux  de  S1  Nizier). 


Partie     AU    DIX-HUITIÈME    SIÈCLE        123 

variété  des  œuvres  nouvelles  qu'elle  inscrivait  à  ses  programmes,   le  concert 

Au  fonds  de  son  répertoire,  toujours  composé  d'opéras  en   extraits  DE  l759  A 

de  Rameau,   Mondonville,  Debury,  La  Garde,  des  ancêtres  Cam-  l7 

pra  et  Destouches,  et  des  motets  de  La  Lande  et  de  Mondonville, 

s'ajoutent  peu  de  grandes  œuvres   nouvelles.   On   présente  parfois 

des  pièces  peu  récentes  en  termes  impressionnants  :  ainsi  l'on  parle 

de  Zaïde  "  par  feu  M.  Royer,  dont  la  Chasse  est  le  chef  d 'œuvre 

de   la   musique    dans   ce   genre  ".   Pas   d'opéras   nouveaux,  quatre 

motets  inédits  seulement,  mais  un  nombre  considérable  de  cantates, 

de  cantatilles,  de  symphonies  et  surtout  d'ariettes  de  toutes  sortes. 

La  plupart  sont  fournis  par  les  pensionnaires  de  l'Académie. 

On  chante  successivement  Regina  cœli  de  Chupin  de  la  Gui- 
tonnière,  qui  reçoit  à  cette  occasion  une  gratification  de  soixante- 
douze  livres  ;  Laudate  pueri  de  Desormery  ;  Coronate  flores  à  voix 
seule  de  Le  Febvre  ;  et,  le  17  juillet,  "  un  motet  à  voix  seule  et 
grande  symphonie  de  Le  Breton,  maître  de  musique  de  l'Opéra  de 
Paris,  exécuté  par  M.  Warin  pour  qui  il  a  été  composé  ". 

Pluie  d'ariettes  de  toutes  sortes,  dues  à  Trial,  à  Royer,  ou 
extraites  d'opéras,  comme  le  Rossignol  à'Hippolyte  et  Aricie  et,  le 
plus  souvent,  annoncées  sans  nom  d'auteur.  De  même,  pour  les 
symphonies  ;  les  programmes  annoncent,  diverses  fois,  sans  autre 
détail  :  "  Plusieurs  morceaux  de  symphonie  avec  cors  et  timbales, 
et  plusieurs  ariettes  détachées  ".  Les  œuvres  de  Stamitz  paraissent 
fréquemment  ;  le  30  janvier  1765,  on  joue  "une  grande  symphonie 
de  M.  Leclair,  Ier  violon  du  Concert";  le  Ier  mai,  c'est  une 
symphonie  de  Gosset,  c'est-à-dire  de  Gossec.  Des  cantatilles  de 
Le  Breton  et  de  Bailleux  (le  'Prix  de  la  Beauté)  auxquelles  on 
ajoute  comme  conclusion  la  chaconne  des  Indes  Galantes.  Et 
encore  des  œuvres  lyonnaises  :  Itasse  chante  deux  fois  des  canta- 
tilles de  sa  composition  ;  Warin  se  prodigue  dans  ses  propres  ou- 
vrages ;  le  22  mai  il  chante  une  cantate  nouvelle  dédiée  à  la 
Marquise  de  Rochebaron  ;  le  3  juillet,  "  une  musette  de  sa  com- 
position qui  a  été  redemandée,  avec  une  ariette  italienne  ";  le 
21  août,  nouvelle  cantate,  dédiée  à  la  Duchesse  de  La  Roche- 
foucauld, qu'il  chante  avec  un  nommé   Pons  ;   le   2 1  août,  il  fait 


124  LA     MUSIQUE     A     LYON  Première 

le  concert  exécuter  un  motet  à  grand  chœur  dédié  au  Duc  de  Richelieu, 
de  1759  a  gouverneur  de  la  Guyanne.  Un  nom  illustre  paraît  aussi  sur  les 
programmes,  celui  de  J.  J.  Rousseau,  dont  M1Ie  Fargues  interprète, 
le  3  juillet,  la  cantate  de  la  Naissance  de  Vénus.  Et  l'Académie, 
enfin,  rend  hommage  à  la  mémoire  d'un  de  ses  anciens  chefs 
d'orchestre,  en  jouant,  le  9  janvier,  l'ouverture  du  Triomphe  de 
/'Harmonie,  de  Grenet. 

Pendant  cette  année  1765,  un  seul  virtuose  étranger  à  l'Aca- 
démie: c'est  "le  Signor  Schmid"  qui  occupe  à  lui  seul  un  concert 
presque  entier.  Il  parut  le  19  juin  ;  la  séance  débuta  et  fut  close 
par  des  "  symphonies  à  grande  orchestre  "  de  ce  compositeur  ; 
entre  les  deux,  "  le  célèbre  Virtuoso  "  joua  une  sonate  de  violon  et 
toucha  une  sonate  de  clavecin  de  sa  composition.  La  séance  fut 
complétée  par  des  ariettes  et  un  acte  d'opéra. 

La  liste  des  pensionnaires  de  l'Académie  pour  1766  nous  est 
donnée  fortuitement  par  les  'Petites  Affiches  du  20  août,  annonçant 
pour  la  Saint-Louis  une  grand  messe  en  musique  à  l'église  des 
Carmes.  Cette  messe  composée  par  Guichard,  haute-contre  du 
Concert,  fut  exécutée  sous  la  direction  de  Warin.  Dans  l'énuméra- 
tion  des  choristes  et  des  symphonistes  qui  prirent  part  à  cette  fête, 
nous  trouvons  les  vingt  chanteurs  et  la  vingtaine  d'instrumentistes 
du  Concert.  Les  choristes  sont  les  demoiselles  Chartron,  Barbier, 
Michel,  Mesplet,  Bonnet,  Grandon,  Hode  ;  les  hautes-contres 
Guichard,  Pons  et  Vidal  ;  les  hautes-tailles  Drougeon,  Bertin  et 
Meunier  ;  les  basses-tailles  Warin,  Bardet,  Rainé,  Lambert,  Nicolas, 
Sosonnet,  Colesse.  De  ceux-là,  nous  connaissons  déjà  les  demoiselles 
Michel,  Bonnet  et  Grandon  et  le  sieur  Nicolas,  élèves  du  Concert 
en  1765  ;  les  demoiselles  Chartron,  Barbier  et  Hode,  les  chanteurs 
Drougeon,  Guichard,  Warin,  Rainé,  Colesse.  Parmi  les  nouveaux 
choristes,  nous  avons  quelques  renseignements  sur  Pons  ou  Saint- 
Pons,  professeur  à  l'école  royale  militaire  de  Tournon,  et  qui 
enseignait  à  Lyon,  rue  S*  Dominique,  la  musique  vocale,  le  violon, 
la  flûte,  le  hautbois  par  des  procédés  aisés  et  faciles  ;  Vidal,  nou- 
vellement arrivé,  et  que  les  Petites  Affiches  du  4  juin  1766  désignent 
comme  "  ci-devant  haute-contre  du   Concert  et  de  la  Métropole 


Partie     AU   D I X  -  H  U IT I È  M  E    SIECLE        125 

d'Avignon  ";  Bertin,  vieux  professeur  de  musique  vocale  française,  le  concert 
habitant  rue  Mercière.  de  1759  a 

La  symphonie  est  composée  de  Carminati,  Serrière,  Janno  l7 
[Joannot],  Brijon,  Deloule,  Roche,  Fouquet,  Delisieux,  Furin, 
Lebrun,  Tauseany,  Grenier  fils,  Grenier,  Sambat,  Devert  et 
Delisieux.  Les  nouveaux  pensionnaires  sont  :  Serrière,  "  musicien 
de  la  Chambre  de  S.  A.  R.  l'Infant  dom  Ferdinand,  duc  de 
Parme",  qui  débuta  au  Concert,  le  19  février  1766,  dans  une 
sonate  de  violon,  et  qui  fit  annoncer,  dans  les  ^Petites  Affiches  du 
même  jour,  son  installation  à  Lyon  comme  professeur,  luthier  et 
marchand  de  musique  ;  Joannot  (rue  Sfc  Jean,  puis  rue  Désirée) 
professeur  de  musique  vocale,  de  violoncelle,  de  violon,  de  par- 
dessus de  viole  et  de  mandoline  ;  Tauseany  (rue  du  Bœuf),  maître 
de  luth,  de  guitare,  de  pardessus  de  viole  et  de  mandoline,  dont  les 
Petites  Affiches  du  28  décembre  1765  annoncent  aussi  la  récente 
arrivée  ;  Fouquet  (rue  des  SoufFetiers),  qui  enseigne  la  composition 
et  divers  instruments  ;  Lebrun  ;  enfin  les  Grenier,  père  et  fils,  qui 
sont  sans  doute  les  Granier  que  nous  avons  signalés  dans  la  troupe 
de  1757. 

En  dehors  de  ces  artistes,  les  programmes  du  Concert  nous 
indiquent  les  noms  de  Mlle  Veyron,  dont  les  débuts  eurent  lieu  le 
19  février  ;  de  Mme  Charpentier,  des  demoiselles  Guillot,  de 
S*  Marcel  qui  se  fit  entendre  deux  fois  en  s'accompagnant  sur  la 
guitare,  Vanier  du  Concert  de  Grenoble  ;  de  Mme  Itasse  ;  des 
chanteurs  Touvoix  et  Lobreau. 

Les  programmes  ressemblent  à  ceux  de  l'année  précédente  ; 
on  revient  pourtant  à  quelques  œuvres  anciennes  :  les  motets  de 
La  Lande  obtiennent  une  dizaine  d'exécutions,  et  l'on  exhume,  à 
la  demande  du  public,  la  fameuse  Messe  de  Gilles  dont  la  vogue 
avait  été  si  grande.  Le  nom  de  Campra  reparaît.  Rameau  conserve 
la  faveur,  et  l'on  annonce,  le  17  décembre,  le  premier  acte  de 
Castor  et  ^ollux  "  connu  par  le  succès  qu'il  a  eu,  l'hiver  dernier,  à 
Paris,  dont  on  donnera  périodiquement  les  autres  actes.  "  Le  succès 
accueille  toujours  "la  belle  chaconne"  de  Le  Breton.  Les  pension- 
naires de  l'Académie  ne  sont  pas  oubliés  :    Warin  fait  exécuter,  le 


126  LA     MUSIQUE     A     LYON  Première 

le  concert  iy  décembre,  un  divertissement   de   sa   composition  ;  et,  le  31  du 

de  1759  a  même  mois,  "  Mme  I tasse  chante  le  motet  à  voix  seule  de  la  com- 

l7  position  de  son  mari,  qu'elle  a  chanté  le  jour  de  la  Toussaint,  au 

Concert  Spirituel,  aux  Tuileries  ".  Le  Mercure  de  France ',  dans  son 

numéro   de   décembre    1766,   avait   parlé   avec   avantage  de  cette 

interprétation  donnée  à  Paris  par  Mme  Itasse  "  du  Concert  de  Lyon  ". 

Deux  virtuoses  violonistes,  de  l'Académie,  se  font  entendre 

souvent  :  Carminati  et  Serrière.  Ils  jouent  des  sonates,  des  concertos, 

des  solos  divers  avec  des  "  variations  en  sons  harmoniques  ".  Le 

18  juin,  on  entend  Devers  dans  un  concerto  de  cor  de  chasse.  Le 

19  novembre  "les  musiciens  du  corps  des  volontaires  de  Soubise 
exécutent  des  pièces  de  clarinettes  et  de  cors  de  chasse." 

L'année  1766  est  marquée  par  un  événement  sensationnel 
mais  tout-à-fait  oublié  :  nous  voulons  parler  d'un  concert  donnée 
par  Mozart.  Mozart  le  père  poursuivait  alors  un  voyage  artistique, 
au  cours  duquel  il  présentait  ses  deux  enfants,  Anne  et  Wolfgang, 
comme  clavecinistes  (1).  La  famille  Mozart  passa  quatre  semaines 
dans  notre  ville  (2),  et  y  donna  vraisemblablement  plusieurs  audi- 
tions. La  seule  trace  qui  soit  restée  de  ces  concerts  est  cette  note 
des  Petites  Affiches  du  1 3  août,  annonçant  que,  entre  un  acte  de 
de  Bury  et  un  acte  de  Rameau,  "M.  J.  G.  Wolfgang  Mozart, 
enfant  de  neuf  ans,  compositeur  et  maître  de  musique,  exécutera 
plusieurs  pièces  de  clavessin  seul  ".  Ce  passage  du  jeune  Mozart, 
âgé  en  réalité  de  dix  ans  et  demi,  n'avait  pas  encore  été  signalé. 
Peut-on  en  conclure  que  le  futur  grand  musicien  n'avait  pas 
produit  sur  les  Lyonnais  une  forte  impression  ?... 

En  1767,  nous  retrouvons,  parmi  les  solistes  les  demoiselles 
Vannier,  Guillot,  Michel,  Mme  Charpentier,  la  basse  Warin.  Ce 
dernier  ne  chante  que  deux  ou  trois  fois  :  sans  doute,  il  n'est  à 
Lyon  qu'  "  en  représentations  "  car  Y Almanach  parisien  de  cette 
année  indique  qu'il  habite  Paris,  qu'il  fait  partie  de  l'Opéra,  et 

(1)  V.  A.  Kling,   (Mozart  (tirage  à  part  de  la  Fédération  artistique  de  Bruxelles, 
1904). 

(2)  Lettre   de   Mozart  le  père,   datée   de   Munich,    16  novembre  1766  :    "  A 
Lyon,  nous  nous  arrêtâmes  quatre  semaines...  " 


Partie     AU    DIX-HUITIÈME    SIECLE        127 

qu'on  le  considère  comme  un  des  maîtres  les  plus  célèbres.  A  ces  le  concert 
artistes  connus  s'adjoignent  les  demoiselles  Jonvaux  et  de  Montbrun  DE  x759  A 
ou  de  Montbran,  "première  cantatrice  du  Concert  de  Besançon"(i)  ;   *7 
"  la  première  cantatrice  du  Roi  d'Angleterre  "  dont  le  nom  n'est 
pas  cité,  et  qui  chante  le  22  juillet;  le  sieur  Michel,  basse-taille  du 
Concert  de  Montpellier  ;   un  nommé   Fargues,   qui  débute  le  25 
novembre.    Deux   virtuoses   connus   qui    voyageaient  ensemble,  le 
violoniste  Manfredi  et  le  violoncelliste  Boccherini,  jouent  l'un  et 
l'autre,  au  Concert  du   25  novembre,  des  sonates  de  leur   com- 
position. 

A  cette  époque,  l'intérêt  musical  des  séances  diminue  de  façon 
très  sensible.  Faute  d'argent,  on  n'acquiert  plus  de  partitions 
nouvelles,  et  l'on  se  contente  du  vieux  fonds  des  opéras  et  des 
motets.  Les  ariettes  détachées  dominent  toujours,  les  ariettes 
italiennes  surtout,  représentant  la  musique  d'outre-monts,  dont  les 
grandes  œuvres  semblent  avoir  toujours  été  bannies  du  Concert  de 
Lyon.  Le  nationalisme  musical  des  Lyonnais  faisait  ainsi  de  petites 
concessions  à  un  art  officiellement  abhorré.  Charpentier  lui-même 
abandonne  peu  à  peu  les  concertos  d'orgue  pour  faire  entendre  sur 
son  grave  instrument  quelques-unes  de  ces  ariettes  variées,  extraites 
d'opéras  à  la  mode,  qu'il  arrangeait  pour  le  clavecin.  Et  nous  nous 
trouvons  ici  en  face  d'un  phénomène  constant  dans  l'histoire  des 
sociétés  de  concerts  :  le  public  se  dégoûte  progressivement  de  la 
musique,  et  n'aime  plus  que  la  virtuosité  ;  le  sport  instrumental 
étouffe  l'art.  En  même  temps,  les  recettes  fléchissent,  car  le  nombre 
des  auditeurs  diminue  lorsque  quelque  grande  vedette  n'est  pas 
annoncée  :  les  organisateurs  des  séances  s'efforcent  alors  de  décou- 
vrir chaque  semaine  de  nouveaux  prodiges.  Cercle  vicieux  :  les 
frais  d'exploitation  augmentent  et  les  amateurs  s'éloignent  de  plus 
en  plus. 

Les  Officiers  du  Concert  se  trouvent  chaque  jour  en  face  de 

(1)  En  1762,  une  dame  Montbrun  était  la  première  cantatrice  de  l'Académie 
d'Orléans  où  elle  touchait  douze  cents  livres  par  an  (Archives  départementales  du 
Loiret.  Cf.  l'article  de  Leroy  et  Herluison  dans  le  bulletin  de  la  Réunion  des  Stés  des 
B.  A.  des  départ.  XXI,  p.  788.) 


128  LA     MUSIQUE     A     LYON  Première 

le  concert  nouvelles  difficultés  financières  et  des  dettes  qui  s'accumulent.  Ils 
de  1759  a  s'efforcent  de  trouver  des  expédients.  Aux  sollicitations  personnelles 
J7  auprès  des  Académiciens,  ils  joignent  l'action  par  la  publicité  des 

^Petite s  Affiches.  Le  Ier  mai  1765,  ils  avaient  déjà  décidé  "  de  rece- 
voir, en  tout  temps  de  l'année,  les  abonnements  qui  commenceront 
à  la  date  où  ils  auront  été  pris,  et  finiront  à  pareille  date  de 
l'année  suivante  ".  Le  22  janvier  1766,  nouvel  appel  aux  musiciens: 

"  Messieurs  les  Officiers  de  l'Académie  des  Beaux-Arts  du  Concert, 
toujours  animés  de  tout  ce  qui  peut  contribuer  à  la  plus  grande  perfection 
d'un  établissement  aussi  glorieux  qu'agréable  aux  Citoyens,  n'ont  rien 
épargné  pour  se  procurer  une  partie  de  l'Elite  des  sujets  du  royaume  ;  ils 
espèrent  augmenter  le  nombre  des  amateurs,  par  la  variété  des  concerts 
qu'ils  seront  en  état  de  donner,  en  y  faisant  exécuter  du  Français,  du  Latin 
et  de  l'Italien.  Ils  invitent  en  conséquence  ceux  qui  voudraient  s'abonner, 
de  se  présenter  avant  la  fin  du  mois,  terme  fixé  pour  la  clôture  des 
abonnements.  " 

La  fin  de  ce  communiqué  nous  révèle  que  les  Lyonnais 
recherchaient,  dès  le  xvnr9  siècle,  la  musique  gratuite:  les  Officiers 
de  l'Académie  signalaient  leur  intention  "  d'éviter  les  entrées 
proscrites  qui  se  multiplient  chaque  jour.  " 

L'année  suivante,  le  2 1  janvier,  note  non  moins  pressante  : 

"  Sur  les  représentations  qui  ont  été  faites  par  le  plus  grand  nombre 
des  abonnés,  à  l'Académie  des  Beaux-Arts  du  Concert  de  Lyon,  que 
plusieurs  particuliers  dont  la  famille  est  domiciliée  dans  cette  ville,  et  qui 
annuellement  y  passent  plusieurs  mois,  viennent  constamment  partager  les 
plaisirs,  sans  vouloir  participer  aux  charges,  les  directeurs  et  officiers  de 
cette  Académie,  jaloux  d'accroître  le  nombre  des  membres  et  de  faciliter  à 
ceux  des  citoyens  que  leur  état  oblige  à  une  absence  annuelle,  les  moyens 
d'en  jouir  pendant  leur  séjour,  ont  délibéré  de  recevoir,  des  personnes 
désignées  ci-dessus  seulement,  des  abonnements  pour  la  demi-année,  et  la 
moitié  du  prix  ordinaire  ;  en  faveur  desquelles  dans  le  cas  où  on  donnerait 
dans  la  salle  du  Concert  un  grand  bal  de  nuit,  ils  seront  réputés  Chevaliers, 
et  auront  part  à  la  distribution  des  billets,  pour  y  faire  entrer  des  personnes 
qui  ne  sont  pas  admises.  " 

On  le  voit,  pour  attirer  les  amateurs  réfractaires,  les  Officiers 
du   Concert  oublient  leur  traité  de    1724,  par  lequel  ils  s'étaient 


Partie     AU    D I X  -  H  U IT I E  M  E    SIECLE        129 

engagés  à  ne  pas  donner  dans  leur  hôtel  des  spectacles  profanes  et  LE  concert 
des  bals.  Etrange  idée  que  de  vouloir  organiser  des  bals  réservés  DE  x 759  A 
aux  abonnés  d'une  Académie  musicale  !  Les  bals  cependant  eurent  l' 
lieu,  tantôt  la  nuit,  tantôt  le  soir,  et  furent  annoncés  dans  les  Petites 
Affiches,  du  4  janvier  1769,  du  31  janvier  1770,  du  30  décembre 
1772,  à  diverses  reprises  en  177 1  (1).  Ces  fêtes  mondaines  ne  suf- 
firent pas.  L'Académie  dut  user  d'autres  expédients.  Dans  l'assemblée 
du  23  juin  1767,  on  décida  d'organiser  l'abonnement  par  loterie  de 
la  façon  suivante  :  les  abonnements  aux  séances  académiques 
n'eurent  lieu  que  par  billets  de  loterie  ;  on  émit  six  cents  billets  à 
trente-six  livres,  chaque  billet  donnant  droit  d'entrée  pendant  un 
an  ;  sur  les  six  cents  billets,  cent  lots  gagnant  l'abonnement  de 
l'année  suivante.  Un  prospectus  expliquant  cette  combinaison  fut 
imprimé  et  encarté  dans  le  numéro  des  ^Petites  Affiches  du  23  juin 
1767.  L'ouverture  de  la  loterie  était  fixée  au  15  juillet.  Le  résultat 
fut  médiocre  :  au  mois  de  décembre,  les  billets  n'étaient  pas  tous 
souscrits,  et  les  Officiers,  dans  les  'Petites  Affiches  du  2  décembre, 
durent  faire  un  "  nouvel  appel  aux  citoyens  pour  le  soutien  d'un 
établissement  qui  fait  honneur  à  la  Ville,  et  qui  lui  procure  des 
Maîtres  dans  un  art  agréable  et  nécessaire  à  l'éducation  de  la  jeu- 
nesse. "  L'expérience  fut  pourtant  renouvelée  l'année  suivante. 
Dans  leur  nouveau  prospectus,  les  Officiers  annonçaient  leur  inten- 
tion "  de  prévenir  les  entrées  abusives  devenues  trop  faciles  et 
trop  multipliées,  et  qui  ont  porté  un  préjudice  considérable  à 
l'Académie.  "  Les  personnes  qui  croyaient  être  dans  le  cas  d'entrer 
au  Concert  sans  s'abonner,  étaient  invitées  à  se  faire  inscrire  chez 
le  Directeur  ou  chez  les  Inspecteurs  de  la  Société  ;  quant  aux 
Etrangers,  ils  ne  devaient  être  reçus  gratuitement  que  pendant  un 
mois  ;  après  cette  période  ils  devaient  payer  un  droit  de  neuf  livres 
par  mois,  leur  donnant  droit  à  l'entrée  aux  "  danses  du  Car- 
naval (1)  " 

(1)  En   1771,  on  voit  l'annonce  de  bals  pour  les  lundi   21,   28  janvier,  4  et 
il  février,  23  décembre. 

(2)  Prospectus  imprimés  chez  Delaroche.  Arch.  mun.  Dossier  du  Concert. 


VIL 


Dernières  années  de  l'Académie   (1768- 1773) 


Au  milieu  de  ses  difficultés  financières,  l'Académie  des  Beaux- 
Arts  et  du  Concert  fit  une  grande  perte  :  Nicolas  Bergiron 
du  Fort  Michon  mourut  au  début  de  l'année  1768  (1),  à 
l'âge  de  soixante-dix  sept  ans.  Bergiron,  depuis  la  mort  de  son 
co-fondateur  de  l'Académie,  Jean- Pierre  Christin,  c'est-à-dire 
depuis  1755,  avait  rempli  sans  interruption  les  fonctions  de 
bibliothécaire  de  sa  société.  Il  s'était,  comme  nous  l'avons  vu, 
activement  ocrupé  d'enrichir  le  répertoire  musical,  et  il  avait 
accepté,  pour  les  années  1763  et  1764,  le  poste  de  directeur  du 
Concert.  Sa  veuve  fit  vendre  aux  enchères  sa  riche  collection 
d'opéras,  de  motets,  de  cantatilles  et  autres  morceaux  de  musique, 
et  les  Petites  Affiches,  en  annonçant  cette  vente  qui  eut  lieu  au 
mois  de  mai  1768,  fournirent  quelques  renseignements  sur  la 
carrière  du  musicien  défunt  : 

"  On  sait,  lit-on  dans  le  numéro  du  27  avril,  que  c'est  une  collection 
faite  pendant  bien  des  années  et  à  grands  frais,  par  cet  amateur  qui,  par  la 
supériorité  de  ses  talents,  concourut  avec  les  plus  grands  maîtres  de  l'Art, 
et  partagea  leur  gloire.  Le  célèbre  M.  Barnier  [Bernier],  le  grand  Rameau, 
ce  père  de  la  musique  française,  estimèrent  ses  talents  et  le  distinguèrent 
toujours.  Le  titre  d'Examinateur  et  Censeur  des  Ouvrages  destinés  au 
Théâtre,  lui  acquit  tant  de  confiance  qu'on  recourait  à  lui  pour  avoir,  dans 
les  Cathédrales  et  dans  les  Concerts,  les  maîtres  de  son  choix.  Lyon  lui 

(1)  Nous  n'avons  pu  trouver  la  date  exacte  de  la  mort  de  Bergiron,  ni  dans  les 
registres  paroissiaux  de  Lyon,  ni  dans  ceux  de  S1  Lager,  Odenas,  Dracé,  etc. 


132  LA     MUSIQUE     A     LYON  Première 

dernières     doit  l'établissement  de  l'Académie  des  Beaux-Arts  ;  et  la  bibliothèque  de 

années  de    musique  de  cette   Société,  copiée  en  partie  de  sa  main,  est  un  monument 

l'académie  de  son  goût  et  de  son  amour  pour  sa  patrie... 

1768-1773 

Nous   savons   d'autre    part   que    Bergiron    fut    regretté,    non 

seulement  comme  musicien,  mais  aussi   comme   homme  privé,  et, 

l'année  même  de  sa  mort,  un  de  ses  voisins  de  la  campagne  beau- 

jolaise  écrivait  :  "  La  mort  de  Bergiron  a  été  affligeante  pour  tous 

ceux  qui  l'ont  connu  ;   ses  amis  le  regretteront  éternellement  ;  elle 

a  enlevé  aux  cultivateurs  de  la  Province,    aux  malheureux  de  tous 

les  pays,  un  père,  une  âme  sensible,  un  consolateur...  "  (1) 

Le  musicien  remarquable  qui,  à  l'âge  de  vingt-deux  ans, 
avait  doté  sa  ville  natale  de  la  plus  vivace  des  sociétés  artistiques, 
l'homme  dévoué  et  intelligent  dont  la  perte  dut  se  faire  cruelle- 
ment sentir,  fut  oublié  aussitôt  après  sa  mort,  et  de  la  façon  la 
plus  complète  :  nul  écrivain  lyonnais  ne  fit  allusion  à  son  existence  ; 
nul  historien  ne  signala  son  bel  effort  artistique  ;  son  nom  même 
ne  se  rencontre  dans  aucune  biographie  générale  ou  locale,  et, 
quand  nous  entreprîmes  l'étude  actuelle,  nous  restâmes  de  longs 
mois  sans  pouvoir  identifier  ce  musicien  dont  nous  rencontrions 
sans  cesse  le  nom  sur  des  partitions  jouées  par  la  Société  du 
Concert.  Nous  pardonnera-t-on,  au  cours  de  cet  ouvrage  imper- 
sonnel et  purement  documentaire,  d'abandonner  pour  un  instant 
l'impassibilité  du  compilateur,  et  de  saluer,  avec  une  émotion 
peut-être  déplacée  et  un  peu  ridicule,  la  mémoire  d'un  vaillant 
musicien  dont  la  vie  tout  entière  fut  consacrée  au  premier  des  arts, 
et  dont  le  nom  même  avait  sombré  dans  le  plus  injuste  oubli  ?... 

Nous  avons  signalé  l'envahissement  des  programmes  de  l'Aca- 
démie par  les  petites  œuvres  mettant  en  vedette  chanteurs  et 
virtuoses.  Cette  tendance  à  la  diminution  de  la  musique  propre- 
ment dite  s'accentue  au  cours  des  années  1768  et  1769.  Peut-être 
Bergiron  s'était-il  opposé  à  ce  "  rapetissement  "  des  programmes, 
en  attirant  l'attention  des  directeurs  de  l'Académie  sur  les  richesses 
anciennes  de  sa  bibliothèque,  car,  après  sa  mort,  l'évolution  vers  la 

(1)  C.  S.  [Brac  de  la  Perrière],  ouvr.  cité,  p.  153  des  notes. 


Partie     AU    D I X- H U IT I E M E    SIECLE        133 

virtuosité  pure  fut  singulièrement  rapide.  Sans  doute  on  joue  bien  dernières 
encore  de  temps  en  temps  un  motet  du  vieux  La  Lande,  et  l'on  années^  de 
reprend  même  parfois  des  œuvres  latines  de  Belissen  et  d'Yzo,  quel-  L  AcADEMIE 
que  cantate  de  Campra,  un  fragment  de  Montéclair,  ou  un  extrait 
de  Grenet  ;  mais  ces  retours  en  arrière  sont  de  plus  en  plus  rares  : 
Rameau  et  Mondonville  eux-mêmes  sont  presque  abandonnés,  et 
les  quelques  motets  que  l'on  exécute  encore  sont  des  œuvres  récen- 
tes. De  Torlez,  joué  plusieurs  fois  au  Concert  Spirituel  de  Paris 
en  1767  et  1768,  on  choisit  un  petit  motet  ;  les  autres  pièces 
latines  sont  dues  à  des  pensionnaires  de  l'Académie,  comme  l'orga- 
niste Charpentier,  le  violoniste  Leclair,  ou  le  chanteur  Lobreau 
qui,  en  1768,  prend,  comme  maître  de  musique  de  l'Académie,  la 
succession  de  Claude  Le  Goux,  retiré  depuis  deux  ans  de  son  com- 
merce de  musique.  Comme  grandes  œuvres  nouvelles,  on  entend 
le  Devin  du  Village  de  Rousseau,  joué  trois  fois  de  suite,  et  ad- 
ditionné de  l'inévitable  "  belle  chaconne  "  de  Le  Breton  ;  des 
extraits  de  Tom  Jones  ou  à'Ernelinde  de  Philidor.  Ce  dernier  musi- 
cien retrouve  à  Lyon  ses  succès  parisiens,  et  ses  ariettes  (le  'Père 
de  famille,  la  Guerre)  sont  très  goûtées.  On  voit  aussi  paraître 
plusieurs  extraits  d'œuvres  récentes  de  Monsigny  telles  o^x  Aline 
reine  de  Golconde  (juin  1768)  ou  de  Le  Breton  (Erosine).  Mais  le 
fonds  du  répertoire  est  constitué  par  mille  petites  pièces,  airs, 
ariettes  ou  duos  italiens,  le  plus  souvent  sans  nom  d'auteur  et 
spécifiés  uniquement  par  le  nom  de  l'interprète,  courts  fragments 
de  Dezède,  musicien  anonyme  et  peut-être  lyonnais,  ariettes  de 
Leclair  le  second,  d'Itasse,  du  violoncelliste  Duval,  tous  trois  pen- 
sionnaires de  l'Académie.  Une  symphonie,  non  désignée  le  plus 
souvent,  ouvre  le  concert  ;  quelques-unes  sont  encore  dues  à  des 
Lyonnais,  comme  Leclair  (1),  le  violoniste  Kautz,  le  violoncelliste 
Granier,  ou  Horace  Coignet,  l'auteur  de  la  musique  pour  le 
T'ygmalion  de  Rousseau. 

Le  répertoire  de  l'orgue  suit  ce  mouvement,  et  s'amenuise  de 

(1)  On  verra,  dans  le  chapitre  consacré  à  la  bibliothèque  du  Concert,  que 
Leclair  composa,  soit  seul,  soit  en  collaboration  avec  un  nommé  Charville,  deux 
"  divertissements  ",  malheureusement  disparus. 


134  LA     MUSIQUE     A     LYON  Première 

dernières  plus  en  plus.  Jusqu'à  son  départ  pour  Paris  où  Mgr  de  Montazet, 
années  de  archevêque  de  Lyon,  l'avait  appelé  pour  tenir  l'orgue  de  l'abbaye 
LA5^D  MIE  de  S*  Victor,  c'est-à-dire  jusqu'au  mois  de  mars  1 77 1,  Charpentier 
oublia  les  œuvres  sérieuses  et  se  contenta  de  faire  entendre  de 
toutes  petites  pièces  en  vogue,  réunies  ou  soudées  en  forme  de 
concerto.  Les  ouvertures  et  les  romances  les  plus  goûtées,  extraites 
d'oeuvres  récentes  de  Philidor,  de  Monsigny  et  de  Grétry  sont 
ainsi  souvent  entendues  sur  l'orgue.  Les  programmes  annoncent 
successivement,  en  dehors  d'une  pièce  de  l'organiste  Balbastre  :  plu- 
sieurs airs  connus  ainsi  que  la  belle  chaconne  de  Le  Breton  ;  un 
concerto  composé  de  l'ouverture  de  Rose  et  Colas,  d'un  air  du 
Jardinier  de  Sidon  et  d'un  air  du  Diable  à  quatre  ;  un  concerto  com- 
posé de  l'ouverture  du  Roi  et  le  Fermier,  de  l'ariette  de  Sancho  Pança 
et  du  Jardinier  et  son  Seigneur  ;  "  une  symphonie  de  Schobert  avec 
l'air  de  Laschi  Son  ja  tre  di  che  Nina,  avec  des  variations  et  le 
quatuor  de  Lucile,  le  tout  arrangé  pour  cet  instrument."  On  le  voit, 
l'opéra-comique  triomphant  et  ses  airs  faciles  envahissaient  jusqu'à 
l'instrument  grave  et  majestueux  dont,  dès  1746,  Bollioud-Mer- 
met  déplorait  la  profanation.  Que  devait  penser,  vers  1770,  le 
solennel  auteur  de  la  Corruption  du  goût  ?,.. 

En  1768,  les  chanteurs  solistes  sont  très  nombreux  :  les 
demoiselles  Vannier,  Perrin,  Dumey,  Nicoli,  Ferton,  Pelletier, 
Lacombe,  Maubrun,  les  dames  Charpentier  et  Itasse  ;  les  sieurs 
Lobreau,  Itasse,  Michel,  Peré  ou  Perret,  Warin,  Lauras,  Suin. 
Quelques-uns  d'entr'eux,  comme  la  Dumey,  ou  la  Nicoli,  cantatrice 
napolitaine,  sont  de  passage  et  ne  chantent  qu'une  fois.  L'année 
suivante,  il  est  vrai,  l'effectif  de  la  troupe  chantante  est  bien 
diminué  ;  il  ne  reste  plus  que  sept  chanteurs  :  Mme  Charpentier,  les 
demoiselles  Vannier,  Olivier,  Ferton,  et  Renaud,  les  sieurs  Lobreau, 
et  Dupuis  "  haute-contre  nouvellement  arrivé  dans  cette  ville  et  qui 
désire  de  s'attacher  à  l'Académie.  " 

Parmi  les  instrumentistes  qui  se  font  entendre  comme  solistes, 
on  remarque,  en  1768,  les  violonistes  Gaetano,  Serrière,  Jobert,  le 
vieux  Carminati,  le  corniste  Devert,  les  violoncellistes  Tangui- 
Frémont  et  Duval,  le  jeune   Lebrun    "  enfant   de   neuf  ans,    qui 


Partie     AU    DIX-HUITIÈME    SIÈCLE        135 

blouse  les  timbales"  (1).    Le  Ier  Juin   "  des  musiciens  de   S.  A.  R.  dernières 
le  Prince  héréditaire  de  Brunswick  jouent  de#  la  clarinette."  L'aigre  AfNNEES  de 
mandoline  fait  aussi  son   apparition  officielle,  présentée  par   Cre-  LA?%D  MIE 
masqui  ;  elle  est  d'ailleurs  très  en  vogue  à  Lyon  depuis  une  dizaine 
d'années,  et  Castaud  vend   en   si  grand  nombre  des  méthodes   de 
Leone  que  les  exemplaires  viennent  à  manquer,  comme  l'annoncent 
les  ^Petite s  Affiches  du  25  janvier  1769.  L'année  suivante,   la   man- 
dore,  jouée  par  Suin,  artiste  du  Grand-Théâtre  (2),   sert  parfois   à 
accompagner  des  chanteurs,  et  trois  virtuoses  de  passage  viennent 
se  faire  applaudir  :  le  violoncelliste  Duport  et  le  corniste  Rodolphe, 
tous  deux  de  la  musique  du   Prince  de   Conti,  jouent   "  plusieurs 
morceaux"  le  19  juillet;   le  30  août   "  Leopold    Valenti,   virtuose 
allemand,  joue  un  concerto  de  sa  composition  sur  un  instrument  à 
vent  nouvellement  inventé  et  qui  n'a  jamais  paru  en    France.  " 
Nous  ignorons  et  le  nom  de  cet  instrument  et  l'état-civil   du  vir- 
tuose. Enfin,  on  voit  reparaître,  pour  un  jour,  le  pardessus  de  viole, 
toujours  apprécié  dans  le  monde  des  amateurs.  C'est   Fouquet  qui 
en  joue,  et  l'artiste  avait  fait  annoncer  qu'il  était  l'élève  du  célèbre 
Joli  et  des  plus  grands  maîtres  de  Paris,  et   qu'il  possédait  la  mé- 
thode la  plus  brève.  Fouquet  avait  écrit  quelques  duos  très  faciles 
pour  deux  pardessus  de  viole  et  les  avait  fait  graver  à   Paris  ;   il 
vendait   aussi   des  duos   de   sa   composition  pour  la  mandoline  et 
différentes  pièces  de  musique  instrumentale  manuscrite.  (3) 

L'esprit  est  le  même,  qui  préside  à  la  composition  des  pro- 
grammes pendant  les  années  1770,  1771  et  1772.  D'opéras  nou- 
veaux, ou  n'entend  guère  que  Sylvie  de  Trial  et  Berton  (13  juin 
1770)  ;  le  quatuor  de  Lucik  de  Grétry  (28  décembre  1 77 1),  de 
qui  le  nom,  en  dehors  des  arrangements  de  Charpentier,  a  paru 
pour  la  première  fois,  le  20  novembre,  avec  une  Elévation  à  trois 

(1)  Il  s'agit  peut-être  de  Jean  Lebrun,  né  à  Lyon  en  1759,  et  qui  devint  un  cor- 
niste remarquable.  V.  FÉtis,  Biographie  des  musiciens. 

(2)  Suin  publia  un  "  recueil  d'airs  choisies  pour  la  guitare,  avec  accompagnement 
violon  ad  libitum  "  et  un  "  recueil  d'ariettes  avec  accompagnement  de  harpe  "  [Petites 
Affiches  du  16  juin  1768.) 

(3)  Petites  affiches  :  28  Novembre  1759,  16  juillet  1766,  21  décembre  1768, 
Il  octobre  1769. 


136  LA     MUSIQUE     A     LYON  Première 

dernières    voix  d'hommes  ;  enfin  la  Cinquantaine  de  La  Borde  qui  plus   tard 

années  de    s'installa  à  Lyon  (1).  Les  motets  sont  dus  au  violoncelliste  Duval,  ou 

L  A5^DEMIE  à  Lobreau  "  ordinaire  de  la  musique  du  Roi,  "  qui  n'est  peut-être 

autre  que  le  chef  d'orchestre  de  l'Académie  ;    à   Chrétien   [Johann 

Christian]  Bach,  dernier  fils  de  Jean-Sébastien,  et  le  seul  Bach  dont 

le  nom  ait  paru,  à  cette  époque,  sur  les  programmes  de  Paris  et  de 

Lyon  :  son  Dixit  "Dominus  à  grand  chœur  est  exécuté  le    17  janvier 

et  le  14  février  ;    à   Francesco   Zannetti  ;    à  Fanton  ;    à  Fiocco  ;   à 

Olivier  ;  enfin  à  quelques  Lyonnais  tels   que  Tauseani,   professeur 

de  musique  installé  à  Lyon  en  1765  et  compositeur  fécond,  ou  le 

jeune  Després,  organiste  dont  nous  parlerons  plus  loin.  Un   motet, 

chanté  le  13  février  1771,  est  dû  à  la  collaboration  d'un   anonyme 

et  de  Charpentier.    On   chante   aussi   un   motet   de    Rousseau   sur 

lequel  nous  aurons  à  revenir,  et  l'on   reprend  même  In  convertendo 

de  Rameau. 

Le  principal  fournisseur  de  symphonies  est  un  nommé  Stabingher 
virtuose  sur  la  flûte  et  la  clarinette,  dont  les  œuvres  sont  parfois 
écrites  avec  quatorze  parties  obligées  (18  mars  1772).  Le  compo- 
siteur lui-même  se  fait  souvent  entendre  en  soliste.  Le  10  janvier 
1770,  le  bassoniste  Comi,  ordinaire  de  la  musique  du  Prince  de 
Conti,  de  passage  à  Lyon,  accompagne  une  ariette  sur  le  basson  et 
fait  exécuter  une  symphonie  nouvelle  écrite  par  lui.  Huit  jours 
après,  la  symphonie  d'ouverture  est  de  Gaétan  Vaï.  Le  29 
avril  1772,1e  nom  de  Haydn  paraît  pour  la  première  fois:  ce 
jour-là,  on  joue  "  une  symphonie  à  grand  orchestre  à  quatre  cors 
obligés  de  Hayden.  "  On  peut  supposer  que  cette  musique  parut 
difficile  à  comprendre  et  ne  plut  pas  aux  Lyonnais,  car,  contraire- 
ment à  l'usage,  il  n'en  fut  pas  donné  de  seconde  audition.  A  cette 
musique  sérieuse  et  pourtant  si  charmante,  on  préfère  les  cantatilles 
de  Légal  de  Furcy  (13  mai  1772),  les  trios  de  cors,  les  quatuors 
avec  clarinette,  les  duos  de  bassons  et  de  clarinette,  les  petits   airs 

(1)  "  1774,  26  janvier:  De  La  Borde,  ci-devant  valet  de  chambre  de  Louis  XV 
vient  s'établir  à  Lyon  avec  sa  femme  et  ses  enfants  "  (Morel  de  Voleine,  Petite 
chronique  lyonnaise  dans  la  Revue  du  Lyonnais).  —  La  partition  de  la  Cinquantaine  fut 
la  dernière  acquise  par  le  Concert. 


Partie      AU    DIX-HUITIÈME    SIÈCLE         137 

mis    en    concerto    pour    le    violon,    les    ariettes    de   Philidor,   du  dernières 
"signor"  Monze,  de  Desprès,  de  "l'auteur  de  l^ygmalion"  Horace  ANNEES  de 
Coignet,  et,  naturellement,  l'indispensable   "  belle   chaconne  "    de  L  A<rADEMIE 
Le  Breton,  en  somme  mille  petits  riens  qui  amusent  l'esprit   léger  ^ 

des  nombreux  amateurs  des  bals  organisés  par  le  Concert.  Cette 
médiocrité  des  programmes  est  peut-être  la  cause  du  silence  de 
l'Anglais  Burney.  Celui-ci,  au  cours  des  voyages  qu'il  fait  en  vue 
d'écrire  une  histoire  de  la  musique,  s'arrête  à  Lyon  :  il  note  ses 
impressions  sur  le  théâtre  où  "  le  chant  est  détestable,  ':  signale  les 
concerts  donnés  dans  un  café  par  une  famille  italienne,  mais  ne 
dit  rien  de  l'Académie  musicale  où  certainement  il  avait  été  reçu. 

Reproduirons-nous,  à  titre  documentaire,  un  ou  deux  pro- 
grammes de  l'Académie  ?  Voici  un  "  concert  extraordinaire  " 
donné  le  1 1  mars  1 77 1  :  Symphonie  nouvelle  composée  pour  servir 
d'ouverture  au  drame  de  Mélanie;  Baër,  musicien  du  duc  d'Orléans, 
et  Kautz  jouent  un  concerto  à  deux  clarinettes  ;  on  chante 
plusieurs  ariettes  nouvelles  ;  Baër  joue  un  deuxième  concerto  de 
clarinette  ;  "  le  tout  est  terminée  par  une  harmonie  composée  de 
deux  clarinettes,  deux  cors  et  deux  bassons  ".  Voici  encore  le 
programme  du  15  janvier  1772  :  un  acte  de  Titon  et  P  Aurore  de 
Mondonville  ;  une  symphonie  à  grand  orchestre  ;  un  motet  de 
Fiocco  ;  une  sonate  de  violon  ;  une  ariette  de  Koaull  ;  un  concerto 
de  flûte  ;  un  air  italien  ;  un  concerto  d'orgue  ;  un  motet  de  Mon- 
donville. —  Copieuses  séances,  on  le  voit,  mais  où  la  musique 
n'occupe  qu'une  place  secondaire,  et  où  la  virtuosité  domine. 

Mais,  aussi,  quel  nombre  imposant  de  solistes  !  les  cantatrices 
Ferton,  Boileau,  Charpentier,  Olivier,  Dupuy,  Guillot  aînée  et 
cadette,  d'Antoine,  Rosette  Gilli,  Pezé,  Rosambert  ;  les  chanteurs 
Dupuy,  Lobreau,  Péré,  Le  Tellier,  Pontlaville...  A  ceux-là  se 
joignent  encore  deux  chanteurs  illustres  :  Albanese  et  MIIe  Fel.  De 
cette  dernière  nous  raconterons  tout-à-1'heure  les  aventures.  Les 
virtuoses  instrumentistes  ne  sont  pas  moins  nombreux  :  les 
violonistes  Kautz,  Gaetano,  Paquet,  Serrière,  Carminati,  Garnier  ; 
le  violoncelliste  Duval,  les  cornistes  Andriol  et  Brun  fils  ;  Stabin- 
gher,   flûtiste   et   clarinettiste  ;    Comi,  basson  ;    Hus  le  fils,  futur 

10 


I38  LA     MUSIQUE     A     LYON  Première 

dernières    directeur  du  Grand-Théâtre,  qui  se  fait  applaudir  dans  un  concerto 

années  de    de  clavecin  de  sa  composition  ;  Mercier,  musicien   de   Charles  de 

LA£q     MIE  Lorraine,   professeur   de   chant,    de    clarinette,    de    basson    et    de 

'  ^   serpent  ;  Foisses  qui,  le  10  octobre  1770,  annonce  qu'il  "  arrive  de 

Rome  où  il  a  enseigné  à  pincer  de  la  harpe  pendant  six  ans  ",  et 

qui  joue,  le    14  novembre,  un  concerto  et   une  sonate  de  harpe  ; 

Mme  Latour,  également  harpiste.  Les  instruments  les  moins   usités 

comme  tels  paraissent  en  solistes  :  c'est,   un  jour,  un   concerto  de 

basson  ;  un  autre  jour,  le  tympanon  ou  orphéon,  joué  par  Henne- 

quin  ;  ce  virtuose  remporte  un  si  grand  succès  qu'il  se  fixe  aussitôt 

à  Lyon  pour  enseigner  à  jouer  de  son  instrument.    (1) 

Au  cours  de  ce  défilé  de  virtuoses,  quelques  événements 
méritent  l'attention  :  c'est  le  passage  de  J.  J.  Rousseau  à  Lyon  ; 
celui  de  quelques  organistes  notables  ;  l'apparition  d'un  nouvel 
instrument,  le  piano. 

Il  y  aurait  tout  un  ouvrage  à  écrire  sur  "  Rousseau  et  les 
musiciens  lyonnais  ".  Nous  avons  déjà  signalé  ses  rapports  avec  un 
des  premiers  maîtres  de  musique  de  l'Académie,  nommé  David  ; 
tout  le  monde  a  lu,  dans  les  Confessions  du  philosophe,  sa 
dégoûtante  conduite  vis-à-vis  de  Le  Maître,  abandonné,  malade, 
dans  notre  ville,  ou  ses  aventures  comme  copiste  de  musique  avec 
un  religieux  Antonin.  La  tentative  qu'il  fit  pour  dépouiller 
Horace  Coignet  de  la  musique  de  ^Pygmalion,  est  fameuse  ;  elle  a 
été  relatée  souvent,  et  notamment  avec  beaucoup  de  détails  par 
M.Antoine  Salles  (2).  L'histoire  du  De^in  du  village  n'est  peut- 
être  pas  épuisée  encore,  et  la  malveillante  hypothèse  de  Castil- 
Blaze  est  singulièrement  attirante,  qui  attribue  à  un  compositeur 
lyonnais  la  paternité  de  l'agréable  partition... 

(1)  Tetites  Affiches,  31  octobre  1770.  Le  14  mai  1760,  la  même  publication 
avait  annoncé  qu'  "  une  dame  étrangère  enseigne  à  jouer  du  tympanon  avec  la 
dernière  délicatesse,  ayant  été  applaudie  par  plusieurs  connaisseurs  et  personnes  de 
distinction  de  cette  ville." 

(2)  Sur  le  séjour  de  Rousseau  à  Lyon,  sur  Horace  Coignet,  et  sur  l'aven- 
ture de  Pygmalion,  v.  Antoine  SallÈs,  Horace  Coignet  et  le  "  Pygmalion  "  de  Rousseau 
{Revue  musicale  de  Lyon,  24  et  31  décembre  1905).  V.  aussi  F.  Z.  Collombet, 
y.  y.  Rousseau  à  Lyon  (Revue  du  Lyonnais,  1838,  VIII,  5)- 


Partie     AU    DIX-HUITIÈME    SIÈCLE        139 

En    1770,  à  la  fin  de   mars,  Jean-Jacques  Rousseau,  quittait  dernières 
Monquin    où  il  avait  fait  un   séjour  assez   long  (1)    et  arrivait  à  années  de 
Lyon  ;  il  assistait  à  des  représentations  du  "De^in  de  village  organi-  L  academie 
sées  en  son  honneur  (2),  et   à   quelques   concerts   de   l'Académie,     '         '' 
notamment  au  concert  spirituel  du  Vendredi-Saint.  Ce  jour-là,  il 
était  placé  dans  une  tribune  au  plus  haut  de  la  salle  avec  Fleurieu 
de  la  Tourette.  On  exécutait  le  Stabat  mater  de  Pergolèse.   C'est  là 
qu'il   fit   la   connaissance   d'Horace   Coignet,  alors  âgé  de  trente- 
quatre    ans.    Coignet   était   le   fils   du    garde   de   bibliothèque   du 
Concert,  et  avait  fait  exécuter  déjà,  comme  nous  l'avons  indiqué, 
quelques  piécettes  de  sa  composition.  Rousseau  fit  bon  accueil  au 
jeune  amateur  et  le  chargea  d'écrire  une  musique  de  scène  pour 
cPygmalion.    Il   voulut   encore,   lui    qui    avoua    pourtant    dans    un 
moment  de  sincérité  qu'en  musique  il  était   un  barbouillon  (3),  il 
voulut  se  produire  comme  compositeur.  Horace  Coignet  a  raconté 
lui-même  l'anecdote  : 

"  Rousseau,  voulant  faire  entendre,  au  grand  concert,  un  motet  qu'il 
avait  composé,  il  y  avait  alors  vingt  ans,  me  chargea,  à  la  première  répéti- 
tion, de  conduire  l'orchestre.  Les  musiciens  en  prirent  de  l'humeur  contre 
lui,  disant  qu'il  ne  les  croyait  donc  pas  capables  d'accompagner  sa  mu- 
sique (4).  Celle-ci,  froide  et  sans  effet,  se  ressentait  du  temps  où  elle  avait 
été  composée.  Le  samedi,  veille  du  jour  où  l'on  devait  exécuter  sa 
musique  (5),  était  précisément  celui  qu'il  avait  choisi  pour  m'envoyer  à 
cette  maison  de  campagne  ou  s'étaient  donné  la  mort  les  deux  amants  dont 
j'ai  parlé.  Rousseau,  voulant  que  je  laissasse  son  motet  à  la  disposition  des 
musiciens,  me  pressa  fort  de  partir...  Enfin  son  motet  eut  le  sort  que 
j'avais  prévu  :  il  ne  réussit  point.  Une  nombreuse  réunion  était  allée  pour 
l'entendre.  Rousseau  s'en  prit  aux  musiciens.  Le  chagrin  qu'il  éprouva  de 
ce  mauvais   succès   le  décida  à  quitter  Lyon.  Le  lendemain,  je  vins  lui 

(1)  V.  Lettres  inédites  de  J.  J.  Rousseau  (H.  de  Rotschild). 

(2)  V.  Lettres  inédites  de  J.  J.  Rousseau  publiées  par   M.  Philippe  Godet  dans  la 
Revue  des  Deux-Mondes  du  Ier  septembre  1908,  p.  39. 

(3)  Confessions.  I,  livre  5. 

(4)  C'est   un   motet  à  voix  seule  et  symphonie  chanté  par  MUe  Ferton.   Pour 
l'exécution  de  ce  genre  d'œuvres,  il  n'y  avait  pas  de  batteur  de  mesure. 

(5)  Cette  indication  semble  résulter   d'une  erreur   de  Coignet.   Le    motet  de 
Rousseau  fut  chanté  le  mercredi  9  mai. 


I40  LA     MUSIQUE     A     LYON  Première 

dernières     rendre   compte   de   ma   mission  ;  il  me  témoigna  ses  regrets  de  ce  que  je 
années  de    n'avais  pas  accompagné  sa  musique,  et  dit  que,  si  j'y  avais  été,  elle  aurait 
l'académie  été  mieux  rendue...  (i)  " 
1768-1773 

Lorsque  Beauvarlet-Charpentier  eut  quitté  Lyon  pour  se 
rendre  à  Paris  où  il  fit  de  nouveaux  débuts  au  Concert  spirituel  du 
19  mai  1771,  il  fut  remplacé  par  Broche  dont  l'histoire  est  connue 
par  la  biographie  de  Fétis.  Broche,  qui  s'intitulait  à  Lyon  "  élève 
de  Desmasures",  exécuta,  le  3  et  le  10  juillet  1 771 ,  un  trio  sur 
l'orgue.  Son  nom  disparaît  ensuite  des  programmes  pour  reparaître 
le  11  mars  1772.  Peut-être  est-ce  dans  cet  intervalle  de  huit  mois 
que  Broche  se  rend  en  Italie.  A  son  retour  en  France,  il  joue,  le 
1 1  mars,  un  concerto  d'orgue  avec  grand  orchestre,  de  sa  compo- 
sition; et,  le  25  mars,  le  20  mai,  le  17  juin,  le  29  juillet,  le 
19  août,  le  2  septembre  et  le  18  novembre,  il  joue  tantôt  des  con- 
certos, tantôt,  selon  la  méthode  de  Charpentier,  différents  airs 
arrangés  pour  son  instrument.  Pendant  son  absence,  quatre  orga- 
nistes se  font  entendre  à  l'Académie:  le  24  juillet  1 77 1 ,  et  le 
15  janvier  1772,  c'est  Colesse  jeune,  (le  neveu  du  facteur),  alors 
titulaire  des  orgues  de  la  Charité  (2)  ;  le  4  septembre  1771,  c'est 
un  nommé  Belmard  ;  le  18  décembre  1771,  et  le  8  juillet  1772, 
c'est  Després  qui  s'était  produit  le  1 3  novembre  précédent,  comme 
compositeur  d'une  ariette  chantée  par  la  Ferton  et  accompagnée 
par  lui-même  ;  Després  était  présenté  comme  "  jeune  clavessiniste 
de  cette  ville",  et,  le  Ier  juillet  1772,  il  succédait  à  Colesse  jeune 
comme  organiste  de  la  Charité  (3).  Enfin,  le  12  août  1772,  on 
annonça  simplement  :  "  un  concerto  d'orgues  par  un  amateur.  ' 
Peut-être   cet   amateur  anonyme  était-il  Louis   Bollioud-Mermet 

(1)  Notice  d'Horace  Coignet  publiée  dans  Lyon  tu  de  Fourrières;  Lyon,  Boitel, 
1833.  Tous  les  détails  fournis  par  Coignet  ne  sont  peut-être  pas  d'une  parfaite 
authenticité.  Ainsi,  la  rencontre  avec  Rousseau  n'aurait  pas  eu  lieu  le  Vendredi- 
Saint  (13  avril),  car  on  a  cru  pouvoir  établir  que  le  séjour  de  Rousseau  à  Lyon  a  été 
compris  entre  le  18  avril  et  le  8  juin. 

(2)  Archives  de  la  Charité,  E.  1402. 

(3)  Archives  de  la  Charité,  E.  1403. 


Partie      AU    DIX-HUITIÈME    SIÈCLE        141 

très  réputé  comme  organiste  à  Lyon   et  même  à   Paris,  selon  le  dernières 
témoignage  de  deux  de  ses  contemporains  (1).  années  de 

C'est  le  jeune  organiste  Després  qui  eut  l'honneur  de  présenter  L  académie 
pour  la  première  fois  au  Concert  le  piano-forte.   Le  nouvel  instru-     '     "  '  '  *> 
ment  avait  fait  ses  débuts  à  Paris  au  mois  de  septembre  1768.  Dès 
l'année  suivante,  un  facteur  lyonnais  publiait  dans  les  Petites  Affiches 
(du  12  juillet  1769)  la  note  que  voici  : 

"  Le  sieur  Charron,  organiste  et  facteur  d'orgues  chez  les  R.  R.  P.  P. 
Cordeliers  de  S1  Bonaventure,  a  fait  depuis  peu  un  clavessin  d'un  mécanisme 
nouveau  et  de  son  invention,  sur  lequel  on  exécute  avec  autant  de  facilité  que 
sur  une  épinette  ;  l'on  y  fait  forte,  piano  et  crescendo  avec  un  seul  clavier,  et 
sans  le  secours  des  plumes,  qui,  comme  l'on  sait,  exigent  beaucoup  de  soin; 
il  a  dans  le  forte  autant  de  force  qu'un  clavessin  ordinaire,  et  dans  le  piano , 
il  va  jusqu'à  smorzato.  Son  harmonie  est  plus  moelleuse  que  celle  du 
clavessin,  et  approche  beaucoup  de  celle  de  la  harpe.  L'applaudissement  que 
les  connaisseurs  de  cette  ville  ont  donné  à  cette  nouveauté,  engage  l'auteur 
à  en  faire  part  au  public...  On  le  trouvera  toutes  les  après-dînées  des 
dimanches  et  fêtes,  et  les  jours  ouvriers  seulement  dans  la  matinée,  étant 
occupé  dans  l'après-midi  à  former  les  jeunes  élèves  qu'on  lui  confie.  " 

Le  11  avril  1770,  nouvelle  réclame  pour  un  piano: 

"  Le  Sieur  Barbarini,  machiniste,  facteur  de  Clavessins  et  de  Forte  e 
piano,  autrement  dit  Clavessin  à  marteau,  instrument  qui  n'a  jamais  paru 
dans  cette  ville,  en  a  déposé  un  chez  le  sieur  Valentini,  maître  de  clavessin, 
près  de  la  place  du  collège  de  la  Trinité,  où  les  Curieux  et  les  Amateurs 
peuvent  le  voir...  Barbarini  fixera  son  séjour  dans  cette  ville.  " 

Le  1 1  juillet,  le  même  facteur  annonce  qu'il  a  fait  déposer 
chez  Valentini  "  un  clavessin  du  célèbre  Rukers  ;  les  instruments 
de  cet  auteur,  excellent  au-dessus  de  tous  les  autres...  " 

Pourtant,  malgré  ces  réclames,  l'instrument  ne  fait  son  appa- 
rition à  l'Académie  que  le  12  février  1772.  Ce  jour-là,  on  annonce 

(1)  Bollioud-Mermet  "jouoit  si  bien  de  l'orgue  que  les  meilleurs  organistes  ne 
manquoient  pas  d'aller  l'entendre  lorsqu'on  savoit  qu'il  alloit  s'amuser  à  quelque 
orgue  ;  ce  qui  lui  arrivoit  quelquefois,  surtout  dans  l'église  des  Chanoines  réguliers  de 
S1  Antoine  de  Lyon."  (La  Borde,  Essai  sur  la  musique...).  Boisgelou  fils  dans  son 
Catalogue  manuscrit  des  livres  sur  la  musique  de  la  Bibliothèque  du  Roi,  écrit  une  phrase 
presque  identique  :  "...  Les  meilleurs  organistes  ne  manquaient  pas  d'aller  l'entendre 
lorsqu'il  s'amusait  à  jouer  de  l'orgue  dans  les  églises  de  Paris  "  (Cité  par  Fétis). 


142  LA     MUSIQUE     A     LYON  Première 

dernières    simplement    "  un    quatuor    sur    le   ^Piano-forte   par    Després   avec 
années  de    accompagnements.  "  Le  29  avril,  Després  joue  "  divers  morceaux 
l  académie  gur  je  forte-piano.  "  Puis,  sept  mois  se  passent  sans  que  l'on  entende 
*7     _I773    le  piano.  Le   2  décembre,   MUe  Olivier  et  le  sieur  Dupuy  chantent 
un    duo    d'Albanese    "  accompagné    du    'Pianoforte.  "    Le    nouvel 
instrument  ne  s'imposait  guère  :  les  Lyonnais  partageaient  peut-être 
l'opinion  de  Voltaire  qui  écrivait,  en    1774,  à  Mme  du  Deffand  : 
"  Un  piano-forte  n'est  qu'un  instrument  de  chaudronnier  en  com- 
paraison du  clavecin.  " 

Cependant,  la  situation  financière  du  Concert  ne  s'améliorait 
pas,  et  les  Officiers  se  voyaient  contraints  à  de  nouveaux  expé- 
dients. Au  mois  de  mars  1770,  ils  recoururent  au  Consulat,  et 
réclamèrent  le  versement  de  la  subvention  de  mille  livres  accordée 
en  1741  et  payée  jusqu'en  1763  seulement.  Dans  leur  requête,  ils 
déclaraient  que  les  dépenses  du  Concert  avaient  toujours  dépassé 
les  recettes  ;  que,  depuis  cinq  ans,  l'Académie  avait  consommé  plus 
de  six  mille  livres  en  acquisition  de  meubles  et  de  musique  et  en 
réparations  à  la  salle  ;  et  que  le  déficit  actuel,  le  Ipide,  dépassait 
douze  mille  livres.  Ils  suppliaient  en  conséquence  le  Consulat  de 
faire  payer  cinq  mille  livres  pour  arrérages  échus  de  la  subvention. 
Mais  le  temps  n'était  plus  aux  extrêmes  libéralités,  et  la  situation 
financière  de  la  Ville  s'était  aggravée  depuis  l'époque  où  elle  payait 
deux  fois  l'immeuble  et  le  mobilier  du  Concert.  Les  Echevins 
observèrent  que  l'Académie  ne  devait  pas  faire  un  titre  d'un  acte 
de  pure  générosité,  et  offrirent  simplement  une  subvention  annuelle 
de  quatre  cent  quatre-vingts  livres  (1). 

Les  Officiers  durent  trouver  une  autre  combinaison  ;  ils 
augmentèrent  le  prix  de  l'abonnement  et  annoncèrent  dans  les 
^Petites  Affiches  le  2  8  novembre  : 

"  Mrs  les  Officiers  de  l'Académie  des  Beaux-Arts  et  du  Concert 
éprouvent,  depuis  trois  années,  que  la  recette  ne  peut  fournir  les  dépenses 
absolument  nécessaires,  quoique  le  nombre  des  abonnés  soit  considérable  ; 
le  vuide  est  occassionné  par  la  modicité  du  prix  qu'il  est  indispensable 
d'augmenter.  En  conséquence,  par  délibération,  ils  ont  arrêté  qu'à  com- 

(1)  Arch.  mun.  BB.  338  f°  34.  Délibération  consulaire  du  28  mars  1770. 


Partie     AU    DIX-HUITIEME    SIECLE         143 

mencer  au  Ier  janvier  1 77 1,  l'abonnement  pour  une  personne  sera  de  dernières 
48  livres  ;  pour  le  mari  et  la  femme,  84  livres  ;  pour  une  famille  entière,  années  de 
100  livres.  "  l'académie 

Le  résultat  de  cette  augmentation  ne  fut  pas  suffisant  ;  les  '  '  '** 
administrateurs  eurent  l'idée  d'engager  une  artiste  très  célèbre, 
Mlle  Fel,  qui  avait  fait  une  brillante  carrière  à  l'Opéra  et  au 
Concert  Spirituel  de  Paris.  La  cantatrice  avait  alors  cinquante-cinq 
ans,  mais  l'âge,  si  nous  en  croyons  La  Borde,  n'avait  pas  altéré  la 
fraîcheur  de  sa  voix  (1).  Elle  débuta  le  28  décembre  1771  en 
chantant  "  plusieurs  morceaux  ",  chanta  encore  aux  séances  du 
mois  de  janvier  1772,  et  les  5  et  12  février.  Elle  dut  se  retirer 
ensuite  car  le  climat  de  Lyon  altérait  son  organe.  Nous  avons 
trouvé,  concernant  cette  aventure,  un  témoignage  contemporain 
fort  intéressant  dans  un  éloge  funèbre  de  Soubry,  trésorier  de 
France  et  ancien  directeur  du  Concert  (2).  L'auteur  de  cet  éloge, 
Bruyzet  de  Manévieux,  transcrit  le  dialogue  d'une  Académicienne 
et  d'un  Officier  de  l'Académie,  après  l'audition  d'une  nouvelle 
artiste  : 

"  Ah  !  Monsieur,  quelle  voix  vous  nous  avez  procurée  !  Ah  !  que  le 
concert  est  mauvais  !  L'officier  du  Concert  répondit  modestement  :  Il  est 
vrai,  Madame,  que  nous  n'avions  pas  entendu  cette  chanteuse  ;  car  nous 
avons  fait  prix  avec  elle  à  cent  lieues  d'ici  :  mais  notre  directeur  a  reçu  de 
bons  témoignages  sur  sa  vie  et  sur  ses  mœurs  ;  et,  si  nous  la  renvoyons,  il 
lui  faut  des  dédommagements.  —  C'est  donc  le  public,  Monsieur,  qui 
est  la  victime  de  l'engagement  que  vous  prenez.  —  Ah  !  Madame,  c'est 
ce  même  public  qui  est  la  cause  de  la  ruine  du  concert  ;  car,  pour  le 
contenter,  nous  prîmes  des  gagistes  de  haut  prix,  et  nous  fîmes  de  petites 
recettes  ;  ensuite,  nous  diminuâmes  les  honoraires  des  gagistes,  et  nous 
augmentâmes  le  prix  des  abonnements  ;  enfin,  les  chanteurs,  les  chanteuses, 
et  tous  les  chœurs  se   révoltèrent.  Le  trésorier,   qui   payait   toujours   et 

(1)  La  Borde,  Essai  sur  la  musique.  (1780.)  Tome  III,  p.  510.  "  Mlle  Fel 
chantoit  également  bien  le  François  et  le  Latin,  et  est  une  des  Françoises  qui  a  le 
mieux  chanté  l'Italien.  Sa  voix  est  toujours  aussi  jeune,  et  étonne  encore  le  petit 
nombre  d'amis  à  qui  elle  a  consacré  les  dernières  années  de  sa  vie,  et  qui  chérissent 
autant  ses  qualités  personnelles,  qu'ils  ont  toujours  admiré  ses  différents  talents  '. 

(2)  Eloge  de  M.  Soubry,  trésorier  de  France....  par  M.  Bl  D.  M. ..eux  ;  Chambéry, 
1 775  5  P-  l3  et  smv-  en  note. 


144  LA     MUSIQUE     A     LYON  Première 

dernières  recevait  peu,  s'aperçut  que  la  place  était  ruineuse  (i)  :  il  montra,  dans  une 
années  de  assemblée  convoquée,  le  tableau  de  ses  avances  et  les  dettes  que  l'académie 
l'académie  des  beaux-arts  avait  contractées  avec  lui.  Il  fallut  prendre  un  parti  ;  nous 
1 768-1 773  annonçâmes  mademoiselle  Fel  :  c'était  effectivement  une  ressource  usée 
pour  un  mal  pressant  ;  mais  l'on  écrivait  de  Paris  que  l'âge  n'avait  point 
altéré  la  douceur  de  son  gosier,  et  que  la  voix  n'avait  que  vingt-cinq  ans. 
L'on  ne  stipula  point  dans  les  conventions  que  si,  à  son  arrivée,  elle  tom- 
bait malade,  le  traité  serait  nul  :  cette  sirène  parut  dans  la  province,  dont 
l'air  lui  fut  si  contraire  qu'elle  prit  un  rhume  opiniâtre.  Malgré  cette 
indisposition,  elle  eut  le  courage  de  chanter  les  jours  de  concert  ;  mais  l'on 
connut  bien  que  c'était  plutôt  pour  se  rendre  aux  désirs  du  public  qu'à 
des  vues  d'intérêts  ;  car,  quoiqu'elle  n'eût  chanté  que  deux  mois,  elle 
accepta,  par  désintéressement,  la  moitié  de  la  somme  qu'on  lui  avait  offerte 
pour  six  mois  d'engagement,  sans  excepter  les  frais  de  voyage  qui  lui 
furent  remboursés.  Ainsi,  voyez,  Madame,  quel  fut  notre  succès,  en 
croyant  faire  le  mieux  pour  le  public  et  pour  nous.  —  Eh  !  Monsieur, 
d'où  vient  donc  la  cause  du  bagarre  des  chanteurs  et  des  chanteuses  ?  — 
Ce  fut  celle  de  toutes  les  assemblées  susceptibles  de  rivalité,  de  jalousie  et 
de  prédilection.  Des  propos  tenus,  des,  etc.  Enfin,  Madame,  je  ne  saurais 
vous  donner  de  grands  détails  à  ce  sujet  :  quoique  je  ne  connaisse  pas 
une  note  de  musique,  j'étais,  il  est  vrai,  officier  du  Concert  ;  mais  je 
n'étais  occupé  dans  mon  emploi  qu'à  donner  la  main  aux  dames... 

Le  dernier  document  que  nous  possédons  sur  l'Académie  est 
encore  un  appel  de  détresse.  Le  23  décembre  1772,  les  Affiches 
annoncent  : 

"  Les  billets  de  l'abonnement  pour  l'année  prochaine  se  délivreront 
ce  soir.  On  prévient  les  citoyens  que  le  peu  d'abonnements  qu'il  y  a  eu 
cette  année,  et  les  dépenses  que  le  Concert  a  été  obligé  de  faire  pour  se 
soutenir  jusqu'à  présent,  empêchent  de  le  promettre  pour  l'année  entière. 
Les  abonnements  ne  seront  que  pour  les  six  mois  d'hiver,  à  commencer 
du  Ier  janvier  1773.  En  conséquence,  le  prix  en  a  été  diminué  et  fixé  à 
36  livres  par  personne,  à  48  livres  pour  mari  et  femme,  et  à  72  livres  pour 
les  familles.  Les  danses  auront  lieu  pendant  le  Carnaval,  et  les  demoiselles 
seront  reçues,  comme  par  le  passé,  sans  abonnements.  On  espère  que 
MM.  les  abonnés  voudront  bien  agréer  cette  précaution  que  les  circon- 
stances ont  rendue  indispensable.  " 

(1)  Le  trésorier  du  Concert,  à  partir   de  1767,  fut  Valesque  fils  aîné,  receveur 
des  tailles. 


Partie     AU    DIX-HUITIEME    SIECLE        145 

Cette  saison  de   six  mois  fut  sans  doute  la  dernière  de  l'Aca-  dernières 
demie   des  Beaux-Arts   et  du    Concert,   qui    vécut   ainsi    soixante  années  de 
années.  Les  Almanachs  de  Lyon,  il  est  vrai,  mentionnèrent  encore  L  académie 
la  composition  de  la  société  dans  leur  édition  de  1774.  Les  ^Petites     '         ''^ 
Affiches  de  1773  et  1774  qui  auraient   pu  nous  renseigner  exacte- 
ment, nous  n'avons  pu  nous  les   procurer.  Il  semble  d'ailleurs  que 
les  amateurs  lyonnais  aient  pris  sans  trop  de  peine  leur  parti  d'être 
privés   de   leur  vieille   institution   artistique.   Ils  se  consolèrent  de 
cette  fâcheuse  disparition  en  s'inscrivant  nombreux  au  Concert  des 
Amateurs.  Cette  société  était  sans  doute  la  continuation  des   petits 
concerts  qui  existaient  dès  1762  ;   elle  se  développa  naturellement 
à  la  suite  de  la  disparition  de  l'Académie.    Son   existence  nous   est 
formellement  révélée  par  l'auteur  de  V  Eloge  funèbre  de  Soubry  qui, 
dans  la   note   que   nous   avons  citée  plus  haut,  écrit  ces  quelques 
lignes  : 

"  L'étranger  que  l'on  a  prévenu  avant  que  d'arriver  à  Lyon,  que  le 
Concert  de  cette  ville  n'existe  plus,  est  agréablement  détrompé,  quand, 
introduit  au  Concert  des  amateurs,  il  s'y  voit  entouré  d'une  assemblée  plus 
brillante  qu'aucune  province  puisse  fournir,  y  entend  une  musique  des 
mieux  exercées,  et  que  les  voix  qui  l'enchantent  sont  celles  des  dames  qui 
joignent  le  goût  des  talents  aux  charmes  de  la  beauté... 

L'hôtel  du  Concert  survécut  encore  longtemps  à  la  Société 
qui  l'avait  fait  construire,  et  il  fut  affecté  à  divers  usages.  Dès 
1759,  une  des  petites  salles  servait  aux  cours  de  l'Ecole  gratuite 
de  Géométrie  pratique  (1).  En  1774,  les  Chirurgiens  de  Lyon  y 
tenaient  leurs  assemblées  publiques  et  privées  (2).  On  y  installa 
plus  tard,  avant  1787,  des  logements  pour  les  officiers  du  Roi  (3)  ; 
le  contrôleur  de  la  milice  bourgeoise  y  habitait  aussi.  En  1787, 
l'Assemblée  provinciale  de  la  Généralité  de  Lyon  voulut  y  tenir 
ses  séances,  et  demanda  au   Consulat  l'autorisation  nécessaire  qui 

(1)  Petites  affiches  du  19  avril  1759. 

(2)  Jean    Bernoulli,    Lettres   sur   différents   sujets  écrites  pendant   le  cours  d'un 
voyage...  en    1774  et  1775...  ;   Berlin,    1777,    II,  p.  129.  —   Almanachs  de  Lyon. 

(3)  Arch.  mun.  BB.  348,  f°  100. 


146  LA     MUSIQUE     A     LYON  Première 

dernières    lui  fut  refusée  (1).  Aussitôt,  les  Procureurs  Syndics  adressèrent  au 

années  de 

l'académie 

I768-I773 


années  de    Contrôleur  général    une   lettre    dont    voici    le    passage   qui   nous 
l'académie  intéresse  . 


"  Quelque  intérêt  d'agrément  que  cet  établissement  du  Concert  ait 
pu  avoir  autrefois  pour  les  amateurs  qui  le  formèrent,  cet  intérêt  pourroit- 
il  balancer  celui  que  doit  inspirer  à  tous  les  citoyens  le  bienfait  signalé  que 
le  Roi  vient  d'accorder  à  cette  province  ?  et  le  Consulat,  qui  paroit  en 
sentir  tout  le  prix  ne  s'honoreroit-il  pas  en  s'empressant  de  le  fixer  dans 
nos  murs  !  mais  nous  devons  nous  borner  à  répondre  à  ses  objections. 

"  Les  prévôt  des  marchands  et  échevins  conviendront  que  depuis 
nombre  d'années,  le  Concert  a  cessé  (il  y  a  prez  de  vingt  ans),  qu'on  a 
tenté  plusieurs  fois  de  le  rétablir,  mais  toujours  vainement  ;  les  amateurs 
devenus  plus  difficiles  ne  sont  plus  ni  assés  riches,  ni  assés  nombreux 
pour  en  faire  les  fonds,  et  le  nouveau  plan  dont  s'occupe  le  Consulat  et 
que  le  public  ignore,  échouera  toujours  contre  le  double  écueil  que 
présentent  le  changement  de  goût  et  l'insuffisance  des  moyens. 

"  Les  concerts  spirituels  qu'on  dit  avoir  lieu  dans  la  quinzaine  de 
Pâques,  sont  très  rares  et  presque  toujours  déserts  ;  les  seuls  qu'on  puisse 
citer  ont  été  donnés  dans  la  salle  ordinaire  des  spectacles.  A  l'égard  des 
virtuoses  étrangers,  ils  sont  obligés  de  donner  le  quart  franc  de  leur 
recette  à  la  direction  des  spectacles  pour  obtenir  la  permission  d'afficher  à 
leur  bénéfice,  ils  préfèrent  la  salle  du  spectacle,  comme  plus  spacieuse  et 
susceptible  d'une  variété  de  prix  qui  convient  mieux  au  plus  grand 
nombre  des  auditeurs.  Mais  cela  fût-il  autrement,  ne  seroit-il  pas  étonnant 
que  la  ville  de  Lyon  réservât  un  hôtel  pour  y  faire  entendre  un  joueur 
d'instruments  ou  un  chanteur  quelconque  et  n'en  eût  point  pour  les 
assemblées  qui  traitent  des  plus  grands  intérêts  de  la  province  et  de  la 
cité  ?  Quant  à  la  bibliothèque  du  Concert,  le  Consulat  en  estime  la  valeur 
sur  une  vieille  tradition  qui  s'est  transmise  jusqu'à  nous,  mais  pour 
l'apprécier,  il  suffira  de  dire  que  la  partition  de  Titon  et  V Aurore  est  la 
dernière  acquisition  de  ce  dépôt  célèbre  (2). 

"Enfin,  si,  en  1764,  le  Roi  excepta  l'hôtel  du  Concert  ainsy  que 
la  Loge  des  Changes,  de  la  vente  générale  des  immeubles  de  la 
ville,  ce  fut  parce  que  la  loge  avoit,  comme  elle  l'a  encore,  une  utilité 

(1)  Procès-verbaux  de  la  commission   intermédiaire  de   l'Assemblée  Provinciale 
de  la  Généralité  de  Lyon  :    ire  séance,  lundi   Ier  oct.   1787.  (Arch.  départ.  C.  772). 

(2)  Cette  affirmation  n'est  pas  exacte.  Titon  et  VJÏurore  fut  acquis  avant  17  66, 
et  une  dizaine  de  partitions  françaises  entrèrent  ensuite  dans  la  bibliothèque. 


Partie     AU    D I X- H  U ITIÈ  M  E    SIÈCLE         147 

apparente,  et  si  le  Concert  n'étoit  pas  en  activité,  il  avoit  au  moins   une  dernières 
sorte  d'existence...  (1)  "  années  de 

l'académie 
Ces    quelques    lignes,    dépourvues    de    bienveillance,    furent  1 768-1 773 

toute  l'oraison  funèbre  de  l'Académie  des  Beaux-Arts  et  du 
Concert...  La  requête  de  l'Assemblée  Provinciale  fut  agréée  par  le 
Roi  (2),  et  l'hôtel  devint  le  siège  des  séances  de  l'Assemblée  Pro- 
vinciale, de  sa  Commission  intermédiaire,  des  Assemblées  du 
département  de  la  ville  de  Lyon  et  du  Lyonnais,  et  de  leurs  bureaux 
intermédiaires.  Plus  tard,  l'immeuble  fut  loué  au  Conseil  de 
district,  mais  l'orgue  occupait  toujours  sa  place  dans  la  salle  des 
concerts,  et  les  Officiers  municipaux  refusèrent  de  le  faire  dis- 
paraître, parce  que,  disaient-ils,  "  indépendamment  de  ce  que  ce 
déplacement  lui  ôteroit  toute  sa  valeur,  l'orgue  constate  l'objet  et 
la  destination  primitive  de  la  construction  de  l'Hôtel  du  Concert, 
nos  concitoyens  y  ont  des  droits  et  nous  ne  pouvons  leur  enlever 
l'espérance  de  voir  renoître  un  jour  un  établissement  agréable  dont 
la  chute  avoit  excité  leurs  regrets  "  (3). 

Plus  tard  encore,  on  établit  au  rez-de-chaussée  un  corps  de 
garde,  et  un  entrepôt  de  pompes  et  seaux  ;  l'étage  était  occupé 
sans  bail  par  la  Société  des  Amis  de  la  Constitution  et  par  les 
sieurs  Poncet  et  Allard.  Enfin,  en  exécution  de  la  loi  du  10  août 
1791,  sur  la  vente  des  biens  des  Communes,  le  bâtiment  du  Con- 
cert fut  vendu  aux  enchères  publiques.  Estimé  à  90.000  livres,  il 
fut  adjugé  au  prix  de  1 15.100  livres  à  Jean-Laurent  Lauras  pour 
le  compte  de  Jean-Baptiste  Larchier,  négociant  lyonnais  (4).  Il 
avait  été  spécifié  (5)  que  l'adjudication  ne  comprendrait  point 
certains  effets,  parmi  lesquels  six  lustres  en  cristaux,  les  galeries 
garnies  de  balustrades  en  fer,  les  boiseries  de  l'orchestre,  une  caisse 

(1)  Lettre   des   Procureurs  Syndics  au  Contrôleur   général,    16  octobre   1787. 
Arch.  départ.  C.  775,  p.  12. 

(2)  Procès-verbaux  des  séances  de  l'Assemblée  Provinciale,  17  novembre  1787. 
Arch.  dép.  C.  772. 

(3)  Lettre  au  Président  du  district  de  Lyon,  Ier  octobre  1790. 

(4)  Arch.  dép.  Q.  1-16,  n°  6. 

(5)  Arch.  dép.  District  de  Lyon.  Q.  422. 


148  LA    MUSIQUE    A    LYON 

dernières  d'orgue,  une  paire  de  timbales,  un  clavecin  et  d'autres  instruments 
années  de  Je  musique.  Toutes  ces  épaves  du  Concert  furent  dispersées  aux 
l  académie  ench£res  .  n0us  n'en  avons  pas  retrouvé  les  traces. 

I  *70o—  1 11 1 

/%i  L'Hôtel  du  Concert,  après  la  période  révolutionnaire,  ne  fut 

pas  racheté  par  la  ville  ;  devenu  maison  d'habitation,  il  fut  démoli 
en  1856,  lors  de  la  transformation  de  la  place  des  Cordeliers. 

Plus  de  cent  années  se  seront  écoulées  avant  que  Lyon  ait 
possédé  de  nouveau  une  salle  de  concerts.  Pendant  tout  le  xixe  siècle, 
les  sociétés  musicales  durent  se  contenter  de  petites  salles  insuffi- 
santes ou  demander  un  abri  aux  cirques  et  aux  cafés-concerts.  Il  y  a 
quelques  jours  seulement,  a  été  inaugurée  une  grande  salle  à  qui 
fut  donné  le  nom  illustre  de  Rameau.  Peut-être  faut-il  attribuer 
en  partie  à  cette  absence  d'hôtel  pour  la  musique,  le  peu  de  durée 
de  tant  de  sociétés  artistiques  dont  aucune  ne  posséda  la  vitalité  de 
de  l'Académie  des  Beaux-Arts. 


VIII 

La  Bibliothèque  du  Concert. 


"  T~  A  Bibliothèque  de  Musique  du  Concert  peut  passer  pour 
la  plus  belle  et  la  plus  complète  du  Royaume.  Elle  est 
composée  d'une  très  grande  quantité  de  Motets  à  grand 
chœur,  tels  que  Lalande,  Bernier,  Campra,  recueillis  avec  soin  etc. 
Il  y  en  a  aussi  qui  ont  été  composés  par  les  meilleurs  Maîtres 
d'Italie,  un  très  grand  nombre  d'Opéras,  dont  tous  ceux  de  Lulli 
qui  y  sont  complets,  et  d'autres  de  bons  Auteurs,  avec  plusieurs 
Divertissemens  formant  un  assemblage  intéressant  de  Pièces  fran- 
çoises  à  grand  chœur.  Outre  ces  pièces  qui  servent  à  remplir  les 
Concerts  généraux,  cette  Bibliothèque  en  renferme  beaucoup 
d'autres  qui  sont  propres  aux  Concerts  particuliers,  tels  que  des 
livres  de  cantates,  sonates  à  violon  seul,  duo  et  trio,  et  des  motets 
de  tous  les  genres  à  une,  deux,  trois  et  même  quatre  voix  avec  et 
sans  symphonie.  On  y  trouve  encore  des  Concerts  à  grande  sym- 
phonie et  des  Oratorio  en  Latin  et  en  Italien,  genre  de  musique 
particulièrement  en  usage  en  Italie..." 

Telle  était  la  note  que  les  Almanachs  de  Lyon  publièrent 
pendant  une  trentaine  d'années  au  sujet  de  la  bibliothèque  "  la 
plus  belle  et  plus  complète  du  Royaume."  Quoiqu'ait  prétendu 
l'Assemblée  Provinciale  dans  la  lettre  reproduite  au  cours  du 
chapitre  précédent,  cette  bibliothèque  était  vraiment  d'un  grande 
richesse.  Elle  renfermait  les  partitions  d'orchestre  et  les  parties 
séparées  de  près  de  trois  cents  motets  à  grand  chœur  et  sym- 
phonie,   de    plus   de   cent  cinquante  grandes  œuvres  dramatiques, 


150  LA     MUSIQUE     A     LYON  Première 

la  biblio-  françaises  ou  italiennes,  environ  de  deux  cent  cinquante  motets 
thèque  du  sans  chœurs,  et  une  certaine  quantité  de  musique  pour  orchestre 
concert  seuj  et  je  musique  de  chambre.  La  bibliothèque  avait  été  con- 
stituée peu  à  peu  grâce  aux  acquisitions  successives  de  l'Académie, 
et  à  deux  dons  ou  legs  faits  par  des  Académiciens. 

Les  deux  premiers  bibliothécaires,  qui  avaient  le  titre  de 
bibliothécaires  perpétuels,  furent  les  fondateurs  de  l'Académie  : 
Christin  et  Bergiron.  Christin  occupa  cette  fonction  jusqu'à  sa 
mort,  en  1755,  et  Bergiron  lui  succéda.  A  la  mort  de  ce  dernier,  le 
bibliothécaire  fut  Boulet,  de  1768  à  1771,  et  d'Eguillon  de  la 
Chaux,  de  1772  jusqu'à  la  fin  de  la  société. 

Christin  avait  légué  à  l'Académie  sa  bibliothèque  personnelle, 
formée  de  douze  livres  de  motets,  trente-trois  opéras,  trente  et  un 
livres  de  cantates  et  trente-quatre  livres  de  symphonies  (1).  De 
plus,  un  amateur  nommé  Hedelin,  qui  était  probablement  le 
conseiller  du  Roi,  inspecteur  général  de  la  Monnaie,  fit  don,  à  une 
époque  que  nous  n'avons  pu  déterminer,  de  la  presque  totalité  des 
motets  sans  chœur  que  possédait  l'Académie. 

L'entretien  d'une  telle  bibliothèque  était  une  tâche  trop 
lourde  pour  le  bibliothécaire  perpétuel  ;  aussi  l'Académie  nom- 
ma-t-elle,  vers  1743,  un  garde  pour  assister  ce  dernier.  Elle  choisit 
Coignet,  le  père  de  l'auteur  de  ^Pygmah'on,  qui  au  début  de  ses 
fonctions,  recevait  un  appointement  de  quatre  cents  livres  par  an  (2). 
Coignet  devait  chaque  année,  fournir  au  secrétariat  de  la  Ville 
l'état  des  acquisitions  de  la  bibliothèque  :  il  semble  s'être  acquitté 
de  cette  charge  sans  trop  de  précision. 

Pourtant,  le  27  mai  1754,  quelques  semaines  après  sa  recon- 

(1)  Ce  legs  ayant  été  fait  postérieurement  à  l'acquisition  du  Concert  par  la 
Ville,  le  Consulat  acheta  à  l'Académie  toute  cette  bibliothèque  au  prix  excessif  de 
deux  mille  cinq  cent  vingt-trois  livres.  (Acte  consulaire  du  26  février  1757  :  BB.  324. 

f°  35). 

(2)  Par  acte  consulaire  du  2  avril  1754,  Coignet  fut  reconnu  par  la  Ville 
comme  garde  de  la  bibliothèque  et  appointé  par  la  municipalité  BB.  321.  f°  64-65. 
Il  cumulait  cette  fonction  avec  celle  de  commissaire  de  police  et  d'inspecteur  des 
lanternes.  Son  traitement  fut  réduit  à  300  livres  en  raison  du  mauvais  état  des  affaires 
de  la  Ville,  le  7  janvier  1766,  puis  à  100  livres  le  30  décembre  1775. 


Partie     AU    DIX-HUITIÈME    SIÈCLE         151 

naissance  officielle  par  la  Ville,  il  déposait  au  secrétariat  municipal  la  biblio- 
l'inventaire  de  la  Bibliothèque,  qui  a  été  conservé  dans  les  papiers  th^que  du 
du  Concert,  et  qui  fut  complété  irrégulièrement  jusqu'en  1766.        concert 

Les  partitions  de  l'Académie  étaient  réunies  dans  l'Hôtel  du 
Concert,  où  elles  restèrent  vraisemblablement  jusqu'en  1791.  Lors 
de  la  vente  des  immeubles  communaux  où  furent-elles  déposées  ? 
—  Nous  l'ignorons  complètement.  Toujours  est-il  qu'une  partie 
de  ce  fonds  musical  se  trouve  aujourd'hui  dans  la  Bibliothèque  du 
Palais  des  Arts.  Quatre-vingts  partitions  de  motets  à  grand  chœur 
environ  sur  trois  cents,  quatre-vingt  dix  volumes  d'opéras  sur  cent 
cinquante,  un  petit  nombre  des  autres  ouvrages  s'y  retrouvent. 
Toutes  les  parties  séparées,  sauf  celles  de  quatre  ou  cinq  œuvres, 
ont  disparu.  Le  dossier  de  la  bibliothèque  du  Palais-des-Arts  est 
muet  sur  la  date  à  laquelle  le  fonds  musical  du  Concert  fut  versé 
dans  cette  bibliothèque.  Nous  n'avons  pu  découvrir  non  plus  la 
trace  des  œuvres  manquant.  Peut-être,  lors  du  prochain  trans- 
fert des  bibliothèques  dans  l'ancien  archevêché,  retrouvera-t-on 
quelques  nouvelles  épaves  du  Concert,  de  même  que  nous  avons 
eu  la  chance  d'en  mettre  au  jour  quelques-unes,  et  non  des 
moins  importantes,  au  cours  de  nos  recherches  personnelles.  (1) 
Pourtant  une  seule  hypothèse  nous  semble  pouvoir  expliquer  la 
disparition  des  trois  quarts  des  partitions  anciennes  de  l'Académie, 
et  la  voici  : 

Quand  Bergiron  du  Fort-Michon  mourut,  en  1768,  sa 
bibliothèque  musicale  fut  vendue  aux  enchères  publiques,  et  les 
Petites  Affiches  du  27  avril,  en  annonçant  la  vente,  publièrent  la 
note  suivante,  un  peu  amphigourique,  que  nous  avons  déjà  citée  en 
partie  et  dont  voici  les  lignes  qui  nous  intéressent  ici  : 

"  On  sait  que  c'est  une  collection  faite  pendant  bien  des  années  et  à 

grands  frais  par  cet  amateur Lyon  lui  doit  l'établissement  de  l'Académie 

des  Beaux-Arts  ;  et  la  bibliothèque  de  musique  de  cette  Société,  copiée  en 

(1)  C'est  ainsi  que  nous  avons  trouvé  des  manuscrits  musicaux  comme  le  traité 
de  J.  B.  Prin  sur  la  trompette  marine,  et  la  partition  du  Notus  in  Judœa  de  l'arche- 
vêque de  Villeroy  :  œuvres  qui  n'avaient  pas  été  cataloguées  et  n'étaient  pas  "  entré  " 
dans  la  bibliothèque  du  Palais  des  Arts. 


152  LA     MUSIQUE     A     LYON  Première 

la  biblio-  partie  de  sa  main,  est  un  monument  de  son  goût  et  de  son  amour  pour  sa 
thèque  du  patrie.  Un  grand  avantage  qui  se  trouve  dans  cette  bibliothèque  de  musique, 
concert        c'est  que  toutes  les  partitions  ont  leurs  parties  de  remplissage,  ce  qui  ne 

se  trouve  pas  dans  les  partitions  gravées.  Cette  vente  se  fera  au  domicile 

de  feu  de  M.  Bergiron...  " 


Ce  communiqué  semble  confondre  la  bibliothèque  personnelle 
de  Bergiron  avec  celle  du  Concert.  Peut-être  les  deux  se  confon- 
daient-elles réellement,  en  partie  au  moins.  Nous  n'avons  pu 
retrouver  un  exemplaire  du  catalogue  de  la  vente  Bergiron,  qui  fut 
pourtant  imprimé,  et  qui  nous  aurait  renseigné  là-dessus  d'une  façon 
certaine.  Il  est  permis  de  supposer,  étant  donné  le  caractère  des 
relations  habituelles  du  Consulat  avec  l'Académie,  que  celle-ci,  lors 
de  l'acquisition  du  mobilier  du  Concert  par  la  Ville,  avait  fait  entrer 
dans  l'inventaire  de  sa  bibliothèque  une  partie  de  la  collection  de 
Bergiron,  de  façon  à  faire  élever  le  prix  d'achat.  A  la  mort  de  Ber- 
giron, l'Académie  aurait  restitué  à  sa  famille  les  partitions  appar- 
tenant au  musicien  défunt,  et  la  Ville  se  serait  vue  de  la  sorte 
frustrée  d'une  grande  partie  du  fonds  musical  qu'elle  avait  acquis. 

Tel  qu'il  existe  aujourd'hui,  ce  fonds  musical  réduit  dont 
nous  avons,  l'an  dernier,  établi  le  catalogue,  présente  encore  un  vif 
intérêt  par  sa  collection  importante  de  partitions  imprimées,  et 
surtout  par  les  quelques  œuvres  inédites  et  inconnues  de  composi- 
teurs lyonnais  qui  y  sont  conservées  en  manuscrit.  Les  œuvres  de 
Bergiron,  par  exemple,  ne  sont  pas  méprisables,  non  plus  que  celles 
d'Estienne,  de  Villesavoye,  ou  de  l'archevêque  de  Villeroy,  et  nous 
nous  efforcerons  de  faire  connaître  prochainement  les  plus  intéres- 
santes au  moyen  du  concert  et  de  l'édition. 

Nous  n'avons  pas  cru  sans  intérêt  de  publier  le  catalogue 
complet  de  la  bibliothèque  du  Concert  d'après  l'inventaire  conservé 
aux  Archives  municipales.  Nous  en  avons  conservé  les  grandes 
divisions  en  dix-neuf  parties  ou  ordres,  mais,  dans  chacune  de  ces 
parties,  nous  avons  adopté  le  classement  alphabétique  par  noms 
d'auteurs,  qui  pourra  faciliter  les  recherches.  Nous  avons  spécifié 
les  œuvres  disparues  et  celles  conservées,  et  au  nom  de  ces 
dernières  nous  avons  joint  les  indications  biographiques  habituelles. 


CONCERT 


Partie     AU    DIX-HUITIÈME    SIÈCLE         iS3 

ORDRE  A.  LA    biblio- 

MOTETS  à  GRAND  CHŒUR.  thèque  du 

Anonymes.  —  Non  conservé  :  Kyrie  et  Gloria.  —  Omnes  génies.  —  Exultate 
Deo.  —  Jubilate,  cantate.  —  Magnus  Deus.  —  Judica  me.  —  Dixit  domi- 
nas. —  Exaltabo  te  (v.  Valette). 

Conservé  :  Domine  sahum  fac  regem  :  Pas   de  partition,   quinze 
parties  d'orchestre  et  choeurs  (MSS  in-40). 

Aphrodize.  —  Non  conservé  :  Dominus  regnavit. 

Aresti.  —  Non  conservé  :  Kyrie  et  gloria.  —  Credo. 

Banau.  —  Non  conservé  :  Magnificat. 

Bassani.  —  Non  conservé  :   Jam  exulta.  —  Almaparens.  —  4  Messes,  dont 

une  Messe  des  Morts. 
Belissen.  —  Non  conservé  :  Jubilate  Deo.  —  Magnificat.  —  Beatus  vir.  — 

Exultate,  Justi.  —   Credidi  propter.  —   Cum   invocarem.  —   Benedicam 

Dominum. 

Conservé  :  Ch(isi  Dominus  (M S.  in  f°  obi.  de  1 15  p.,  Lyon  1742.) 
Bellouard.  —  Non  conservé  :  2  Regina  cœli. 

Conservé  :  Dominus  regnavit  decorem  (MS.  in  f°  92  p.) 

Belot.  —  Non  conservé  :  Exurgat  Deus. 

Bergiron  du  Fort-Michon.  —  Non  conservé  :  In  te  Domine  speravi.  — 
Jubilate  Deo.  —  Dies  irœ.  —  Sahum  me  fac,  fragments. 

Conservé  :  Misericordias  Domini  (M S.  in  f°  obi.  58  p.) 

Bernard.  —  Non  conservé  :  Domine,  quid  multiplicati  sunt. 

Bernier.  —  Non  conservé  :  Domine,  quid  multiplicati  sunt.  —  Te  Deum.  — 

Lauda  anima  mea.  —   Miserere  mei  Deus.  —  Beatus  vir.  —  Credidi 

propter.  —  Judica  me,  Deus.  —  Regina  cœli.  —  Exultate,  Justi. 

Conservé:    Cum  invocarem  (M S.  in   40    ni  p.)   Cantate  Domino 
(MS.  in  40  105  p.) 
Blamont  (Colin  de)  —  Conservé  :   Te  Deum,  "  motet  à  grand  choeur  et 
Symphonie  avec  Trompettes  et  Timballes":  in  f°  obi.  s.l.n.d. 

Blanchard.  —  Non  conservé  :  De  profundis.  —  Venite  exultemus.  —  Con- 
serva me. 

Bournonville.  —  Non  conservé  :  Lauda  Jérusalem. 

Bouzon.  —  Non  conservé  :  Nunc  dimittis. 

Campra.  —  Non  conservé  :  Ferte  coronas.  —  Quam  fremerunt  gentes.  —  Te 
Deum.  —  Exurgat  Deus.  —  Messe  des  Morts.  —  Beatus  vir.  —  2  Dixit 
Dominus.  —  Magnificat.  —  Usquequo.  —  Exulta  Sancta  Sion.  —  Beau 

11 


54 


LA     MUSIQUE     A     LYON  Première 


LA  BIBLIO- 
THÈQUE DU 
CONCERT 


omnes.  —  Deus  in  adjutorium.  —  Quemadmodum.  —  Confitebor.  —  Confi- 
temini  Domino.  —  Nisi  Dominas. 

Conservé  :  In  convertendo  :  Dans  le  3e  livre  de  "  Motets  à  1,  2  et 
3  voix...  avec  basse  continue",  Paris,  Ballard,  1703,  in  f° — Deus  noster 
refugium  (MS.  in  f°  72  p.)  —  In  exitu  Israël  (MS.  in  f°  66  p.) 

Chellery.  —  Non  conservé  :  Kyrie  et  Gloria.  —  Credo. 
Clérambaut.  —  Non  conservé  :  Laudemus  cantemus. 
Collasse.  —  Non  conservé  :  Beatus  ïir. 
Davesne.  —  Non  conservé  :  Laudate  Dominum. 
David.  —  Non  conservé  :  Qui  habitavit. 
Delaunay.  —  Non  conservé  :  Diligam  te  Domine. 

Conservé  :  Confitebor  (MS.  in  f°  obi.  de  48   p.) 
Desmarets.  —  Non  conservé  :  Cum  invocarem.  —  Beau  omnes.  —  De  pro- 

fundis.  —  Dominus  regnavit.  —  Lauda  Jérusalem.  —  Nisi  Dominus. 

Conservé  :  Usquequo  Domine  (MS.  in   f°  obi.  69  p.  Lyon,  171 8.) 

Te  Deum,  "motet  à  grand  choeur  à  4,  avec  des  trompettes  ou  hautbois." 

(MS.  f°  obi.  45  p.) 

Desmasures.  —  Non  conservé  :  Messe  des  Morts. 

Destouches.  —  Non  conservé  :   Diligam  te  Domine.  —  Cantate  Domino  laus 

ejus.  —  Deus,  Deus  meus,  de  luce.  —  Te  Deum.  —  De  profundis. 
De  Villeroy  (Mgr)  —  Non  conservé  :  Miserere  mei  Deus. 

Conservé  :  Notus  in  Judœa  Deus.  (MS.  in  40  30  f.) 

Dorléan  (Philippe  d'Orléans  ?)  —  Conservé  :  Deus  in  nomine  :  Pas  de  par- 
tition; 30  parties  d'orchestre  et  choeurs  (MSS  in-40.) 

Dornet.  —  Non  conservé  :  Eructavit  cor  meum.  —  Domine,  audivi,  — 
Deus,  Deus  meus.  —  Dominus  regnaVit. 

Drouart  de  Bousset.  —  Non  conservé  :  Domine,  ne  in  furore.  —  Notus  in 
Judœa  Deus. 

Conservé  :  Deus  noster  refugium.  (MS.  in  40,  46  p.) 

Dupin.  —  Non  conservé  :  Salvum  me  fac  Deus.  —  Omnes  gentes. 

Estienne.  —  Non  conservé  :  Super  flumina.  —  Omnes  gentes.  —  Benedictus 

Dominus  Deus.  —  Veni  Virgo.  —  Deus  in  adjutorium.   —  Misericordias 

Domini.  —  Beatus  vir.  —  Super  flumina. 

Conservé  :  Cum  invocarem  (M  S.  in  40  94  p.)  —  Beau  quorum 
(MS.  in  40  132  p.)  —  Confitebor  (MS.  in  40  128  p.)  —  Domine,  quis 
habitabit  (MS.  in  40  54  p.)  —  Venite  exultemus  (MS.  in  40  100  p.) 
Gaudete  cœlites,  motet  pour  la  fête  de   Sfc  Pierre.   (MS.  in  40  113  p.) 


Partie     AU  D IX- H U ITIÈ M E  SIÈCLE         155 

—  O  Félix,  motet  pour   la  fête  de   S*  Louis.   (MS.  in  40  117  p.)  —  la    biblio- 
Benedictus  Dominus  Deus  Israël  (M  S.  in  40   112  p.)  —  Dominus  régit  me  thèque  du 
(M S.   in  40   159  p.)  —  Accurite,  motet  pour  la  fête  de  S*  Joseph  concert 
(MS.  in  40  107  p.)  —  Exaudiat  (MS.  in  40  106  p.) 

Fago.  —  Non  conservé  :  Alta  collis. 

Fideli.  —  Non  conservé  :  Magnificat. 

Garon.  —  Conservé  :  Laudemus  viros  fortes,  motet  à  grand  chœur  par  M. 

l'Abbé  Garon,  mis   en    symphonie  par  M.  l'Abbé  Bouzon.  (MS.  in 

4°  38  p.) 
Gautier.  —  Conservé  :  Ecce  Domine  (MS.  in  f°  13  p.) 

Giay.  —  Non  conservé  :  Cœli  splendentes.  —  Dixit  Dominus. 

Gilles.  —  Non  conservé  :  Messe  des  Morts.  —  Diligam  te,  Domine.  — 
Gaudete  fidèles  concentibus.  —  Deus  in  adjutorium.  —  Gaudete  fidèles  lœ- 
tantes.  —  Domine  Deus  meus.  —  Lœtatus  sum.  —  Te  Deum.  —  Cantus 
D.  uberes.  —  Lauda  anima. 

Grenet.  —  Non  conservé  :  Te  Deum.  —  Lœvavi  oculos.  —  Benedic  anima. 

—  Omnes  gentes. 

Gui.  —  Non  conservé  :  Cum  laude  décora. 

Haendel.  —  Non  conservé  :  Te  Deum.  —  Jubilate  Deo. 

Hardouïn.  —  Non  conservé  :  Jubilate  Deo.  —  Lœtatus  sum.  —  Laudate 
Dominum.  —  Quam  dilecta.  —  Beati  omnes.  —  Cantate  Domino. 

La  Croix.  —  Non  conservé  :  Domine  in  virtute  tua.  —  Jubilate  Deo  Lugdu- 
num.  —  Deus  Dominus  Deorum. 

La  Guittonnière  (Chupin  de).  —  Non  conservé  :  Regina  cœli. 

La  Lande.  —  Non  conservé  :  Exaudi  Deus.  —  Te  Deum.  —  Benedictus 
Dominus  qui  docet.  —  Dixit  Dominus.  —  O  Filii  et  Filiœ.  —  Lauda  Hie- 
rusalem.  —  Exultate  justi  in  Domino.  —  Domine  in  virtute  tua.  —  Nisi 
Dominus.  —  Beatus  vir  qui  timet.  —  Deus  meus  ad  te.  —  Lœtatus  sum.  — 
Deus  in  nomine. 

Conservé  :  Confitebor.  —  Nisi  quia  Dominus.  —  Dominus  regnavit. 

—  Sacris  solemniis.  —  Deus  in  adjutorium.  —  Exurgat.  —  Cantate  Do- 
mino. —  Confitemini  Domino.  —  Notus  in  Judœa.  —  Miserere  mei.  — 
Judica  me  Deus.  —  Quam  fremuerunt  gentes.  —  Regina  cœli,  lœtare.  — 
Usquequo  Domine.  —  Beati  omnes  qui  timent.  —  Quemadmodum  desiderat. 

—  De  profundis.  —  Exaltabo  Deus.  —  Deus  noster  refugium.  —  Dominus 
régit  me.  —  Venite  exultemus.  —  Ad  te,  Domine,  clamabo.  —  Credidi 
propter.  —  In  con)>ertendo  Dominus.  —  Fange  lingua.  —  Exaltabo  te  Domine. 

—  Benedictus  Dominus  Deus.  —  Confitebor  tibi  Domine.  —  Laudate  Do- 


156  LA     MUSIQUE     A     LYON  Première 

la    BiBLio-  minum  quoniam.  —  Magnus  Dominus.  Tous  ces  motets  sont  publiés  dans 

thèque  du  la  même   édition  in  f°   (Paris,   Boivin,    1729)   sauf  Dominus  regnavit 

concert  (MS.  in  40  85  p.)  Cantate  Domino   (MS.  in  40.)   Il  existe  des  doubles 

manuscrits  de  Confitebor  (in  f°  obi.  68  p.)  et  de  Exurgat  (in  40  Lyon, 

Taunat,  1725.) 

Lalouette.  —  Non  conservé  :  De  profundis.  —  Confitebor.  —  Judica  me.  — 

Super  flumina.  —  Ad  Dominum  quum  tribularem. 

Conservé  :    Te  Deum  (M  S.  in  f°  168  p.)   —  Miserere  mei  Deus 
(MS.  in  f°   110  p.)  —  Domine  in  virtute  tua   (MS.  in  f°  64  p.)   — 
Beatus  vir  (MS.  in  f°  46  p.) 
Laubreau.  —  Non  conservé  :  Benedicy  anima  mea. 
La  Valette.  —  Non  conservé  :  Exaltabo  te  Deus  meus.  (v.  Valette) 
Lavocat.  —  Non  conservé  :  Usquequo.  —  Qui  habitat. 
Levens.  —  Non  conservé:  Deus  noster.  —  Verba  mea.  —  Benedictus  Dominus. 

Conservé  :  Paratum  cor  meum  (M  S.  in  40  42  p.) 
Lotti.  —  Non  conservé  :  Laudate  pueri. 

Lully.  —  Non  conservé  :  Magnificat. 

Conservé  :  Miserere  mei  Deus.  —  Benedictus.  —  Te  Deum.  —  De  pro- 
fundis. —  Dies  irœ.  —  Plaude,  lœtare,  Gallia.  Ces  six  motets  en  un  seul 
volume  MS.  in  f°  358  p. 

Madin  (abbé).  —  Non  conservé  :  Lauda  Jérusalem.  —  Cantate  Domino.  — 
In  Domino  confido.  —  Deus  Deorum  Dominus.  —  Deus  venerunt gentes.  — 
Benedic  anima  mea.  —  Nisi  Dominus. 

Mallet.  —  Non  conservé  :  Domine  in  virtute  tua.  —  Benedicam. 

Manchini.  —  Non  conservé  :  Plaude  cœlum. 

Melani.  —  Conservé  :  Veritas  mea.  Pas  de  partition;  7  parties  MSS  in  f°  obi. 

Michel.  —  Non  conservé  :  Notus  in  Judœa  Deus. 

Mondonville.  —  Non  conservé  :  Magnus  Dominus.  —  Cantate  Domino.  — 
Dominus  regnavit. 

Conservé  :  Jubilate  Deo.  (M S.  in  f°  obi.  42  p.) 
Moreau.  —  Non  conservé  :  Exaltabo  te. 

Olivier.  —  Non  conservé  :  Dominus  regnavit. 

Pellegrin.  —  Non  conservé  :  Benedictus.  —  In  convertendo. 

Pergolèse.  —  Conservé  :  Stabat  Mater  (MS.  inf°  obi.  83  p.) 

Petouille.  —  Non  conservé  :  Quam  dilecta.  —  Lauda  Jérusalem.  —  Dixit 

Dominus.  —  Domine,  quid  multiplicati  sunt.  —  Confitebor  tibi. 

Conservé  :     Confitebor.  (MS.  in   f°  obi.  49  f.)   —  Beau   omnes. 

(M S.  in  40  69  p.) 


\ \ 


Par™     AU    DIX-HUITIEME    SIECLE         157 

Pipereau.  —  Non  conservé  :  Dixit  Dominus.  la    biblio- 

Pitoni.  —  Non  conservé  :  Te  Deum.  — Miserere  met  Deus.  —  Omnes  gentes.  theque  du 
Planton.  —  Non  conservé  :  Deus  ^enerunt.  concert 

Rameau.  —  Non  conservé  :  Deus  noster  refugium.  —  In   converlendo.   — 
Quam  dilecta. 

Renoult.  —  Non  conservé  :  Incipite  Domino. 

Salomon.  —  Conservé  :  De  profundis  (MS.  in  f°  79  p.)  —  In  te,  Domine, 
speravi.  (M S.  in  f°  6 2  p.) 

Scarlatti.  —  Conservé  :  Buccinœ.    Pas  de  partition  ;  7  parties   d'orchestre 
(MSS  in  f°  obi.) 

Stradella. —  Conservé  :  Qui  habitai,  motet  à  cinq  voix  (M S.  in  f°  obi.) 
Torry.  —  Non  conservé  :  Confitebor  magna  opéra. 

Toutain.  —  Non  conservé  :  Regina  cœli.   —  Lingua  dolorosa.  —  Miserere 
mei.  —  Confitebor  tibi. 

Conservé  :    Cantate  Domino.   (MS.  in  40  102  p.)   —  Lauda  filia. 

(MS.  in  40  74  p.  Rothomagi  1758).   —  Incipite  Dominus.  (MS.  65  p. 

1757). —  Quare  fremuerunt  (M S.  inf°obl.  65  p.  "envoyé  par  l'auteur.") 

Tous  ces  motets  de  Toutain  semblent  être  des  manuscrits  de  l'auteur. 

Valette.  —  Non  conservé  :  Judica  me,  Domine.  —  Lauda  Jérusalem. 

Conservé  :  Surge  propera.  (MS.  in  40  62  p.  signature  de  l'auteur.) 
Exaltabo  te  (Auteur  douteux  v.  La  Valette).  Pas  de  partition;  7  par- 
ties d'orchestre.  (MS.  in  40.) 

Villesavoye.  —  Non  conservé  :  Kyrie  et  Gloria. 

Weidner.  —  Non  conservé  :  O  anima  mea. 


ORDRE   B. 


PIECES   DE    MUSIQUE   FRANÇAISES    ET    ITALIENNES 

A   GRAND    CHŒUR. 

Anonyme.  —  Non  conservé  :  Les  stratagèmes  de  Vamour. 

Alarius  et  Matho.  —  Non  conservé  :  La  Jeunesse. 

Aubert.  —  Conservé  :  Ballet  de  Chantilly,  Paris,   chez  l'auteur,  1723  in  f°. 

Batistin.  —  Non  conservé  :   Mèlèagre,  prologue  et  un  extrait  —  Polidore 
opéra. 

Bellouard    (Mathieu.)   —   Non   conservé  :  Le  triomphe  de  la  constance, 
V amour  Vainqueur. 


I58  LA     MUSIQUE     A     LYON  Première 

la    biblio-  Bergiron  du  Fort  Michon.  —  Non  conservé  :   Arèthuse.  —  U  apothéose 
thèque  du  d'Hercule.  —  La  Pastorale.  —  La  fête  marine.  —  Le  désespoir.  —  Les 

concert  Vendanges  de  Neuville.  —  La  chasse. 

Conservé  :  L 'Impromptu    (M  S.  in  40  68.  p.)  —  Le  retour  de  la 

paix  (MS.  in  40  121  p.) —  Hipermenestre  et  Lincée  (MS.  in  f°  123  p. 

1746.)  —   La  Jalousie  (MS.  in  f°obl.  110  p.   171 8.)  —  Thétis  et  Pelée 

(MS.   in  f°  64  p.)  —  Pentezilée  (MS.  in  f°  60  p.)  —  Les  fêtes  de 

} amour.  (MS.  in  f°  obi.  127  p.) 
Bertin.  —  Conservé  :  Le  Jugement  de  Paris,  opéra  extrait  en  un  concert  par 

Bergiron  (MS.  in  f°  obi.  68  p.)  — Ajax,  Paris  ,Ballard,  1716,  in  f°obl. 

Plus,  du  même  opéra,  un  extrait  en  2  concerts  par  Bergiron  (2  MSS 

in  f°  obi.  120  et  115  p.) 
Blamont  (Colin  de).  —  Conservé  :  Le  caprice  d'Erato,  Paris,  Mont  Parnasse, 

s.d.  in  f°  obi.   —   Les  fêtes  grecques  et  romaines,   Paris,   Ballard,  1723, 

in  f°  obi.  —  Les  fêtes  de  Diane,  nouvelle  entrée  ajoutée  aux   Fêtes 

grecques  et  romaines  en  1734  :  titre  absent,  in  f°  obi.  —  Le  retour  des 

Dieux,  Paris,  Ballard,  1727,  in  f°  obi. 

Bourgeois.  —  Non  conservé  :  Les  amours  déguisés. 

Campra.  —  Non  conservé:  La  Sérénade.  —  Les  Muses.  —  Orpheo  nel inferi, 
divertissement  du  Carnaval  de  Venise.  —  Hébé,  prologue  des  Amours 
de  Mars  et  Vénus.  —  Camille.  —  Les  Amours  de  Vénus. 

Conservé  :  Les  Fêtes  Vénitiennes,  Paris,  Ballard,  17 10,  inf°obl.  — 
L'Europe  galante,  Paris,  Ballard,  1724,  in  f°.  —  Tancrede,  Paris,  Ballard, 
1702,  in  f°  obi.  —  Enèe  et  Didon  :  MS.  in  f°  obi.  40  p.  —  Hésione, 
Paris,  Ballard,  1701,  in  fc  obi.  (2  exemplaires.)  —  Iphigénie,  Paris, 
Ballard,  171 1,  in  f°  obi.  plus  un  extrait  de  cet  opéra  (MS.  1722  in 
f °  209  p.)  —  Idoménée,  Paris,  Ballard,  1 7 1 2  in  f °  obi.  —  Les  Ages, 
en  2  concerts  (2  MSS  in  f°  obi.  92  et  92  p.) 

Charpentier.  —  Conservé  :  Médée,  Paris,  Ballard,  1694,  in  f°. 
Charville.  (vz.  Le  Clerc) 

Christin.  —  Conservé  :  Le  Triomphe  de  Vénus  :  MS.  in  f°  obi.  79  p. 
Clérambaut.  —  Non  conservé  :  Daphnis  et  Sylvie. 
Colasse.  —  Non  conservé  :  Le  ballet  des  saisons.  —  Achille  et  Polixene. 
Conservé  :  Thétis  et  Pelée,  Paris,  Ballard,  1689,  in  f°. 

Dauvergne.  —  Non  conservé  :  Les  Fêtes  d'Euterpe. 

Conservé  :  Les  Fêtes  de  Tempe,  Paris,  chez  l'auteur,  s.d.  in  40. 
David.  —  Non  conservé  :  L'amour  et  l'Hymen  réconciliés. 
Debury.  —  Conservé  :  Caractères  de  la  Folie,  en  2  concerts  :    2  MSS  in  40, 

118  et  126  p. 


Partie    AU   D IX- H  U ITI È  M  E    SIÈCLE         159 

Desmarets.  —  Non  conservé  :  Iphigénie  (vz.  Campra.)  la    btblio- 

Conservé  :  Vénus  et  Adonis,  Paris,  Ballard,  1697,  in  f°  obi.  thèque  du 

Destouches.  —  Non  conservé  :  Callirohé.  —  Tèlèmaque  et  Calypso.  —  Les  CONCERT 
Eléments.  —  Omphale.  —  Marthesie.  —  Le  carillon  d'Orléans. 

Conservé  :  Sèmiramis,  extraits  en  deux  concerts  par  Bergiron,  2 
MSS  in  f°  obi.  128  et  133  p.  —  Le  Carnaval  et  la  folie,  extraits  en 
deux  concerts  par  Bergiron,  2  MSS  in  f °  obi.  110  et  124  p.  —  Amadis 
de  Grèce,  Paris,  Ballard,  1699,  in  f°  obi.  (2  exemplaires)  et  Paris,  Bal- 
lard  1712,  in  f°  obi.  (3  exemplaires)  —  Issé,  Paris,  Ballard,  1712,  in 
f  °  obi.  —  Le  Professeur  de  Folie,  Paris,  Ballard,  1 7 1 1  in  f  °  obi. 

Dubreuil.  —  Conservé  :  Idas  et  Doris,  MS.  in  40  127  p. 

Francœur.  (vz.  Rebel.) 

Gervais.  —  Non  conservé  :  Les  amours  de  Prothée. 

Gillier.  —  Non  conservé  :  La  musette  de  Suresnes. 

Granet  (sic)  [Grenet].  —  Conservé:  Le  triomphe  de  V Harmonie,  Paris, 
chez  l'auteur,  1737,  in  40.  —  Apollon,  berger  d'Admele,  Paris,  Boivin, 
et  Lyon,  chez  l'auteur,  1745,  in  f°. 

Hardouïn.  —  Conservé  :  Le  retour  du  Printemps,  M  S.  in  f°  obi.  114  p. 

Iso  (Yzo).  —  Non  conservé  :  Zemide. 

La  Borde  (de).  —  Conservé  :  La  cinquantaine,  Paris  Moria,  s.d.  in  40. 

La  Croix  :  Non  conservé  :  11 'Amour  et  la  Folie. 

La  Garde  (de).  —  Conservé  :  Œglè,  Paris,  chez  l'auteur,  s.d.  in  40. 

La  Lande.  —  Conservé  :  U  Amour  fléchi  par  la  constance,  MS.  in  40  63  f. 

Le  Clair  (l'aîné).  —  Conservé  :  Scylla  et  Glaucus,  Paris,  chez  l'auteur, 
1746,  in  40. 

Le  Clerc  (le  cadet).  —  Non  conservé  :  Divertissement  champêtre.  —  Le 
Rhône  et  la  Saône  (avec  Charville.) 

Lully.  —  Non  conservé  :  Çadmus.  —  Achille  et  Polixène  (v.  Colasse).  — 
La  Fête  de  Versailles. 

Conservé  :  Phaéton.  Plusieurs  exemplaires:  Ie  édition,  Paris,  Bal- 
lard, 1683,  in  f°;  2e  édition,  id.  171 8  ;  3e  édition  id.  1721.  —  Atys, 
Ballard,  1720,  in  f°  et  une  partition  manuscrite  in  f°  de  156  p.  — 
Acis  et  Galathée,  Ballard,  1686,  in  f°.  —  Amadis  des  Gaules,  Ballard, 
1684,  in  f°  et  une  partition  manuscrite.  — Proserpine,  ire  édition,  Ballard 
1680;  2e  édition  id.  17 14.  —  Idylle  de  Sceaux,  MS.  f°obl.  27  p.  —  Grotte 
de  Versailles,  Ballard,  1685,  in  f°  et  une  partition  manuscrite  in  f°obl. 
17  p.  —  Persée,  ire  édition,  Ballard,  1682;  2e  édition  id.  17 10  in  f°. — 


IÔO  LA     MUSIQUE     A     LYON  Première 

la    biblio-  Roland,  Ballard,  1685,  in  f°. —  Le  Triomphe  de  T amour,  Ballard,  1681, 

thèque  du  in  f°.  —    Thésée,  Partition    manuscrite  in   f°   de    127  f.   —  Armide, 

concert  Ballard,  1686,  in  f°  et  une  partition  manuscrite  in  f°  de  322  p.  — 

Bellérophon,  Ballard,  1679,  in  f°.  —  Psyché,  partition  manuscrite  in  f°  de 

126  f.  —  Alceste,  partition  manuscrite  in  f°de  125  p.  —  Le  temple  de  la 

paix,  Ballard,  1685,  in  f°.  —  Isis,  Ballard,  17 19,  in  f°  et  une  partition 

manuscrite  in  f°  de  295  p. 

Les  Frères  de  M.  de  Lully.  —  Conservé  :  Zephire  et  Flore,  Paris,  Bal- 
lard, 1688,  in  f°. 

Lully  (de)  (l'aîné).  —  Conservé  :  Orphée,  Paris,  Ballard,  1690,  in  f° 

Marais.  —  Non  conservé  :  Sémelê. 

Conservé  ;  Alcione,  Paris,  chez  l'auteur,  1706,  in  f°  obi. 

Marin.  —  Non  conservé  :  V Hymen  et  V amour.  —  Alcine. 

Mathieu  (vz.  Bellouard). 

Matho  (vz.  Alarius.) 

Mondonville.  —  Non  conservé  :  Thisbè.  —  Le  Carnaval  du  Parnasse.  — 
Les  f  estes  de  Paphos.  —  Daphnis  et  Alcimadure. 

Conservé  :  Titon  et  l'Aurore,  Paris,  chez  l'auteur,  s.d. 

Montéclair.  —  Non  conservé  :  Jepté. 

Conservé  :  Les  fêtes  de  Pété,  Paris,  Ballard,  17 16,  in  fQ. 

Morin.  —  Non  conservé  :  La  chasse  au  cerf. 

Mouret.  —  Non  conservé  :  Les  fêtes  de  Thalie.  —  Le  Triomphe  des  sens. 

Conservé  :  Arianne,  extrait  en  3  concerts  par  Bergiron.  3e  concert: 
MS.  in  f°  obi.  103  p.  —  Les  Amours  des  Dieux,   M  S.  in  f°  156  p.  — 
Le  ballet  des  Grâces,  fragments  :  M  S.  in  f°  obi.  107  p. 
Ni el.  —  Non  conservé  :  Les  romans. 

Rameau.  —  Non  conservé  :  Indes  galantes.  —  Zaïs.  —  Les  f  estes  de  l'Hymen. 

—  Nais.  —  Les  Fêtes  de  Polymnie.  —  Les  surprises  de  l'amour.  —  Sibaris, 
acte  des  Surprises  de  l'amour.  —  La  Feérie,  3e  acte  des  fêtes  de  Polymnie. 

Conservé:  Hippolyte  et Aride,  divertissement  composé  de  fragments, 
Ier  concert,  MS.  in  f°  obi.  130  p.  —  Dardanus,  Paris,  chez  l'auteur, 
s.d.  in  f°  obi.  plus  un  extrait,  M  S.  in  f°  obi.  156  p.  —  Les  talents 
lyriques,  extrait  2  concerts,  2  MSS  in  f°  obi.  49  et  86  p.  —  Zoroastre, 
Paris,  Boivin,  s.d.  in  40  et  un  extrait  M  S.  in  f°  obi.  89  p.  —  Pigmalion, 
MS.  in  f°  obi.  69  p.  —  La  Guirlande,  Paris,  chez  l'auteur  s.d.  in  40. 

—  Platée,  in  f°  obi.  s.l.n.d.  —  Castor  et  Pollux,  Paris,  chez  l'auteur, 
s.d.  in  f°  obi.  plus  des  fragments,  MS.  Lyon,  Thaunat,  1740,  in  f° 
obi.  114  p. 


Partie     AU    DIX-HUITIÈME    SIÈCLE        161 

Rebel  et  Francœur.  —  Non  conservé  :  Pyrame  et  Thisbê.  —  Le  retour  du  la    biblio- 
Roy.  —  Zélindor.  —  Le  trophée.  thèque  du 

Conservé  :   Scandelbergy  Paris,  Francœur,  s.d.  in  f°  obi.    —  Le  concert 
ballet  de  la  paix,   M  S.   in   f°  obi.    255    p.   —  Les  Augustales,    Paris, 
Boivin,  1744,  in  f°  obi.  —  Ismène,  MS.  in  f°  obi.  109  p. 

Royer.  —  Conservé  :  Zaïde,  MS.  in  f°  obi.   182  p.  —  Almasis,  MS.  in 
f°obl.  116  p. 

Salomon.  —  Conservé  :  Mêdêe  et  Jason,  MS.  in  f°  212  p. 

Villesavoye.  —  Non  conservé  :  Idylle  héroïque. 

Conservé  :  Le  retour  de  Pyrrhus  Neoptolème,  M  S.  in  f°obl.  113  p. 


ORDRE  C. 

SYMPHONIES. 

Anonymes  Italiens.  —  Non  conservé  :  Ouverture  et  plusieurs  menuets  et 
autres  symphonies. 

Alberti.  —  Non  conservé  :  Concerto  Ier  œuvre;  deux  Concerts. 

Albinoni.  —  Non  conservé  :  Concerts  :  2e,  5e,  7e  et  9e  œuvres. 

Aubert.  —  Non  conservé  :  4  suites  de  symphonies. 

Bernasconi.  —  Non  conservé  :  Ouverture. 

Boismortier.  —  Non  conservé  :  Noël  en  concert. 

Chambord.  —  Non  conservé  :  Concert. 

Corelli.  —  Non  conservé  :  5me  œuvre  mis  en  concert  par  Geminiani.  — 
Ouverture. 

Conservé  :  Concerti  grossi  con  duoi   violoni  e  violoncello 

opéra  sesta;  Amsterdam,  Roger,  s.d.  (Partition  et  2  parties.) 
Dandrieu.  —  Conservé  :   Les  caractères  de  la  guerre,  suite  de  Symphonies 

ajouté  à  l'opéra...  Paris,  Mont  Parnasse,  17 18,  in  f°  obi. 
Estienne.  —  Non  conservé  :  Noël  en  symphonie. 
Fiore  (André).  —  Non  conservé  :  Concert. 
Huguenet.  —  Non  conservé  :  Le  double  trio  en  sonate. 
Jomelli.  —  Non  conservé  :  Deux  ouvertures. 
Manna.  —  Non  conservé  :  Ouverture. 
Rebel.  —  Non  conservé  :  Messe  en  symphonie.  —  Caprice.  —  Boutade. 

Les  caractères  de  la  danse. 

Sabatini.  —  Non  conservé  :  Ouverture. 


IÔ2  LA     MUSIQUE     A     LYON  Première 

la    biblio-  Scarlatti.  —  Non  conservé  :  Ouverture. 
thèque  du  Sicard.  —  Non  conservé  :  Concert,  op.  13. 
concert        Valentini.  —  Non  conservé  :  Concert. 
Vivaldi.  —  Non  conservé  :  2  Concerts. 

Conservé  :    Concerts  L'Estro  armonico,  Amsterdam,   Roger,  s.d. 
8  vol.  in  f° 


ORDRE   D. 
MOTETS  A   VOIX   SEULE  SANS   SYMPHONIE. 

Anonymes.  —  31  motets  de  divers  auteurs. 

Brossard.  —  Conservé  :  Sonitus  armorum^  prodromus  musicalis,  Paris,  Ballard, 

1702,  in  f°* 
Valette.  —  Non  conservé  :  Super  Flumina  Babylonis. 


ORDRE   E. 

MOTETS  A  VOIX  SEULE  ET  SYMPHONIE. 

Anonymes.  —  Non  conservé  :  Cinquante  motets  de  divers  auteurs 
(inventaire  Hedelin.) 

Brossard.  —  Non  conservé  :  Qui  diligit  te. 

Bernier.  —  Non  conservé  :  Venite  exultemus.  —  Recédant  lacrymœ.  — 
Regina  cœli. 

Campra.  —  Non  conservé  :  Florete  prata.  —  Laudate  Dominum. 

Chellery.  —  Non  conservé  :  Cessati. 

David.  —  Non  conservé  :  In  hoc  mundo.  —  Quid  me  tentabis. 

Lotti.  —  Non  conservé  :  Vos  ad gaudia.  —  Magnojucundio.  —  De  profundo. 
—  No'ïo  foco.  —  Mœsta  hirondo. 

Polavoli.  —  Non  conservé  :  Çor  dilecti.  —  Cordis  mei.  —  Ferœ  in  monte.  — 
Venite  volate.  —  Prater  sihœ. 

Savioli  (Savioni  ?)  —  Non  conservé  :  Levavi  oculos. 

Valette  de  Montigny.  —  Conservé  :  In  coniïertendo,  motet  à  voix  seule, 
accompagnée  d'une  flûte  allemande  et  de  deux  basses  en  plusieurs  en- 
droits, MS.  in  f°  de  11  p.  1717  (envoyé  par  l'auteur.) 


Partie     AU   DIX-HUITIÈME    SIÈCLE        163 

ORDRE     F.  LA      BIBLIO- 

MOTETS  A  DEUX  VOIX  SANS  SYMPHONIE.  theque  du 

xt  1        n/r         -j"  ^    •  •  CONCERT 

Anonymes.  —  Non  conserve  :  Magnificat.  —  (^Juis  strepitus.  —  53  motets 
de  divers  auteurs  (inventaire  Hedelin.) 

Morin.  —  Non  conservé  :  Festini  martires. 


ORDRE   G. 

MOTETS  A  DEUX  VOIX  ET  SYMPHONIE. 

Anonymes.  —    Non  conservé  :   24   motets  de  divers  auteurs  (inventaire 
Hedelin.) 

Chellery.  —  Non  conservé  :  Laudate  pueri. 

C.  S.  —  Non  conservé  :  In  tam  festiva  die. 

Polavoli.  —  Non  conservé  :  Laudate  pueri. 

Ziani.  —  Non  conservé  :  Nisi  Dominus. 


ORDRE   H. 

MOTETS  A  TROIS  VOIX  SANS  SYMPHONIE. 

Anonymes.  —  Non  conservé  :   78   motets   de   divers  auteurs  (Inventaire 
Hedelin.) 

Bernier.  —  Non  conservé  :  De  profundis. 

Lully.  —  Non  conservé  :  Un  livre  contenant  10  motets  à  3  voix. 


ORDRE    I. 
MOTETS  A  TROIS  VOIX  ET  SYMPHONIE. 

Aucun  nest  conservé. 
Anonyme  :  Confitebor. 
Le  P.  Benoît  de  S*  Joseph.  —  Messe  à  3  voix  et  symphonie  et  10  motets 

à  1,  2  et  4  voix,  avec  symphonie,  œuvre  9. 
Brunet  de  Molan.  —  ExaltaVit  cor  meum. 

La  Croix.  —  Jubilate.  —  Salve  Regina.  —  Lauda  Sion.  —  Miserere  mei  Deus. 
La  Touche.  —  De  profundis  en  français. 
Rameau.  —  Exulte t  cœlum  laudibus. 
Valette.  —  Ecce  quant  bonum. 


164  LA     MUSIQUE     A     LYON  Première 

LA    BIBLIO-  ORDRE    K. 


I 


theque  du  ORATOIRES  EN  LATIN  (pas  de  liste.) 

CONCERT 


ORDRE   L. 
MOTETS  A  i,  2,  3  et  4  VOIX  AVEC  ET  SANS  SYMPHONIE. 

Lotti.  —  i  livre  contenant  5  motets,  dont  le  Ier  est  Laudate  peuri. 

Scarlatti.  —  1  livre  de  10  motets,  dont  le  Ier  est  Veni  in  altitudinem. 
(Ces  deux  volumes  n'ont  pas  été  conservés.) 


ORDRE    M. 

CANTATES  FRANÇAISES  EN  PARTITION. 

Batistin.  —  Conservé  :  Ier,  2e,  3e  et  4e  livres. 

Bergiron  de  Briou.  —  Non  conservé  :  Cantates  françaises. 

Bernier.  —  Conservé:  Ie,  2e,  3e,  4e  et  6e  livres,  Paris,  Foucault,  s.d.  5  vol. 
in  40  —  7e  livre,  Paris,  Boivin,  1723,  in  40. 

Campra.  —  Conservé:  Ier  et  2e  livres.  Livre  Ier,  Paris,  Ballard,  1721  (2e éd.) 
in  f°  obi.  Livre  II,  Paris,  Ballard,  17 14,  (ire  éd.)  in  f°  obi. 

Clérambaut. —  Non  conservé  :  Ier  livre  de  Cantates. 

Conservé  :  2e,  3e,  et  4e  livres.  Paris,  chez  l'auteur,  17 13,  171 6,  1720, 
in  f°  obi.  —  Le  soleil  vainqueur  des  nuages. 

David.  —  Non  conservé  :  Un  livre  imprimé  de  principes  pour  la  musique. 
Conservé  :  Un  livre  de  "Principes  de  la  musique...  "  (v.  Ch.  II 
p.  43)  MS.  in  40,  28  p. 

Lully.  —  Conservé  :  Recueil  des  plus  beaux  endroits  de  8  opéras,  M  S. 
in  f°  de  121  p.  (copie  de  l'ouvrage  publié  chez  Foucault). 

Montéclair.  —  Non  conservé:  2e  livre  de  Cantates.  —  Brunettes  anciennes 
et  modernes  avec  des  paroles  accordées  à  la  flûte.  —  Brunettes  ou 
petits  airs  tendres  avec  le  double  et  la  basse. 

Morin.  —  Conservé  :  3e  livre  de  Cantates,  œuvre  6,  Paris  Foucault, 
17 12,  in  f°. 


ORDRE   N. 
CANTATES  FRANÇAISES  EN  DUO  ET  TRIO  (pas  de  liste) 


Partie     AU    DIX-HUITIÈME    SIÈCLE        165 


ORDRE    O.  la 


BIBLIO- 


SYMPHONIES.  THEQUE  DU 

CONCERT 

Albicastro.  —  Non  conservé  :  Trio. 

Albinoni.  —  Non  conservé  :  Œuvre  3e  Balletti  en  trio. 

Aubert.  —  Non  conservé  :  1e1",  2e  et  3e  livres. 

Besson  (Gabriel).  —  Conservé  :  Ier  livre  sonates  violon  seul  et  b.c.,    Paris, 
chez  l'auteur,  1720,  in  f°. 

Boismortier.  —  Non  conservé  :  Sonates  Ier,  2e,  3e,  11e,  13e,  et  17e  œuvres, 
Sonates  en  duo  :  6e,  8e,  19e  20e,  22e,  et  25e  oeuvres. 

Conservé  :  Petites  sonates  in  trio  pour  deux  flûtes  traversières 
avec  la  basse  ;  4e  7e  et  12e  oeuvres,  Paris,  chez  l'auteur,  s.d.  3  vol.  in  40. 

Chambon.  —  Non  conservé  :  1  livre. 

Conservé  :  Sonates  en  trio  (œuvre  3  et  4).  Partie  du  2e  violon, 
M  S.  in  40. 

Corelli.  —  Non  conservé  :  Sonates. 

Conservé  :  5e  œuvre,  sonates  à  violon  seul  et  basse,  2  vol.  MSS 
in  f°  obi.  —  Ier,  2e,  3e  et  4e  œuvres  en  trio,  Amsterdam,  Roger,  s.d. 
4  vol.  in  f°;  2  vol.  MSS  in  40  (parties  de  second  violon  et  de  basse.) 

Cossini  (Cosimi  ?).  —  Non  conservé  :  Sonate,  œuvre  I. 

Couperin.  —  Conservé  :  Six  sonates  en  trio,  4  vol.  MSS  in  40. 

Dornel.  —  Non  conservé  :  Sonates,  2e  œuvre  et  plusieurs  suites   pour   la 

flûte.  —  Sonates  en  trio,  3e  œuvre. 

Conservé  :  Livre  de  Symphonies  contenant  six  suites  en  trio 

avec  une  sonate  en  quatuor,  Paris,  chez  l'auteur,  s.d.  5  vol.  in  f°  obi. 

Finger.  —  Conservé  :  12  sonates  en  trio  :  4  vol.  MSS   in  40. 

Francœur.  —  Non  conservé  :  un  livre* 

Giannotti.  —  Conservé  :  Sonates  in  trio,  œuvre  3,  4,6,  9,  10,  Paris,  chez 
l'auteur,  s.d.  5  vol.  in  40. 

La  Barre  (de).  —  Non  conservé  :  Suites  à  deux  flûtes  sans  basse. 

Conservé:  Trios,  Ier,  2e  et  3e  livres,  Paris,  Ballard,  1707  (les 
3  livres  en  un  seul  volume.  Il  ne  reste  que  la  partie  de  second  dessus). 

Leclair  (l'aîné).  —  Non  conservé  :  Un  livre  de  sonates. 
Lœillet.  —  Non  conservé  :  Sonates. 

Lully.  —  Conservé  :  deux  basses  de  symphonie,  2  vol.  MSS   in  40. 
Marais.  —  Conservé  :  Trio,  Paris,  chez  l'auteur,  1682,  un  vol.  (ier  dessus 
seulement). 


l66  LA     MUSIQUE     A     LYON  Première 

la    biblio-  Mascitti.  —  Non  conservé  :  Sonates,  œuvres  3  et  4. 
thèque  du  Conservé  :  Sonates.   Œuvres   ire,  Paris,  Foucault,    1704,  in  4°, 

concert  (partie  de  second  violon  seule)  —  Œuvre  2,  id.  1706  in  40.  —  Œuvre 

5,  id.  17 14,  in  40. 
Maubert.  —  Non  conservé  :  Pièces  à  deux  flûtes. 

Mangean.  —  Non  conservé  :  Sonates  à  deux  violons  sans  basse. 

Conservé  :  Concert  de  symphonie  en  trio,  ire  et  2  e  suite,   Paris, 
Boivin,  et  Lyon,  Le  Clerc  et  de  Brotonne,  1735,  6  vol.  in  f°. 

Montéclair.  —  Non  conservé  :  six  concerts  sans  basse.  —  Sérénade  en 
concerts. 

Naudot.  —  Conservé  :  Sonates  en  trio  pour  deux  flûtes  traversières  et  basse, 
Paris,  chez  l'auteur,  1726,  in  40  (la  basse  seulement.) 

Philidor.  —  Conservé  :  Suite  de  trio    de  divers  auteurs,   Paris,  Ballard, 

1699,  2  vol.  in  f°  obi. 
Provençal.  —  Non  conservé  :  Six  suites  de  pièces,  dessus  et  basses. 

Prunier.  —  Conservé  :  Ier  et  2e  concerts  à  deux  flûtes  sans  basse,  Paris, 
chez  l'auteur,  1723,  in  40. 

Rebel.  —  Non  conservé  :  Duos  et  trios. 

Renier.  —  Conservé  :  Concert  pour  deux  flûtes  traversières  sans  basse 
Paris,  chez  l'auteur,  1723,  in  f°  obi. 

[Rippert.] — Conservé:  Sonates  à  deux  parties  (ire  œuvre),  Paris,  Boivin, 
1722,  in  f°  —  Airs  de  brunettes  mis  à  deux  dessus  sans  basse  et  Noëls 
dans  le  même  genre,  Paris,  Boivin,  1722,  in  f° 

Senaille.  —  Non  conservé  :  Sonates  (cinq  livres). 

Vaudot.  —  Non  conservé  :  Sonates  en  trio. 


ORDRE   P. 
ORATOIRES   EN   LATIN. 

Tous  conservés. 
Androvandini.  —  Ste  Cécile,  MS.  in  f°  obi.  de  140  p. 

Bononcini.  —  St  Nicolas,  MS.  in  f°  obi.  115  p. 
Manssa  (du).  —  Adam,  MS.  in  f°  obi.  201  p. 
Melani.  —  Ste  Eugénie,  MS.  in  f°  obi. 

Scarlatti.  —  Ste  Ursule,   M  S.  in  f°  obi.  (il  ne  reste  que  la  partition  et 
une  partie  de  chœur.  —  David,  MS.  in  f°  obi.  180  p. 


Partie     AU    DIX-HUITIEME    SIÈCLE         167 

ORDRE     Q.  LA      BIBLIO- 

CANTATES    ITALIENNES    EN    PARTITION.  thèque  du 

CONCERT 

Toutes  conservées  :  Cinq  volumes  manuscrits  de  divers  auteurs. 


ORDRE   R. 
CANTATES  ITALIENNES  ET  ARIETTES   EN   PARTIES   SÉPARÉES. 

(pas  de  liste.) 


ORDRE    S. 

AIRS   ITALIENS   EN   PARTITION   ET   PARTIES   SÉPARÉES. 

Pas  de  liste.  Il  reste  2  partitions  MSS:  Airs  de  Scarlatti  et  duos  de  Savioni. 


ORDRE   T. 

MÉMOIRES   SUR   LA   TROMPETTE   ET   ŒUVRES. 

Prin  (J.B.)  —  Non  conservé  :  Livre  d'airs  de  trompette  de  9  opéras  de 
Lully.  —  Partie  de  trompettes  de  plusieurs  sonates.  —  3  parties  de 
concerto. 

Conservé  :  Mémoire  sur  la  trompette  marine,  MS.  in  f°  obi. 
Strasbourg,  1742  (v.  ch.  Ier  p.  13-14).  Airs  de  trompette,  2  vol.  MSS 
(ier  dessus  et  basse).  —  Concerts  de  trompette  et  hautbois  avec  basse, 
4  vol.  MSS  in  f°  obi.  1723-24. 


BIBLIOTHEQUE   DE   CHRISTIN. 

pour  cette  bibliothèque,  nous  n'indiquons  que  les  ouvrages  conservés. 

MOTETS. 

Œuvres  de  Bournonville,  Paris,  Ballard,  171 1,  in  f°,  livre  Ier. —  Campra,/*/. 
1700- 1703,  in  f°.  —  Guido,  Paris,  Foucault,  1707  in  f°,  livre  Ier.  — 
Lalouette,  Paris,  chez  l'auteur,  1726,  in  40,  livre  Ier.  —  Lochon, 
Ballard,  1701,  in  f°,  livre  Ier.  —  Morin,  Ballard,  1704,  in  f°.  — 
Suffré,  Ballard,  1703,  in  f°,  livre  Ier.  —  Différents  auteurs  2  vol. 
MSS  in  f  °. 


i68  LA    MUSIQUE    A    LYON 

LA      BIBLIO-  OPERAS. 

theque  du  Bourgeois,  Les  amours  déguisés,  Paris,  Ballard,  17 13,  in  f°  obi. — Campra, 
concert  Hésionne,  Ballard,  1700,  in  f°  obi.  ;  Les  Muses,  id.  1703  ;  Aréthuse,  id. 

1701  ;  le  Carnaval  de  Venise,  id.  1699  ;  Alcine,  Paris,  Riboud,  1705, 
in  f°.  —  Desmarets,  Didon,  MS.  in  f°,  215  p.  —  Lully,  Amadis, 
des  Gaules,  Paris,  Ballard,  1684,  in  f°  ;  Proserpine,  id.  1707  ;  Armide, 
MS.  in  f°,  151  p.  ;  V Idylle  de  Sceaux,  MS.  in  f°  47  p.  ;  La  grotte  de 
Versailles,  MS.  in  f°  34  p.  ;  Le  triomphe  d'Alcide,  MS.  in  f°,  93  p.  — 
Moreau,  choeurs  à'Esther,  Paris,  Thierry,  1689. 

CANTATES. 

Batistin,  Livre  Ier,  Ballard,  1721,  in  40,  livre  II,  id.  17 14,  livre  III,  id. 
171 1,  livre  IV,  id.  17 14.  —  Bergiron,  le  Supplice  de  Cupidon,  M  S. 
in  40,  36  p.  —  Bourgeois,  Zéphire  et  Flore,  MS.  in  f°,  20  p.  — 
Mancini  et  Scarlatti,  Cantates  Italiennes,  MS.  in  f°,  90  p.  — 
Montéclair,  Ier     2e  et  3e  livres,  Paris,  chez  l'auteur,  3  vol.  in  f°. 

SYMPHONIES. 

De  Caix,  Pièces  de  viole,  Paris,  chez  l'auteur,  s.d.  in  f°  obi.  —  Marais, 
Pièces  de  violes,  Ie,  3e,  4e,  5e  livres,  Paris,  chez  l'auteur,  1687-1711- 
17 17,  4  vol.  f°  obi. 


DEUXIEME      PARTIE 

LES     DISCUSSIONS     MUSICALES     A 

L'ACADÉMIE    DES    BEAUX-ARTS    ET 

A    L'ACADÉMIE    DES    SCIENCES 

ET    BELLES-LETTRES 

(1700-1793) 


12 


I 

La  Musique  dans  les  deux  Académies. 


Dès  la  fondation  de  l'Académie  des  Sciences  et  Belles-Lettres, 
alors  qu'elle  n'était  que  la  réunion  de  quelques  beaux 
esprits  de  notre  ville,  et  qu'aucun  statut  ne  la  régissait, 
nous  trouvons  trace  de  préoccupations  musicales.  Un  Jésuite,  le 
Père  Fellon  (i  672-1759),  lut  en  effet,  au  mois  de  juillet  1700,  au 
Cours  d'une  séance,  un  poème  latin  sur  la  musique.  Nous  n'en 
avons  connaissance  que  par  une  lettre  de  Brossette  à  Boileau  : 
"  Ce  poème,  écrivait  Brossette  à  son  illustre  correspondant,  n'est 
pas  encore  dans  sa  perfection,  et  quand  l'Auteur,  qui  est  un  de  nos 
Académiciens,  l'aura  achevé,  je  vous  en  enverrai  une  copie.  Vous 
y  trouverez  de  la  force,  de  la  douceur,  une  noble  imitation  des 
Anciens,  car,  afin  que  vous  le  sachiez,  notre  Académie  lutte  tant 
qu'elle  peut  contre  le  goût  du  siècle  et  nous  tenons  tous  pour 
l'antiquité  (1)." 

Cette  même  correspondance  contient  un  leçon  de  musique 
inattendue  donnée  par  Brossette  à  propros  de  la  traduction  du 
Traité  du  Sublime  de  Longin  : 

"  Au  commencement  de  ce  chapitre,  remarque  l'académicien  lyonnais, 
vous  dites  :  Car,  comme  dans  la  musique,  le  son  principal  devint  plus  agréable 
à  V oreille,  lorsqu'il  est  accompagné  des  différentes  parties  qui  lui  répondent  ;  un 
très  habile  Musicien  qui  sait  quelque  chose  de  plus  que  la  Musique,  m'a 
fait  observer  qu'en  termes  de  Musique,  on  ne  disoit  pas  ordinairement 

(1)  Correspondance  de  Boileau  et  de  Brossette.  Edition  Laverdet  ;  Paris,  Téchener, 
1858,  p.  51 


172 


LA     MUSIQUE     A     LYON  Deuxième 


la  musique  le  son  principal,  mais  que  l'on  disoit  le  sujet,  ou  la  principale  partie,  pour 
dans  les  exprimer  cette  suite  mesurée  de  sons  variés,  lesquels  étant  soutenus  par 
deux  d'autres  sons  qui  composent  les  parties  d'accompagnement,  forment  un  air, 

académies  un  sujet,  un  concert,  une  pièce  de  Musique.  Car  un  son  tout  seul  accom- 
pagné de  ses  parties,  produit  à  la  vérité  une  harmonie,  mais  non  pas  une 
Mélodie,  comme  disent  les  Musiciens.  (1)  " 

Charmante  leçon,  doucement  pédante,  et  sans  doute  inutile  : 
selon  le  témoignage  de  Louis  Racine,  le  poète  satirique  "  était  un 
peu  sourd  et  se  connaissait  fort  peu  en  musique,"  ce  qui  ne  l'em- 
pêchait pas  d'en  parler  souvent. 

Mais  ce  n'est  qu'à  partir  de  1731  que  des  mémoires  concer- 
nant la  musique  sont  soumis  à  l'Académie  des  Sciences  et  Belles- 
Lettres.  D'ailleurs,  régulièrement,  cette  Académie  n'aurait  pas  dû 
traiter  des  questions  musicales,  et  nous  avons  eu  déjà  l'occasion 
de  signaler  les  polémiques  suscitées  par  les  empiétements  récipro- 
ques des  deux  Académies  sur  leurs  domaines  respectifs.  Elle  s'en 
occupa,  à  vrai  dire,  assez  peu,  avant  la  fusion  de  1758,  et  la 
plupart  des  mémoires  qui  lui  furent  soumis  avaient  été  lus  déjà  à 
l'Académie  des  Beaux-Arts  par  des  sociétaires  communs  aux  deux 
compagnies.  Aussi  bien,  étudierons-nous  les  divers  mémoires 
académiques  consacrés  à  des  études  musicales,  en  les  rangeant 
simplement  par  ordre  de  matières,  sans  distinguer  ceux  présentés  à 
chaque  Académie.  Pourtant,  à  titre  documentaire,  nous  donnons 
ci-dessous  l'état  des  mémoires  sur  la  musique  en  deux  listes  sépa- 
rées, et  selon  l'ordre  chronologique  pour  chaque  société  (2). 

Académie  des  Sciences  et  Belles-Lettres,  et 
Académie  des  Sciences,  Belles-Lettres  et  Arts. 

1 73 1.  27  novembre  :  La  Musique  des  Anciens,  par  de  Regnauld. 

1738.  25  novembre  :  Liaison   de  la  musique  avec  les  autres  arts,  par  de 

Glatigny  l'aîné. 
1741.   25  avril  :  Le  Tempérament,  par  Bollioud-Mermet. 

(1)  Lettre  du  3  Octobre  1708:  Id.  p.  274-275. 

(2)  Nous  n'avons  pas  compris  dans  ces  listes  les  brefs  rapports  faits  sur  des 
œuvres,  des  machines  ou  des  inventions  musicales,  qui  seront  pourtant  signalés  dans 
la  suite. 


Partie    AU    D IX- H  U ITI È  M  E    SIÈCLE  173 

1743.  14  mai  :  L'Harmonie,  par  Cheinet.  la  musique 

1744.  11  février:  La  musique  instrumentale  ou  organique,  par  Bollioud-  dans  les 

Mermet.  deux 

1747.  Ier  août  :  Projet  d'un  traité  général  de  musique,  par   Mathon  de  la  académies 

Cour. 

1748.  13  août  :  La  Musique  des  Grecs,  par  Mathon  de  la  Cour. 

1749.  25  février  :  V.  Académie  des  Beaux-Arts,  22  janvier  1749. 

1 75 1 .  11  mai  :  Apologie  des  sciences  et  des  arts  (contre  J.  J.  Rousseau), 

par  Bordes. 

1752.  25  janvier  :  Les  fausses  relations;  l'origine   de  la  tierce   mineure, 

par  Cheinet. 
30  mai  :  La  Critique,  par  Bollioud-Mermet. 
Ier  août  :  2e  discours  contre  J.  J.  Rousseau,  par  Bordes. 
1 1  décembre  :  3e  discours  sur  le  même  sujet,  par  Bordes. 

1757.  18  janvier:  Traduction  d'un  ouvrage  d'Algarotti   sur  la  musique 

italienne,  par  Bordes. 

1758.  28  novembre  :   Examen  du  Ludus  melothedicus  ou  Jeu  des  harmoniques 

par  le  Père  Dumas. 

1759.  8  mai  :  Le  Sublime  dans  les  Arts,  par  Clapasson. 

4  septembre  :  Cause  physique  de  la   formation  des  accords,  par  le 

Père  Dumas. 

1762.  15  juin:   Le  tempérament   et   l'accord    du    clavecin,    par   le   Père 

Dumas. 

1763.  21  juin  :  Fondement  de  l'harmonie,  par  le  Père  Dumas. 

1764.  2  août  :  Le  Sublime  dans  la  musique,  par  Clapasson. 

Académie  des  Beaux-Arts  ou  Société  Royale  des  Beaux-Arts. 

1736.  13  juin  :  La  musique  vocale,  par  Bollioud-Mermet. 
27  juin  :  L'harmonie,  par  Joannon. 

26  juillet  :  La  proportion  harmonique,  par  Mathon  de  la  Cour. 
29  août  :  L'harmonie  (suite)  par  Joannon. 

1737.  28  janvier  :  La  musique  instrumentale,  par  Bollioud-Mermet. 

8  avril  :  Traité  de  composition,  d'après  Rameau,  par  Mathon  de  la 
Cour. 

1738.  13  janvier  :  L'orgue,  par  Bollioud-Mermet. 

10  mars  :  La  génération  harmonique   et  la  basse   universelle,  par 
Mathon  de  la  Cour. 

1739.  16  mars  :  Les  échos  et  la  salle  du  Concert,  par  Joannon. 

5  août  :  Nouvelle  lecture  du  mémoire  précédent. 


174 

LA  MUSIQUE  I74O. 
DANS    LES 

DEUX  I741' 

ACADÉMIES  1742. 

!743' 
1744. 

1745- 
I746. 

1747- 
1748. 


1749. 


1750. 

1751. 

1752. 

1753- 

1754- 

1755- 
1756. 

1757. 


LA     MUSIQUE     A     LYON  Deuxième 

13  janvier:  Le  tempérament  et  l'accord  des  instruments,  par 
Bollioud-Mermet. 

1 1  janvier  :  Le  tempérament  des  voix,  par  Bollioud-Mermet. 

5  décembre  :  La  liaison  des  sciences  avec  les  arts,  par  Bollioud- 
Mermet. 

5  juin  :  L'harmonie,  par  Cheinet. 

13  mai  :  Le  Phtongomètre  et  le  tempérament  des  instruments  à 
touches,  par  Bollioud-Mermet. 

13  janvier  :  L'unité  de  l'harmonie,  par  Bollioud-Mermet. 

12  janvier  :  De  la  Corruption  du  goût  dans  la  musique  française, 

par  Bollioud-Mermet. 

1 1  janvier  :   Le  chronomètre  harmonique,    par    Bollioud-Mermet. 

10  janvier  :  Accord  du  clavecin  et  de  l'orgue,  par  Bollioud-Mermet. 

24  janvier  :  Discussion  sur  le  sujet  précédent. 

27  mars  :  L'harmonie  ancienne  et  moderne,  par  Cheinet. 

3  avril  :  La  Musique  et  la  Peinture  des  Anciens,  par  le  Père 
Tolomas. 

8  janvier  :  La  Mélographie,  par  Bollioud-Mermet. 

22  janvier  :  Ier  mémoire  sur  l'histoire  de  la  musique,  par  Bollioud- 
Mermet. 

2  juillet  :  La  Mélographie  (ire  partie),  par  le  Père  Tolomas. 

17  décembre  :  La  Musique  et  la  Médecine,  par  le  Dr  Olivier. 

29  juillet  :  La  Mélographie  (2e  partie),  par  le  Père  Tolomas. 

1 8  novembre  :  2e  mémoire  sur  l'histoire  de  la  musique,  par  Bollioud- 

Mermet. 

19  mai  :  Méthode  pour  noter  le  plain-chant,  par  l'abbé  de  Valernod. 

14  juillet  :  3e  mémoire  sur  l'histoire  de  la  musique,  par  Bollioud- 

Mermet. 

13  décembre  :  4e  mémoire  sur  l'histoire  de  la  musique,  par  Bollioud- 

Mermet. 

30  novembre  :  5e  mémoire  sur  l'histoire  de  la  musique,  par  Bollioud- 

Mermet. 
2  août  :  Le  3e  mode  (de  Blainville),  par  Cheinet. 
21  mars  :  Plan  d'un  traité  d'harmonie,  par  le  Père  Dumas. 
26  mars  :  Le  tempérament,  par  le  Père  Dumas. 
1 8  mars  :   Le  tempérament,   discussion   entre   le   Père  Dumas   et 

Bollioud-Mermet. 


Des   nombreux   académiciens   admis   dans   les  deux   sociétés 
pendant  près  d'un  siècle,  depuis    1700  jusqu'en    1793,   une   quin- 


Partie      AU     DIX-HUITIEME     SIÈCLE  i7j 

zaine  seulement  s'occupèrent  de  musique  ;  encore,  de  ce  nombre,  la  musique 
faut-il  éliminer  quelques  amateurs  qui  ne  traitèrent  que  par  occasion  DANS  LES 
des  questions  qui  nous  intéressent  :  parmi  ceux-là  on  peut  citer  DEUXr 
l'avocat  Glatigny  (i  690-1 755)  ;  Gauthier  de  Montdorge,  (1701- 
1768)  installé  dès  1729  à  Paris,  qui  devint,  en  1740,  le  librettiste 
de  Rameau  pour  les  Fêtes  d'Hébé  ou  les  Talents  lyriques  ;  le  Docteur 
Olivier  (1706- 1780),  qui  fut  médecin  de  l'armée  française  en 
Italie,  puis  médecin  de  Stanislas  de  Pologne;  Antoine-François 
de  Regnauld  (1682-1766),  Conseiller  à  la  Cour  des  Monnaies  ; 
l'architecte  Soufflot,  (171  3-1780)  qui  construisit  en  1754  la  salle 
des  spectacles  ;  l'abbé  de  Valernod  (1704-17 18).  Le  groupe  des 
musiciens  était  donc  très  réduit,  et  l'on  est  surpris  de  n'y  pas 
voir  figurer  Bergiron  du  Fort  Michon  qui,  nous  ne  savons  pour- 
quoi, ne  fit  jamais  partie  des  Académies  ;  on  n'y  peut  comprendre 
son  camarade  Christin  qui,  secrétaire  perpétuel  de  l'Académie  des 
Beaux-Arts,  ne  traita,  dans  les  assemblées,  que  des  questions  de 
thermométrie.  On  doit  en  éliminer  aussi  deux  "critiques  musicaux" 
Charles-Joseph  Mathon  de  la  Cour  (1 738-1 793),  fondateur  du 
Journal  de  musique  de  Paris  (1764),  qui  ne  s'occupa  pas  de  ques- 
tions musicales  à  l'Académie  dont  il  fit  partie  dès  1780  ;  et  Thoral 
de  Campigneulles  (1737- 1809)  qui  ne  touche  à  la  musique  que 
par  ses  "  correspondances  "  sur  le  théâtre  de  Lyon  adressées  au 
Mercure  de  France,  vers  1765,  et  par  ses  polémiques  concernant  les 
spectacles.  Ainsi,  nous  voyons  le  nombre  des  musiciens  de  l'Aca- 
démie réduit  à  huit  fervents  amateurs:  Bollioud-Mermet,  Bordes, 
Cheinet,  Clapasson,  le  Père  Dumas,  Joannon  de  Saint-Laurent, 
Mathon  de  la  Cour  le  père,  et  le  Père  Tolomas.  Nous  allons 
abandonner  l'ordre  alphabétique  pour  présenter  en  quelques  mots 
chacun  d'eux  (1). 

Voici  tout  d'abord  celui  qui  fut  longtemps  le  doyen  des  deux 
Académies,  et  qui  mourut,  à  la  fin   de  l'année    1762,  à  l'âge    de 

(1)  On  trouvera,  dans  VHistoire  de  l'Académie  de  J.  B.  Dumas,  quelques  rensei- 
gnements sur  ceux  de  ces  musiciens  qui  firent  partie  de  l'Académie  des  Sciences  et 
Belles-Lettres.  Fétis  a  cité,  d'après  Delandine,  Bollioud,  Cheinet,  Clapasson,  Dumas, 
Mathon  et  Tolomas. 


176  LA   MUSIQUE    A    LYON        D 


EUXIEME 


DEUX 
ACADÉMIES 


la  musique  quatre-vingt  dix  sept  ans  :  Charles  Cheinet.  Cheinet,  né  à  Mon- 
dans  les  télimar  en  Janvier  1666,  avait  d'abord  été  précepteur  d'un  jeune 
gentilhomme  dauphinois  ;  il  vint  à  Lyon  vers  la  fin  du  xvne  siècle, 
et  "  obtint  un  emploi  dont  l'exercice  lui  laissa  des  moments  de 
loisir  pour  s'occuper  de  la  culture  des  lettres.  La  philosophie  fut 
l'objet  principal  de  ses  études...  Il  cultiva  la  musique  moins  comme 
un  art  d'agrément  que  comme  une  science  mathématique,  et 
s'appliqua  à  développer  les  principes  de  l'harmonie  (1)."  Ses  pré- 
occupations théoriques  ne  l'empêchaient  pas,  du  reste,  d'aimer  la 
musique  en  tant  qu'art,  et  la  bibliothèque  du  Concert  possède  une 
copie  manuscrite,  faite  par  Cheinet  lui-même,  d'un  "  Recueil  des 
plus  beaux  endroits  de  8  opéra  de  Lully.  "  La  lecture  de  ses 
mémoires  sur  l'harmonie  nous  prouve  qu'il  était  un  esprit  très  vif, 
très  fin,  un  humoriste  sachant  égayer  par  des  boutades  les  plus 
graves  sujets.  Nous  verrons  plus  loin  sa  joyeuse  façon  de  "  mettre 
en  lumière  "  ses  propres  compositions,  et  c'est  lui  qui  commençait 
en  ces  termes  un  discours  sur  la  théorie  musicale  : 

"  Rien  de  plus  charmant  que  d'entendre  l'harmonie,  mais  ordinaire- 
ment rien  de  plus  ennuyeux  que  d'en  entendre  parler  :  et  c'est  sur  ce  sujet 
Messieurs,  que  je  dois  avoir  l'honneur  de  vous  entretenir  aujourd'hui. 
Aussi  me  garderai-je  bien  de  dire  qui  pote st  capere  capiat,  mais  bien  plutôt 
qui  potest  dormire  dormiat\  je  serai  bien  moins  inquiet  de  voir  dormir  une 
bonne  partie  de  mes  auditeurs  que  de  les  voir  bâiller  à  tout  moment,  et 
s'ennuyer  en  voulant  s'efforcer  de  suivre  mon  discours.  Prenez  là-dessus 
votre  parti,  Messieurs,  je  commence  (2)." 

Un  autre  amateur  fut  pendant  longtemps  aussi  le  doyen  de 
l'Académie,  dont  il  fit  partie  pendant  cinquante  huit  années  et 
dont  il  vit  la  dispersion  en  1793  :  celui-là,  c'est  le  fécond  "  musi- 
cographe "  de  la  Corruption  du  goût  dans  la  musique  française ',  Louis 
Bollioud-Mermet.  Bollioud-Mermet  se  tint  toujours  à  l'écart  de 
toute  occupation  commerciale  ou  consulaire  ;  musicien  distingué,  (3) 

(1)  Bollioud-Mermet,  Histoire  de  V<Acadèmie  (Mss  acad.  n°  270). 

(2)  Mss  acad.  n°  161,  f°  106-122. 

(3)  Dans  son  Histoire  manuscrite  de  l'Académie,  Bollioud  signale  plusieurs 
œuvres  de  musique  latine  de  sa  composition,  (v.  notre  article  que  nous  citons  dans  la 
note  suivante). 


Partie     AU    DIX-HUITIÈME    SIÈCLE        177 

organiste  très  habile,  chanteur  de  goût,  il  ne  fut  même  jamais  la  musique 
Officier  du  Concert.  Resté  célibataire,  il  s'occupa  exclusivement  DANS  LES 
de  l'Académie  des  Beaux-Arts  et  de  l'Académie  des  Sciences  et  DEUXf 
Belles-Lettres  :  par  la  liste  des  mémoires  publiée  ci-dessus,  on  peut 
voir  que  plus  du  tiers  des  communications  sur  la  musique  lui  est 
dû.  Il  fut  le  sociétaire  le  plus  diligent  et  le  plus  ponctuel  ;  nul 
incident  ne  put  mettre  un  frein  à  son  ardeur  ;  les  réfutations  les 
plus  solennelles  et  les  plus  humiliantes  ne  calmèrent  jamais  son 
entrain  ;  ses  échecs  successifs  dans  la  petite  guerre  qu'il  fit  contre 
Rameau  ne  purent  éteindre  sa  ferveur  anti-ramiste  qui  n'était 
qu'un  des  symptômes  de  sa  manie  réactionnaire  et  rétrograde. 
Infatigable  louangeur  du  temps  passé  et  des  choses  défuntes,  il  eut 
la  douleur  d'achever  sa  longue,  médiocre  et  brillante  carrière  au 
travers  des  scènes  révolutionnaires,  des  journées  du  siège  et  de  la 
destruction  de  sa  ville  natale,  alors  que  sa  chère  Académie  n'exis- 
tait plus,  et  que  plusieurs  de  ses  collègues  étaient  montés  sur 
l'échafaud.  Après  avoir  vécu  toute  sa  vie  dans  la  rue  du  Plat,  près 
de  l'Arsenal,  il  avait  dû,  peu  de  temps  avant  sa  mort,  se  réfugier 
à  Fourvières,  chez  son  cousin  Bourgeat  qualifié  de  "cultivateur"; 
Lyon  s'appelait  encore  Commune-Affranchie,  quand  il  mourut, 
le  31  Août  1794,  à  l'âge  de  quatre-vingt  six  ans.  (1) 

Le  musicien  le  plus  important  avec  Bollioud-Mermet,  et  un 
des  plus  sérieux,  était  le  Père  Jean  Dumas,  Jésuite,  que  Fétis,  dans 
sa  biographie  des  musiciens,  a  confondu  avec  un  Père  Cordelier  qui 
passa  toute  sa  vie  à  Lyon  et  fut  bibliothécaire  du  couvent  de 
Saint-Bonaventure.  Le  Père  Jean  Dumas  (1696- 1776)  fut  mission- 
naire au  Canada  et  dans  la  région  de  l'Illinois,  d'où  il  fut  chassé 
avec  tous  les  Français  ;  après  avoir  été  régent  d'humanités  à  Dole, 
il  fut  nommé  professeur  d'hébreu  au  collège  de  la  Trinité  de 
Lyon  ;  il  mourut  à  Avignon  (2). 

(1)  V.  Léon  Vallas,  Un  musicographe  lyonnais  au  XVIII0  siècle  :  Bollioud-Mer- 
met [Revue  Musicale  de  Lyon,  Août  et  Septembre  1907).  Toutes  les  biographies 
indiquent  l'année  1 793  comme  date  de  la  mort  de  Bollioud.  Nous  avons  trouvé  son 
acte  de  décès  à  la  date  du  14  fructidor,  an  IL  (Arch.  mun.) 

(2)  D'après  l'histoire  de  l'Académie,  de  Bollioud-Mermet. 


178 


LA    MUSIQUE    A    LYON 


LA  MUSIQUE 
DANS    LES 
DEUX 
ACADÉMIES 


Un  autre  Jésuite  académicien  était  le  Père  Charles-Pierre- 
Xavier  Tolomas  (1706- 1762)  qui  succéda  au  Père  de  Colonia 
comme  professeur  de  rhétorique  et  bibliothécaire  du  Collège  de  la 
Trinité.   Il  est   surtout   connu   par   son   différent  avec  d'Alembert 

(*775)- 

Charles  Bordes,    (1711-1781),   poète  et  prosateur,  fut  l'ami, 

puis    l'adversaire   de  Jean-Jacques  Rousseau  :    ses    seules    œuvres 

touchant   à   la   musique   sont   ses    mémoires    contre    les    théories 

artistiques  de  Jean-Jacques.  Joannon  de  Saint  Laurent  (1714-1783) 

habita  peu  de  temps  à  Lyon.  André  Clapasson   (1708- 1770)  fut 

avocat,    puis    succéda    à    son    père    comme  receveur  général  des 

domaines  et  bois  du  Lyonnais.  Enfin  Jacques  Mathon   de  la  Cour, 

(171 2-1777)   Ie  P^re  du  fondateur  du  Journal  de  musique  de  Paris, 

partisan    convaincu   des   théories  de   Rameau  qu'il  voulait  rendre 

accessibles  à  tous. 


II 

L'actualité  musicale  et  l'histoire  de  la  musique 


Notre  surprise  fut  grande,  en  parcourant  les  nombreux 
registres  de  procès-verbaux  des  deux  Académies,  de  ne 
pas  rencontrer  de  fréquentes  allusions  aux  événements 
artistiques  contemporains,  et  de  ne  trouver  qu'un  seul  mémoire, 
celui  de  Bollioud-Mermet  sur  la  Corruption  du  goût,  consacré  à  la 
brûlante  actualité  musicale.  L'Académie  semble  avoir  vécu,  com- 
plètement indifférente,  au  milieu  des  luttes  et  des  polémiques 
qui  agitèrent  si  violemment,  pendant  tout  un  siècle,  le  monde  des 
musiciens  :  débats  entre  les  partisans  de  la  musique  française  et  de 
la  musique  italienne,  lutte  entre  les  Lullystes  et  les  Ramistes, 
Guerre  des  Bouffons  (i),  ou  révolution  gluckiste.  L'Académie  des 
Beaux-Arts  elle-même,  alors  qu'elle  était  liée  au  Concert,  ne 
s'inquiète  de  cette  institution  et  de  ses  séances  hebdomadaires  si 
intéressantes  et  si  variées,  que  pour  régler  quelques  détails  d'admi- 
nistration intérieure,  tels  que  des  changements  de  jour  pour  les 
séances.  Nous  avons  cité  (p.  79)  les  lignes  impassibles  signalant, 
dans  le  registre  des  délibérations,  la  séparation  de  l'Académie  et  du 
Concert  ;  la  disparition  de  ce  dernier,  précieuse  institution  vieille 
de  soixante    années,   ne   fut  même   pas   signalée  (2),    et  il  semble 

(1)  Pourtant  nous  verrons  dans  le  dernier  chapitre  que  Bordes  lut  un  mémoire 
en  réponse  à  la  lettre  de  Jean-Jacques  Rousseau  sur  la  musique  française. 

(2)  Relevons  cependant  cette  phrase  dans  un  des  premiers  mémoires  présentés 
à  l'Académie  des  Beaux-Arts.  "  Cette  Académie,  disait  Mathon  de  la  Cour  dans  son 
discours  sur  la  musique  lu  le  8  avril  1737,  cette  Académie  fait  fleurir  la  pratique  de  la 


i8o 


LA     MUSIQUE     A     LYON  Deuxième 


L  HISTOIRE 
DE  LA 
MUSIQUE 


l'actualité  même  que,  pendant  quelque  temps,  les  conférences  sur  les  Beaux- 
M)USICALE  ET  Arts  aient  eu  lieu  au  jour  et  aux  heures  des  séances  musicales  (i). 
Nous  ne  croyons  pas  que  le  mémoire  de  Bollioud-Mermet  sur  le 
Concert  fut  lu  à  l'Académie,  et  nous  n'en  avons  pas  trouvé  l'indi- 
cation dans  les  procès-verbaux  (2).  Il  n'est  question  de  concerts 
que  le  16  novembre  1784,  quand  "M.  Mathon  [le  fils]  termina 
la  séance  par  la  lecture  d'un  projet  d'établissement  d'un  Concert 
d'amateurs  pour  la  ville  de  Lyon,  et  proposé  par  souscription." 
Cette  profonde  indifférence  qui  étonne,  faut-il  en  chercher  l'expli- 
cation dans  l'esprit  rétrograde  en  matière  artistique  de  la  majorité 
des  Académiciens  ?  Quelques  menus  faits  nous  poussent  vers  cette 
hypothèse. 

C'est  d'abord  le  succès  obtenu  par  le  mémoire  de  Bollioud- 
Mermet  que  nous  avons  examiné  longuement  dans  le  cinquième 
chapitre  de  l'Histoire  du  Concert.  Ce  mémoire,  lu  le  12  janvier 
1746,  fut  analysé  avec  complaisance  par  Christin,  alors  secrétaire 
perpétuel  de  l'Académie  des  Beaux-Arts  ;  il  fut  choisi  ensuite  pour 
être  lu  dans  la  séance  publique  du  27  avril  suivant,  et  nous  savons 
que  les  mémoires  ainsi  choisis  étaient  approuvés  par  l'Académie, 
puisque  le  discours  du  Docteur  Olivier,  lu  dans  cette  même 
assemblé,  dut  être  modifié,  ainsi  que  le  notent  les  procès-verbaux, 
parce  que  "  certaines  parties  sont  bonnes  pour  une  Académie,  mais 
ne  le  seraient  pas  en  pareil  cas  pour  le  public  ".  En  même  temps, 
Bollioud  était  solennellement  autorisé   à  publier  son  œuvre   "  en 

musique  avec  tant   de   magnificence   dans   ses   concerts,    qu'il   est   naturel  que  nous  nous 
appliquions  à  en  perfectionner  la  théorie  dans  ces  conférences..."  (Mss  acad.  n°  161, 

(1)  Délibérations  du  22  et  du  29  novembre  1752  :  "Le  concours  des  assemblées 
de  la  Société  Royale  avec  l'exécution  du  grand  concert  se  trouvent,  depuis  quelque 
temps,  être  le  même  jour,  mercredi..."  On  décide  "que  les  jours  des  séances  particu- 
lières continueront  d'être  le  mercredi,  et  qu'à  l'égard  des  séances  publiques,  elles  seront 
renvoyées  aux  jeudis  pour  éviter  leur  concours  avec  le  concert  dans  le  même  jour.  " 
Pourtant,  peu  de  temps  après,  le  17  janvier  1753,  on  décida  de  tenir  les  séances 
ordinaires  le  vendredi  à  cause  du  concert. 

(2)  Observations  sur  l'établissement,  le  progrès  et  le  décadence  au  Concert  de  Lyon. 
L'existence  de  ces  Observations  ne  nous  est  signalée  que  par  Bollioud  lui-même  dans 
son  histoire  manuscrite  de  l'Académie. 


Partie     AU    DIX-HUITIÈME    SIÈCLE         181 

prenant   dans   l'impression    sa   qualité   d'Académicien  des  Beaux-  l'actualité 
Arts  (i)  ".  Le  20  juillet,  il  remettait  à  l'Académie  un  exemplaire  musicale  et 
du  volume  édité  par  l'imprimeur  lyonnais  de  la  Roche  et  commu-  L  HISTOIRE 
niquait  à  ses  confrères  une  lettre  flatteuse  que  Voltaire,  le  12  juillet, 

~1  1  '  J  '   MUSIQUE 

lui  avait  adressée  de  Versailles  à  ce  sujet  :  "  Votre  ville,  écrivait 
peut-être  sans  ironie  l'illustre  littérateur,  sera  bientôt  plus  connue 
par  ses  Académies  que  par  ses  manufactures  (2).  "  L'année  suivante 
enfin,  le  28  juin  1747,  on  lut,  en  séance  ordinaire,  une  lettre  de 
l'abbé  Arnaud  de  Carpentras  dans  laquelle  cet  ecclésiastique  annon- 
çait son  dessein  d'écrire  une  nouvelle  dissertation  "  pour  appuyer 
le  sentiment  de  M.  Bollioud  et  donner  des  réponses  aux  critiques 
qui  ont  été  faites  de  son  ouvrage,  desquelles  il  fait  sentir  le  faux.  " 
C'est  que  les  critiques  avaient  été  terribles,  et  il  semble  que  les 
"  éreintements  '  publiés  par  le  Mercure  de  France  et  le  Journal  de 
Trévoux,  dont  nous  avons  parlé,  eussent  dû  détourner  à  tout  jamais 
Bollioud  de  la  musicologie  (3).  Mais  Bollioud  habitué  aux  réfuta- 
tions, ne  s'émut  guère  et  trouva  de  naïves  échappatoires  pour 
atténuer  l'effet  des  comptes-rendus  publiés  sur  son  livre  :  "  On  a 
lu,  rapporte  le  procès-verbal  de  la  séance  du  29  décembre  1746, 
on  a  lu  dans  le  Journal  de  Trévoux  de  décembre  1746  l'article  131 
qui  est  une  analyse  un  peu  critique  du  discours  de  M.  Bollioud 
sur  la  corruption  du  goût  dans  la  musique  française...  Il  paraît 
dans  cette  analyse  que  plusieurs  endroits  du  discours  n'ont  pas  été 

(1)  Séances  du  30  mars  et  du  20  avril  1746. 

(2)  Corr.  acad.  Ms.  n°  267,  I,  p.  231  v°.  On  sait  que  Voltaire  dit  un  jour  de 
l'Académie  de  Lyon  :  "  C'est  une  honnête  fille  qui  fait  peu  parler  d'elle.  " 

(3)  L'article  du  Mercure  de  France  était  précédé  de  cette  note  d'une  ironie  un 
peu  cruelle  :  "  Il  y  a  quelques  mois  que  nous  reçûmes  une  dissertation  intitulée  de  la 
Corruption  du  goût  dans  la  Musique,  et  notre  intention  étoit  de  lui  donner  place  dans 
notre  Journal,  mais  ayant  des  engagemens  antérieurs  à  remplir,  l'Auteur  nous  a 
prévenus  et  nous  a  privés  de  sa  dissertation  en  la  faisant  imprimer  à  Lyon  :  voici  une 
réponse  que  l'on  nous  adresse  et  que  nous  imprimons  comme  nous  eussions  imprimé 
la  dissertation  si  l'Auteur  nous  en  eût  laissé  le  temps.  Le  Mercure  est  un  champ  de 
bataille  livré  aux  combats  littéraires  ;  nous  sommes  spectateurs  neutres  de  ces  joutes, 
et  nous  nous  contentons  de  dire  aux  combattants  : 

Non  nostrum  in  ter  vos. . .  cornponere  lit  es. 
{Mercure,  Septembre  1746,  p.  58). 


182  LA     MUSIQUE     A     LYON  Deuxième 

l'actualité  entendus  dans  le  sens  de  l'auteur.  "  Et  personne,  dans  l'Académie, 

musicale  et  ne  critiqua  une  seule  des  opinions  de  l'élégant  musicographe. 

l  histoire  rjn  autTe  fait  qui  tend  à  nous  montrer  l'esprit  peu  novateur 

DE    LA 

musique  ^e  ^'Académie  en  ce  qui  concerne  la  musique,  est  le  suivant  :  en 
1754,  le  25  janvier,  on  lut  dans  une  séance  de  la  Société  Royale 
une  lettre  de  Montucla,  avocat  au  Parlement.  Celui-ci,  installé 
depuis  peu  à  Paris,  envoyait  sa  démission  d'académicien  ;  il  avait 
été  malade  pendant  quelques  semaines,  et  il  ajoutait  : 

"  Quelques  prises  de  musique  italienne...  ont  remis  ma  machine  dans 
son  état  ordinaire.  La  musique  italienne  a  surtout  été  pour  moi  un  spéci- 
fique heureux.  Aussi  ne  vous  étonnerez-vous  point  si,  dans  la  querelle  qui 
divise  aujourd'hui  les  amateurs  de  la  musique,  je  me  suis  décidé  pour  le 
parti  italien.  Je  le  dois  par  reconnaissance,  et,  comme  je  me  pique  d'en 
avoir,  j'ai  arboré  l'écharpe  du  coin  de  la  reine.  Je  crois  que  vous  n'êtes  pas 
encore  à  sçavoir  que  c'est  comme  le  quartier-général  ou  plutôt  l'état-major 
des  amateurs  de  la  musique  italienne  ;  il  y  a  là  une  demi-douzaine  de  con- 
jurés, gens  de  génie,  qui  ont  fait  serment  d'exterminer  la  musique  françoise, 
ou  de  la  faire  si  fort  changer  que  Lulli  et  même  Rameau,  revenants  dans 
un  demi-siècle  d'ici,  ne  la  reconnoîtront  plus... 

"  ...  Vous  avez  sans  doute  été  informé  par  la  renommée  de  l'écrit 
lâché  par  M.  Rousseau  de  Genève  sur  la  Musique  françoise,  écrit  qui  a  causé 
ici  une  fermentation  étonnante,  et  un  torrent  d'injures  contre  son  autheur. 
On  n'a  vu  pendant  assez  longtemps  que  paroître  de  jour  à  autre  des  écrits 
contre  lui,  presque  tous  pitoyables,  et  sans  doute  nous  n'en  sommes  pas 
encore  quittes.  Tout  ce  que  ces  écrits  ont  opéré  sur  nous  autres  du  coin  de 
la  reine,  a  été  de  nous  prouver  de  plus  en  plus  qu'il  étoit  difficile  de 
répondre,  car  quand  on  a  de  bonnes  raisons,  on  s'y  attache,  et  l'on  ne 
s'exhale  pas  en  injures  qui  ne  dévoient  être  que  l'accessoire  pour  répondre 
aux  duretés  choquantes  que  je  conviens  être  dans  la  lettre  de  Rousseau. 
Quant  à  moi,  je  tiens  pour  bien  démontré  plusieurs  des  articles  de  cette 
lettre,  sçavoir  que  notre  récitatif  est  un  peu  plus  que  détestable,  que  ce 
beau  morceau  à'Armide,  si  longtemps  admiré,  est  pitoyable  et  même 
indigne  de  Lulli,  et  qu'il  faut  bien  plus  d'art  pour  faire  des  paroles 
françoises  pour  être  mises  en  musique  qu'on  n'y  en  met  ordinairement. 
Quant  à  ceux  qui  sont  les  autheurs,  ou  plutôt  l'occasion  de  la  querelle, 
sçavoir  les  Italiens  qui  jouent  leurs  intermèdes  sur  notre  théâtre,  on  ne 
sçait  point  encore  s'ils  resteront  ou  non.  Du  moins  la  caballe  de  cette 
canaille  de  l'opéra  est  poussée  contre  eux  à  l'extrême.  Car  à  peine  leur 
donne-t-on  des  décorations,  et  nous  avons  déjà  vu  deux  fois  un   ciel  de 


Partie     AU    DIX-HUITIÈME    SIÈCLE         183 

nuages  bleus  et  blancs  au  lieu  du  plafond  d'une  salle,  une  partie  du  fond  l'actualité 

de  la  décoration  n'être  mise  à  sa  place  que  longtemps  après  le  temps  où  musicale  et 

elle  auroit  dû  y  être,  enfin,  quoi  qu'ils  offrent  de  mettre  une   nouvelle  l'histoire 

pièce  sur  pied,  on  ne  veut  point  le  leur  permettre.  Néant  moins  leur  pièce  de  la 

intitulée  Pertolde  à  la  cour  (1)  quoique  jouée  25  fois  de  suite  se   soutient  musique 

toujours  à  peu   près  comme  le  premier  jour.  Je  l'ai  vue  12  à  15  fois  et 

toujours  avec  un   nouveau  plaisir.  Car  c'est  une  musique  presque  divine. 

On  vient  de  donner  Castor  et  Pollux  de  M.  Rameau,  qui  aura  probablement 

un  grand  succès  dans  ce  temps  de  fermentation  où  des  sotises  en  musique 

françoise  seroient  toujours  admirées  par  une  partie  de  la  nation,  seulement 

parce  qu'un  certain  nombre   de  gens  les   siffleroient.  Mais  je  me  trompe 

bien   si   dans  un  autre  temps  il  en  auroit  beaucoup.  Il  y  a  cependant  des 

beautés  répandues  en  très  petit  nombre  dans  le  premier  et  le  second  acte, 

un   peu  plus  dans  le  3e,  beaucoup  dans  le  4e,  et  peu  dans  le  5e.  Mais  en 

somme  ce  n'est  ni  le  triomphe  de  la  musique  françoise,  ni  le  tombeau  de 

l'italienne,   et  j'aime  mieux,  avec  bien  du  monde,  certains  airs  de  Pertolde 

que  tout  Castor  et  Pollux,  car  d'ailleurs  il  n'y  a  point  d'air  de  chant  sinon  à 

la  fin   du   3e  acte  calqué  d'après  Mondonville,  avec  un  accompagnement 

italien,  et  la  pièce,  si  l'on  en  ôte  l'accessoire  des  danses  et  des  décorations 

qui  font  l'illusion  des  sots,  n'est  qu'un  récitatif  perpétuel,  c'est-à-dire  un 

braillement  de  haut  en  bas  d'autant  plus  ennuyeux  que  Geliote  paroît  peu, 

car  il  est  Castor  qui  meurt  au  premier  acte  et  qui  ne  reparoît  qu'à  la  fin  du 

4e,  que  quelques  morceaux  de  récitatif  qui  devroient  être  pathétiques,  sont 

exécutés  par  une  voix  qui   ne  leur  convient  pas,  sçavoir  Mlle  Fel  ;  que  le 

reste  est  exécuté  en  grande  partie  par  Chassé  qui  est  grand  acteur,  mais 

qui   ne  chante  plus  du  tout,  et  par  MUe  Chevalier  qui  a  une  belle  voix 

mais  qui  crie  et  détonne  souvent...  "  (2) 

L'occasion,  certes,  était  belle  pour  l'Académie  de  discuter 
tant  de  questions  brûlantes  que  Montucla  traitait  avec  l'irrespect 
et  le  parti-pris  d'un  critique  musical  occasionnel.  Pourtant  cette 
lettre,  violente  à  l'excès  ne  suscita  pas  de  discussions  ;  elle  n'éveilla 
sans  doute  que  le  mépris  et  le  dégoût  des  Académiciens,  et  le 
procès-verbal  de  la  séance,  enregistra  simplement  la  démission  de 
l'académicien  Montucla  sans  faire  la  moindre  allusion  à  sa  diatribe. 

L'Académie  devait  peu  goûter  d'ailleurs,  en  principe,  une 
critique   désinvolte.  Bollioud-Mermet    qui,  nous  l'avons  vu,   avait 

(1)  Il  s'agit  de  Bertoldo  in  corte  de  Ciampi. 

(2)  Correspondance  académique,  Ms.  n°  267,  II,  f°  114-115. 


i84 


LA     MUSIQUE     A     LYON  Deuxième 


DE    LA 
MUSIQUE 


l'actualité  de  bonnes  raisons  de  redouter  l'opinion  des  journalistes,  lut,  quel- 
musicale  et  ques  années  après  ses  mésaventures  de  la  Corruption  du  goût,  le 
30  mai  1752,  un  long  mémoire  sur  l'usage  de  la  critique  et  les 
moyens  de  la  rendre  utile.  Ce  mémoire  a  disparu  ;  mais  le  procès- 
verbal  de  l'Académie  en  contient  une  longue  analyse. 

"  Après  avoir  fait  connoître  les  avantages  d'une  critique  bien  réglée, 
et  les  inconvéniens  de  celle  qui  s'affranchit  de  la  règle,  M.  Bollioud  observe 
que  rien  n'est  plus  rare  qu'une  saine  critique  parce  qu'on  ne  sait  pas  la 
faire  et  parce  qu'on  ne  sait  pas  la  recevoir.  Pour  rendre  plus  utile  à  la 
république  des  lettres  la  censure  qui  établit  une  espèce  de  police  parmi  les 
savants,  M.  Bollioud  désigne  les  qualités  nécessaires  au  censeur  ;  il  tient 
son  autorité  de  l'aveu  du  public,  ainsi  l'équité  doit  le  rendre  intègre, 
sincère  et  impartial  ;  il  faut  que  sa  fermeté  soit  tempérée  par  la  prudence 
et  par  la  modération,  que  la  satire  et  le  ton  railleur  soit  banni  de  la  censure. 
Si  ces  dispositions  sont  nécessaires  dans  l'auteur  de  la  critique,  il  en  est 
d'autres  qui  ne  sont  pas  moins  importantes  pour  celui  qui  en  est  l'objet. 
Tout  écrivain  doit  s'attendre  à  être  jugé,  et  doit  être  son  premier  juge  et 
se  défier  de  lui-même,  observer  le  précepte  d'Horace  qui  veut  qu'il  laisse 
pour  ainsi  dire  reposer  pendant  un  long  temps  son  ouvrage  pour  le  retou- 
cher ensuite  de  sang-froid,  consulter  avec  docilité,  choisir  un  conseil  éclairé, 
et  s'en  tenir  à  ses  décisions.  Toutes  ces  précautions  soigneusement  obser- 
vées, l'écrivain  peut  se  flatter  d'être  à  l'abri  des  traits  d'une  critique  injuste. 
Le  public  est  équitable  ;  si  l'ouvrage  est  bon,  les  mauvaises  critiques  ne 
sauroient  le  discréditer  ;  s'il  est  médiocre,  la  censure  sera  utile  à  l'auteur. 
Surtout  qu'il  fasse  réflexion  que  la  critique  est  en  même  temps  nécessaire 
et  inévitable  ". 

Ces  observations,  un  peu  intéressées,  d'une  victime  de  la 
critique,  furent  d'ailleurs  approuvées  en  1774  par  Bordes  qui,  con- 
sacrant un  mémoire  aux  qualités  de  la  critique,  nota  qu'il  était 
indispensable  qu'elle  ne  présentât  rien  d'injuste  ou  d'odieux  (1). 

Ce  même  académicien  eut  l'occasion,  le  18  janvier  1757,  de 
dire  un  mot  sur  l'opéra  italien,  à  la  suite  de  la  lecture  d'une 
traduction  qu'il  avait  faite  de  V Essai  sur  l'Opéra  d'Algarotti.  Le 
texte  italien  imprimé  avait  été  communiqué  par  l'auteur  lui-même  à 
l'académicien  lyonnais  au  cours  d'un  voyage  de  ce  dernier  à  Venise. 

(1)  Mémoire  (non  conservé)  du  13  décembre  1774. 


Partie       AU   D I X  -  H  U I TI È  M  E   SIÈCLE        185 

Les  observations  de  Bordes  sont  intéressantes.  Ce  qui  l'avait  frappé  l'actualité 
surtout  dans  l'opéra  transalpin,  c'était  la  grandeur  et  la  beauté  des  musicale  et 
décorations,    la    richesse  des  costumes,  la  légèreté   des   danses,   la  L  HISTOIRE 
iustesse    et   la    précision    des   chanteurs  et   des   symphonistes.    La 

.  J       x  MUSIQUE 

musique  lui  avait  semblé  facile,  abondante,  légère,  brillante,  ingé- 
nieuse :  ses  yeux  avaient  été  enchantés  ;  ses  oreilles,  ravies  ;  mais 
son  cœur  était  resté  vide.  "  L'opéra  italien,  rapportait  notre  auteur, 
consiste  en  vingt-cinq  ou  trente  scènes  de  récitatif,  terminées 
fidèlement  chacune  par  une  ariette.  "  Le  récitatif  est  mauvais  :  c'est 
une  psalmodie  monotone  et  forcée,  sans  analogie  avec  la  déclama- 
tion, sans  vie,  sans  âme.  Les  Italiens,  du  reste,  ne  l'écoutent  pas. 
"  L'ariette  arrive  à  la  fin  de  chaque  scène  ;  le  personnage  ne  peut 
quitter  le  théâtre  sans  l'avoir  chantée  :  qu'on  assassine  son  père,  il 
ne  peut  aller  au  secours  sans  avoir  rempli  cette  loi  ;  il  faut  qu'il 
chante,  et  sans  faire  grâce  d'une  seule  répétition...  "  On  place  des 
"  roulements  "  très  longs  et  très  légers  dans  la  tristesse  et  la  douleur; 
des  points  d'orgue  terminent  des  ordres  donnés  par  un  roi  ;  le  déses- 
poir le  plus  violent  attend  la  fin  de  la  ritournelle  pour  éclater. 
Bordes  cherche  alors  à  considérer  l'ariette  simplement  en  musicien: 
"  il  trouve  souvent  un  sujet  heureux,  brillant,  naturel  même  ;  mais 
bientôt  il  lui  échappe,  noyé,  perdu  sous  ses  ornements:  l'oreille  la  plus 
exercée  à  se  varier,  a  peine  à  saisir  ce  protée  actif  à  se  contraster, 
à  se  tourmenter  en  cent  façons  ;  toujours  même  nombre  de  reprises, 
de  variations,  de  doubles,  qu'il  soit  question  de  tendresse,  de  fureur, 
ou  d'une  simple  chanson  ;  la  même  marche  existe,  on  n'y  peut  rien 
changer...  "  Dans  l'opéra  italien,  pas  de  trace  de  la  variété  qui 
règne  dans  l'opéra  français  :  "  Point  de  chœurs,  point  de  fêtes  liées 
au  sujet;  vous  n'y  verrez  aucune  de  nos  belles  imitations  de  la 
nature,  qui  annoncent  le  débrouillement  du  chaos,  le  lever  de 
l'aurore,  des  bruits  de  guerre  ou  de  chasse,  le  soulèvement  des  flots, 
le  sifflement  des  vents,  la  tempête  et  le  calme  renaissant,  nos  belles 
chaconnes,  nos  symphonies  célestes,  infernales,  persanes,  sauvages, 
pastorales....  "  A  tant  de  richesses,  les  Italiens  opposent  vingt 
ariettes  enfilées  au  bout  de  vingt  scènes  d'ennui. 

Et  voici  la  conclusion   de    l'académicien  :   "  L'opéra  italien 

13 


i86  LA    MUSIQUE    A    LYON        D 


EUXIEME 


l'actualité  n'est  qu'une  ariette,  il  est  absolument  inécoutable  dans  la  moitié  au 
musicale  et  moins  de  sa  durée  ;  les  Italiens  n'écoutent  jamais  la  scène,  et  c'est 
l  histoire    en  ceja  qU>jis  ont  raison;  nous  écoutons  la  nôtre;  il  me  semble  que 

le  procès  est  jugé...  Les  Italiens  possèdent  sans  doute  à  un  haut 
musique  f  ,  ,    .  J    &  .  ■■1*1. 

degré  le  génie  de  la  musique,  mais  il  est  chez  eux  presque  en  pure 

perte,  parce  qu'ils  n'ont  passu  s'éleverjusqu'à  l'imitation  de  la  nature... 

L'oreille  seule   a   été   l'objet  de  leurs  travaux...   La  routine  s'est 

emparé  de  leurs  talents...  Leur  danse  est  toute  en  entrechats,  leur 

poésie  en  sonnets,  et,  à  voir  leur  fidélité  singulière  à  ne  composer 

leur  musique  que  d'ariettes,  on  croirait  que  c'est  en  vertu  d'un 

décret  de  l'Inquisition  (i).  " 

Telle  est  l'opinion  de  Bordes,  qui  devait  être  partagée  par 
presque  tous  les  académiciens:  l'opéra  italien  était  donc  condamné... 

Si  l'actualité  musicale  fut  presque  complètement  laissée  de 
côté  par  l'Académie  (2),  l'histoire  de  la  musique  ne  fut  guère  plus 
cultivée:  quatre  ou  cinq  mémoires  seulement  furent  consacrés  à  cette 
branche  de  l'art  qui,  aujourd'hui,  nous  apparaît  comme  essentielle; 
et  tous  sont  réservés  à  la  musique  des  anciens,  ce  qui  n'est  pas  sur- 
prenant, car  la  musique  du  moyen-âge  ou  de  la  Renaissance  était, 
au  xviii6  siècle,  complètement  négligée. 

Dès  le  20  août  171 4,  Cheinet,  rapporte  un  procès-verbal, 
"  lut  un  projet  de  l'histoire  de  la  musique,  avec  une  épître  dédica- 
toire  à  Mgr  le  Duc  d'Orléans,  ouvrage  de  l'auteur  d'un  poème  sur 
la  musique.  "  Cet  auteur  était-il  le  Père  Fellon  ?  Nous  ne  le  savons 
pas. 

Les  discussions  sur  l'histoire  de  la  musique  sont  un  dernier 
écho  de  la  lutte  des  Anciens  et  des  Modernes.  Selon  le  témoignage 
de  Brossette,  que  nous  avons  rapporté,  les  fondateurs  de  l'Académie 
s'efforçaient  de  réagir  contre  le  goût  du  siècle,  et  tenaient  tous 
pour  l'antiquité.    La  ferveur  classique  de  leurs  successeurs   était 

(1)  V.  plus  loin,  page  225. 

(2)  Dans  son  Catalogue,  Delandine  indique  bien  un  mémoire  sur  les  Progrès  de 
la  musique  en  France  depuis  le  règne  de  Louis  XIV.  De  ce  manuscrit  dû  à  Clapasson,  et 
dont  l'intérêt  pour  nous  serait  très  vif,  il  n'a  été  conservé  que  les  premières  pages 
(Mss  acad.  n°  161,  f°  186-189). 


Partie       AU   DIX-HUITIÈME  SIÈCLE        187 

moindre,  et,  sur  quatre  mémoires  comparant  et  opposant  les  musi-  l'actualité 
ciens  de  l'antiquité  aux  modernes,   deux  accordent  la  supériorité  musicale  et 
aux  derniers  venus.  La  première  dissertation  est  isolée.   Présentée  L  HISTOIRE 
par  de   Regnauld  à  l'Académie  des  Sciences  et  Belles-Lettres  le 
27  novembre  173  1,  elle  nous  est  connue  seulement  par  le  procès- 
verbal  qui  la  résume  en  ces  termes  : 

• 

"  M.  de  Regnauld  a  lu  un  discours  où,  après  avoir  fait  l'éloge  de  la 
musique  et  expliqué  son  pouvoir  et  ses  avantages,  il  s'est  renfermé  dans 
l'explication  des  concerts  que  faisoient  les  Anciens,  et  dans  le  rapport  que 
ces  mêmes  concerts  avoient  avec  les  nôtres,  dont  il  y  a  des  établissemens 
dans  toutes  les  principales  villes  de  ce  royaume.  Il  a  touché  en  passant  la 
question  fameuse  qui  a  divisé  nos  savans  modernes,  savoir  si  la  musique 
des  Anciens  étoit  composée  ou  non  de  parties  différentes.  M.  de  Regnauld 
a  semblé  adopter  l'affirmative  et  a  soutenu  cet  avis  par  de  nouvelles 
réflexions. 

"  M.  le  Directeur  [de  Glatigny],  dans  sa  réponse,  a  ramené  la  même 
question,  et  l'a  laissée  indécise,  par  la  difficulté  de  juger  d'une  chose  dont 
nous  ne  pouvons  avoir  des  exemples  sensibles.  " 

La  question,  on  le  devine,  avait  été  traitée  de  façon  bien 
vague,  et  la  conclusion  était  restée  douteuse.  Le  sujet  ne  fut  repris 
qu'en  1748.  Cheinet  rouvrit  le  débat  avec  son  mémoire  sur  l'har- 
monie ancienne  et  moderne,  lu  à  l'Académie  des  Beaux-Arts  le 
27  mars.  Il  proclamait,  en  débutant,  la  supériorité  complète  des 
Grecs  et  des  Romains  en  éloquence,  en  poésie,  en  architecture  et 
sculpture,  et  même  en  peinture.  Pour  ce  dernier  art  cependant,  il 
signalait  la  maîtrise  des  modernes  en  ce  qui  concerne  le  clair- 
obscur.  Quant  à  la  musique,  disait-il  "  on  peut  démontrer  comme 
géométriquement  que  nos  derniers  modernes  surtout  ont  porté  la 
perfection  de  cet  art  infiniment  plus  loin  que  les  Grecs  et  les 
Romains  n'ont  pu  le  faire."  Cheinet  justifie  son  affirmation  par 
cette  seule  phrase  :  "  Les  uns  et  les  autres,  comme  dans  la  peinture, 
n'en  ont  sûrement  connu  pour  ainsi  dire  que  le  bas-relief,  sçavoir 
la  mélodie,  et  cela  doit  paroître  ainsi  puisque,  de  tous  les  effets  les 
plus  merveilleux  que  l'on  nous  rapporte  de   leur  musique,  il  n'en 


i88 


LA     MUSIQUE     A     LYON  Deuxième 


L  HISTOIRE 
DE    LA 
MUSIQUE 


l'actualité  est  point  qui  n'ait  été  produit  par  un  seul  musicien  particulier,  et 
r  pas  un  qui  l'ait  été  par  un  concert  de  plusieurs  (i)." 

Huit  jours  après  la  lecture  de  ce  mémoire,  le  Père  Tolomas 
présentait  ses  Réflexions  sur  la  musique  et  la  peinture  des  ^Anciens, 
que,  remarquait-il  lui-même,  il  aurait  mieux  fait  d'intituler 
"  Réflexions  sur  le  discours  que  vous  entendîtes  lire  mercredi 
dernier.  "Le  Père  Jésuite,  tout  comme  ses  prédécesseurs  de  1738, 
commence  et  conclut  son  discours  en  signalant  que  les  discussions 
les  plus  serrées  ne  peuvent  aboutir  qu'à  des  probabilités,  parce  que 
rien  n'est  resté  de  la  musique  des  Anciens,  et  que  la  Vérité  est 
encore  au  fond  du  puits.  Il  lui  semble  pourtant  que  la  privation 
du  contrepoint  ne  peut  diminuer  en  rien  l'excellence  et  le  prix  de 
la  musique  antique  :  c'est  là  du  reste,  ajoute-t-il,  l'opinion  de 
Burette,  dont  le  témoignage  n'est  pas  suspect,  parce  qu'il  est  celui 
d'un  partisan  des  modernes.  Le  Père  Tolomas  a  relevé,  dans  cer- 
tains auteurs  anciens,  tels  que  Athénée  et  Macrobe,  des  passages 
qui  lui  semblent  prouver  que  l'antiquité  n'a  pas  ignoré  l'harmonie 
et  le  contrepoint.  Une  citation  de  Macrobe  lui  apparaît  comme 
un  argument  péremptoire  ;  c'est  celle-ci  :  "  Voyez,  écrivait 
Macrobe,  quel  est  le  nombre  de  voix  qui  forment  nos  chants  de 
musique.  Leur  multitude  toutefois  se  rapporte  à  une  harmonie. 
Là,  vous  entendrez  à  la  fois  des  tons  aigus,  des  tons  graves,  des 
tons  moyens,  des  voix  d'hommes,  des  voix  de  femmes.  Là,  tout 
se  marie  avec  les  accords  de  la  lyre.  Toutes  les  voix  s'entendent,  et 
vous  n'en  distinguez  aucune.  "  Ne  retrouve-t-on  pas  sur  ce  texte 
tous  les  caractères  de  notre  musique?  "Et  si  on  employait  les 
mêmes  termes,  en  parlant  de  quelque  chœur  de  La  Lande,  serait- 
on  accusé  avec  justice  d'avoir  donné  une  fausse  idée,  je  ne  dis  pas 
de  la  manière  propre  de  ce  savant  musicien,  mais  de  la  musique  de 
son  siècle,  dans  le  goût  de  laquelle  il  a  composé  ?  On  peut  subtiliser 
sur  ce  texte...  et  prétendre  que  la  diversité  des  tons  ne  prouve  pas 
l'existence  des  accords;  puisque,  ces  tons  étant  à  l'unisson,  il  ne 
pouvait   y    avoir   de   contraste  dans  les  parties.   Mais  un  mot  de 


(1)  Mss  acad.  n°  161,  f°  91-105. 


Partie    AU    D IX- H  UITI È  M  E    SIÈCLE  189 

Macrobe  anéantit  cette  défaite,  car  l'auteur  ajoute  :  Et  le  concert  l'actualité 
résulte  des  dissonances  mêmes  (1).  "  musicale  et 

Ce  mémoire  invoquait  l'autorité  de  Burette,  l'historien  bien  L  HISTOIRE 
connu,  mort  en  1747.  C'est  sous  le  couvert  de  ce  même  nom,  et  DE  LA 
aussi  du  théoricien  anglais  Wallis,  que  fut  présenté  le  dernier 
mémoire  académique  consacré  à  la  querelle  des  Anciens  et  des 
Modernes.  C'est  Mathon  de  la  Cour  qui  le  rédigea  :  son  travail 
n'a  pas  été  conservé,  et  ce  n'est  qu'une  petite  perte,  car,  comme 
nous  le  verrons  dans  le  chapitre  suivant,  Mathon  n'était  pas  riche 
en  idées  originales,  et  redoutait  les  travaux  de  première  main.  Nous 
le  voyons,  sur  ce  sujet  historique  comme  dans  les  questions  d'har- 
monie, se  contenter  de  résumer  des  ouvrages  antérieurs.  Voici 
l'analyse  de  son  mémoire,  publiée  dans  les  procès-verbaux. 

"  M.  Mathon  a  lu  une  dissertation  sur  la  musique  des  Grecs.  Il  a 
donné  une  notice  des  principaux  auteurs  anciens  qui  en  ont  traité  et  que 
Meibomius  a  traduits  en  latin  et  rédigé  en  un  seul  corps.  M.  Mathon  a 
fait  mention  des  autres  auteurs  que  Wallis  anglois  a  mis  au  jour.  Tous 
deux  infectés  de  la  folie  des  nombres.  Il  a  rappelé  le  traité  de  Plutarque  ; 
le  peu  qu'en  dit  Athénée  ne  lui  a  pas  échappé.  Ce  sont  les  sources  qu'il 
nous  a  indiquées  comme  les  plus  sûres  pour  connaître  la  musique  ancienne. 
De  là,  il  a  passé  à  l'examen  des  ouvrages  de  M.  Burette  qui  a  rectifié, 
selon  lui,  les  idées  des  anciens  auteurs  et  a  assoupi  les  disputes  élevées  à 
ce  sujet  par  d'excellens  raisonneurs.  M.  Mathon  est  entré  ensuite  dans  le 
détail  d'un  de  ses  ouvrages  sur  la  mélopée  des  Grecs,  et  on  peut  regarder 
sa  dissertation  comme  un  supplément  aux  découvertes  de  M.  Burette  "  (2). 

Mathon,  partisan  des  théories  de  Wallis  et  de  Burette,  croyait 
donc  à  la  supériorité  des  modernes  en  matière  musicale.  Un  mot 
intéressant  à  signaler  :  "  Tous  deux  infectés  de  la  folie  des  nom- 
bres. "  Notre  auteur  s'intéressait  pourtant  vivement  aux  questions 
d'harmonie  mathématique,  et  savait,  à  l'occasion,  comme  nous 
allons  le  voir,  discuter  sur  la  proportion  harmonique,  la  proportion 
géométrique  et  la  proportion  arithmétique  (3). 

A  l'histoire  de  la  musique  peuvent  se  rattacher  deux  mémoires 

(1)  Mss  acad.  N°  158, 1,  f°  29-35. 

(2)  Séance  de  l'Académie  des  Sciences  et  Belles-Lettres,  13  août  1748. 

(3)  On  ne  s'étonnera  pas  que  nous  nous  tenions  tout-à-fait  en  dehors  des  débats 
historiques  ou  harmoniques   que  nous  rapportons.  Nous   ne  faisons  que  présenter  les 


190  LA     MUSIQUE     A     LYON  Deuxième 

l'actualité  consacrés  par  le  Père  Tolomas  à  la  Mélographie  ou  Déclamation  notée 
musicale  et  jes  anciens.  Ces  deux  mémoires,  conservés  l'un  et  l'autre  (i),  et 
l  histoire  jus  au  cours  ^es  séances  du  2  juillet  1749  et  du  29  juillet  1750, 
présentent  une  réfutation  point  par  point  d'un  discours  de  Bol- 
lioud-Mermet.  Bollioud  s'était  proposé  de  prouver  que  la  décla- 
mation en  usage  sur  l'ancienne  scène  était  une  véritable  musique, 
et  que,  si  elle  n'avait  pas  été  telle,  il  aurait  été  impossible  de  la 
noter.  Ce  mémoire  a  disparu,  et  son  auteur,  se  rendant  peut-être 
compte  de  son  erreur,  oublia  même  de  le  signaler  dans  la  liste  de 
ses  travaux  lorsqu'il  écrivit  son  histoire  de  l'Académie.  C'est  que 
la  réfutation  avait  été  écrasante,  bien  que  conçue  dans  la  forme  la 
plus  correcte.  Voici  le  début  de  la  dissertation  du  Père  Tolomas 
qui  nous  montre  l'urbanité  des  discussions  académiques  : 

"  C'est  sans  doute  rappeler  à  vos  Esprits  un  souvenir  bien  agréable 
que  de  remettre  sous  vos  yeux  le  sujet  que  j'entreprends  de  traiter.  Le 
nom  de  la  Mélographie  doit  ici  réveiller  l'idée  d'une  dissertation  où  brilloit 
une  érudition  peu  commune  dispensée  avec  goût  et  parée  de  toutes  les 
grâces  du  style.  C'est  pourtant  contre  un  ouvrage  si  estimable  et  si  digne 
des  applaudissemens  qu'il  a  reçus  dans  cette  Compagnie  que  j'oseroi  pro- 
poser modestement  mes  doutes  ;  ou,  pour  annoncer  mon  dessein  avec  cette 
noble  franchise  qui  sied  si  bien  dans  les  écrits  littérairement  polémiques,  je 
diroi  avec  liberté  que  j'entreprends  de  réunir  sous  un  point  de  vue  des 
autorités,  d'alléguer  des  faits,  d'établir  des  principes,  de  développer  des 
conséquences,  d'où  il  résulte  au  sujet  de  la  mélographie  un  sentiment 
contradictoirement  opposé  à  l'opinion  qui,  sous  la  plume  de  son  ingénieux 
défenseur,  auroit  captivé  vos  suffrages,  si  la  Vérité,  quoiqu'ingénieusement 
attaquée,  pouvoit  jamais  perdre  sa  cause  dans  un  tribunal  éclairé... 

Résumons,  en  quelques  mots,  l'argumentation  très  serrée  du 
Père  Tolomas  : 

On  ne  peut  puiser  un  argument  pour  la  thèse  de  Bollioud 
dans  l'identité  du  sens  de  cantus,  carmen,  versus,  numen,  modi,  de 
même  que  l'on  ne  pourrait  conclure,  à  l'avenir,  que  les  poèmes 
sont  des  œuvres  musicales  quand  leurs  auteurs  emploient  l'expres- 
sion :  je  chante.    Des  arguments   tirés   de   Cicéron   et   de  Juvénal 

discussions  des  académiciens  lyonnais.   D'ailleurs  la   plupart   de   ces   questions  sont 
depuis  longtemps  classées. 

(1)  Mss  acad.  n°  161,  f°  73-79  et  82-89. 


Partie    AU    D IX- H  UITIÈ  M  E    SIÈCLE  191 

montrent  que  les   poètes  comiques  latins  ne  faisaient   presque   pas  l'actualité 
sentir  le  nombre  et  le  rythme  de  leurs  vers,  afin  que  leurs  dialogues  musicale  et 
ressemblassent   davantage  à  la  conversation    ordinaire.  Sans   doute,  L  HISTOIRE 
les   acteurs   antiques   empruntaient    un   secours   du   ministère   des  DE  LA 

,  V..  f,  ii-  1     •  r  1      MUSIQUE 

musiciens  :  les  artisans  de  la  modulation  scenique  fixaient  sur  le 
papier,  selon  les  règles  d'une  tablature  connue,  toutes  les  inflexions 
de  la  voix  de  l'acteur,  et  tous  les  sons  aussi  que  devait  tirer  ou  de 
sa  flûte,  ou  de  sa  lyre,  ou  de  quelque  instrument  à  cordes,  le  musi- 
cien accompagnateur,  qui  soutenait  par  son  jeu  la  déclamation  des 
paroles.  Mais  cela  n'a  rien  de  commun  avec  la  basse  continue.  Le 
musicien  aidait  l'acteur,  le  suivait  pas  à  pas  pour  jouer  à  son  oreille, 
mais  ne  se  faisait  pas  entendre  du  public  :  ce  moyen  de  soutenir  la 
diction  parut  même  si  heureux  que  de  la  scène  il  passa  sur  la 
tribune  aux  harangues. 

Bien  que  la  déclamation  ne  soit  pas  un  véritable  chant,  on  en 
notait  les  inflexions,  et  une  telle  notation  n'est  pas  impossible.  Si 
la  variété  des  signes  dans  ce  cas  doit  être  grande,  elle  ne  l'est  pas 
plus  que  dans  la  langue  chinoise  ou  dans  la  chorégraphie.  Les 
maîtres  de  ballet  notent  tous  les  pas  et  toutes  les  figures  des  ballets 
les  plus  composés,  et  une  telle  notation,  pour  complexe  qu'elle  soit, 
est  déchiffrée  par  tous  les  danseurs,  même  les  plus  médiocres.  Ces 
inflexions,  dans  le  théâtre  ancien,  étaient  non  pas  rigoureusement 
fixées  ;  elles  étaient  simplement  indiquées  au  goût  de  l'exécutant 
"  de  même  que  le  goût  du  chant  n'est  que  très  imparfaitement 
déterminé  par  la  tablature  de  nos  musiciens.  " 

Le  Père  Tolomas  cite  enfin  l'exemple  célèbre  de  Racine  qui, 
selon  le  témoignage  de  son  fils,  dictait  à  la  Champmeslé  les  tons 
"  que  même  il  notait  "  (1). 

La  démonstration  du  Père  Jésuite,  comme  nous  l'avons  dit 
convainquit  tout-à-fait  Bollioud-Mermet.  Ce  dernier  devait  subir 
une  fois  encore  une  réfutation  conçue  en  termes  plus  vifs,  et  dont 
le  retentissement  fut  certainement  plus  considérable  en  raison  de  la 
célébrité  du  contradicteur  qui  ne  fut  autre  que  Rameau  lui-même. 

(1)  Des  articles  sur  la  Mélographie  furent  publiés  dans  le  Mercure  de  novembre 
1756  et  d'avril  1757. 


III 

L  '  H  ARMONIE 


"  "T"  a  Musique,  écrivait  Rameau  en  dédiant  sa  Génération  harmo- 
nique aux  membres  de  l'Académie  des  Sciences  de  Paris,  la 
Musique  n'est  pour  le  commun  des  hommes  qu'un  Art 
destiné  à  l'amusement,  et  dont  il  n'appartient  qu'au  goût  d'enfanter 
et  déjuger  les  productions:  pour  Vous,  elle  est  une  Science  fondée 
sur  les  principes,  et  qui,  en  enseignant  à  flatter  l'Oreille,  fournit  à  la 
raison  de  quoi  s'exercer.  "  Ainsi,  et  comme  leurs  collègues  de  Paris, 
les  Académiciens  lyonnais  envisageaient  la  musique  ;  ils  la  considé- 
raient moins  comme  un  art  que  comme  une  science  dont  "  la 
théorie  ne  saurait  manquer  d'avoir  des  charmes  pour  ceux  qui 
aiment  les  mathématiques,  puisqu'elle  n'est  fondée  que  sur  les  rap- 
ports et  les  proportions  des  nombres,  et  que  c'est  uniquement  à 
cause  de  ces  rapports  qu'on  a  mis  la  musique  au  nombre  des  parties 
des  mathématiques...  (i)  "  La  musique  classée  dans  les  "  mathé- 
matiques sensibles  ",  voilà  qui  nous  étonne  vivement  aujourd'hui, 
car  nous  avons  séparé  depuis  longtemps  l'art  musical  des  théories 
acoustiques,  mais  qui  n'était  pas  surprenant  à  une  époque  où  floris- 
sait  l'esprit,  nous  dirons  même  la  manie  géométrique,  et  où  les 
découvertes  de  Rameau  donnaient  de  l'actualité  aux  questions 
harmoniques.  Près  de  la  moitié  des  mémoires  académiques  de  Lyon 
est  consacrée  à  l'harmonie  en  général  ou  à  la  question  du  tempéra- 
ment égal  appliqué  à  l'accord  des  instruments  à  clavier.  Bollioud- 

(i)  Mathon  de  la  Cour,  Discours  sur  la  génération  harmonique  (Académie 
des  Beaux-Arts.  10  Mars  1738). 


I94  LA     MUSIQUE     A     LYON  Deuxième 

l'harmonie  Mermet,  Cheinet,  Mathon,  Joannon,  le  Père  Dumas  reprennent 
sans  cesse  pour  leur  compte  les  théories  ramistes  ou,  très  rarement, 
les  discutent,  et  Rameau  lui-même,  un  jour,  intervient  dans  le 
débat. 

Le  premier  mémoire  sur  l'harmonie  fut  lu  à  l'Académie  des 
Beaux-Arts  le  27  Juin  1736,  c'est-à-dire  deux  mois  et  demi  après 
le  début  des  conférences  de  la  société  (12  avril).  C'était  le  discours 
de  réception  du  jeune  Joannon  qui  comprenait  naturellement  le 
compliment  d'usage  à  l'Académie  et  au  Prévôt  c  s  Marchands  (1). 
La  première  partie,  précédée  de  l'épigraphe  : 

Concordia  parvœ  res  crescunt, 
Discordia  vero  maximœ  dilabuntur, 

est  réservée  à  des  généralités  sur  l'harmonie  universelle,  la  musique 
surnaturelle  selon  les  principes  de  laquelle,  pour  employer  les  termes 
d'un  écrivain  du  xvnf  siècle  :  Dieu  aurait  créé  l'univers  et  en 
aurait  formé  l'arrangement  avec  la  première  matière  (2).  Joannon 
débutait  ainsi  : 

"  Tel  est  l'assujettissement  des  choses  créées  qu'elles  ne  peuvent  se 
soutenir  sans  cette  union,  sans  ce  je  ne  sçay  quoy  d'harmonique,  si 
essentiel  à  leur  existence,  assujettissement  ordonné  par  la  sagesse  du 
Créateur,  assujettissement  enfin  sans  lequel  les  créatures  fussent  retombées 
dans  le  chaos...  " 

Puis  c'est  la  constatation  de  l'existence  de  l'union  et  de  l'har- 
monie dans  toute  la  nature,  dans  tous  les  êtres  matériels,  spirituels, 
ou  métaphysiques  ;  de  l'union  du  corps  et  de  l'âme  ;  ce  sont  encore 
d'imprévues  considérations  historiques  sur  l'histoire  de  Rome  et  de 
la  France  ;  enfin  mille  banalités  sur  la  musique  naturelle  des  vents 
et  de  la  mer,  des  cris  des  animaux,  du  chant  des  oiseaux  ;  la  nota- 
tion, d'après  le  Père  Kircher,  du  chant  du  rossignol,  du  coq,  de  la 
poule,  de  la  caille  et  du  coucou  ;  le  bourdonnement  musical  de  la 
mouche  "  où  nous  distinguons  alternativement  la  tierce,  la  quinte 

(1)  Mss  acad.  n°  161,  f°  160  à  175. 

(2)  Jacques  Bonnet,  Histoire  de  la  danse  ;  1725. 


Partie     AU    DIX-HUITIEME    SIÈCLE         195 

et  l'octave  "  ;  le  coassement  de  la  grenouille  "  qui  a  ses  tons  "  ;  les  l'harmonie 
cris  de  l'enfant... 

La  partie  essentielle  du  mémoire  est  consacrée  à  la  recherche 
du  principe  de  l'harmonie  d'après  Rameau,  et  Joannon  "  met  en 
parallèle  avec  la  corde  de  Rameau  une  expérience  bachique.  " 

"  L'an  passé,  dit-il,  me  trouvant  avec  quelques  amis  à  souper,  las 
enfin  d'une  séance  trop  longue,  et  plein  d'ennuis,  je  ne  sçay  dans  quelle 
vue  je  portay  le  doigt  sur  l'extrémité  de  mon  verre  rempli  de  vin,  et,  à 
force  de  le  frotter,  j'en  fis  naître  un  son  :  mais  peu  flatteur,  et  c'est  ce  qui 
me  fit  abandonner  ce  manège  ;  je  le  bus  à  moitié,  et  ensuite  toujours  par 
le  même  hazard,  je  recommençoy  le  même  frottement,  un  son  vint  frapper 
mes  oreilles  :  mais  ce  n'étoit  plus  le  même  ;  je  sentis  un  son  beaucoup  plus 
élevé,  cela  me  donna  lieu  de  faire  quelques  réflexions,  et  enfin  à  force 
d'épreuves  j'ay  trouvé,  dans  la  même  proportion  de  la  corde  de  Rameau, 
tout  le  sistème  de  l'harmonie  dans  un  verre  ". 

Ce  détail  n'est  pas  inconnu  ;  au  cours  des  quelques  lignes 
consacrées  à  Joannon,  dans  sa  Biographie  des  musiciens^  Fétis  le 
rapporte,  d'après  Delandine,  et  écrit  :  "  On  trouve  dans  cet 
ouvrage,  daté  de  1739  [ce  qui  est  une  erreur  (1)],  la  description 
de  l'effet  du  frottement  des  verres  pour  la  production  des  sons  ; 
l'harmonica  de  Franklin  est  de  beaucoup  postérieur  à  cette  date.  ' 
En  rapportant  cette  expérience,  Joannon  buvait-il  dans  son  verre  ? 
Nous  aimerions  pouvoir  attribuer  une  découverte  intéressante  à  un 
jeune  académicien  de  vingt-deux  ans...  (2). 

Après  l'avoir  rapportée,  Joannon  abandonne  sa  trouvaille  ;  il 
examine  la  production  de  la  douzième  et  de  la  dix-septième  par  le 
pincement  d'une  corde  grave  de  clavecin,  et  résume  ensuite  la 
théorie  ramiste  de  l'origine  des  consonnances  et  du  renversement 
de  l'harmonie,  puis  renvoie  à  plus  tard  l'étude  des  dissonances. 
Il  conclut  en  demandant  la  censure  de  l'Académie  pour  "  rectifier 
ses  faibles  idées  qui  peuvent  avoir  quelque  chose  de  vrai.  '    Ces 

(1)  Erreur  commise  par  Delandine  et  bien  excusable  :  sur  le  manuscrit  de  ce 
mémoire,  qui  porte  la  signature  de  Joannon,  est  indiquée  l'année  1739. 

(2)  On  sait  que  Gluck,  dès  1746,  donnait  à  Londres,  avec  un  vif  succès,  des 
concerts  d'harmonica,  et  jouait  "  un  concerto  pour  vingt-six  verres  à  boire  accordés  par 
l'eau  de  source.  "  {Daily  Adverther  du  31  mars  1746,  cité  par  Wotquenne). 


196  LA    MUSIQUE    A    LYON        D 


EUXIEME 


l'harmonie  faibles   idées,  l'académicien   l'avait  déclaré   lui-même,   sont   celles 
de  Rameau. 

Peu  de  temps  après,  le  29  août  1736, Jdannon  donnait  son 
second  mémoire,  nouveau  résumé  des  idées  de  Rameau  sur  les 
dissonances  (1). 

Un  autre  académicien,  Mathon  de  la  Cour  le  père,  se  plaisait 
à  refaire  à  l'usage  du  public  les  ouvrages  de  Rameau.  Il  avait 
débuté  à  l'Académie  des  Beaux-Arts  le  24  Mai  1736  en  signalant 
à  ses  collègues  le  fameux  "  clavessin  des  couleurs  "  nouvellement 
inventé  par  le  Père  Castel,  et  en  leur  disant  quelques  mots  du 
rapport  de  l'harmonie  des  couleurs  avec  l'harmonie  des  sons.  Le 
26  juillet  de  la  même  année,  il  lut  un  mémoire  très  court  et  peu 
explicite  sur  la  proportion  harmonique,  dont  la  conclusion  est 
celle-ci  : 

"  La  proportion  harmonique  produit  toutes  sortes  d'intervalles  faux 
et  dissonans,  ce  n'est  donc  qu'accidentellement  et  non  par  une  propriété 
spéciale  qu'elle  divise  harmoniquement  l'octave,  la  quinte  et  la  tierce 
majeure.  J'ai  donc  eu  raison  de  dire  que  ce  n'estoit  pas  dans  cette  proportion 
qu'il  falloit  chercher  l'origine  de  l'harmonie  pour  laquelle  je  ne  crains  pas 
d'avancer  qu'elle  n'est  d'aucun  usage  (2)  ". 

Cette  idée-là  est  encore  empruntée  à  la  Génération  harmonique 
de  Rameau  qui,  publiée  en  1737  seulement,  avait  été  présentée, 
le  12  janvier  1734,  à  l'Académie  des  Sciences  de  Paris. 

C'est  le  8  avril  1737  que  Mathon  de  la  Cour  donna  à 
l'Académie  des  Beaux-Arts  un  résumé  des  principes  de  la  compo- 
sition d'après  les  règles  de  Rameau  : 

"  Quelles  obligations,  dit-il  en  débutant,  n'avons-nous  donc  pas  à 
M.  Rameau  d'avoir  réduit  l'art  de  la  composition  en  système,  et  de  nous 
avoir  découvert  les  sources  et  les  principes  de  ses  règles.  Il  ne  tient  qu'à 
nous  d'apprendre  aujourd'huy  en  peu  de  mois  ce  qui  demandoit  auparavant 
plusieurs  années  d'un  travail  pénible  et  dégoûtant.  L'envie  et  la  prévention 
qui  ne  manquent  presque  jamais  de  s'élever  contre  les  nouvelles  décou- 

(1)  Mss  acad.  n°  161.  70  176  à  183. 

(2)  Mss  acad.  n°  154.  p.  3  à  7.  Delandine  dans  son  catalogue  indique  ce 
mémoire  comme  anonyme. 


Partie       AU     DIX-HUITIÈME     SIECLE  197 

vertes,  ont  empêché  la  plupart  des  Musiciens  de  vouloir  s'instruire  de  ce  l'harmonie 
qu'il  contenoit  ;  ils  le  méprisent  et  le  condamnent  avant  que  de  l'avoir  lu. 
D'un  autre  côté,  beaucoup  de  personnes  ont   esté  effrayées  de  l'obscurité 
avec  laquelle  il  est  écrit...  Il  faut  l'avouer  :  Rameau  est  plus  habile  musi- 
cien qu'il  n'est  bon  écrivain... 

Et  l'académicien  lyonnais  insiste  sur  ce  défaut  évident  du 
grand  harmoniste  :  style  peu  clair  semblant  destiné  aux  seuls 
savants  ;  livre  grossi  de  répétitions,  de  longues  digressions  sur  les 
erreurs  anciennes.  Aussi,  Mathon  veut-il  donner  de  l'important  et 
précieux  ouvrage  un  résumé  clair  et  concis  à  l'usage  du  public. 
Tel  devait  être  encore,  quinze  années  plus  tard,  le  but  de  d'Alem- 
bert  quand  il  publia  ses  Elémens  de  musique  théorique  et  pratique, 
édités  à  Paris  d'abord,  et  à  Lyon,  à  partir  de  1759  (1). 

Mathon  définit  d'abord  une  pièce  de  musique  qui  "  n'est 
autre  chose  qu'une  suite  d'accords  entremêlés  avec  art.  La  science 
de  la  composition  consiste  donc  uniquement  à  connaître  les  différents 
accords,  et  la  place  qui  convient  à  chacun  d'eux."  Il  étudie  en 
quelques  pages  les  accords,  les  sons  fondamentaux  et  la  basse 
fondamentale,  les  cadences,  les  tons  et  les  modes,  l'usage  des 
dissonances.  Il  indique  enfin  "  comment  on  met  en  pratique  les 
règles  précédentes.  "  Son  résumé  de  l'art  de  la  composition  mérite 
d'être  cité  tout  entier  ;  il  ne  tient  qu'une  page  : 

"  Quand  on  veut  composer,  on  commence  par  choisir  le  ton  et  le 
mode  qu'on  veut  faire  dominer  dans  la  pièce,  et  on  met  à  la  clef  le  nombre 
de  dièses  ou  de  b  mois  qu'ils  demandent. 

"  On  fait  ensuite  un  chant  à  son  goût  qu'on  destine  à  estre  le  dessus 
ou  la  basse,  car  il  est  indifférent  par  laquelle  que  ce  soit  des  parties  qu'on 
commence. 

"  La  grande  difficulté  pour  ajouter  les  autres  parties,  est  de  sçavoir 
bien  distinguer  tous  les  changemens  de  ton  qui  arrivent  dans  le  cours  de 
la  pièce. 

"  Le  moyen  de  les  connoître  est  d'observer  les  dièses  ou  b  mois  qui 

(i)  "  Elèmens  de  Musique  théorique  et  pratique  suivant  les  Principes  de  M.  Rameau, 
éclairas,  développés  et  simplifiés,  par  M.  d'Jlembert"  ire  édition,  Paris,  1752.  En  1759, 
d'Alembert  céda  son  privilège  à  Jean-Marie  Bruyset,  libraire  à  Lyon,  qui  en  fit 
plusieurs  éditions. 


198  LA     MUSIQUE     A     LYON  Deuxième 

l'harmonie  surviennent,  mais  cette  marque  n'est  pas  toujours  suffisante  parce  qu'il 
arrive  souvent  qu'une  partie  des  notes  qui  devroient  avoir  des  dièses  ou 
des  b  mois,  ne  se  trouvent  pas  dans  le  chant,  et  qu'ainsi  on  ne  sçait  pas 
combien  il  y  a  de  dièses  ou  de  b  mois  pour  former  le  nouveau  ton.  En 
ce  cas  il  faut  observer  les  cadences  ou  chutes  du  chant  qui  arrivent  de 
temps  en  temps  ;  ces  repos  nous  indiquent  les  notes  toniques. 

"  L'oreille  et  l'habitude  servent  beaucoup  pour  appercevoir  facile- 
ment ces  changemens  de  ton,  et  pour  sçavoir  dans  le  doute  se  déterminer 
en  faveur  de  ceux  qui  conviennent  le  mieux. 

"  Rameau  veut  qu'après  le  repos  du  chant  sur  une  tonique,  on 
rapporte  les  notes  plutôt  à  la  tonique  qui  suit  qu'à  celle  qui  précède,  et  que 
par  conséquent  on  conforme  l'harmonie  des  accords  au  ton  qui  suit,  plutôt 
qu'à  celui  que  l'on  quitte. 

"  Quand  on  sçait  en  quel  ton  est  le  chant,  on  en  trouve  facilement  la 
basse  fondamentale,  et  on  connôît  quel  accord  il  faut  à  chaque  note. 

"  Pour  faire  ensuite  chaque  partie  en  particulier,  on  prend  à  son  gré 
dans  chaque  accord  parmi  les  sons  qui  le  composent  celuy  qui  convient  le 
mieux  pour  donner  à  cette  partie  le  chant  et  l'expression  qu'on  désire. 

"  Si  l'on  compose  à  plusieurs  parties,  on  a  soin  de  faire  entendre  les 
accords  en  entier,  c'est-à-dire  qu'il  n'y  ait  aucun  son  de  l'accord  qui  ne  soit 
dans  quelqu'une  des  parties.  On  double  aussi  ceux  qu'on  veut  de  ces  sons, 
c'est-à-dire  qu'on  les  fait  entendre  en  diverses  parties  à  l'octave  ou  à 
l'unisson.  Il  faut  observer  là-dessus  qu'il  convient  de  doubler  le  son 
fondamental  de  l'accord  préférablement  à  tout  autre,  et  sa  quinte  préféra- 
blement  à  sa  tierce  "  (1). 

On  le  voit  par  cet  extrait,  l'art  de  la  composition  était  à  la 
portée  de  tout  le  monde,  et  l'on  comprend  sans  peine  que  plusieurs 
des  académiciens  aient  été  tentés,  après  cette  exposition,  de  s'y 
livrer.  Ce  bref  traité  de  composition  n'était,  à  vrai  dire,  qu'un 
résumé  des  règles  de  l'harmonie  à  l'usage  des  élèves,  et  l'on  est 
étonné  que  Mathon  se  soit  permis  de  reprocher  à  Rameau  son 
méchant  style... 

Cependant,  dix  années  plus  tard,  Mathon  de  la  Cour  reprit 
son  idée  en  la  développant,  mais,  cette  fois,  il  se  contenta  d'indiquer 
ce  que  devrait  être  un  manuel  élémentaire  et  complet  de  musique. 
C'est  à  l'Académie  des  Sciences  et  Belles-Lettres  qu'il  soumit  son 
projet  dont  le  texte  n'a  pas  été  conservé. 

(1)   Mss  acad.  n°  161,  p.  1  à  19. 


Partie     AU    DIX-HUITIÈME    SIÈCLE        199 

"  M.  Mathon,  rapporte  le  procès-verbal  du  Ier  août  1747,  se  plaint  l'harmonie 
du  défaut  de  livres  élémentaires  capables  de  donner  une  idée  de  cette 
science  [la  musique]  à  ceux  qui  veulent  s'en  instruire  ;  il  en  attribue  la 
cause  au  peu  de  principes  et  de  théorie  de  la  plupart  des  musiciens  qui  ne 
connoissent  leur  art  que  par  pratique  et  par  routine.  Il  incite  les  savants  à 
travailler  à  un  traité  complet  de  la  musique,  qui  sera  divisé  en  deux 
parties,  l'une  dogmatique,  et  l'autre  historique.  Dans  la  première  on 
s'attachera  principalement  à  chercher  la  cause,  l'origine  et  les  premiers 
principes  de  l'harmonie,  et  M.  Mathon  pense  que  si  on  parvenoit  à  les 
connoître  à  fond,  il  seroit  possible  de  déterminer  le  vrai  goût  de  la  musique 
de  même  qu'on  discerne  celui  de  l'éloquence,  de  la  poésie,  de  la  peinture. 
On  expliqueroit  ensuite  le  détail  des  règles  de  la  composition,  on  y  join- 
droit  la  manière  de  lire  et  de  noter  la  musique,  avec  des  observations  sur 
le  goût  et  sur  la  propreté  du  chant  ;  la  partie  historique  contiendroit 
l'invention  de  la  musique  et  des  instrumens,  les  progrès  et  les  variations 
de  cet  art  chez  tous  les  nations  connues  ". 

On  voit  percer  ici  un  louable  souci  qui  tracassait  peu  les 
académiciens  lyonnais  :  celui  de  l'histoire  musicale,  bien  négligée 
naguère  encore.  C'est  peut-être  pour  répondre  aux  souhaits  de  son 
collègue,  que  Bollioud-Mermet  entreprit  en  1749  son  grand 
mémoire  sur  les  moyens  de  perfectionner  la  musique,  dont  nous 
parlerons  plus  loin. 

Quelque  temps  après  la  publication  de  la  Génération  harmonique, 
Mathon,  selon  son  habitude,  présenta,  en  son  nom  personnel,  un 
résumé  des  idées  exposées  par  Rameau  dans  son  nouvel  ouvrage. 
Son  mémoire,  lu  le  10  mars  1738,  n'a  pas  été  conservé.  En  voici 
l'analyse  d'après  le  procès-verbal  de  la  séance. 

"  M.  Mathon  a  lu  un  mémoire  sur  la  génération  harmonique  et  la 
basse  universelle.  Il  est  divisé  en  trois  articles  :  le  premier,  qui  est  sur  la 
génération  harmonique,  est  fondé  sur  ce  qu'un  son  n'est  jamais  seul,  mais 
qu'il  porte  toujours  son  accord,  c'est-à-dire  son  octave,  sa  quinte,  et  sa 
tierce  ;  M.  Mathon  prétend  que  les  sons  qui  composent  cet  accord  doivent 
aussi  à  leur  tour  porter  le  leur,  et  ainsi  jusqu'à  l'infini,  et  que  cette  suite 
d'accords  compris  les  uns  dans  les  autres  est  l'origine  de  tous  les  tons, 
modes,  intervalles  et  accords  naturels  ;  pour  rendre  la  chose  plus  sensible, 
il  a  dressé  une  table  qui  contient  cette  progression  d'accords,  et  qui  montre 
que  l'harmonie  n'est  point  arbitraire. 


200  LA     MUSIQUE     A     LYON  Deuxième 

l'harmonie  "  Le   second  article   donne   les  règles  du  calcul  des  intervalles  de  la 

musique,    c'est-à-dire    de    leur    addition,    soustraction,    multiplication    et 
division. 

"  Le  troisième  article  donne  la  résolution  d'un  problème  assez  singu- 
lier :  on  demande  un  son  qui  soit  consonnant  avec  toutes  les  notes  d'un 
air.  M.  Mathon  dit  que  ce  son  doit  être  celui  qui  répond  à  l'unité  dans  sa 
table  ;  en  effet,  ce  son  étant  le  fondement  des  autres  n'est  dissonant  avec 
aucun  deux  ;  c'est  pourquoi  il  lui  donne  le  nom  de  son  fondamental  ou 
basse  universelle.  " 

Ce  mémoire  avait  été  envoyé  à  Dom  Charles  Hébert  de 
Quincy,  religieux  de  Boulogne.  Celui-ci  envoya  à  Mathon  un 
travail  contenant  quelques  objections  à  la  théorie  renouvelée  de 
Rameau,  objections  auxquelles  l'amateur  lyonnais  répondit  avec 
succès.  Les  diverses  pièces  de  ce  procès  harmonique  furent  sou- 
mises à  l'Académie  dans  les  séances  du  20  mai  et  du  18  novembre 
1739.  Les  lettres  écrites  par  le  Père  de  Quincy  existent  dans  la 
collection  des  manuscrits  académiques.  (1). 

Un  autre  mémoire,  dû  à  Bollioud-Mermet,  se  rapporte  à  un 
sujet  voisin  du  précédent  et  s'inspire  encore  de  Rameau  ;  nous  ne 
le  connaissons  encore  que  par  le  procès-verbal  de  l'Académie  des 
Beaux-Arts  daté  du  13  janvier  1745  : 

"  M.  Bollioud  a  lu  un  mémoire  sur  l'unité  de  l'harmonie.  Son  dessein 
a  été  de  prouver  que  la  connaissance  de  la  basse  fondamentale  de  quelque 
air  de  musique  que  ce  soit,  est  la  règle  naturelle  et  invariable  de  l'harmonie 
qui  convient  à  cet  air.  On  trouve  la  règle  dans  ce  mémoire  ;  il  est  vrai 
qu'il  y  a  des  chants  qui  paroissent  susceptibles  de  plusieurs  basses  conti- 
nues, mais  M.  Bollioud  prétend  que,  si  la  basse  continue  qu'on  aura  choisie 
ne  dérive  pas  de  la  basse  fondamentale,  elle  ne  peut  être  dans  la  vraie 
harmonie,  et  qu'en  un  mot  elle  est  unique.  Un  air  entier  pourroit  être 
équivoque  tandis  que  sa  basse  ne  sauroit  l'être.  Les  exemples  et  les  preuves 
rapportées  dans  ce  mémoire  contribuent  à  justifier  le  sentiment  de  son 
auteur  ". 

Avec  les  mémoires  de  Cheinet  et  du  Père  Dumas,  nous  arri- 
vons heureusement  à  des  travaux  plus  sérieux  que  ceux  résumés 
jusqu'à  présent. 

(1)  Mss  acad.  n°  161,  f°  30;  et  267  (Correspondance  académique)  vol.  I,  f°  107. 


Partie        AU    D  I  X  -  H  U  ITIÈ  M  E    SIÈCLE  20I 

Le  premier  mémoire  composé  par  Cheinet  fut   présenté  suc-  l'harmonie 
cessivement   aux  deux   Académies,  le    14  mai  1743   et  le  5  juin 
suivant.  Il  débute  par  un  éloge  enthousiaste  de  Rameau  : 

"  ...  De  nos  jours,  dit-il,  le  goût  de  la  musique  est  devenu  si  général 
que,  tout  comme  autrefois  parmi  les  Grecs,  on  commence  à  la  regarder 
comme  devant  entrer  dans  l'éducation  de  toute  personne  bien  élevée.  Mais 
une  chose  qui  doit  surprendre,  quand  on  veut  y  faire  attention,  c'est 
comment  les  Musiciens,  sans  aucune  véritable  connaissance  de  leur  art,  ont 
cependant  pu  le  porter  au  point  de  perfection  où  nous  le  voyons  aujour- 
d'hui :  et  cela  uniquement  à  force  de  tâtonnemens  et  d'expériences,  dont 
ils  n'ont  jamais  connu  les  vraies  liaisons.  Ce  n'est  que  de  nos  jours  que  les 
vrais  principes  de  l'harmonie  et  de  la  musique  nous  ont  été  découverts. 
Principes  si  féconds  et  si  lumineux  qu'à  la  clarté  desquels  on  voit  s'évanouir 
une  fourmilière  de  règles  toujours  incertaines  ou  très  inutiles,  et  paroître  à 
leur  place  les  véritables  règles  de  l'harmonie  et  de  la  musique,  non  moins 
certaines,  ni  moins  faciles  à  apprendre  que  celles  de  l'arithmétique  ;  et  par 
le  moyen  desquelles,  on  peut  sans  exagération,  acquérir  dans  un  mois  de 
tems  ce  que  l'on  n'aqueroit  autrefois  qu'après  plusieurs  années  d'un  travail 
assidu. 

"  C'est  maintenant  que  la  connoissance  peut  toujours  précéder  l'ex- 
périence et  que  l'on  a  la  satisfaction  de  les  voir  à  chaque  instant  s'accorder 
si  bien  ensemble. 

"  Jusques  à  présent,  les  Maîtres  ont  toujours  pris  le  contrepied  en 
enseignant  la  composition,  c'est-à-dire  l'art  de  se  servir  de  l'harmonie  ;  ils 
n'ont  jamais  manqué  de  faire  commencer  leurs  élèves  par  leur  apprendre  à 
composer  un  dessus  sur  une  basse  donnée  ;  ensuite  une  basse  sur  un 
dessus  donné  :  après  quoi,  ils  faisoient  ajouter  une  troisième  partie,  et, 
quand  ils  en  étoient  venus  là,  il  les  abandonnoient  à  l'usage  etc.  Au  lieu 
que,  par  la  connoissance  des  véritables  principes,  on  voit  clairement  qu'il 
est  plus  aisé  à  un  commençant  de  composer  à  quatre  ou  cinq  parties  qu'à 
deux  ou  trois  :  parce  qu'il  ne  sauroit  se  tromper  en  rendant  toujours 
l'harmonie  complète  ;  au  lieu  qu'en  ne  composant  qu'à  deux  ou  à  trois,  il 
faut  qu'il  sache  faire  un  juste  choix  des  parties  de  l'harmonie  qui  lui  con- 
viennent le  mieux. 

"  Nous  devons  ces  heureuses  découvertes  à  M.  Rameau,  qui,  après 
avoir  porté  son  art  peut-être  plus  loin  qu'aucun  Musicien,  ne  se  trouvoit 
pas  cependant  entièrement  satisfait  :  parce  qu'il  ne  faisoit  alors  que  sentir 
sans  connoître.  Ce  rare  génie,  né  pour  nous  découvrir  les  routes  les  plus 
cachées  de  l'harmonie,  voulut  savoir  la  cause  ou  l'origine  de  ces  accords 


202  LA     MUSIQUE     A     LYON  Deuxième 

l'harmonie  dont  il  faisoit,  au  gré  des  connoisseurs,  un  si  charmant  usage   sur   son 
orgue... 

Cheinet  vante  alors  la  première  découverte  de  ce  principe  que 
"  la  musique  consiste  essentiellement  dans  deux  accords  ";  il  indique 
que  Rameau  continue  ses  recherches  dont  il  a  publié  le  résultat 
dans  son  dernier  ouvrage, 

"  ouvrage,  au  reste,  rempli  de  faits  et  d'expériences  physiques  les  plus 
curieuses  et  les  plus  recherchées  :  mais  ouvrage  en  même  temps  qui  ne 
laisse  rien  à  souhaiter  à  quiconque  l'a  bien  entendu,  pour  tout  ce  qui 
regarde  l'harmonie  et  la  composition.  De  sorte  qu'on  peut  dire  hardiment 
de  son  auteur  que  la  musique  ne  lui  doit  pas  moins  que  la  Géométrie  à 
M.  Descartes.  Mais  pourquoi  donc  les  Musiciens  se  sont-ils  toujours 
révoltés  contre  lui  ?  Cela  ne  pouvoit  être  autrement. 

Urit  enim  fulgore  suo^  qui  prœgravat  arîes 
Infra  se positos...  "  (i) 

Ce  préambule  très  vibrant  était  peut-être  destiné  spécialement 
à  Bollioud-Mermet  qui  se  plaisait  à  critiquer  Rameau  au  sujet  du 
tempérament.  Cheinet  eut  l'occasion,  quelques  années  plus  tard, 
en  1748,  de  rappeler  son  opinion  sur  le  père  de  l'harmonie  moderne, 
et  de  vanter  de  nouveau  "  son  rare  génie  ". 

"  J'avais  dit  longtemps  avant  M.  de  Voltaire,  écrivait-il  le  27  mars 
1748,  que  l'on  pouvait  placer  cet  auteur  [Rameau]  à  côté  de  M.  Descartes  ; 
et  cela,  parce  que  si  l'un  a  fourni  aux  géomètres  le  moyen  de  ne  rien 
ignorer  en  géométrie,  l'autre  a  procuré  aux  musiciens  tout  ce  qui  peut  leur 
être  nécessaire  pour  découvrir  à  l'infini  les  secrets  et  les  ressorts  dont 
l'harmonie  peut  se  servir  agréablement  "  (2). 

Dans  son  mémoire  de  l'année  1743,  Cheinet,  en  exposant  le 
principe  de  l'harmonie,  déclarait  n'avoir  rien  à  dire  que  d'après 
Rameau.  Dans  celui  de  1748,  après  avoir,  comme  nous  l'avons 
indiqué  plus  haut,  établi  une  comparaison  entre  la  musique  des 
Grecs  et  des  Romains  et  la  moderne,  il  fait  de  nouveau  le  plus 
grand  éloge  du  musicien   de   Castor  et  Pollux,  en  tant  que  compo- 

(1)  Mss  acad.  154,  f°  129  et  suiv. 

(2)  Mss  acad.  161,  f°  91-105. 


Partie      AU  DIX-HUITIEME  SIÈCLE        203 

siteur  et  harmoniste.  Pour  profiter  de  ses  ouvrages  théoriques,  l'harmonie 
remarque-t-il,  il  est  indispensable  de  connaître  les  premiers  éléments 
de  la  géométrie  et  du  calcul.  Pour  ceux  qui  ne  les  possèdent  pas, 
quelque  expérimentés  qu'ils  soient  dans  leur  art,  "  ils  ne  sont  pas 
plus  en  état  de  profiter  et  encore  moins  de  juger  les  œuvres  théori- 
ques de  cet  auteur  que  les  plus  expérimentés  maîtres  maçons 
pourraient  l'être  s'ils  s'avisaient  de  vouloir  décider  d'un  traité  d'ar- 
chitecture raisonnée  et  fondée  uniquement  sur  les  principes  de  la 

géométrie Mais   ces  sortes  d'ouvrages   se  lisent-ils  comme  une 

gazette  ?  Du  moins,  ce  n'est  pas  ainsi  que  je  les  ai  lus  ;  je  les  ai 
médités  la  plume  à  la  main  sans  en  laisser  un  mot  en  arrière."  Et 
Cheinet  fait  encore  ressortir  la  haute  valeur  de  ces  œuvres,  en 
les  comparant  au  plus  récent  traité  de  composition,  dû  à  Masson, 
"  tant  goûté  et  vanté  par  les  plus  habiles  maîtres  ",  et  qui  n'est 
pourtant  qu'un  "  amas  confus  de  règles  sans  liaison,  sans  aucun 
principe,  uniquement  fondées  sur  des  expériences  de  sentiment 
auxquelles  l'esprit  ne  saurait  prendre  aucune  part."  Le  manuscrit, 
malheureusement  incomplet,  se  termine  par  un  examen  des  idées 
du  Père  Parran  sur  la  composition  des  tierces.  (1) 

En  1752,  le  25  janvier,  Cheinet  avait  lu,  à  l'Académie  des 
Sciences,  un  discours  dans  lequel,  rapporte  le  procès-verbal,  il  avait 
"  prétendu  démontrer,  contre  ce  qu'avance  Rameau,  que  la  tierce 
mineure  naît,  comme  tous  les  autres  accords,  de  la  basse  fondamen- 
tale et  qu'elle  ne  lui  est  ni  étrangère,  ni  contre  l'ordre  naturel.  ' 
Ce  discours  n'a  pas  été  conservé,  mais,  le  2  août  1754,  il  reprit  sa 
théorie  concernant  l'origine  de  la  tierce  mineure  et  la  présenta  à 
la  Société  Royale  des  Arts.  Cette  théorie  dut  paraître  trop 
ardue  au  secrétaire  de  la  Société,  qui  ne  l'analysa  pas,  et  se  con- 
tenta de  relater  dans  son  compte-rendu  :  "  M.  Cheinet  a  lu  un 
discours  sur  l'harmonie  dans  lequel  il  a  parlé  d'une  3e  mode  pro- 
posé par  M.  de  Blainville  ".  Dans  ce  discours,  dont  l'exorde  était 
constituée  par  les  lignes  humoristiques  que  nous  avons  déjà  citées 
(page  176),  Cheinet  parlait  en  effet  d'abord  du  mode   inventé  par 

(1)  Mss  acad.  n°  161,  f°  91-105. 


204  LA     MUSIQUE     A     LYON  Deuxième 

l'harmonie  Blainville  (i).  Il  s'arrêta  peu  d'ailleurs  là-dessus,  et  traita  gaiement 
la  question. 

Il  avait  appris  l'existence  de  ce  nouveau  mode  par  la  lettre 
de  J.  J.  Rousseau  publiée  dans  le  Mercure  du  mois  de  juin,  et 
aussitôt,  pour  éprouver  la  beauté  de  l'invention  nouvelle,  il  avait 
eu  la  curiosité  de  composer  un  trio  dans  ce  mode  de  fantaisie.  Son 
essai,  il  le  rapporte  en  ces  termes  : 

"  Après  avoir  brouillé  dix  à  douze  feuilles  de  papier  de  musique,  et  en 
avoir  mis  au  net  quinze  à  vingt  mesures,  je  me  ravisoi  sagement,  quoiqu'un 
peu  tard,  lorsque  je  fis  attention  à  la  peine  qu'il  me  restoit  encore  à  prendre 
pour  finir  mon  entreprise.  Car,  faisant  ensuite  réflexion  que,  ma  pièce  finie, 
faite  et  parfaite  suivant  mes  souhaits,  elle  ne  pourroit  cependant  jamais 
servir  honnêtement  qu'en  hiver,  à  table,  pour  y  faire  cuire  des  œufs  au 
jus,  cette  triste  réflexion  me  fit  prendre  sur  le  champ  la  généreuse  résolu- 
tion de  mettre  en  lumière  ma  nouvelle  composition,  c'est-à-dire  d'en 
allumer  mon  fagot  à  la  flamme  duquel,  soutenue  encore  de  celles  de  tous 
mes  brouillons  musiquaux,  je  me  chaurfoi  très  agréablement,  bien  résolu  de 
n'entreprendre  rien  de  pareil  en  ma  vie  ". 

Dans  la  seconde  partie  de  son  mémoire,  Cheinet  s'efforce  de 
montrer,  contrairement  à  l'opinion  de  Rameau  dont,  de  nouveau, 
il  vante  l'extraordinaire  génie,  que  la  tierce  mineure,  comme  la 
tierce  majeure,  a  pour  générateur  le  son  fondamental.  Il  démontre 
sa  proposition  en  divisant  la  corde  de  Rameau  successivement  en 
2,  3,  4,  5  et  6  parties  égales.  La  corde,  réduite  à  sa  moitié,  donne 
l'octave  du  son  fondamental  ;  ses  deux  tiers  donneront  la  quinte 
sol;  ses  trois  quarts  donneront  la  quarte^;  ses  quatre  cinquièmes 
la  tierce  majeure  mi  ;  et  ses  cinq  sixièmes,  sa  tierce  mineure  mi 
bémol.  La  progression  harmonique  suit  ainsi  la  progression  numé- 
rique 1,  2,  3,  4,  5,  6. 

Cheinet  s'étonne  que  Rameau  n'ait  pas  fait  lui-même  une  si 
heureuse  trouvaille.  Cette  découverte  lui  semble  confirmée  par 
l'expérience    des  facteurs  d'orgues,  qui  accompagnent  toujours  le 

(1)  Sur  le  3e  mode  de  Blainville,  v.  Fétis,  Biographie  des  Musiciens.  Il  fut  ques- 
tion de  ce  mode  dans  le  Mercure  de  France  en  1 75  1  :  2e  volume  de  juin,  p.  174; 
volumes  de  septembre,  p.  166,  et  de  novembre,  p.  120. 


Partie    AU    DIX-HUITIÈME    SIÈCLE         205 

gros  tuyau  donnant  le  son  fondamental  ut,  de  quatre  autres  tuyaux  l'harmonie 
dont  l'un  fait  sonner  son  octave,  l'autre  sa  quinte,  le  troisième  sa 
tierce  majeure,  et  le  quatrième  sa  tierce  mineure.  Cette  origine 
commune  de  la  tierce  majeure  et  de  la  tierce  mineure  explique  la 
facilité  avec  laquelle  on  change  naturellement  de  mode  sans  chan- 
ger de  ton.  Et  Cheinet  cite  comme  exemple  une  scène  célèbre  de 
Lully,  celle  de  Mercure  et  de  Méduse,  dans  Persée,  au  cours  de 
laquelle  Mercure  ne  quitte  pas  le  mode  mineur,  non  plus  que 
Méduse,  le  mode  majeur  (1). 

Cette  trouvaille  de  Cheinet  présente  un  très  grand  intérêt 
historique.  Il  semble  en  effet  que  l'Académicien  lyonnais  fut 
réellement  le  premier  à  signaler  l'authentique  génération  de  la 
tierce  mineure.  Sans  doute,  Rameau,  qui  se  tenait  au  courant  de 
toutes  les  discussions  harmoniques,  eut-il  connaissance  de  cette 
découverte  ;  peut-être  même  pourrait-on  interpréter  son  silence 
là-dessus  comme  une  approbation  de  la  juste  théorie  de  Charles 
Cheinet. 

Les  diverses  communications  du  Père  Jean  Dumas  consistaient 
en  la  lecture  d'extraits  du  Traité  d'Harmonie  physique  et  géométrique, 
théorique  et  pratique,  dont  le  texte  manuscrit  est  resté  dans  les 
archives  de  l'Académie  (2)  ou  en  éclaircissements  sur  les  questions 
exposées.  Là  encore,  on  rencontre  un  très  vif  éloge  de  Rameau. 

"  11  faut  l'avouer,  écrit  le  Père  Dumas  à  la  première  page  de  son 
traité,  cette  vue  générale  [les  rapports  numériques  d'une  corde  à  ses 
parties  entre  elles]  est  restée  comme  stérile  jusqu'au  célèbre  Rameau.  Il 
est  le  premier  qui  en  ait  déduit  les  véritables  principes,  et  l'application 
qu'il  en  a  faite  à  ses  grandes  découvertes,  lui  assure,  dans  le  temple  de 
Mémoire,  sa  place  parmi  les  génies  uniques  de  leur  siècle.  Le  principe 
renfermé  dans  les  nombres  1,  3,  5,  est  si  simple  et  si  fécond,  qu'après 
l'avoir  médité  et  approfondi  avec  ce  grand  homme,  on  n'a  qu'à  se  laisser 
entraîner  au  cours  naturel  des  conséquences...  " 

Plus  loin,  il  déclare  encore  qu'il  s'applaudit  d'avoir  "  travaillé 

(1)  Mss  acad.  161,  f.  106-122. 

(2)  Les  écrits  du  Père  Dumas  forment  le  volume  n°  160  des  manuscrits  acadé- 
miques, 


20Ô  LA     MUSIQUE     A     LYON  Deuxième 

l'harmonie  sur  le  fonds  riche  et  inépuisable  du  traité  d'harmonie  du  célèbre 
Rameau  ". 

Plusieurs  de  ces  extraits  se  rapportent  à  la  question  du  tempé- 
rament :  nous  les  examinerons  dans  le  prochain  chapitre.  Deux  ont 
pour  objet  la  théorie  proprement  dite  de  l'harmonie  ;  ils  furent 
présentés  à  l'Académie,  après  la  fusion  des  deux  sociétés,  le  4  sep- 
tembre 1759,  et  le  21  juin  1763. 

La  première  dissertation  traite  de  la  formation  des  accords 
consonnants  et  dissonants,  et  de  sa  cause  physique  :  c'est  une 
introduction  au  traité  d'harmonie.  L'auteur  rappelle  les  principes 
harmoniques,  les  expériences,  et  conclut  que  les  sons  qui  s'accordent 
le  mieux  doivent  être  produits  par  les  oscillations  qui  se  réunissent 
le  plus  souvent,  et  que  la  distinction  des  accords  se  fixe  par  le  rap- 
port numérique  des  vibrations  contemporaines.  Par  cette  méthode, 
l'acoustique  et  la  physique  venant,  au  secours  de  l'harmoniste,  se 
joindre  à  l'arithmétique,  il  est  aisé  de  découvrir  la  nature  et  les 
proportions  des  sons. 

Dans  le  mémoire  de  1763,  le  Père  Dumas  établit  qu'il  n'est 
point  d'harmonie  directe  et  fondamentale  sans  l'accord  de  quinte, 
et  que  toute  harmonie  fondamentale  est  contenue  dans  l'étendue  de 
l'octave.  Il  conclut  que,  pour  former  la  dissonance,  il  suffit  de 
joindre  à  l'accord  parfait  quelqu'une  des  notes  qui  restent  depuis  la 
quinte  jusqu'à  l'octave  du  son  fondamental. 

Le  traité  d'harmonie  du  Père  Dumas,  contenu  en  soixante- 
quatre  pages  in-folio,  comprend,  en  guise  d'introduction,  une  brève 
méthode  de  solfège,  qui,  comme  le  traité  proprement  dit,  se  recom- 
mande par  de  la  clarté,  de  la  simplicité  et  un  réel  agrément  de  style. 
Çà  et  là,  se  rencontrent  quelques  "  nouveautés  "  que  le  bon  Jésuite 
estimait  "  propres  à  reculer  les  limites  du  règne  de  l'harmonie  ", 
mais  dont  le  plus  grand  nombre,  pour  ne  pas  dire  la  totalité,  nous 
a  échappé. 


IV 

Le    Tempérament. 


Combien  d'amateurs  du  piano,  ou  même  de  virtuoses  et  de  pro- 
fesseurs, ignorent  aujourd'hui  le  sens  du  titre  d'une  œuvre 
qu'ils  jouent  sans  cesse:  le  Clavecin  bien  tempéré de  J.  S.  Bach  ! 
Combien  même  de  professionnels  de  l'accord  des  instruments  à  clavier 
ne  savent  rien  de  la  théorie  ou  de  l'histoire  du  tempérament  !  Au 
xvme  siècle  par  contre,  au  moins  dans  la  première  moitié,  la 
question  du  tempérament  était  tout-à-fait  d'actualité.  Le  tempéra- 
ment égal  n'était  pas  adopté  par  tous,  et  bien  des  clavecinistes 
étaient  encore  partisans  du  tempérament  inégal  qui  leur  permettait 
d'obtenir  une  grande  variété  dans  les  modes.  Aussi  les  discussions 
au  sujet  de  l'accord  des  instruments  à  clavier  et  à  touches,  furent- 
elles  nombreuses  dans  les  séances  de  l'Académie  :  elles  se  réduisaient 
à  vrai  dire  à  des  échanges  d'idées  entre  Bollioud-Mermet,  partisan 
du  tempérament  inégal,  et  le  Père  Dumas,  champion  du  nouveau 
tempérament  que  l'autorité  de  Rameau  contribuait  à  propager. 

Le  premier  mémoire  présenté  sur  cette  question  par  Bollioud 
provoqua  même  l'intervention  personnelle  de  Rameau.  La  Géné- 
ration harmonique  était  publiée  depuis  plus  de  deux  années,  quand 
Bollioud  présenta  des  observations  sur  la  pratique  de  l'accord  des 
clavecins.  Le  13  janvier  1740,  en  effet,  il  lut  un  discours  que  le 
procès-verbal  de  l'Académie  analyse  en  ces  termes  : 

"  Le  premier  article  fait  connoître  la  théorie  du  tempérament,  après 
avoir  rapporté  le  sentiment  des  auteurs  qui  ont  traité  de  cette  matière  et 
sur   laquelle   il  prétend  que  Rameau  n'a  rien  déterminé  pour  en  fixer  la 


208  LA     MUSIQUE     A     LYON  Deuxième 

le  tempe-  pratique.  M.  Bollioud  propose,  dans  le  deuxième  article  du  mémoire,  un 
rament  moyen  sûr  pour  le  tempérament  par  la  division  de  l'octave  en  ses  moyennes 
proportionnelles.  Il  a  inventé  un  instrument  qu'il  a  fait  exécuter  et  diviser 
suivant  son  système  ;  il  l'appelle  phtongomètre,  et  il  en  a  expliqué  l'usage 
dont  les  principes  sont  de  fixer  les  touches  des  instrumens  à  cordes, 
déterminer  le  diapason  de  l'orgue  et  fixer  sa  partition.  M.  Bollioud  a  fait 
présent  de  cet  instrument  à  l'Académie.  " 

Nous  reproduisons  seulement  le  procès-verbal  du  secrétaire, 
car  Bollioud,  comme  nous  le  verrons,  fit  disparaître  plus  tard  son 
premier  mémoire  pour  le  remplacer  par  un  autre  moins  affirmatif. 

En  juillet  1740,  le  Mercure  de  France  publia  le  discours 
prononcé  par  le  président  de  l'Académie  des  Beaux-Arts,  de  Ruolz, 
dans  la  séance  publique  du  4  mai.  Ce  discours  présentait  au  public 
les  travaux  des  Académiciens,  le  détail  du  "  fruit  de  leurs  veilles,  ' 
et  reproduisait  les  quelques  lignes  d'analyse  ci-dessus.  Au  mois  de 
mai  de  l'année  suivante,  le  Mercure  insérait  cette  note  commi- 
natoire : 

"  Une  Personne  qui  s'intéresse  aux  ouvrages  de  M.  Rameau  nous 
prie  avec  insistance  de  vouloir  bien  engager  Messieurs  de  l'Académie  de 
Lyon  de  publier  le  discours  que  nous  avons  annoncé  dans  le  Mercure  de 
juillet  1740,  p.  1555,  où  l'un  des  membres  de  cette  Académie  prétend  que 
M.  Rameau  n'a  rien  déterminé  dans  son  tempérament  pour  l'accord  des 
Instrumens  de  Musique. 

"  Il  y  auroit  beaucoup  de  négligence  et  même  quelque  injustice  de 
laisser  plus  longtemps  le  Public  prévenu  contre  cet  ouvrage,  car  s'il  étoit 
vrai  qu'on  se  fût  trompé,  chacun  soufFriroit  également  de  l'erreur. 

"  Ce  discours  est  entre  les  mains  de  la  même  personne  qui  nous 
sollicite,  et  qui  est  résolue  de  le  faire  imprimer  elle-même  si  la  démarche 
que  nous  faisons  aujourd'hui  n'a  pas  son  effet.  "  (1) 

Ce  communiqué  émanait  vraisemblablement  de  Rameau  lui- 
même  ;  sa  forme  menaçante  décida  l'Académie  à  se  rendre  à  cette 
invitation  anonyme  et,  dans  la  séance  du  14  septembre,  en  l'absence 
de  Bollioud-Mermet,  les  Académiciens  décidèrent  que  le  mémoire 
visé  serait  envoyé  par  extrait  au  Mercure.  L'envoi  fut  fait,  le 
20  septembre,  au  sieur  Moreau,  commis  du  Mercure  de  France.  Le 

(1)  ^Mercure,  mai  1741,  p.  990. 


Partie     AU    DIX-HUITIÈME    SIÈCLE        209 

document  ne  fut  cependant  pas  inséré  ;  l'administration  du  journal   le   tempé- 
se   contenta   sans   doute   de   le    communiquer  à   Rameau   qui,   le    RAMENT 
3  novembre,    adressa  à  Christin,  secrétaire  de  l'Académie,  la  lettre 
suivante.    (Nous  en  donnons,  avec   la  transcription,  un    fac-similé, 
en   raison  de   la  grande   rareté  des   autographes  de    Rameau   et  de 
l'importance  de  celui-ci)  : 

"  C'est  sans  réflexion,  Monsieur,  qu'on  a  publié  que  je  n'ai  rien 
déterminé  dans  mon  Tempéramment  de  Musique,  puisque  je  donne,  moi- 
même,  p.  96  de  ma  Génération  Harmonique,  Exe  IX,  les  puissances  d'une 
formule,  par  laquelle  on  prétend  prouver  ce  qu'on  avance,  et  puis  qu'on  a 
fait,  en  cela,  que  d'exécuter  à  la  lettre  ce  quej'ai  prescrit  :  ainsi  je  nenlaisse 
pas  simplement  le  soin  aux  curieux,  comme  on  l'insère  dans  l'extrait.  Si  je 
donne  ensuite  un  moyen  auriculaire,  ce  n'est  que  pour  me  prester  aux 
facultés  des  gens  de  l'Art  :  Marius  n'avoit-il  pas  fabriqué  un  monochorde 
pour  le  tempérament  en  usage,  et  s'en  est-on  servi  ?  il  y  aurait  de  la  surprise 
à  vouloir  fonder  sa  critique  sur  ce  qui  n'est  que  de  surabondance  ;  et  s'il  y 
a  de  petits  inconvéniens,  peu  importans  d'ailleurs  dans  la  pratique,  n'y  en 
a-t-il  pas  aussi  dans  les  nombres  de  la  formule  en  question  ?  on  ne  peut,  à  la 
vérité^  avoir  ces  moyennes  proportionnelles,  dit  l'extrait,  que  par  approximation  : 
j'ai  donc  fait  plus,  puisqu'en  exprimant  mes  puissances  avec  des  lignes,  on 
aura  les  justes  divisions  en  rigueur. 

"  D'un  autre  côté,  on  me  confond  avec  tous  ceux  qui  n'ont,  en  effet, 
que  proposé  des  Tempérammens  au  hazard,  en  disant  simplement  que  je 
propose  une  méthode, etc..  Le  mémoire  dit  plus  positivement,  le  Tempéramment 
que  M.  R.  propose  etc.. 

"  Prenez-y  garde,  s'il  vous  plaît  ;  et  si  vous  craignez  d'insulter  à  la 
mémoire  des  grands  géomètres  qui  ont  traité  cette  matière,  vous  ne  pouvez, 
aussi,  vous  dispenser  de  rendre  justice  à  la  vérité  :  ne  faites  point  de  com- 
paraison, à  la  bonne  heure  ;  mais  reconnoissez  du  moins  qu'ils  n'ont  fondé 
leurs  conséquences  que  sur  des  suppositions,  sur  des  hipothèses  ;  au  lieu 
que  je  les  fonde  sur  un  principe,  dont  le  fait  d'expérience  a  été  reçu  et 
avéré,  même  avant  que  je  l'eusse  établit  pour  tel  :  je  fais  plus  qu'aucun,  je 
démontre  d'abord  la  nécessité  de  ce  tempéram*  par  une  infinité  d'expé- 
riences incontestables,  je  le  fonde  ensuite  sur  une  des  progressions  que  ce 
principe  m'a  données,  je  prouve  que  ne  pouvant  être  en  proportion  Harmo- 
nique, il  doit  suivre,  du  moins,  la  Géométrique,  renfermée  dans  cette  pro- 
gression, et  je  pousse  en  fin  la  chose  jusqu'à  donner  la  méthode  en 
puissances  :  c'est  là  plus  que  proposer,  ce  me  semble,  et  si  cela  ne  s'appelle 
pas  découvrir  et  démontrer,  je  ne  connois  donc  pas  la  force  de  ces  termes. 


2IO  LA     MUSIQUE     A     LYON  Deuxième 

le    tempe-  "  Relisez  le  mémoire  de   Monsieur  votre  Académicien,  et  quelques 

rament         chap.  de  ma  Génération   harmonique,  surtout  le  VIIe,   vous  verrez  qu'il 

a  puisé  dans  mes  foibles  idées  tout  ce  dont  il  autorise  ce  qu'il  m'oppose  : 

je  ne  crois  pas  qu'on  l'applaudisse  beaucoup  de  s'être  attaché  à  critiquer, 

$«*  mjïtïZL.e*&.  on  »**  t*iu/inJ  outccf***  c***€^>at*î '  n*m^j  ^*t*^y  /jUA^/,*7'' 

^c^Ju^oJ,^  fik„'~~fiXL/~~  <***?*--  rosS*-  Syr";*'">s 


fffU-  s**- 


Jôe*>r><^>  t^n^J.  „"**»■*->**>  *~-  <ju.<j^/*~ft*-  Jfcfl^-  jovidt'jA'fi»/'^  f 


Partie      AU     DIX-HUITIÈME     SIÈCLE  211 

dans  mon   nouveau  système,   ce  que  j'en  ai  réfuté  moi-même,  dans  ma    le    tempé- 
Gén.  Harm  :  et  s'il  eût  voulu  du  moins  honorer  par  quelques  endroits    rament 
flatteurs  celui  qu'il  ne  ménage   pas  assez  ailleurs,  il  auroit  pu  nommer 

/itfavy    (t   /^<  w«»^  )4  /^i^^v"  fS^  Û^^L^ict^^  e.  autrui   (ZAy-  S"  "i**— 

£<Jl«  *UU  n*-  m/my*J> u,*t  Afjt*c  oiiwi   s/tvcrvU-  pZ  rf^f*-^-  /gtJ+Z/  ft*.'  C*>  m+*A~ik* 
À  aur*->  4*-*^i  L*1  à»'! e*i  a^^—^tj^ryi/^L^'/A^  ScitM.tMSé*-/*~  /Tl^-ti^fc^*    m^*    1.1.    - 

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-  *nt.eoufir*-Mf*ati€je.rty/ut4  , 


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106*  ifieitv  Cé4  rtfy7imt£i    in/t*rt.#t*4  f   U<  -tn*.  A*ri) **àf  ' &0uS)  f  rrùnyunr<j>4+  \*\w> 


VHM. 


212  LA     MUSIQUE     A     LYON  Deuxième 

le    tempe-    l'auteur  qui  l'a  enhardi  à  dire  que  les  Anciens  ont  trop  négligé  la  science  de  la 

rament         musique  etc..  mais  a  présent  que  nous  sommes  dans  un  siècle  ou  la  lumière  a 

enfin  dissipé  les  ténèbres,  etc..  Je  cite  par  tout  le  fond  des  choses,  sans  me 

souvenir  précisément  de  l'ordre,  parce  que  je  suis  à  la  campagne,  où  je  n'ai 

pas  le  mémoire  sous  les  yeux. 

"  Je  crois,  Monsieur,  qu'il  est  de  l'honneur  de  l'Académie,  comme  du 
mien,  de  désabuser  le  public  sur  les  fausses  idées  dans  lesquelles  on  le 
laisse  depuis  près  de  deux  ans  ;  ne  doutez  pas  que  je  n'y  sois  extrêmement 

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Partie     AU    DIX-HUITIÈME    SIÈCLE        213 

sensible  :  comme  la  matière  est  peu  connue,  on  croit  l'auteur  et  l'ouvrage  le  tempé- 
dernier,  quoique  sans  preuve,  parce  que  tout  ce  qui  part  de  vos  mains  passe  rament 
pour  des  arrêts  ;  de  quelle  conséquence  cela  n'est-il  donc  pas  pour  les  per- 
sonnes intéressées  ?  je  me  garderois  bien  de  m'inscrire  en  faux  contre  le 
premier  venu,  sauf  à  ne  le  jamais  prouver.  Je  ne  sçai  comment  la  chose  s'est 
passée,  mais  il  paroît  qu'on  y  a  eu  un  peu  trop  de  condescendance  au  senti- 
ment d'un  seul  ;  et  il  vaut  bien  mieux  que  l'Académie  s'en  justifie  en  me 
justifiant,  que  de  m'obliger  à  répondre  :  on  n'a  jamais  tort  quand  on 
avoue,  excepté  que,  comme  quelques-uns,  on  ne  se  fonde  sur  l'ignorance  du 
lecteur. 

"  Jamais  je  n'ai  tant  présumé  de  mes  foibles  découvertes  que  depuis 
qu'on  les  attaque  ;  je  n'y  pensois  plus,  je  les  avois  tout-à-fait  oubliées,  il 
faut  donc  que  je  me  les  rappelle  encore.  Quel  honneur  pour  moi  qu'une 
aussi  célèbre  Académie  que  la  vôtre  voulut  bien  descendre  jusqu'à  en  dire 
son  sentiment  !  elle  y  est  presque  forcée  pour  son  propre  intérêt,  et  si  je 
me  suis  trompé,  j'en  tirerai  du  moins  le  fruit  d'un  éclaircissement,  dont  je 
tâcherai  de  proffiter. 

"  J'ai  été  charmé  de  trouver  votre  nom  au  bas  de  la  lettre  adressée  à 
M.  de  la  Roque,  cela  m'a  fait  naître  le  dessein  de  vous  adresser  celle-ci, 
pour  vous  assurer  en  partie  de  ma  reconnoissance  sur  le  passé,  et  pour 
vous  assurer  de  l'estime  et  de  la  considération  avec  laquelle  je  suis, 
Monsieur,  votre  très  humble  et  très  obéissant  serviteur 

"  Rameau 
«  A  Paris  ce  3  9bre  174.1." 

La    réplique  était   cruelle  ;    aussi  l'Académie  n'en  fit-elle   pas 

mention   dans  ses  registres  :  l'autographe   fut  simplement  conservé 

dans   un  des  volumes  de    la  correspondance   de  la  Compagnie   (1). 

La   lettre  de  Rameau  eut  deux  conséquences.  Elle  amena  d'abord, 

comme  nous  l'avons  dit,  la  disparition  du  mémoire  original  et  son 

remplacement    par   un    manuscrit   assez   différent  ;    voici   le   texte 

conservé  où   l'on  ne  retrouvera  pas  les   phrases  citées  dans  la  lettre 

de  Rameau  : 

"  Le  moindre  usage  de  l'orgue  et  du  clavecin  fait  bientôt  connoître 
combien  l'accord  en  est  difficile,  et  les  diverses  manières  de  l'accorder 
défectueuses  :  en  voici  la  principale  raison  ;  dans  ces  sortes  d'instru- 
mens  à  touches  fixes,  pour  n'en  pas  multiplier  le  nombre,  on  en  fait 
servir    une    seule    à    deux    sons    différens   qui   quoique   très  voisins,  ne 

(1)  Mss  acad.  n°  267,  I,  f°  159-160. 


214  LA     MUSIQUE     A     LYON  Deuxième 

le  tempe-  sont  pas  cependant,  suivant  les  principes  de  l'harmonie,  parfaitement  les 
rament  mêmes.  Prenons  pour  exemple  le  la  dièse  et  le  si  b  mol  ;  ni  l'un  ni  l'autre 
ne  partage  précisément  par  la  moitié  le  ton  entier  qui  se  trouve  du  la  au 
si  :  cependant,  comme  une  seule  touche  leur  est  destinée,  il  faut  leur  fixer 
un  son  commun,  et  déterminer  le  point  où  il  sera  le  plus  propre  à  les 
exprimer  tous  les  deux.  On  appelle  la  recherche  de  ce  ton  mitoyen  le 
tempérament  :  la  méthode  d'accorder  les  instrumens  en  observant  le  tempé- 
rament se  nomme  ■partition.  On  n'a  pas  eu  jusqu'à  présent  de  règle  assez 
fixe  pour  la  partition,  l'oreille  et  l'expérience  en  ont  été  les  seuls  guides  ; 
de  là  résulte  la  fâcheuse  nécessité  où  se  trouvent  ceux  qui  jouent  du 
clavecin  de  recourir  perpétuellement  au  facteur  pour  l'accorder. 

"  M.  Rameau,  qui  a  fait  sur  la  musique  de  si  profondes  recherches, 
qui,  par  les  principes  féconds  de  la  basse  fondamentale  et  du  renversement 
des  accords,  en  a  si  fort  éclairci  la  théorie,  propose  dans  son  livre  de  la 
Génération  harmonique^  chap.  7,  une  méthode  pour  le  tempérament  :  elle 
consiste  à  partager  l'octave  en  douze  semi-tons  égaux.  Pour  appliquer  ce 
principe,  la  pratique  qu'il  prescrit  est  d'accorder  les  quintes  justes,  puis  de 
les  diminuer  si  peu  que  rien  en  sorte  que  le  son  aigu  de  la  douzième 
quinte  qui  devroit  surpasser  d'un  comma  de  Pythagore  le  son  grave  de  la 
première  si  les  quintes  n'étoient  pas  affaiblies,  fasse  avec  lui  l'octave  juste. 

"  On  ne  sçauroit  exprimer  en  nombres  ou  en  lignes  ces  douze  semi- 
tons,  qu'en  déterminant  onze  moyennes  proportionnelles  entre  1  et  2  dont 
le  rapport  désigne  celui  de'  la  vitesse  de  vibration  des  deux  sons  qui 
forment  l'octave  ;  c'est  un  soin  que  M.  Rameau  laisse  aux  curieux. 

"  Quoique  sa  méthode  soit  meilleure  que  celle  qui  étoit  auparavant 
en  usage,  elle  a  cependant  encore  des  inconvéniens....      (1) 

Nous  arrêtons  ici  cette  citation  car,  ensuite,  Bollioud  expose 
son  procédé  personnel  déjà  signalé  dans  le  procès-verbal  de  la 
séance  du  13  janvier  1740.  Cet  extrait  suffit  à  nous  montrer  que 
notre  académicien  se  rendit  tout-à-fait  aux  invitations  de  son 
contradicteur.  L'éloge  de  Rameau  remplace  les  critiques,  et  la 
phrase  du  premier  mémoire  "  Rameau  n'a  rien  déterminé...  "  a 
disparu.  Pourtant  Bollioud  ne  pardonna  pas  à  son  adversaire,  et, 
après  cette  discussion,  il  ne  manqua  pas  une  occasion  de  se  livrer 
à  des  attaques  indirectes  contre  le  grand  musicien.  La  Corruption  du 
goût  (1746)   le  vise  sans  doute  ;  en  175 1,  il  déclare  qu'une  grande 

(1)  Mss  acad.  n°  154,  f°  86-87. 


Partie     AU    DIX-HUITIÈME    SIÈCLE        215 

théorie  fait  rarement  un  bon  musicien,  (1)  et  si,  en  1747,  il  le  tempé- 
propose  avec  insistance  à  ses  collègues  et  aux  amateurs  d'adopter  rament 
certain  métronome,  c'est  peut-être  parce  que  Rameau,  dans  une 
de  ses  préfaces,  estimait  que,  lorsqu'on  possède  une  œuvre  musicale, 
on  en  saisit  insensiblement  le  goût,  et  bientôt  on  en  sent  le  vrai 
mouvement  (2).  La  ferveur  anti-ramiste  poussa  même  Bollioud 
à  condamner  le  tempérament  égal  et  à  lui  faire  adopter  l'ancien 
système  :  Et  c'est  là  la  deuxième  conséquence  de  l'intervention  de 
Rameau. 

Dans  l'intervalle  de  cette  polémique,  Bollioud-Mermet  avait 
présenté  successivement  à  l'Académie  des  Beaux-Arts,  le  1 1  janvier 
1 741,  et  à  l'Académie  des  Sciences  et  Belles-Lettres,  le  25  avril, 
un  mémoire  sur  le  tempérament  que  les  voix  observent  en  chantant 
quand  elles  sont  accompagnées  par  des  instruments.  Il  posait  quatre 
questions  et  y  répondait  :   comment  la  voix  forme-t-elle  ses  sons  ? 

—  forme-t-elle  ses  intervalles  justes  et  proportionnels  entre  eux  ? 

—  dans  quel  cas  tempère-t-elle  ses  intervalles  ?  —  de  quelle 
manière  les  modifie-t-elle  ?  Tous  ces  problèmes,  l'académicien  les 
résout  en  empruntant  toutes  les  idées  que  Rameau  avait  exposées 
dans  le  septième  chapitre  de  la  Génération  harmonique,  mais  en  les 
démarquant  avec  adresse  (3). 

Plus  tard,  le  13  mai  1744,  il  présenta  de  nouveau  son  phton- 
gomètre  et  déclara  que  son  usage  pouvait  s'étendre  aux  instru- 
ments tels  que  la  viole  et  la  vielle  pour  en  fixer  les  touches,  et 
même  à  la  facture  des  clavecins  pour  fixer  la  courbure  des  chevalets 
qui   en  forment   le  diapason.    Dans   ce   mémoire,  qui   n'existe  pas 

(1)  Séance  de  l'Académie  des  Beaux-Arts,  du  14  juillet  1 75 1 . 

(2)  Nouvelles  suites  de  pièces  de  clavecin...  Paris  Boivin,  s.  d.  —  Rameau  pensait 
sans  doute  à  Bollioud-Mermet  quand  il  écrivait  :  "  Quelques  écrivains  ont  essayé  de 
se  faire  connoître  tantôt  en  défigurant  mes  principes,  tantôt  en  m'en  disputant  la 
découverte,  tantôt  en  imaginant  des  difficultés  dont  ils  croyoient  les  obscurcir.  Ils  n'ont 
rien  fait  ni  pour  leur  réputation,  ni  contre  la  mienne  ;  ils  n'ont  rien  ajouté  ni 
retranché  à  mes  découvertes,  et  l'art  n'a  retiré  aucun  fruit  du  mal  qu'ils  ont  voulu  me 
faire.  Que  c'est  peu  connoître  l'intérêt  de  sa  propre  gloire  que  de  prétendre  l'établir 
sur  les  ruines  de  celle  d'autrui  !...  "  (Lettre  à  d'Alembert.  ^Mercure,  mai  1752). 

(3)  Mss  acad.  n°  161,  f°  42-47. 


2i6  LA    MUSIQUE    A    LYON        D 


EUXIEME 


le  tempe-  dans  les  archives  de  l'Académie,  il  souhaitait  encore  que  les  touches 
rament  dg  }a  viole,  du  quinton,  de  la  vielle,  du  théorbe,  fussent  d'ivoire 
pour  que  la  sonorité  soit  meilleure,  et  indiquait  aussi  qu'il  lui 
semblait  indispensable  que  la  place  des  pieds  des  chevalets  mobiles 
fût  marquée  sur  la  table,  et  que  l'on  donnât  une  attention  particu- 
lière à  ce  que  le  haut  du  chevalet  fût  toujours  bien  perpendicu- 
laire... Tous  conseils  de  facture  instrumentale  dont  personne  ne 
profita,  et  qui  peut-être  n'avaient  pas  grande  valeur. 

Enfin,  Bollioud-Mermet  exposa,  le  10  janvier  1748,  ses 
idées  personnelles  sur  le  tempérament.  Les  Mémoires  de  Trévoux 
avaient  annoncé  et  vanté,  en  1746  et  1747,  un  nouveau  système 
d'accord  proposé  par  de  Monvallon  et  dont  la  partition  était  celle- 
ci  :  "  Accordez  les  quintes  d'ut,  ton  fondamental  à  sol,  de  sol  à  ré, 
de  ré  à  la,  le  plus  juste  que  vous  pourrez,  et,  comme  la  commence 
à  entrer  dans  les  suites  chargées  de  dièses,  on  le  baissera  jusqu'à  ce 
qu'il  fasse  la  tierce  mineure  juste  avec  ut,  qui  est  au-dessus.  On 
accordera  ensuite  de  quinte  en  quinte  avec  ce  la  ainsi  tempéré, 
mi,  si,  fa  dièse,  ut  dièse,  sol  dièse,  qui  ramène  à  ré  dièse  ou  mi  bémol. 
On  le  haussera  un  peu  ce  mi  bémol  jusqu'à  ce  qu'il  fasse  avec  ut 
qui  est  au-dessous  une  tierce  mineure  juste...  (1)  "  Ce  système  basé 
sur  la  tierce  mineure,  avait  été  "  éprouvé  à  Aix,  dans  l'orgue  de 
la  Cathédrale,  dont  l'accord  fait  l'admiration  de  tous  les  Connais- 
seurs de  cette  ville  et  des  Etrangers  qui  y  passent  (2)."  Un  tel 
procédé  parut  inadmissible  à  notre  académicien,  parce  qu'il  partait 
de  la  tierce  mineure,  accord  hors  des  sons  fondamentaux,  hors  de 
la  nature  (idée  que  devait  combattre  Cheinet)  ;  il  proposa  cette 
autre  partition  :  commencer  par  ut  au  milieu  du  clavier,  accorder 
de  quinte  en  quinte,  les  quintes  un  peu  faibles  ;  vérification  par 
les  tierces  majeures  justes  ;  à  mesure  qu'on  avance,  rendre  les 
quintes  plus  justes  et  les  tierces  plus  fortes  afin  de  laisser  quelque 
variété  entre  les  modes  naturels  et  les  transposés.  Cette  partition 
semblait  à  Bollioud  devoir  satisfaire  à  la  fois  l'oreille  et  la  raison. (3) 

(1)  3Témoires  de  Trévoux,  Novembre  1746,  p.  2369. 

(2)  Mémoires  de  Trévoux.  Août  1747,  p.  1 599* 

(3)  Mémoire  non  conservé. 


Partie      AU  DIX-HUITIÈME  SIÈCLE        217 

En  pratique,  un  clavecin  accordé  selon  cette  partition  serait  tout-à-   le   tempé- 
fait  désaccordé.  rament 

L'adoption  de  cette  partition  curieuse  souleva  une  discussion 
qui  occupa  une  partie  de  la  séance  du  24  janvier  suivant,  mais 
Bollioud  "  persista  dans  le  sentiment  qu'il  doit  y  avoir  une  diffé- 
rence entre  les  tons  transposés  et  les  naturels  pour  donner  une 
différente  expression  aux  divers  sujets  de  musique  que  l'on  traite." 
Après  cette  profession  de  foi,  l'académicien  ne  s'occupa  de  la 
question  du  tempérament  que  pour  poser  des  objections  au  Père 
Dumas. 

Dans  le  premier  extrait  de  son  traité,  lu  le  21  mars  1755,  le 
Père  Dumas  voulut  démontrer  que  l'affaiblissement  des  intervalles 
ne  peut  et  ne  doit  affecter  ni  l'octave,  ni  la  tierce  majeure,  mais 
seulement  la  douzième,  ou  plutôt  la  tierce  mineure  comprise  dans 
cette  douzième  ;  par  un  long  calcul,  il  fixa  la  quantité  de  l'affai- 
blissement que  doit  supporter  cette  tierce  mineure  (1).  L'année 
suivante,  le  26  mars  1756,  il  réédita  sa  même  théorie,  et  en  éten- 
dit la  pratique  à  l'accord  de  tous  les  instruments  à  touches,  au 
moyen  d'un  violoncelle  dont  les  cordes  sont  divisées  en  raison  de 
299  à  200  (rapport  établi  par  ses  calculs)  ;  en  partageant  les  cor- 
des en  299  parties  égales,  si  l'on  marque  sur  le  manche  la  deux- 
centième  division  depuis  le  chevalet,  ce  point  donne  la  hauteur 
exacte  des  quintes  convenablement  affaiblies  (2).  C'est  ce  procédé 
et  sa  théorie  qui  donnèrent  lieu  à  des  doutes  proposés  par  Bollioud, 
et  auxquels  le  Père  Dumas  répondit  dans  une  série  à' Eclaircissements 
en  forme  d'entretiens  sur  l'harmonie  tempérée  (3).  La  lecture  de  ces 
dialogues  eut  lieu  dans  la  séance  du  18  mars  1757,  à  l'Académie 
des  Beaux-Arts,  et  dans  celle  du  15  juin  1762,  à  l'Académie  des 
Sciences  et  Belles-Lettres. 

La  première  objection  de  Bollioud  signalait  la  difficulté 
pratique  de  diviser  les  cordes  d'un  instrument  en  299  parties 
égales,  difficulté  renouvelée  sans  cesse  par  les  différences  de  longueur 

(1)  Mss  acad.  n°  160  f°  2-6. 

(2)  Mss  acad.  n°  160  f°  12- 16. 

(3)  Mss  acad.  n°  160  f°  20-32,  34-47,  et  86-87. 

l5 


218  LA    MUSIQUE    A    LYON 

le  tempe-  de  chaque  instrument.  Le  Père  Dumas  n'eut,  comme  réponse, 
rament  qU'à  indiquer  le  procédé  facile  et  commode  de  la  règle  de  trois 
permettant  instantanément  de  trouver,  pour  n'importe  quel  instru- 
ment, l'équivalent  exact  du  rapport  de  200  à  299.  La  seconde 
objection  portait  sur  le  choix  du  si  bémol  pris  comme  point  de 
départ  de  l'accordage.  La  réponse,  un  peu  vague,  fut  celle-ci  : 
le  tempérament  doit  être  comme  un  nuage  léger  au  travers  duquel 
on  aperçoive  toujours  le  vif,  le  brillant,  le  piquant  du  dièse,  et 
jusqu'aux  moindres  nuances  du  doux,  du  tendre,  du  sombre  qui 
caractérisent  le  bémol  ;  en  partant  du  bémol,  le  dièse  se  soutiendra 
toujours  assez,  au  lieu  qu'en  partant  du  bécarre,  on  ne  rencontre- 
rait aucun  dièse,  et  il  serait  à  craindre  que  le  clavecin  ne  fût  pas 
accordé  d'une  manière  également  convenable  à  tous  les  tons.  Le 
troisième  et  le  quatrième  entretien  établissent  que  la  véritable 
harmonie  tempérée  était  depuis  longtemps  pratiquée  sans  qu'on 
le  sût,  que  la  nature  et  le  sentiment  de  la  modulation  l'avaient 
révélée  à  l'oreille  dans  l'accord  usité  des  instruments  à  cordes,  et 
qu'il  ne  restait  plus  qu'à  l'appliquer  au  clavecin.  Le  Père  Dumas 
combat  aussi  cette  idée  que  les  voix  et  les  instruments  suivent 
chacun  un  système  particulier  de  tempérament,  qu'un  trio  ou  un 
chœur  chante  plus  juste  sans  accompagnement  que  lorsqu'il  est 
soutenu  par  des  instruments. 

La  principale  objection  de  Bollioud  était-  que  le  système  du 
Père  Dumas  ou  celui  de  Rameau  ne  conserve  plus  de  différence 
entre  les  modes.  L'auteur  des  entretiens  montre  alors  que  cette 
uniformité,  exigée  par  Rameau  et  d'Alembert,  est  justifiée  par  la 
raison  et  l'expérience. 

Ces  divers  entretiens,  au  nombre  de  neuf,  mettent  en  scène 
trois  personnages  :  Eugène,  Ariste  et  Eudoxe.  Il  ne  faut  pas 
s'étonner  que  le  dialogue  de  ces  êtres  imaginaires,  dont  les  noms 
révèlent  la  belle  origine,  l'excellence  et  la  brillante  instruction,  ait 
vaincu  les  hésitations  de  Bollioud-Mermet,  et  clos  définitivement 
les  discussions  académiques  au  sujet  de  l'harmonie  tempérée. 


V 


Divers  mémoires.  Travaux  et  inventions  soumis  a 
l'approbation  de  l'Académie 


Nous  réunissons  dans  ce  chapitre,  avec  l'examen  rapide  de 
toute  une  série  de  mémoires  peu  importants  consacrés  à 
la  théorie  musicale  et  à  l'esthétique,  l'énumération  des 
nombreux  travaux  ou  inventions  soumis  à  l'approbation  de  l'Aca- 
démie. Presque  tous  les  mémoires  sont  dus  à  Louis  Bollioud- 
Mermet  qui  s'était  spécialisé  dans  les  questions  musicales. 

Dès  le  13  juin  1736,  c'est-à-dire  dès  les  premières  séances  de 
l' Académie, Bollioud  fait  ses  débuts  d'académicien  et  de  musicologue: 
après  avoir  parlé  avec  éloge  du  renouvellement  des  conférences 
régulières  et  de  leurs  grands  avantages  (1),  il  déclare  qu'il  s'occupera 
de  la  musique  "  plus  conforme  à  la  faiblesse  de  son  génie  ",  et  lit 
une  dissertation  sur  la  musique  vocale  (2).  Fait  exceptionnel,  il  se 
propose  de  donner  une  idée  de  l'histoire  de  la  musique  ;  malheu- 
reusement son  mémoire  est  une  suite  de  banalités,  et,  après  un 
vague  résumé  de  l'histoire  de  la  notation  musicale,  se  termine  par 
l'exposé  des  effets  surprenants  qui  distinguent  la  musique  des  autres 
arts  "  par  le  caractère  de  conviction  et  d'empire  sur  les  passions 
qui  lui  sont  propres.  "  Et,  à  l'appui  de  cette  affirmation,  sont 
énumérés  les  exemples  fameux  de  Timothée  apaisant  la  fureur 
d'Alexandre,  de  Thaïes  de  Candie  calmant  une  sédition,  et  enfin 
quelques  considérations  sur  la  musique  et  la  médecine. 

Deux  discours  complètent  le  mémoire  sur  la  musique  vocale; 

(1)  Correspondance  acad.  Ms.  n°  267.  I.  p.  1  et  2. 

(2)  Mss  acad.  n°  261,  f°  32-41. 


220  LA     MUSIQUE     A     LYON  Deuxième 

divers  ils   sont   également   dépourvus   d'intérêt  :    l'un    est   consacré  à  la 

mémoires  musique  instrumentale,  l'autre  à  l'étude  de  l'orgue.  Dans  le  premier, 
que  l'auteur  considère  comme  une  continuation  de  l'histoire  de  la 
musique,  quelques  instruments  sont  décrits.  Instruments  à  percus- 
sion :  cloches  timbales,  cymbales  ;  instruments  à  cordes  :  kinnor, 
nebel,  hasur,  dont  les  noms  barbares  devaient  étonner  les  académi- 
ciens et  faire  admirer  l'érudition  facile  de  l'orateur  ;  instruments  à 
vent.  Il  est  tour  à  tour  question  du  passage  de  la  Mer  rouge,  du 
retour  de  Jephté,  de  David,  de  Nabuchodonosor,  de  S*  Augustin, 
de  S*  Jérôme...,  de  l'orgue  d'après  l'Ancien  Testament,  et  de  la 
trompette  marine.  A  propos  de  l'orgue,  Bollioud  signale  la  nécessité 
d'un  mécanisme  pour  faire  jouer  les  soufflets  de  l'instrument,  et  il 
engage  ses  collègues  à  inventer  une  machine  spéciale  pour  assurer 
automatiquement  la  soufflerie  ;  invitation  qui  ne  fut  pas  vaine, 
car,  à  la  séance  suivante,  un  des  académiciens  soumettait  deux 
projets  de  mécaniques  (i).  Quelques  années  plus  tard,  Bollioud 
présenta  à  l'Académie  des  Sciences  et  Belles-Lettres  un  nouveau 
discours,  non  conservé,  sur  le  même  sujet  (il  février  1744).  Le 
mémoire  sur  l'orgue  (13  janvier  1738)  contient  une  description 
assez  précise  d'un  mécanisme  et  de  secrets  "  qui  n'ont  été  connus 
jusqu'à  présent  que  des  facteurs  (2)  ".  Il  mérita  l'honneur  d'une 
nouvelle  lecture  dans  l'assemblée  publique  du  Ier  décembre  suivant. 
De  1749  à  1753,  Bollioud-Mermet  travailla  sans  doute  exclu- 
sivement à  la  composition  d'un  gros  ouvrage  sur  les  moyens  de 
perfectionner  la  musique,  dont  il  exposa  le  plan  dans  la  séance  de 
l'Académie  des  Beaux-Arts  du  22  janvier  1749.  Ce  jour-là,  après 
avoir  réédité  les  ordinaires  banalités  sur  l'agrément  et  l'utilité  de  la 
musique,  il  annonça  que  le  travail  qu'il  se  proposait  de  soumettre 
à  l'Académie  en  une  série  de  mémoires,  traiterait  des  questions 
suivantes  :  de  l'utilité  que  l'art  peut  retirer  de  l'histoire  ;  de  la 
science  et  de  la  théorie  nécessaire  à  un  bon  harmoniste;  des  méthodes 
pratiques  pour  la  musique  ;   du   goût  du  temps  et   du  génie  des 

(1)  Le  mémoire  de  Bollioud  fut  lu  le  28  janvier   1737  ;  il  est  conservé  (Mss 
acad.  n°  161,  f°  48-54). 

(2)  Mss  acad.  n°  161,  f°  56-62. 


Partie       AU     DIX-HUITIEME     SIÈCLE  221 

artistes  contemporains  ;  enfin  des  connaissances  propres  à  former  le     divers 

musicien  par  les  véritables  règles  de  son  art.  C'était  là  un  vaste  et     mémoires 

intéressant  projet.  Comment  fut-il  réalisé  ?  nous  l'ignorons.  Lu  par 

fragments  à  l'Académie  des  Beaux-Arts,  le  18  novembre  1750,  le 

14  juillet  175 1,  le  13  décembre  1752,   le  30  novembre  1753,  cet 

ouvrage  n'a  pas  été  conservé.  Les  comptes-rendus   de  l'Académie 

en  parlent,  il  est  vrai,  avec  complaisance,  mais  on  ne  saurait  se  fier 

à  l'opinion  du  secrétaire  chargé  des  procès-verbaux  des   séances  : 

le   plus  souvent   les  auteurs   remettaient   eux-mêmes   l'analyse   de 

leurs  travaux  au  secrétaire  qui  se  contentait  de  la  transcrire  sur  son 

registre. 

Un  autre  mémoire  de  Bollioud  se  rapporte  un  peu  à  la 
musique  :  c'est  celui  du  5  décembre  1742  consacré  à  la  liaison  des 
sciences  avec  les  arts  ;  un  sujet  analogue  avait  été  traité  déjà  par 
Glatigny  l'aîné,  le  25  novembre  1738,  devant  l'Académie  des 
Sciences  et  Belles-Lettres.  Nous  ne  possédons  pas  ces  deux  travaux. 
Enfin,  en  1 75 1  et  1752,  Charles  Bordes  présenta  deux  mémoires  con- 
sacrés à  la  réfutation  des  idées  de  son  ami  J.  J.  Rousseau  sur  l'utilité 
des  sciences  et  des  arts:  les  deux  mémoires  furent  imprimés  (1). 

Une  autre  réfutation  des  théories  de  Rousseau  par  le  même 
académicien  fut  lue  le  1 1  décembre  1753,  à  l'Académie  des  Sciences 
et  Belles-Lettres.  Celle-là  était  une  réponse  à  la  Lettre  sur  la  Mu- 
sique Françoise  ;  elle  était  certainement  d'un  vif  intérêt,  mais  nous 
ne  la  connaissons  que  par  le  procès-verbal  : 

"  M.  Bordes  a  lu  la  première  partie  d'une  réponse  qu'il  se  propose  de 
faire  à  la  lettre  de  M.  Jean-Jacques  Rousseau,  citoyen  de  Genève,  sur  la 
musique  françoise,  qui  vient  de  paroître.  M.  Bordes  a  entrepris  la  défense 
de  la  langue  françoise  contre  M.  Rousseau  qui  l'accusoit  de  n'être  point 

(1)  Le  premier  mémoire,  lu  le  11  mai  175 1  et  répété  dans  l'assemblée  publique 
du  22  juin,  fut  publié  d'abord  dans  le  Mercure  de  décembre  1 751  (I,  p.  25)  puis  sépa- 
rément et  sans  nom  d'auteur  :  Discours  sur  les  avantages  des  sciences  et  des  arts....  avec 
la  réponse  de  J.  J.  Rousseau  ;  Genève,  Barillot,  1752.  Le  second  mémoire,  lu  le 
Ier  août  1752  fut  publié  sous  ce  titre  :  Second  discours  sur  les  avantages  des  sciences  et  des 
arts  par  M.  B***  de  l'Académie  des  Sciences  et  Belles-Lettres  de  Lyon  ;  Avignon, 
François  Gérard,  1753. 


222  LA     MUSIQUE     A     LYON  Deuxième 

divers        du  tout  propre  à  la  musique  ;  il  examine  en  détail  les  reproches  sur  les- 
mémoires      quels  son  adversaire  se  fonde  et  les  détruit  les  uns  après  les  autres. 

"  Selon  lui,  notre  langue  a  en  effet  beaucoup  de  consonnes  qui 
effroyent  à  la  lecture,  mais  qui  disparoissent  à  la  prononciation,  ainsi  que 
toutes  les  s  finales  au  pluriel,  les  r  des  infinitifs  des  verbes,  et  la  plupart 
des  consonnes  qui  terminent  les  autres  temps  des  verbes  :  sitôt  que  les 
consonnes  ne  sont  pas  prononcées,  le  son  reste  aussi  simple  que  celuy 
d'une  voyelle.  Les  sillabes  nasales  sont  autant  de  sons  que  nous  avons  de 
plus  que  l'italien  réduit  à  ses  cinq  voyelles.  Les  e  muets  relèvent  l'harmonie 
de  la  sillabe  qui  les  précède;  ils  ont  un  son  dans  le  chant,  ce  son  est  doux: 
la  musique  a  plusieurs  manières  de  traiter  Ye  muet  qui  en  sauvent  les 
défauts  ou  qui  même  font  beauté.  L'élision  en  supprime  un  grand  nombre 
dans  le  chant.  Les  Italiens  sont  forcés,  pour  varier  l'harmonie  de  leur 
langue,  de  prononcer  souvent  leurs  finales  comme  si  elles  étoient  muettes. 
Des  sillabes  muettes  sont  nécessaires  dans  toute  musique,  en  sorte  quelque 
simphonie  que  nous  entreprenions  de  parolier  (?),  nous  y  trouverons  tout 
naturellement  la  place  de  nos  rimes  féminines.  Notre  langue  a  des  termi- 
naisons très  harmonieuses  où  les  consonnes  se  prononcent.  La  langue 
grecque  et  la  latine  en  ont  aussy  ;  à  cet  égard,  notre  langue  surpasse 
l'italienne  en  variété  et  en  énergie.  Nous  avons  autant  de  mots  qu'il  nous 
en  faut  pour  le  genre  lyrique  ;  exemple  tiré  de  Métastase  :  on  n'y  trouve 
pas  un  seul  mot  qui  ne  puisse  être  rendu  en  françois  d'une  manière  propre 
au  chant.  Le  genre  lyrique  n'en  comporte  pas  davantage.  Nous  avons  une 
prosodie  :  les  défauts  qu'on  lui  reproche  ne  sont  propres  qu'à  laisser  plus 
de  liberté  au  génie  du  musicien.  Enfin  les  différences  des  deux  langues 
sont  si  légères  qu'il  est  absurde  de  conclure  que  la  différence  des  deux 
musiques  qui  en  résulte...  (i)" 

On  sait  que  Rousseau  redoutait  beaucoup  les  critiques  de 
Bordes  et  qu'il  ne  pardonna  pas  à  son  ancien  ami  ses  réfutations 
répétées. 

Les  derniers  ouvrages  concernant  la  musique  sont  celui  de 
Clapasson  sur  le  sublime  dans  la  musique,  et  un  travail  du  médecin 
Olivier  sur  la  musique  et  la  médecine.  Le  discours  d'Olivier  a 
pour  but  de  prouver  que  la  musique  est  fille  de  la  médecine  ;  il  fut 
présenté  à  l'Académie  des  Beaux-Arts  le  17  décembre  1749,  et 
relu  dans  la  séance  publique  du  21  avril  1750.  Olivier  prétend 
qu'en  raison  de  l'action  physique  du  son  et  de  la  correspondance 

(1)  La  dernière  ligne  de  ce  compte-rendu  est  illisible. 


Partie     AU    DIX-HUITIÈME  SIÈCLE        223 

de  l'air  extérieur  avec  l'air  qui  se  trouve  dans  nos  canaux,  les  divers 
vibrations  de  la  musique  peuvent  se  communiquer  à  ceux-ci,  mémoires 
modifier  la  circulation,  rendre  le  sang  plus  fluide,  rétablir  le  jeu 
des  esprits  animaux,  maintenir  l'équilibre  entre  nos  différentes 
humeurs,  et  il  souhaite  que,  dans  bien  des  occasions,  on  substitue 
la  musique  aux  remèdes  ordinaires  (1).  Quant  au  mémoire 
présenté  par  Clapasson  sur  le  Sublime  dans  la  musique  il  renferme 
une  intéressante  appréciation  sur  Lully  qui  se  prêta  trop  au  goût 
du  Roi  et  de  la  Nation  et  qui  n'a  pas  su  faire,  de  l'opéra,  autre 
chose  qu'un  tissu  de  chansons  et  de  madrigaux  ;  on  y  trouve 
encore  une  critique  de  La  Lande  et  un  vif  éloge  du  Te  Deum  de 
Calvières  qui  est  "  un  des  ouvrages  les  plus  parfaits  de  notre 
musique  latine  ".  Au  sujet  de  La  Lande,  Clapasson  écrit  : 

"  Ce  que  Lalande  me  paroît  surtout  avoir  trop  négligé  dans  ses  com- 
positions, et  qui  eut  été  bien  propre  selon  moi  à  en  rehausser  le  caractère, 
c'est  l'emploi  de  ces  images  vives  et  brillantes  qui  enrichissent  nos  canti- 
ques sacrés  avec  tant  d'abondance.  Mais  je  n'ai  garde  de  convenir  que  ce 
soit  remplir  dignement  cet  objet  que  de  s'amuser  à  ces  gentillesses  passa- 
gères auxquelles  nos  Musiciens  ne  manquent  guère  de  se  livrer  sur  le  sens 
d'un  mot  qui  prête  à  leurs  fredons.  Ce  n'est  là,  l'on  peut  dire  que  le 
clinquant  de  l'Art.  C'est  le  sujet  bien  plus  que  le  mot  qu'il  faut  étudier...  " 

L'éloge  de  Calvières  présente  une  brève  analyse  musicale  de 
la  partition,  et  l'on  sait  combien  de  telles  pages  sont  rares  chez  les 
écrivains  du  xvme  siècle  : 

"  Après  avoir  fait  annoncer  par  un  récit  simple  et  majestueux  la 
venue  du  juge  souverain  à  qui  tous  les  mortels  doivent  compte  de  leurs 
actions,  Calvière,  en  homme  qui  sent  vivement  les  choses,  a  peint  par 
anticipation  le  jour  formidable  du  grand  jugement.  Les  fluttes  commencent 
par  imiter  le  sifflement  des  vents  ;  tout  le  corps  de  la  symphonie  exécute 
une  tempête  qui  fait  frémir.  Un  tambour  placé  dans  le  milieu  de  l'orchestre, 
par  un  roulement  continuel,  toujours  en  enflant  le  son,  marque  le  bruit 
affreux  du  tonnerre  joint  à  celui  des  flots  irrités.  Pendant  que  tout  annonce 
le  bouleversement  de  l'univers  entier,  deux  trompettes  placées  vis-à-vis 
l'une  de  l'autre  dans  les  tribunes  des  côtés  font  alternativement  l'appel, 
tandis  que  tous  les   peuples   saisis  de  crainte  s'écrient  en  s'adressant  au 

(1)  Mss  acad.  n°  262. 


224- 


LA    MUSIQUE    A    LYON        D 


EUXIEME 


divers  Christ  rédempteur  du  genre   humain  par  un  chœur  pathétique  :  Te  ergo 

mémoires     quaesumus  famulis  tuis,  subveni  quos  pretioso  sanguine  redemisti  "  (i). 

Il  nous  reste,  pour  compléter  cette  revue  des  travaux  musicaux 
des  Académies  de  Lyon  au  xvnf  siècle,  à  signaler  les  inventions 
et  les  travaux  offerts  en  hommage  aux  compagnies  savantes,  ou 
soumis  à  leur  approbation. 

Parmi  les  travaux  ayant  pour  auteurs  quelques-uns  des  acadé- 
miciens, nous  avons  déjà  noté  les  soufflets  d'orgue  proposés  par 
Grollier,  le  phtongomètre  de  Bollioud  pour  faciliter  l'accord  des 
instruments,  et  aussi  un  métronome  présenté  par  le  même  amateur 
(il  janvier  1747).  Cet  appareil  était  qualifié  de  "  chronomètre 
harmonique  ".  L'idée  d'un  appareil  de  ce  genre,  pour  fixer  la 
durée  des  mesures,  n'était  pas  très  nouvelle,  certes,  et  plus  d'un 
musicien  avait  imaginé  déjà  quelque  dispositif  analogue.  Quelques 
années  avant  la  proposition  de  Bollioud,  en  1740,  s'était  produit 
un  intéressant  échange  d'idées  entre  deux  prêtres,  l'abbé  Soumille 
et  le  chanoine  Boëry  (2).  D'ailleurs,  le  nom  de  Bollioud  ne  mérite 
pas  d'être  ajouté  à  la  longue  liste  des  précurseurs  de  l'ami  de 
Beethoven,  Maèlzel,  car  son  invention  n'en  était  pas  une  ;  il 
proposait  simplement  d'étendre  à  l'usage  de  la  musique  en  général, 
l'instrument  utilisé  par  un  chorégraphe  parisien,  instrument  qui 
n'était  autre  chose  qu'un  pendule,  ou  métronome  à  l'envers.  Il  se 
contentait  donc  de  donner  un  nom  assez  prétentieux  à  un  ancien 
appareil,  et  de  souhaiter  que  son  usage  se  répandît  rapidement 
dans  le  monde  des  compositeurs,  de  façon  à  permettre  à  chaque 
amateur  de  "  déterminer  exactement  la  durée  précise  des  mesures 
convenables  à  nos  plus  belles  pièces  de  musique  "  ;  ce  mécanisme 
lui  semblait  indispensable  surtout  à  ceux  "  qui,  n'étant  jamais  sorti 
de  la  Province,  n'ont  pas  eu  l'occasion  de  se  former  le  goût  sur  des 
exécutions  parfaites.  " 

Le  19  mai  1751,  l'abbé  de  Valernod  proposa  une  nouvelle 
méthode  pour  noter  le  plain-chant  sans  barres  et  sans  clefs,  qui  se 


(1)  Mss  acad.  n°  161,  f°  123-/29. 

(2)  ^Mercure,  Septembre  1740,  p.  2038. 


Partie     AU    D I X- H U I T I È M E    SIÈCLE        225 

réduisait  à  ceci  :  chaque  note  remplacée  par  une  lettre  {ut  par  «,  divers 
ré  par  /  etc.)  ;  points  placés  au-dessus  ou  au-dessous  des  lettres  pour  mémoires 
indiquer  que  les  notes  montent  ou  descendent  d'une  octave  ;  signes 
Habituel  de  la  prosodie  qui  distinguent  les  notes  brèves  et  les  notes 
longues.  L'abbé  de  Valernod  ne  prétendait  pas  lancer  un  système 
de  notation  ;  son  procédé  lui  permettait  simplement  de  renfermer 
dans  deux  petits  in- 12  toutes  les  pièces  de  chant  à  l'usage  de  son 
église. 

Deux  autres  académiciens  firent  hommage  à  l'Académie 
d'ouvrages  littéraires  concernant  la  musique  et  le  théâtre.  Bordes, 
le  18  janvier  1757,  lut  une  traduction  française  de  l'ouvrage 
d'Algarotti  sur  la  musique  italienne,  et  y  joignit  ses  propres  ré- 
flexions sur  les  opéras  qu'il  avait  vu  jouer  en  Italie  ;  sa  traduction 
fut  lue  une  seconde  fois  dans  la  séance  publique  du  19  avril 
1757.  Nous  en  avons  déjà  parlé  plus  haut  (p.  184-186)  (i).En  1776, 
le  1 3  août,  Thorel  de  Campigneulles  déposa  sur  le  bureau  de 
l'Académie  une  brochure  de  sa  composition  sur  les  spectacles  de 
Lyon.  Nous  n'avons  trouvé  ni  à  Lyon,  ni  à  Paris  d'exemplaire  de 
ce  petit  ouvrage  ;  peut-être  était-ce  un  résumé  ou  un  extrait  des 
"  correspondances  "  sur  le  théâtre  de  Lyon,  que  le  Mercure  publia 
à  diverses  reprises.  Nous  connaissons  du  moins  une  réponse  qui  y 
fut  faite  sous  le  titre  Réponse  d^un  habitant  de  Chaillot  a  la  lettre 
a"  un  Lyonnois  à  un  Parisien  :  brochure  de  seize  pages,  sans  lieu  ni 
date,   conservée  à  la  Grande  Bibliothèque  de  Lyon  (n°  351.  877). 

Parmi  les  inventions  soumises  à  l'Académie  par  des  personnes 
étrangères  à  l'Académie,  quelques-unes  sont  dépourvues  d'intérêt  : 
ce  sont  le  bureau  musical  de  Blain  dont  a  parlé  Fétis  dans  sa 
Biographie  des  Musiciens  ;  les  serinettes  et  boîtes  à  musique  de 
Micot  (2)  ;   un   instrument   nouveau  "  à  l'instar  d'un  clavecin  ou 

(1)  Cette  traduction  fut  publiée  sans  nom  d'auteur  dans  le  Mercure  de  mai  1757, 
p.  40.  Elle  fut  rééditée  dans  le  tome  II  des  Œuvres  diverses  de  M.  Borde  (Lyon, 
Faucheux,  1783),  tome  II,  partie  1,  p.  1-32.  Là,  elle  est  suivie,  sans  solution  de 
continuité  et  sans  indication,  des  réflexions  personnelles  de  Bordes  que  nous  avons 
relevées  au  cours  du  Chapitre  II  de  cette  partie. 

(2)  Le  Mercure  de  juin  1751  (II,  p.  252)  signale  un  instrument  nouveau  inventé 
par  Micot,  de  Lyon. 


226  LA     MUSIQUE     A     LYON  Deuxième 

divers  d'un  piano-forte  "  présenté,  le  14  février  1786,  par  Leoni, 
mémoires  "  célèbre  musicien  de  retour  en  cette  ville  qu'il  a  habitée  long- 
temps "  (1),  au  nom  d'un  facteur  aveugle  "  piedmontois  ",  nommé 
Jean-Dominique  Carretti. 

Des  tables  de  musique,  dédiées  à  l'Académie  par  un  de  ses 
membres  associés,  de  Montsabert,  conseiller  au  Parlement  de  Paris, 
furent  longuement  examinées  par  Bollioud  et  le  Père  Dumas,  qui 
conclurent  à  l'extrême  ingéniosité,  mais  à  l'inutilité  complète  d'un 
tel  travail,  sorte  d'abrégé  de  l'harmonie  réduite  en  mathématique  (2). 
Un  candidat  au  titre  d'associé  de  l'Académie,  le  célèbre  Roland  de 
la  Platière  fit  hommage  d'un  manuscrit  aujourd'hui  disparu  et 
intitulé  :  Lettres  sur  l'état  actuel  des  spectacles,  de  la  langue,  et  de  la 
musique  en  Italie  (14  novembre  1780).  En  1770,  le  29  août,  l'abbé 
Roussier  avait  offert  à  l'Académie  un  exemplaire  de  son  Mémoire 
sur  la  musique  des  ^Anciens  (3).  L'Académie  des  Beaux-Arts  avait 
été  indirectement  mêlée  à  la  polémique  qui  se  prolongea,  en  1756 
et  1757,  entre  ce  même  abbé  Roussier,  professeur  de  musique  à 
Lyon,  et  l'auteur  du  Sentiment  d'un  Harmoniphile  :  le  Père  Dumas 
avait  en  effet,  le  12  septembre  1755,  exposé  la  méthode  d'accom- 
pagnement au  clavecin  que  Roussier  reprochait  à  Morambert  de 
lui  avoir  empruntée.  C'est  du  moins  ce  qu'affirma  Roussier  :  les 
comptes-rendus  de  l'Académie  ne  signalent  pas  cette  communica- 
tion du  Père  Dumas  (4). 

La  dernière  invention  soumise  au  jugement  et  à  l'approbation 
de  l'Académie,  est  due  au  violoniste  Brijon  dont  nous  avons,   dans 

(1)  C'est  Leoni  que  Burney  disait  être  le  meilleur  claveciniste  de  Lyon  (Etat 
présent  de  la  musique). 

(2)  Séances  du  2  juin  1761,  du  6  juillet  et  du  3  août  1762. 

(3)  Paris,  Lacombe,  1770. 

(4)  V.  ^Mercure  de  France,  octobre  1756,  II,  p.  171  ;  janvier  1757,  I,  p.  181  ; 
avril  1757,  I,  p.  167  ;  septembre  1757,  p.  157.  —  La  Borde  disait  de  l'abbé 
Roussier  qui  l'avait  conseillé  :  "  C'est  le  théoricien  le  plus  étonnant  qui  ait  jamais 
existé...  Dans  Athènes,  on  lui  eût  élevé  des  statues.  "  (Essai  sur  la  musique,  III,  p. 
678-680).  Cf.  jugement  porté  par  Fétis  (Biographie  des  musiciens.)  L'abbé  Roussier 
est  indiqué  sur  les  Almanachs  de  Lyon,  comme  professeur  de  composition  et  de  musique 
vocale  française,  de  1737  à  1763. 


Partie     AU    D IX- H U ITI È M E    SIÈCLE        227 

notre  première  partie,  indiqué  l'ingéniosité  et  le  sens  de  la  réclame.        divers 
Brijon  avait  présenté   un  manuscrit  intitulé  :   "  Développement  des     mémoires 
organes  par  les  sons  de  la  musique ;  ou  première  culture  des  en/ans,  par 
M.  C.  R.  Brijon  ".  Les  commissaires,  nommés  pour  examiner  ce 
travail,  étaient  Bollioud-Mermet,  Mathon  de  la  Cour  et  Collomb  ; 
ils  le  jugèrent  ainsi  : 

"  Les  vues  de  l'auteur  sur  l'éducation  en  général  nous  ont  paru  saines, 
et  son  zèle  est  digne  d'éloges.  Il  a  observé  que  le  sens  de  l'ouïe  étoit  l'un 
des  premiers  qui  se  développât  chez  les  enfans,  et  il  en  conclut  que  l'on 
devroit  faire  usage  du  pouvoir  de  l'harmonie  pour  développer  leur  sensibi- 
lité et  les  préparer  à  recevoir  une  bonne  éducation  :  passionné  pour  son 
art,  il  s'exagère  peut-être  le  pouvoir  de  la  musique  sur  l'âme,  et  ses  effets 
moraux  si  souvent  célébrés  par  les  Grecs.  Il  nous  a  paru  que  son  plan 
exigeoit  un  développement  de  plusieurs  années,  et  nous  doutons  que  les 
parens  se  déterminassent  aisément  à  adopter  cette  marche.  Cette  réflexion 
nous  dispense  de  présenter  à  l'Académie  une  plus  longue  analyse  de  sa 
méthode,  et  d'examiner  l'instrument  appelé  aurillette  qu'il  propose  pour 
former  l'oreille  des  enfans.  Sans  entrer  dans  des  détails  plus  approfondis, 
nous  croyons  que  les  intentions  de  l'auteur  sont  louables  et  qu'elles  méri- 
tent l'estime  de  l'Académie  et  des  bons  citoyens  (1).  " 

Ce  rapport,  qui  constituait  un  échec  pour  l'inventif  Brijon, 
porte  la  date  du  21  juin  1791.  L'époque  était  troublée:  les  Aca- 
démiciens devaient  bientôt  remplacer  l'aristocratique  appellation  de 
"  Monsieur  "  par  celle  de  "  Citoyen  ".  Bollioud  de  Mermet  signait 
simplement  Bollioud,  et  Mathon  de  la  Cour,  qui,  en  1793,  monta 
sur  l'échafaud,  Mathon  La  Cour.  Ce  compte  rendu  fut  le  dernier 
acte  musical  de  l'Académie.  Les  séances  régulières  de  la  Compagnie 
se  tinrent  encore  jusqu'au  6  août  1793,  mais  elles  furent  de  plus  en 
plus  brèves,  et  réservées  à  des  discussions  d'ordre  pratique  :  le  temps 
n'était  plus  aux  spéculations  harmoniques. 

Après  sa  reconstitution,  au  sortir  de  la  période  révolution- 
naire, l'Académie  de  Lyon  ne  s'occupa  que  rarement  de  questions 
musicales.  Au  point  de  vue  qui  nous  intéresse,  le  xvme  siècle 
fut  la  période  la  plus  brillante  de  l'érudite  Compagnie. 

(1)  Mss  acad.  n°  161,  f°  184. 


Vu  : 

Le  doyen  de  la  Faculté  des  Lettres 
de  l'Université  de  Lyon 

L.  Clédat. 


Vu  et  permis  d'imprimer  : 

Lyon,  le  15  septembre  1908 
Le  Recteur 

P.  JOUBIN. 


TABLE  DES  NOMS  CITÉS 


Les  noms  d'auteurs  sont  imprimés  en  caractères  italiques  ; 
les  noms  de  personnes  en  caractères  romains  ;  les  noms  de  lieux  en 

PETITES    CAPITALES. 

ABREVIATIONS  :  ac:  académicien.  —  am.:  amateur.  — 
ch.:  chanteur  ou  chanteuse.  —  c:  compositeur.  —  cl.:  clave- 
ciniste. —  clar. :  clarinettiste.  —  fl. :  flûtiste.  —  h.:  harpiste.  — 
htb.:  hautboïste.  —  1.:  luthier.  —  m.  de  m.:  maître  de  musique. 
—  org.  :  organiste.  —  sym.:  symphoniste.  —  v.:  violoniste.  — 
vl.  :  violoncelliste. 

Nous  n'avons  pas  relevé  dans  cette  table  un  certain  nombre 
de  noms  sans  intérêt  musical  (amateurs,  "  officiers  "  de  l'Académie, 
éditeurs,  etc.) 


Abel,  c,  1 14. 

Alarius,  c,  44,  157. 

Albanese,  ch.,  137,  142. 

Alberti,  c,  18,  33,  161. 

Albi,  1 12. 

Albicastro,  c,  165. 

Albinoni,  c,  33,  161,  165. 

Alembert  (cT\  178,  197,  215,  218. 

Algarotti,  109,  171,  184,  225. 

Amaury,  libraire,  19. 

Ancelet,  102. 

André  (Je  Père),  58. 
Andriol,  corniste,  137. 

Andro  (MIle)  ch.,  93. 

Androvandini,  c,  46,  166. 

Antoine  (Mlle  d'),  ch.,  137. 

Aphrodize,  c,  153. 

Aresti,  c,  44,  153. 

Aristoxène  de  Tarente,  99. 

Arnauld  (abbé),  am.,  181. 

Arnoult,  c,  107. 

Arthaud,  ch.,  83. 


Arthaud  de  Bellevue,  ni. 

Athénée,  188,  189. 

Aubert,  c,  34,  157,  161,  165. 


Avig 


NON, 


I25. 


Aynard  (Th.),  9. 


B 


Bach  (la  famille),  114. 

Bach  (Chrétien),  c,  114,  136. 

Bach  (Frischmuth),  c,  114. 

Bach  (Jean-Sébastien),  c,  114,  136, 

207. 
Baër,  clar.,  137. 
Bailleux,  c,  1 12,  123. 
Balbastre,  org.,  134. 
Baldensperger  (Fernand),  xi,  19. 
Banau,  c,  153. 
Barbarini,  fact.  d'orgues,   141. 
Barbier,  41,  47. 
Barbier  (Nicolas),  ac,  40,  42. 
Barbier  (Mlle)  ch.,  118,  124. 
Bardet,  ch.,  124. 


TABLE  DES  NOMS  CITES 


232 

Bassani,  c,  153. 
Batistin,  vz.  Stuck. 
Beauvarlet-Charpentier,     (Jacques- 
Marie),  org.,  122. 
Beauvarlet-Charpentier  (J.  B.),  org., 


121,  122. 


Beauvarlet-Charpentier,  (J.  J.),  org., 
121,  122,  133,  134,  135,  136, 
140. 

Beck,  c.,  1 13,  1 14. 

Belissen,c.,  97,  106,  107,  133,  153. 

Bellouard  (Mathieu),  m.  de  m.,  91, 

93,  95,  97,  98,  "9>  J53>  i57>  160. 
Belmard,  org.,  140. 

Belot,  c.,  153. 
Benoît  (MIle),  c,  93,  94- 
Benoît  (le  Père),  c.,  163. 
Bergiron  de  Briou  (vz.  le  nom  sui- 
vant). 
Bergiron  du  Fort-Michon  (Nicolas) 

ac-  c-,  3,  4,  5,  6,  9,  H,  lS>  l6,  2° 
à  27,  33,  37,  38,  44,  45,  46,  52, 

63,  97,  98,  131,  132,  150,   lSh 
152,153,158,159,164,168,175. 

Bernard,  c,  153. 

Bernasconi,  c,  161. 

Bernier,   c,  20,  44,  50,    80,    131, 

149,  !53,  l62,  l63,  l64- 
Bernoulli,  145. 

Bertin,  c,  46,  52,  158. 

Bertin,  ch.,  124,  125. 

Berton  (ou  le  Berton,  le  Breton), 

c,  113,  123,  125,  133,  134,  135, 

137- 
Besançon,  65,  66y  127. 


Besson  (G.),  c,  165. 

Besson,  ch.,  83,  84. 

Bevol  (Marie),  vz.  Mme  Charpentier. 

Biolet  (Suzanne),  épouse  de  Pierre 

Leclair,  66. 
Blain,  225. 

Blainville,  c,  203,  204. 
Blamont   (Colin  de),  c,   97,    153, 

158. 
Blanchard,  c,  106,  153. 
Boccherini,  vl.,  127. 
Bodé,  c,  114. 
Boëry  {abbé),  11\. 
Boileau,  27,  171,  172. 
Boileau  (Mlle)  ch.,  137. 
BoisjeloUj  141. 
Boismortier,  c,  161,  165. 
Bollioud-Mermet,  ac,  xviii,  3,  17, 

18,  29,  32,  74,  99  à  104,   m, 

134,   140,   141,   172,   173,   174, 

175,   !76,   *77i   i79>   l8°,  l8l> 

183,  184,   190,   191,   193,   199, 

200,  202,  207  à  221,  224,  226, 

227. 
Bon  (Mlle),  ch.,  89. 
Bongard,  1.,  12. 
Bonnet  (MUe),  ch.,  121,  124. 
Bonnes  (Jacques),  191. 
Bononcini,  c,  46,  166. 
Bordeaux,   ii,  73,  106,  113,   120. 
Borde  (Charles),  ac,  21,  173,  178, 

184,  185,  186,  221,  225. 
Bordes,  ac,  9,  21,  22. 
Borjon  de  Sce//eryy  13. 
Bouchard  (£.),  66. 


TABLE  DES  NOMS  CITÉS 


Boulet,  ao,  150. 

Bourdelon  (abbé),  31. 

Bourg  (du),  ch.,  6$. 

Bourgeois,  c,  158,  168. 

Bournonville,  c,  153,  167. 

Bouzon  (abbé),  ac.  c.  30,  153,  155. 

Boy  de  la  Tour  (Mme),  12. 

Brac  de  la  Perrière ,  4,  132. 

Brèghot  du  Lut,  85. 

Brenet  (Michel),  xi,  xx,  6,   13,   15, 

3o>  31,  45»  48,  52,  8o,  89>  91, 
107,  112,  113,  114,  120. 

Breuil  (du),  ac.  c,  20,  46,  159. 

Brijon,  v.,  1 15,  1 16,  1 19,  125,226, 
227. 

Broche,  org.,  140. 

Brossette,  ac,  27,  28,  171,  186. 

Brossard,  c,  33,  162. 

Brotonne  (de),  v.  et  march.  de  m., 

93>  95- 

Brouchoud,  5. 

Brun  père,  v.,  119. 

Brun  fils,  corniste,  137.  vz.  Lebrun 

(Jean). 
Brunet  de  Molan,  c,  163. 
Brunswick    (musiciens    du    Prince 

héréditaire  de),  135. 
Bruyzet  de  Manévieux,  143. 
Burette,  188,  189. 
Burney,  88,  137,  226. 


Caen,  58. 
Caillo,  c,  93,  94. 


233 
Caix  (de),  c,  168. 
Calmont,  sym.,  119. 
Calvières,  c,  223. 
Campra,  c,    18,    19,  23,  33,    43, 

44,  45»   46,  47,    52,    93,    io7, 
113,   123,   125,   133,   149,   153, 

158,  162,  164,  167,  168. 
Cannabich,  c,  1 14. 
Capelle,  fl.  et  htb.,  119. 
Cardinal  (M,le),  ch.,  93,  94. 
Carminati  (Lorenzo),  v.,    88,    89, 

124,  126,  134,  137. 
Carminati  (fils),  v.,  89. 
Carretti  (J.  D.),  fact.  d'instr.,  226. 
Castan  (A.),  66. 
Castaud,  ch.  et  march.  de  m.,  93, 

94,  n8,  135- 
Castel  (le  Père),  196. 

Castil-Blaze,  138. 

Chabanon,  35. 

Chady  (Mlle),  ch.,  93,  118. 

Chambéry,  96. 

Chambon,  c,  34,  165. 

Chambord,  c,  161. 

Champmeslé  (M1Ie),  actr.,  191. 

Charpentier,  c,  158. 

Charpentier  (Mme),  ch.,   119,   125, 

126,  134. 
Charpentier,  vz.  Beauvarlet-Char- 

pentier. 
Charron,  org.,  141. 
Chartron  (MUe),  ch.,  93,  118,   124. 
Charville,  c,  98,  133,  158,  159. 
Chasse,  ch.,  183. 
Chaussonet,  ch.,  118. 

16 


TABLE  DES  NOMS  CITÉS 


234 

Cheinet  (Charles),  ac,  173,  174, 
175,  176,  186,  187,  194,  200  à 
205,  216. 

Chelleri,  c,  33,  44,  154,  162,  163. 

Chevalier  (MUe),  ch.,  183. 

ChifFeri,  sym.,  93,  97. 

Chinzer,  sym.,  87. 

Christin  (J.  P.),  ac,  3,  4,  6,   11, 

37>  38>  40,  46,  73,   I31!    IS°> 

158,  175,  180. 
Chupin  de  la  Guitonnière,  m.  de 

m.,  1 12,  1 18,  123. 
Chupin  de  la  Guitonnière   (Mme), 

m.  de  m.,  112,  115. 
Ciampi,  c,  183. 
Cirri,  c.,  114. 
Clapasson,  ac.,  173,  175,  178,  186, 

222,  223. 
Clavel  (M1Ie),  ch.,  93. 
Clementi,  cl.,  117. 
Clérambaut,c.,20,44, 154,158, 164. 
Clerici,  c,  33. 

Clermont-Ferrand,  36,  39,40. 
Clerual,  94. 

Coignet,  bibl.,  77,  150. 
Coignet    (Horace),    c,    ni,    133, 

137  et  suiv. 
Colasse,  c,  19,  44,  154,  158. 
Collesse  jeune,  org.,  140. 
Collesse,  ch.,  93,  95,  118,  124. 
Collesse,  fact.  d'orgues,  140. 
Collomb,  ac,  227. 
Collombet{F.  Z.),  138. 
Colonia  (le  P.  de),  xviii,  9,  27,  28, 

59,  178. 


Comi,  basson,  136,  137. 

Conti  (Prince  de),  112,  115,  135, 

136. 
Corelli,  c,  18,  33,  161,  165. 
Cossini,  c,  165. 
Couperin,  c,  101,  103,  165. 
Creiser,  sym.,  93,  97. 
Cremasqui,  mandoliniste,  135. 
Cuinier  ou  Cunier,  ch.,  93,  94. 


D 


Dandrieu,  c,  161. 

Daquifty  34,  84,  85. 

Dauvergne,  c,  108,  ni,  158. 

Davesne,  vl.,  107,  154. 

David,  m.  de  m.,  42,  43,  63,  98, 

138,  154,  !58>  l62>  l64- 
Debury,  c,  93,  108,  123,  126,  159. 

Deffand  (Mmc  du),  142. 

Degot,  ch.,  118. 

Delandine  (A.   F.),  xix,  86,   186, 

195,  196. 
Delaunay,  c,  154. 
Delisieux,  sym.  125.  (vz.  Dilesius  : 

ces  deux  noms  semblent  désigner 

le  même  symphoniste). 
Deloule,  v.,  93,  95,  119,  125. 
Déroche,  v.,  93,  1 19. 
Descartes,  202. 
Des  Marais,  c,  49. 
Desmarais    (Mme),    directrice     du 

Grand-Théâtre,  65. 
Desmarets,  c,  44,  45,  49,  97,  154, 

159,  168. 


TABLE  DES  NOMS  CITÉS 


Desmasures,  org.,  140,  154. 
Desormeaux,  ch.,  83,  84. 
Desormery,    ch.,    119,    120,    121, 

123. 
Després,  cl.  org.  et  pianiste,   136, 

r37>  Ho,  141,  142. 
Destouches,  c,  44,  46,   107,   123, 

ï$4j  159- 
Devers,   corniste,   119,    122,    125, 

126,  134. 
Dezède,  c,  133. 
Dietsch,  47. 
Dijon,  36,  47,  107. 
Dilesius,  corniste,  87,  88,  89,  119, 

(vz.  Delisieux). 
Donzelague,  cl.,  77,  93,  97. 
Dornel,  c,  165. 
Dornet,  c,  154. 
Drouart  de  Bousset,  c,  154. 
Drougeon,  ch.,  93,  94,  118,  121, 

124. 
Dubreuil  (ou  du  Breuil),  ac.  c,  20, 

46,  159. 
Ducoin,  v.,  119. 
Dugas  (le  Président),  47,  52. 
Dumas  (le  Père),  ac,    173,    174, 

175,   I77j   J94,   195,   !96>  2°°> 
205,  206,  207,  217,  218,  226. 

Dumas  (J.  B.),  xin,  xv,  3,  175. 

Dumey  (MUe),  ch.,  134. 

Dupin,  c,  154. 

Duport,  vl.,  135. 

Dupuy,  ch.,  134,  142. 

Dupuy  (M1Ie),  ch.,  137. 

Dutilleu  (J.  Ch.),  ac,  85. 


235 

Dutillieu  (Pierre),  c,  85. 
Duval,  ch.  et  vl.,   119,   133,   134, 

i36>  137- 


E 


Ecorcheville  (J.),  100. 

Eguillon  de  la  Chaux  (d'),  ac,  150. 

Estienne,  m.  de  m.,  47,  72,  82,  97, 

152,  154,  161. 
Estienne  (Pierre),  org.,  47. 


Fago,  c,  155. 

Falais  (abbé),  ac,  30. 

Fanton,  c,  136. 

Fargues,  ch.,  127. 

Fargues  (Mlle),  ch.,  120,  121,  124. 

Faure  (M1Ie),  c,  93. 

Fayard  (J.)>  4. 

Fel  (Mlle),  ch.,  14,  137,   143,   144, 

183. 
Fellon  (le  Père),  ac,  171,  186. 
Ferton  (M1Ie),  ch.,  134,  137,  139. 
Fessard,  ac,  20. 
Fessel,  h.,  109. 
Fétisi  80,  115,  119,  121,  140,  141, 

i75»  i77s  J95>  2°4>  225,  226. 
Fideli,  c,  155. 
Filtz,  c,  113,  1 14. 
Finger,  c,  165. 
Fiocco,  c,  136,  137. 
Fioco  (Antoine),  org.,  37. 
Fiore  (André),  c.  161. 


236 


TABLE  DES  NOMS  CITÉS 


Foinon,  sym.  119. 

Foisses,  h.,  138. 

Fontenay,  ch.,  83,  84. 

Fontenelle,  34. 

Fortis,  14. 

Fouquet,  sym.  125,  135. 

Fraenzel,  c,  1 14. 

Francœur,  c,  107,   1 1 1,   159,  161, 

165. 
Franklin,  195. 
François,  L,  13. 
Furin  (le  père),  ch.,   93,  94,    118, 

124. 
Furin  (le  fils),  bassoniste,  119. 


G 


Gacon,  41. 

Gaëtano,  v.,  134,  137. 
Garnier,  v.,  137. 
Garon  (abbé)  ac.  c,  30,  155. 
Gaumenil  (Mlle)  ch.,  65. 
Gautier,  c,  155. 
Geminiani,  c,  161. 
Genillon,  1.,  118. 
Genillon  (MUe),  c,  118. 
Gerberon,  sym.,  119. 
Gervais,  c,  44,  45,  159. 
Giannotti,  c,  165. 
Giay,  v.,  93,  95,  107,  119. 
Gilles,  c,  44,  71,  155. 
Gilli  (MUe  Rosette),  ch.,  137. 
Gillier,  c,  15,  159. 
Glatigny  (de),  ac,  172,   175,  187. 
221. 


Gluck,  c,  100,  109,  195. 
Godard,  c,  110,  113. 
Gossec,  c,  113,  114,  123. 
Gouget,  ch.,  83,  84. 
Gouirand  (A.)y  xx. 
Goutenoire,  1.  14. 
Grandon  (MUe),  ch.,  121,  124. 
Granier,  v.  113. 
Granier,  vl.,  93,  96,  133. 
Grenet,  m.  de  m.,  80  et  suiv.,  86, 
88,  89,   91,  97,   98,   118,    123, 

lSS,  !59- 
Grenier,  père  et  fils,  sym.  125. 

Grenoble,  96,  125. 

Grétry,  c,  134,  135. 

Grimm,  120. 

Grisard,  71. 

Grollier,  ac,  224. 

Gui,  c,  155. 

Guichard,  ch.,  119,  124. 

Guido,  c,  167. 

Guignon,  v.,  84,  85,  86,  102. 

Guillot,  vl.  93,  96,  118. 

Guillot  (Mlle),   ch.    118,  125,  126, 

137- 

H 

Haendel,  c,  109,  155. 

Haydn,  c,  136. 

Hainl  (F.-G.)y  xix. 

Halincourt  (marquis  d'),  41,  42. 

Hardouin,  c,  106,  155,  159. 

Hassel,  c,  1 14. 

Haydn,  c,  113,  1 14. 


TABLE  DES  NOMS  CITÉS 


Hébert  de  Quincy  (le  Père),  am., 

200. 
Hechtki,  c,  1 14. 
Hedelin,  ac,  150,  162,  163. 
Hennequin,  joueur  de  tympanon, 

138. 
Héricourt,  sym.,  87. 
Herluison,   127. 
Hode  (Mlle),  ch.,  118,  124. 
Hoffmann,  c.,  114. 
Holzbauer,  c,  113,  114. 
Hohtein  (P.),  xix. 
Honns,  sym.  93,  97. 
Hotteterre,  1.  13. 
Houdar  de  la  Motte,  38,  39. 
Huguenet,  c.,  161. 
Huguenot  (Marguerite),  ch.  67,  74. 
Hullot    (Gabrielle  et  Angélique), 

ch.,  81. 
Hus  fils,  cl.,  137. 


I 


Imbert,  1.  24. 

Imbert-Colomès,  ac,  117. 

Iso,  vz.,  Yzo. 

Itasse,  ch.,    119,    120,    121,    123, 

126,  133,  134,. 
Itasse   (Mme),  ch.,    119,    120,  125, 

126,  134. 

J 

Jacquet  (Mlle),  ch.,  83,  84. 
Jacquier  (le  Père),  org.  37. 


^37 

Jambe-de-fer  (Ph.),  1 1 . 
Jéliotte,  ch.,  183. 
Joannon  de  S*  Laurent,  ac,  61,  62, 

*73*  i75>  178,  194- 
Joannot,  sym.,  125. 

Jobert.  v.,  119,  134. 

Joli,  v.  135. 

Jomelli,  c,  161. 

Jonvaux  (Mlle),  ch.,  127. 

K 

Kauts  ou  Kautz,  v.,  133,  137. 
Kautz,  clar.,  137. 
Kircher  (le  Père),  191. 
Koaull  (Kohault?),  c,  137. 


La  Barre  (de),  c,  165. 

La  Borde  (J.  B.  de),  c,   135,  141, 

H3»  :59»  226- 
Lacombe  (M1Ie),  ch.,  121,  134. 

Lacoste,  c.  45. 

La  Croix  (abbé  de),  ac.  c,  30,  44, 

5°»  l5S>  J59»  l63- 
La  Frasse  de  Sury  (de),  am.    1 10, 

1 1 1. 
La  Garde  (de),  c,  108,  113, 123, 159, 
La  Guittonnière  (de),  vz.  Chupin. 
Laisné,  ac.  28. 
Lajarte  (de),  80. 
La  Lande,  c,  31,  32,  44,  47,  84, 

97,  100,  101,  106,  112,  123,  125, 

133»  H9»  lSS>  lS9>  l88»  223- 


238 


TABLE  DES  NOMS  CITÉS 


La  Laurencie  (Lionel  de),  xi,  xx,  3 1 , 

33,  35,  S2,  65,  91,  94,  "5.  12°- 
Lalouette,  c,  97,  156,  167. 

Ltf/cry  (Louis) ,  35. 

Lambert  fils,  1.,  13. 

Lambert,  ch.,  124. 

Lantin  de  Damerey,  30. 

La  Touche,  c,  ^3,  l63- 

Latour,  guitariste,  119. 

Latour,  (Mmo),  h.,  138. 

Laubreau,c,  156  (vz.  les  Lobreau). 

Lauras,  ch.,  134. 

La  Valette  (de)  ac.  27. 

Lavocat,  c,  156. 

Laï>oix  (H.),  13. 

le  Berton,  vz.  Berton. 

Le  Blanc  (H.),  11,  12,  74. 

Le  Breton,  vz.  Berton. 

Lebrun,  sym.  125,  134,  135. 

Lebrun  (Jean)  corniste,  135,137  (?) 

Le  cerf  de  la  Vièville,  10,  17,  18. 

Leclair  (Antoine-Remi),  65. 

Leclair  (Antoine,  le  père),  sym.  87, 

93,  96,  98. 
Leclair  (J.  M.    l'aîné),   v.   6  s,   86, 

87,  159,  165. 
Leclair    (J.   M.  le    second),  v.   6$ 

et  suiv.,  80,   87,  88,  93,  95,  98, 

119,  I23,  J33<  l59- 
Leclair  (Pierre)  v.  66,  87,  93,  95, 

1 19. 

Le  Clair,  vz.  Leclair. 

Le  Clerc,  vz.  Leclair. 

Leclerc,  vz.  Leclair. 

Lefebvre  (Léon),  xx,  31. 


Lefebvre,  c,  113,  123. 

Légal  de  Furcy,  c,  136. 

Le  Gay,  directeur   de    l'Opéra  de 

Lyon,  19. 
Le  Goux  (les  frères,  André-Louis 

et  Claude  Marie),  marchands  de 

m.,  113,  114. 
Le  Goux  (André-Louis),  m.  de  m., 

91  et  suiv.  121. 
Le   Goux  (Claude-Marie),    m.  de 

m-,  92,93,95,  I2I>  :33- 
Le  Goux  (Claude),  m.  de  m.,  95. 

Le  Maire,  c,  1 12. 

Le  Maître,  m.  de  m.,   138. 

Leone,  mandol.  135. 

Leoni,  cl.,  226. 

Lepry  (M1Ie),  ch.,  88. 

Leroy,  127. 

Lestoublon,  copiste,  43. 

Le  Tellier,  ch.,  137. 

Le  Tourneur  (Etienne),  org.,   37. 

Levens,  c,  106,  156. 

L'Hospital  (MUe),  c,  93,  94. 

Lille,  31,  40. 

Lissieux,  1.,  13. 

Lobreau     (Mme),     directrice      du 

Grand-Théâtre,  1 1 6. 
Lobreau  (Chrétien),  107. 
Lobereau  (abbé  Michel),  m.  de  m., 

94. 
Lobreau,  ch.,   93,    94,    125,    133, 

134,  I36,  137- 
Lobreau  (Jean,  Gabriel  et  quelques 

autres  indéterminés),  94. 

Lobstein,  71. 


TABLE  DES  NOMS  CITÉS 


Lochon,  c,  167. 

Lœillet,  c,  165. 

Loiseau,  v.,  93,  96,  119. 

Longin,  171. 

Lorraine  (Charles,  prince  de),     87, 

t38. 
Lotti,  c.,  33,  156,  162,  164. 
Lubert  (P»),  3. 
Lully  (J.  B.  de),c,   13,  18,  19,  23, 

33,  43>  44>  47i  77,  83,  98,  100, 
101,  107,  113,  149,  156,  159,163, 
164,  165,  168,  182,205,223. 
Lully  (les  frères  de),  160. 
Lully  (les  fils  de),  c.,  45,  160. 
Lully  (Louis),  c,  19. 

M 

Macrobe,  183,  189. 

Madin  (abbé),  c.,  106,  112,  156. 

Maëlzel,  224. 

Mallet,  c.,  156. 

Manchini,  c.,  156. 

Mancini,  c.,  168. 

Manfredi,  v.,  127. 

Mangean,  c.,  95,  165. 

Mangot    (Jacques   Simon),   vz.   le 

suivant. 
Mangot,  m.  de  m.,  91,  92,  97. 
Mangot  (Marie-Louise),  91. 
Manna,  c,  161. 
Manssa  (du),  c,  46,  166. 
Marais  (Marin),  c,  34,  101,  160, 

165,  168. 
Marais  (Mathieu),  6,  41. 


239 

Marbre,  sym.,  1 19. 

Marignan  (de),  comédien,  81,  91, 

96. 
Marin,  c,  160. 
Marius,  1.,  209,  210. 
Marmini,  bassoniste,  87. 
Marseille,  73,  106,  108,  113. 
Masciti,  c,  33,  34,  166. 
Masson,  203. 
Mathieu,  vz.,  Bellouard. 
Matho,  c,  44,  160. 
Mathon  de  la  Cour  (Jacques),  ac, 

173,  178,    179,    189,    193,    194, 

196  à  200. 
Mathon  de  la  Cour(Charles  Joseph), 

ac,  175,  180,  227. 
Maubert,  c,  166. 
Maubrun  (Mme),  vz.,  Montbrun. 
Meibomius,  189. 
Melani,  c,  46,  156,  166. 
Mercier,  sym.,  138. 
Mesplet  (MUe),  ch.  124. 
Métastase,  222. 
Meunier,  ch.,  124. 
Michel,  c,  156. 
Michel,  ch.,  127. 

Michel  (Mlle),  ch.,  121,   124,   126. 
Micot,  1.,  225. 
Modène  (duc  de),  87. 
Moine  (les  frères),  sym.,  119. 
Mondonville,  v.  et  c.  84,  85,  86, 

97,  102,  106,  108,  ni,  123,  133, 

137,  156    160,  183. 
Montdorge  (Gauthier  de),ac,  175. 
Monsigny,  c,  122,  133,  134. 


TABLE  DES  NOMS  CITÉS 


240 

Montazet  (Mgr),  arch.  de  Lyon, 

134- 
Montbrun  (Mme  de),  ch.,  127,  134. 

Montéclair,   c,  44,   45,    107,  133, 

160,  164,  166,  168. 
Montpellier,  127. 
Montsabert,  ac,  226. 
Montucla,  ac,  182,  183. 
Monvallon  (de),  216. 
Monville  (Mlle),  ch.,  65. 
Monze,  c,  137. 
Morambert,  226. 
Moreau,  c,  156,  168. 
Morel  de    Voleine,    29,    no,    m, 

136. 
Morin,  c,  20,  33,    160,  163,    164, 

167. 
Morin-Pons  (H.),  20,  28. 
Morlet  (Jacques),  facteur  d'orgues, 

36. 
Mouret,  c,  45,  107,  ni,  160. 
Moyria  (G.  de),  100. 
Mozart  (W.  A.),  c,  126. 
Mozart  (le  père  et  Anne),  126. 


N 

Nantes,  120. 

Naudot,  c,  166. 

Néman,  c,  1 14. 

Nicolas,  ch.,  121,  124. 

Nicoli  (M1Ie),  ch.,  134. 

Niel,  c,  160. 

Noverre,  maître  de  ballets,  96. 


o 

Olivier,  c,  136,  156. 

Olivier  (Mlle),  ch.,  134,  137,  142. 

Olivier,  ac,  174,  175,  222. 

Olympe,  c,  99. 

Orléans,  127. 

Orléans  (Philippe  d'),  c,  154. 

Orléans  (duc  d'),  137. 


Palais  (Suzanne),  ch.,  63,  64. 

Paquet,  v.,  137. 

Parran  (le  Père),  203. 

Pellegrin,  c,  44,  156. 

Pelletier  (Mlle),  ch.,  134. 

Peré,  ch.,  134,  137. 

Pergolèse,  c,  139,  156. 

Pernetti,  3. 

Perret,  vz.  Peré. 

Perrichon     (Camille),    prévôt   des 

marchands,  43. 
Perrin  (Mlle),  ch.,  134. 
Perrot,  bassoniste,  119. 
Pesé  (Mlle),  ch.,  137. 
Petit,  fl.  et  htb.,  93,  96,  1 19. 
Petouille,  c,  97,  156. 
Pfeiffer,  c,  114. 

Philidor,  c,  133,  134,  137,  166. 
Phillippe,  c,  93,  94,  118. 
Piccini,  c,  114 
Pietra  Santa  (F.),  arch.  59. 
Pinet,  ch.,  83,  84. 
Pipereau,  c,  156. 


TABLE  DES  NOMS  CITÉS 


Pitoni,  c,  157. 

Planton,  C,  157. 

Platon,  99. 

Pluche,  34. 

Plutarque,  189. 

Poidebard  (W.),  47. 

Polavoli,  c,  33,  162,  163. 

Pons,  vz.  Saint-Pons. 

Pontlaville,  ch.,  137. 

Pougin  {A.),  81. 

Poulletier  de   Nainville,   intendant 

de  Lyon,  47  à  52. 
Poulletier  de  Nainville  (Mme),  47 

à  51. 
Prin    (J.B.),  joueur  de  trompette 

marine,  13,  14,  151,  167. 
Provençal,  c,  166. 
Prunier,  c.,  166. 


Q 


Quinault,  17. 


R 


Racine  {Jean),  191. 

Racine  (Loui),  172. 

Rainé,  ch.,  1 19,  124. 

Rameau  (J.  Ph.),  c,  34,  35  à  41,  42, 
46,  95,  103,  107,  108,111,  114, 
120,  123,  125,  126,  131,  133, 
136,  157,  160,  163,  173,  178, 
182,  183,  191,  193,194  à2i8. 

Rebel,  c,  107,  ni,  161,  166. 

Regnauld  (de),  ac,  172,  175,  187. 


241 

Reims,  106,  107. 
Renaud  (MUe),  ch.,  134. 
Renier,  c,  166. 
Renoult,  c,  157. 
Reuchsel  (Maurice),  xix. 
Richter,  c,  114. 
Rippert,  c,  166. 
Roche,  sym.,  125. 
Rodolphe,  corniste,  135. 
Roefer,  c,  1 14. 

Roland  de  la  Platière,  ac,  226. 
Rolland  (Romain),  100. 
Rosenmuller,  c,  18. 
Roset  (Mlle)  ch.,  93. 
Rotschild  (H.  de),  12. 
Rousseau  (J.B.),  27,  95. 
Rousseau  (JJ.)>    10,    12,  42,  43, 
102,  124,  133,  136,  138  et  suiv. 

I73>  178,   i79>   l82>  2°4>  221, 

222. 
Rousset,  fl.  et  htb.,  93,  96,  119. 
Roussier,  (abbé),  m.  de  m.,  96,  226. 
Royer,  c,  m,  123,  161. 
Rucker,  sym.,  87. 
Rukers,  facteur  d'instr.,  141. 
Ruolz  (de),  ac,  208. 


Sabatini,  c,  161. 

Sacchini,  c,  100. 

Saint-Fonds,  47,  52. 

Saint  Marcel  (MUe  de),  ch.,  125. 

Saint-Pons,  ch.,  123,  124. 

Saiz  (Angelica),  ch.,  87. 


TABLE  DES  NOMS  CITÉS 


242 

Salles  (Antoine),  138. 

Salomon,  c,  44,  45,  157,  161. 

Sambat,  vl.,  93,  96,  119,  125. 

Sarrau,  ac,  11,  73. 

Sarti,  c,  1 14. 

Sauge,  sym.,  93,  97,  119. 

Savioli,  c,  162. 

Savioni,  c,  162,  167. 

Scarlatti,  c,  33,  46,  157,  162,  164, 

166,  167,  168. 
Schewindl,  c,  114. 
Schmid,  sym.,  124. 
Schobert,  c,  134. 
Selim  (MUe),  ch.,  80,  82,  83,  86, 

87,  88,  89,  93,  94. 
Senaillé,  c,  18,  34,  10 1,  166. 
Seraillac,  1.,  14. 
Serré  de  Rieux,  34. 
Serrière,  v.,  125,  126,  134,  137. 
Siberman,  c.  am.,  112. 
Sicard,  c,  162. 
Sosonnet,  ch.,  124. 
Soubise   (musique   des  volontaires 

de),  126. 
Soubry,  ac,  88,  143,  145. 
SoufHot,  ac,  175. 
Soumille  (abbé),  11^. 
Stabingher,  c  fl.  et  clar.,  136,  137. 
Stamitz,  c,  113,  114,  123. 
Stephan,  1 14. 
Stradella,  c,  157. 
Strasbourg,  13,  71,  120. 
Stuck  (J.  B.)  dit  Batistin,  c,  20, 

157,  164,  168. 
Stumpff,  c,  1 14. 


Suffré,  c,  167. 
Suin,  ch.,  134,135- 


Tanguy  Frémont,  vl.,  119,  134. 

Tauseani,  sym.,  125,  136. 

Thorel  de  Campigneulles,  ac,  175, 

225. 
Tiersot  (Julien),  40,  109. 
Tilliaire,  sym.,  119. 
Tillière,  vl.,  119. 
Toeschi,  c,  1 14. 
Tolomas  (le  Père),  ac,  174,  175, 

178,  188,  190,  191. 
Torlez,  c,  133. 
Torry,  c,  157. 
Touchain,  c,  89,  90. 
Touchemolin,  c,  114. 
Toulouse,  106. 
Tournon,  124. 
Toutain,  c,  107,  157. 
Touvoix,  ch.,  125. 
Trial,  c,  112,  123,  135. 
Tribuot  (Julien),  facteur  d'orgues, 

Tticou  (Georges),  xi,  11,  6$. 
Tulou  (Mlle),  ch.  65. 


Valdahon  (Mme)  ch.,  119. 
Valenti,  virtuose,  135. 
Valentini,  cl.,  141. 
Valentini,  c,  162. 


TABLE  DES  NOMS  CITÉS 


Valernod  (abbé),  ac,  174,  175,  224, 

225. 
Valette  de  Montigny,  c,  33,  157, 

162,  163. 
Vallencier,  c,  93. 
Vanier  ou  Vannier  (M1Ie)  ch.,  125, 

126,  134. 
Van  Malder,  c,  114. 
Vaudot,  c.,  166. 
Vestri,  sym.,  87. 
Veyron  (MUe)  ch.,  125. 
Vidal,  ch.,  124. 
Viller,  ch.,  93. 
Villeroy  (Duc  de),  gouverneur  de 

Lyon,  xiv,  20  et  suiv.,  27,  29, 

41,49)  5°,  52,  S3>  70,71,  77- 
Villeroy  (Duc  de),  gouverneur  de 

Lyon,  78,  80. 
Villeroy   (François-Paul  de  Neuf- 
ville  de),  archevêque  de  Lyon, 
ac.  c,  12,  29  et  suiv.,  44,  50,  51, 
52,63,64,70,  71,  77,  151,152, 

157. 
Villeroy  (la  famille),  1 1 7. 


243 
Villesavoye  (Paul),   m.   de  m.,  42, 

63,  64,  71,  152,  157,  161. 
Villiers,  ch.,  6^. 
Vingtrinier  (E.)t  xix. 

Vivaldi,  c,  33,  162. 
Voltaire,  142,  181,  202. 

w 

Warin,  ch.,   119,   120,   121,    123, 

124,  125,  126,  134. 
Weidner,  c,  157. 
ÎVotquenne,  195. 
Wrier  (MUe),  ch.,  120. 


Yzo,  c,  112,  159. 


Zannetti  (F.),  c,  136. 
Ziani,  c,  33,  163. 
Zoûeschi,  113. 


ACHEVÉ  D'IMPRIMER  LE  DIX  HUIT 
NOVEMBRE  MIL  NEUF  CENT  HUIT 
PAR  LA  "ST.  CATHERINE  PRESS  LTD." 
(ED.  VERBEKE  &  CO.)  CANAL,  PORTE 
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